| HAINE, subst. fém. A. − Sentiment de profonde antipathie à l'égard de quelqu'un, conduisant parfois à souhaiter l'abaissement ou la mort de celui-ci. Synon. exécration, ressentiment; anton. amour.Une haine invisible (...) m'enveloppe (Dumas père, Mllede Belle-Isle,1839, III, 3, p. 62).Je vais enfin dire ma manière de penser, exhaler mon ressentiment, vomir ma haine, expectorer mon fiel, éjaculer ma colère, déterger mon indignation (Flaub., Corresp.,1872, p. 57).J'ai voulu vivre ainsi sans amour et sans haine (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 85).Amour engendre haine (Alain, Propos,1921, p. 339).Le silence était insupportable. La haine y montait. Une haine qui avait ses profondes racines dans le passé de l'enfance (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 372) : 1. ... il faisait un circuit éternel, de la haine à l'amour, de l'amour à la haine : tantôt, enragé d'en finir, de porter au vif le couteau, jusqu'au fond même de sa passion, et l'instant d'après, espérant un temps moins orageux, et plus pur.
Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 271. − Loc. verb. ♦ Être un/l'objet de (la) haine. Inspirer de la haine (à quelqu'un). Le courage du désespoir me rendit redoutable, mais je fus un objet de haine (Balzac, Lys,1836, p. 9). ♦ Avoir/prendre qqn en haine. Haïr. Il y en avait un surtout, nommé Laurent Dupuy, qu'elle avait en grande haine (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 151). − Au plur. Tu n'excitais ici que des haines, des jalousies (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 656) : 2. ... un homme trop fin pour la classe où le hasard l'a fait naître est d'abord simplement jaloux et malheureux. Mû par ces sentiments, il construit ensuite une critique véhémente de la société pour expliquer ses déboires et ses haines.
Maurois, Silences Bramble,1918, p. 191. 1. [Avec un compl. déterminatif désignant la pers. ou la collectivité qui hait] La haine de l'Autriche contre le roi de Sardaigne ira toujours croissant (Las Cases, Mémor., Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 362).On disait qu'il avait soulevé la haine de l'Allemagne contre nous (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 72).La haine de François Guillerm ne désarmait point. Il haussait les épaules de l'engouement de ses compatriotes pour Thomas (Queffélec, Recteur,1944, p. 163) : 3. ... on peut être de son avis [Brunetière] quand il trouve puériles certaines manifestations de la haine de Flaubert contre les bourgeois; mais, quand il ajoute que rien précisément n'est plus bourgeois que cette haine des bourgeois, et cela pour se donner le plaisir de traiter Flaubert de bourgeois, je ne puis voir là qu'un jeu d'esprit indigne d'un esprit aussi sérieux.
Lemaitre, Contemp.,1885, p. 228. 2. [Avec un compl. déterminatif désignant la pers. haïe] Haine contre, de, pour qqn.On transforme la haine contre ses bourreaux en pitié pour ses frères d'esclavage, en patience pour ses compagnons de Lazaret (Amiel, Journal,1866, p. 187).Il (...) sentait naître en lui une haine mordante contre cette femme insolente, debout devant lui (Maupass., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 597).La haine du bourgeois est un phénomène romantique, excessif, comme tous les phénomènes romantiques, mais très sain (Faure, Hist. art,1921, p. 175) : 4. Nous avons de l'amour pour une ou deux femmes, de l'amitié pour deux ou trois amis, de la haine pour un seul ennemi, de la pitié pour quelques pauvres; et le reste des hommes nous est indifférent.
Renard, Journal,1901, p. 626. SYNT. a) Haine + adj. qualificatif : une/la haine ardente, aveugle, cordiale, déclarée, enracinée, éternelle, farouche, féroce, furieuse, immortelle, implacable, invétérée, irréconciliable, jurée, mortelle, personnelle, profonde, sanglante, satisfaite, secrète, sourde, tenace, violente. Haine + adj. de relation : haine (anti)religieuse, nationale, patriotique, raciale, universelle. b) Subst. + de + haine : accent, cri, éclair, expression, frisson, geste, mouvement, regard de haine; élan, ferment, fond, motif, sentiment de haine. Subst. et/ou haine : amertume, amour, colère, dégoût, désir, envie, horreur, indifférence, jalousie, mépris, rancune, répulsion, ressentiment, vengeance et/ou haine. c) Verbe + haine : déborder de haine, éprouver de la haine contre, vouer une haine + adj.; attirer, déchaîner, exciter, rallumer, s'attirer la/une haine. B. − Sentiment de profonde aversion pour quelque chose. Synon. horreur, répulsion.Haine contre, de, pour qqc.Maurice (...) avait une haine grandissante contre son métier de soldat, qui le parquait à l'abri du Mont-Valérien, oisif et inutile (Zola, Débâcle,1892, p. 575).Les socialistes parlementaires (...) n'ont qu'une seule passion : la haine pour la violence (Sorel, Réflex. violence,1908, p. 141).Grâce à Bertrand, obsédé par la haine de l'alcoolisme, (...) notre escouade est une de celles qui sont le moins viciées par le vin et la gniole (Barbusse, Feu,1916, p. 200) : 5. Si mon vers est trop cru, si sa bouche est sans frein,
C'est qu'il sonne aujourd'hui dans un siècle d'airain.
Le cynisme des mœurs doit salir la parole,
Et la haine du mal enfante l'hyperbole.
Barbier, Ïambes,1840, p. 12. − Loc. verb. Avoir/prendre qqc. en haine. Au cours d'un petit séjour à Gérardmer l'année précédente, j'avais pris les hôtels en haine (Gyp, Souv. pte fille,1928, p. 47). C. − Loc. prép. 1. En haine de (vieilli). À cause de la haine qu'on éprouve pour quelqu'un/quelque chose. Bête; et intelligent de façon forcenée, soudain, comme en haine de sa bêtise (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-1936, p. 17).Les Espagnols préférèrent aider les révoltés en haine de la Révolution (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 322) : 6. Les livres que tu as écrits, en haine de moi, sont incompréhensibles pour les barbares, qui te considèrent d'un œil méfiant; mais moi, que tu hais, je me glorifie de toi, mauvais garçon, parce que tu rends témoignage à mon génie et que tu me fais honneur.
Mauriac, Journal 2,1937, p. 147. 2. Par haine de. Même sens. Roxelane, par haine de Hasséki, les fit tuer l'un et l'autre [deux fils], et leur mère en mourut de désespoir (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 158). Prononc. et Orth. : [εn] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 haïne « malveillance profonde pour une personne, aversion profonde pour quelque chose » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 2238); 2. 1660 en haine de (Corneille, Examen de Rodogune ds
Œuvres complètes, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 4, p. 419). Dér. de haïr; suff. -ine, ou peut-être du lat. pop. *hatina « haine », dér. du rad. germ. hat- (de *hatjan; s.v. haïr); suff. -ina (s.v. -ine). Fréq. abs. littér. : 6 069. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 383, b) 3 851; xxes. : a) 8 078, b) 8 202. |