| * Dans l'article "HABITUDE,, subst. fém." HABITUDE, subst. fém. I. − Vx. Conformation d'un être humain, d'un animal ou d'un végétal. Synon. complexion.Habitudes physiques. Alors, examinant de nouveau le cadavre, il reconnut les longues mains, les cheveux rares, et toute l'habitude du corps de l'infortuné (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 519) : 1. Les anciens (...) avaient remarqué qu'à telles apparences extérieures, c'est-à-dire, à telle physionomie, taille, proportion des membres, couleur de la peau, habitude du corps, état des vaisseaux sanguins, correspondaient assez constamment telles dispositions de l'esprit...
Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 38. II. A. − Manière usuelle d'être, de sentir ou de faire. La mère, la tante et Mariotte s'entendaient (...) pour fêter Calyste quand il dînait au logis. La pauvreté bretonne, armée des souvenirs et des habitudes de l'enfance essayait de lutter avec la civilisation parisienne (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 119).Je ne dirai pas (...) que le peintre les ait mal vus [les portraits de Rubens]; mais je croirais qu'il les a regardés à la légère, par l'épiderme, peut-être à travers des habitudes, sans doute à travers une formule (Fromentin, Maîtres autrefois,1876, p. 107).Cette distinction [entre les sons et les lettres] a abouti pratiquement à la naissance d'alphabets phonétiques, c'est-à-dire à une représentation directe des sons, indépendante des habitudes orthographiques (Traité sociol.,1968, p. 266) : 2. ... nous pouvons prendre l'habitude de la prière, la prière devient une habitude − une chère − la plus chère de nos habitudes.
Bernanos, Crime,1935, p. 760. − Loc. adv. ♦ D'habitude. De manière courante, ordinairement. Nous allons chez les marchands où je me fournis d'habitude (Fiévée, Dot Suzette,1798, p. 123).Voilà l'heure d'aller à la soupe. Je te verrai ce soir comme d'habitude? − Si tu veux (Aymé, Jument,1933, p. 106) : 3. − Est-ce que ce n'est pas par défi, par orgueil, par complaisance à moi-même que je m'entête? − C'est drôle que vous ayez ce genre de scrupules, dis-je. D'habitude vous ne vous méfiez pas de vous. − Je me méfie aussi de mes habitudes!
Beauvoir, Mandarins,1954, p. 194. ♦ Par habitude. Sans réfléchir, machinalement. On répète encore longtemps, par habitude, ce que l'on ne croit plus (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 306).C'est vrai que Basilida était sa cousine; mais plus jeune qu'elle de quatre ou cinq ans, il la respectait, un peu par habitude (Toulet, J. fille verte,1918, p. 7). 1. [En parlant d'une collectivité] Façon quasi-permanente de se comporter, de réagir à des événements. Synon. coutume.Conserver, perdre une habitude; renoncer aux habitudes; rompre les habitudes; contraire aux habitudes; habitudes de mœurs, de langage; habitudes et opinions; mœurs et habitudes. Il n'y a point de défaut, point de qualité, point d'habitude en France qui n'ait sa parodie. La passion de la chasse est parodiée à Paris (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 185).Les parentés, les relations de famille, les habitudes de société, les convenances de voisinage et de fortune (Lamart., Nouv. Conf.,1851, p. 22).Les chiffres [poids moyen des carcasses abattues] doivent être interprétés en tenant compte des goûts et des habitudes alimentaires propres à chaque pays (Wolkowitsch, Élev.,1966, p. 21) : 4. ... si la parole est l'expression de la pensée d'un homme, une langue entière est l'expression des pensées d'un peuple, qui sont ses lois, ses coutumes, ses habitudes.
Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 265. − P. anal. Les qualités qui consacrent le vrai chasseur : connaissance des habitudes du gibier, endurance, persévérance, adresse en toutes circonstances, réflexes prompts (Vidron, Chasse,1945, p. 6). 2. [En parlant d'un individu] a) Façon permanente, fréquente, régulière ou attendue, d'agir, de sentir ou de se comporter, acquise volontairement ou non. Il faut que je vous prévienne des habitudes de Madame : elle ne boit que du vin (Goncourt, Journal,1860, p. 773).Il faudrait quitter votre existence, votre maison, vos habitudes, tout, tout! Hors de là, il n'y a pas de remède, d'espoir (Flaub., Corresp.,1861, p. 412).C'est, il faut bien le dire, la funeste habitude que la plupart des femmes ont de trop serrer leurs corsets (Holtzem, Bases art chant,1865, p. 142).Non, décidément, rien n'est changé et cela est bon. Le changement m'irrite, j'aime mes habitudes! (Camus, État de siège,1948, p. 204) : 5. ... le déjeuner était, pour tout le monde, une heure plus tôt. Et ma tante avait si bien pris l'habitude de cette dérogation hebdomadaire à ses habitudes, qu'elle tenait à cette habitude-là autant qu'aux autres.
Proust, Swann,1913, p. 110. ♦ Mauvaises habitudes. Comportement contraire aux règles morales en vigueur. Si je restais, ma femme croirait que je prends de mauvaises habitudes; elle serait inquiète (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 197).P. euphém. Onanisme : 6. On dit d'un petit garçon qu'il « a de mauvaises habitudes ». On devrait lui apprendre qu'il n'en existe pas de bonne. L'habitude! L'habitude qui nous endort dans la roue morte de l'infortune...
Cocteau, Foyer artistes,1947, p. 114. ♦ Être, homme d'habitude(s). Être, homme dont la vie est réglée par des actes qui se répètent. Il était devenu un être d'habitude et craignait le nouveau (Estaunié, Simple,1891, p. 46) : 7. ... M. Dubois tenait par son éducation à la vieille société française. On le disait égoïste et parcimonieux (...). C'était un homme d'habitudes, qui aimait la simplicité, la pratiquait, s'en faisait à la fois un agrément et une vertu.
A. France, Vie fleur,1922, p. 339. ♦ Avoir des habitudes. Avoir une vie réglée par des actes qui se répètent. Le cher enfant avait déjà des habitudes, des manies, comme un vieux garçon (Mauriac, Baiser lépreux,1922, p. 160). ♦ Ça devient une habitude (en parlant d'un acte ou d'un fait qui se répète un peu trop souvent). ♦ DR. PÉNAL. Délit d'habitude. ,,Infraction caractérisée par une répétition habituelle de l'acte`` (Barr. 1974). ♦ THÉOL. Péché d'habitude. ,,Péché provoqué par une sorte d'automatisme (ou de pli) de la puissance qu'il concerne`` (Foi t. 1 1968). − P. méton. L'habitude. La force de l'habitude. Effet, empire, influence, pouvoir, puissance de l'habitude : 8. Les efforts de ces principes universels et constans de nos affections se modifient dans chaque homme, et sont inclinés vers tel ou tel objet principal par le pouvoir déterminant de l'habitude. Entre plusieurs choses qui étoient également possibles, l'habitude a rendu les unes toutes naturelles et convenables, et laissé les autres encore difficiles et comme étrangères.
Senancour, Rêveries,1799, p. 39. ♦ Proverbe. L'habitude est une seconde nature. Nous pourrions rétablir la fortune de Didier Orry; mais il nous en coûterait cher, parce qu'il a joui longtemps des douceurs de l'aisance et que l'habitude est une seconde nature (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 158). SYNT. a) À/dans son habitude. b) Douce, longue, vieille habitude; habitude ancienne, constante, machinale; bonnes habitudes. c) Avoir, donner, prendre, reprendre une/des habitude(s); perdre, quitter une/des habitude(s). d) Ne pas avoir, manquer, changer d'habitude(s). e) Être l'esclave d'une habitude; être attaché à une habitude. f) Communiquer, donner une/l'habitude à qqn. Rem. Être dans l'habitude de (faire qqc.) « avoir l'habitude de (faire quelque chose) » est vieilli. Malgré l'habitude où je suis de ne répondre à aucune critique, je ne puis accepter la vôtre (Flaub., Corresp., 1863, p. 76). b) Longue fréquentation d'une personne avec une autre personne; p. méton., personne fréquentée. Une habitude déjà longue a supprimé entre nous la politesse, la coquetterie, la pudeur, tous les mensonges (Colette, Vagab.,1910, p. 164) : 9. Mon idéal, ce serait d'être une chère habitude pour trois ou quatre personnes d'un certain âge...
Sartre, P. respect.,1946, p. 42. ♦ Avoir l'habitude de qqn. [Correspond à habituer B 2] Être accoutumé au comportement de quelqu'un. Mmede Séryeuse n'avait aucune habitude d'Anne, de ses images, de ses folies (Radiguet, Bal,1923, p. 102). Rem. L'expr. avoir l'habitude auprès de qqn est vieillie (Ac.). B. − P. méton. [Souvent avec un compl. déterminatif introd. par de] Capacité acquise par répétition. Habitude professionnelle; affaire d'habitude. L'habitude de l'ordre dans les idées est pour toi la seule route au bonheur (Delacroix, Journal,1823, p. 26).Je jetai un coup d'œil sur le lit, et avec l'instinct que nous donne l'habitude des affaires, je devinai ce qui s'était passé (Balzac, Gobseck,1830, p. 434) : 10. L'école primaire, dans son enseignement terminal (...) doit donner aux élèves des habitudes d'esprit, une confiance dans les méthodes scientifiques et les connaissances de base qui leur permettent d'admettre et de comprendre l'évolution des techniques...
Encyclop. éduc.,1960, p. 186. − P. ext. Expérience pratique. Habitude d'écrire, de lire; manquer d'habitude. Ceux qui ont une grande habitude du cheval et qui ont servi dans la cavalerie (Davout, Réorg. milit.,1871, p. 34). ♦ Avoir l'habitude de : 11. ... plus on s'éloigne [dans le temps], plus la preuve d'un fait surnaturel devient difficile à fournir. Pour bien comprendre cela, il faut avoir l'habitude de la critique des textes et de la méthode historique; or voilà ce que les mathématiques ne donnent en aucune façon.
Renan, Souv. enfance,1883, p. 238. C. − P. ext. Accoutumance (à certaines actions, sensations, sentiments). Habitude du froid, du travail : 12. Je sais ce que c'est que ces arrachements de l'âme où il semble que l'on va mourir soi-même. Et si le temps, si l'habitude, émousse la souffrance, il ne l'enlève pas, au contraire!
Flaub., Corresp.,1861, p. 426. ♦ Avoir l'habitude (de) (v. habitué II). [Relativement à une pratique devenue fam.] Ne pas (la) trouver pénible, difficile. [Relativement à un affect fréq. ressenti] Ne pas (en) être ému. Elle ne permettait pas à Henriette de laver la vaisselle : « Laissez, disait-elle, laissez, j'ai l'habitude... » (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 217). Rem. Habitudineux, -euse, adj.,hapax. Il faut, te dis-je, une saison ici après une saison à Broussais pour t'inciter aux habitudineuses relevées! (Verlaine,Corresp.,1889,p. 41). Prononc. et Orth. : [abityd]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1365 habitude « relation, rapport » (Oresme, Traictié des monnoies, éd. M. L. Wolowski, chap. X, p. XXX); b) 2emoitié xves. « relation avec quelqu'un » (Myst. du V. Testament, éd. J. de Rothschild, 6533); 2. 1370-72 « disposition générale (du corps) » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, livre V, chap. 23, p. 327-8); 3. 1580 « disposition acquise par la répétition » (La Porte, Epith., p. 202 ds Gdf. Compl.). Empr. au b. lat.habitudo, -inis « aspect physique; manière d'être », « relation » dér. du supin habitum de habere, avoir*, avec peut-être infl. de habituer* pour le sens 3 (cf. FEW t. 4, p. 371a). L'expr. avoir l'habitude employée fréquemment au xviies. (v. Littré) avec la prép. à au sens de « être accoutumé » a supplanté l'anc. verbe so(u)loir (fin xes. Passion, éd. D'A. S. Avalle, 458) dont la Bruyère (Caractères, chap. 14, no73, éd. G. Servois, t. 3, 1, p. 213) constate la disparition (cf. aussi Rich. et Fur.). Fréq. abs. littér. : 12 040. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 19 330, b) 15 440; xxes. : a) 14 842, b) 17 510. |