| HARANGUE, subst. fém. Discours solennel fait devant une personne d'un rang ou d'une dignité élevés, une assemblée ou une foule. Prononcer une harangue; une belle harangue; harangue militaire, politique. Cette allusion à la harangue de l'académicien reçu, qui, en dissertant des Césars, avait surtout critiqué Napoléon, fit sourire sa majesté (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 176).Pujol, chef de section aux ateliers nationaux, (...) donna le signal du soulèvement par une harangue aux ouvriers sur la place de la Bastille (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 192).L'héritage des prophètes, ce sont des recueils de harangues, directes ou allégoriques, véhémentes, sévères, attendries, consolantes (Weill, Judaïsme,1931, p. 120) :1. Le peuple revoit en lui [Caïus] Tibérius, mais plus véhément, plus passionné. Sa pantomime était vive et animée, il se promenait par toute la tribune aux harangues. Sa voix puissante emplissait tout le forum, et il était obligé d'avoir derrière lui un joueur de flûte qui la ramenait au ton et en modérait les éclats.
Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 139. SYNT. Écouter, lire, préparer, terminer une harangue; une brève, une pathétique harangue; harangue éloquente, officielle, pompeuse, solennelle, violente; harangue d'un ambassadeur, d'un chef militaire, d'un député, d'un magistrat, d'un maire, d'un sénateur; harangues de Cicéron, de Démosthène. − P. ext. Discours fait selon des règles, selon un protocole et dont on attend un résultat. Deux Indiens qui paraissaient avoir quelque autorité sur les autres, s'avancèrent; ils me firent très-gravement une assez longue harangue dont je ne compris pas un mot (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 121).Le tabellion s'avançait au trot de sa bête et repassait dans son esprit la harangue qu'il allait débiter à M. Levrault (Sandeau, Sacs,1851, p. 22) : 2. ... je suis à vos ordres, moi, et mon esprit, et ma science, et mes lettres, prêt à vivre avec vous, damoiselle, comme il vous plaira, chastement ou joyeusement, mari et femme, si vous le trouvez bon, frère et sœur, si vous le trouvez mieux. Gringoire se tut, attendant l'effet de sa harangue sur la jeune fille. Elle avait les yeux fixés à terre.
Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 122. ♦ Péj., cour. Discours ennuyeux. Une creuse, fastidieuse interminable, sotte harangue. Quand aura-t-il fini sa harangue? (Littré). Monsieur, trêve à tant d'insistance (...) d'absurdes on-dit vous ont mal avisé, veuillez donc m'épargner d'inutiles harangues (Courteline, Conv. Alceste,1905, II, p. 30) : 3. J'en arrive, après avoir terminé ces volumes, à ne même plus me rappeler les incontinentes descriptions, les insipides harangues qu'ils renferment; il ne me reste que la surprise de penser qu'un homme a pu écrire trois ou quatre cents pages, alors qu'il n'avait absolument rien à nous révéler, rien à nous dire.
Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 9. REM. Haranguerie, subst. fém.Mauvaise harangue. Les armes de Satan c'est la criaillerie, (...) Et l'avocasserie et la haranguerie (Péguy, Tapisserie Ste Geneviève et J. d'Arc,1913, p. 87). Prononc. et Orth. : [aʀ
ɑ
̃:g] avec init. asp. Fér. 1787 ,,La harangue (...), et non pas l'harangue``. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1461 harangue (Villon, Requête au Prince ds Lais Villon, éd. J. Rychner et A. Henry, p. 51, 38). Empr. à l'ital.ar(r)inga « discours public » (attesté dep. le xiiies., B. Latini ds Batt.; également à l'orig. de l'a. prov. arengua et du cat. arenga « id. », tous deux attestés ca 1300, v. FEW t. 16, p. 246b et Cor., s.v. arenga) prob. formé sur ar(r)ingo « arène » (dep. mil. xiiies., Novellino ds Batt.), aussi « place publique; lieu de rassemblement » (cf. lat. médiév. arengum attesté en 1328 à Padoue ds Du Cange), lui-même issu, avec a intercalé, du got. *hriggs (prononcé *hrings) correspondant à l'a.b.frq. *hring « cercle, anneau » (cf. rang; v. FEW t. 16, p. 246). Bien que dans cette hyp. le h initial du mot fr. fasse difficulté (Bl.-W.4-5l'explique par le fait que l'a.prov. connaissait arengua, et que l'anal. de nombreux mots qui ont un h en fr. en regard des formes prov. sans h aurait pu faire apparaître cette initiale en fr.), on ne peut admettre un empr. à l'a.b.frq. *hari-hring « rassemblement de la foule, de l'armée » (EWFS1-2) car, en raison de l'ancienneté et de la polysémie du mot en italien, celui-ci est sans aucun doute à l'orig. du terme dans les autres lang. romanes. Fréq. abs. littér. : 227. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 637, b) 333; xxes. : a) 190, b) 127. |