| GRANDIR, verbe A. − Emploi intrans. 1. Qqn ou qqc. grandit a) Devenir plus grand. Synon. croître, se développer. − [Le suj. désigne un animé] Cet enfant a bien grandi en peu de temps (Ac.). Il se mit à grandir si vite que les gens disaient : « On le voit pousser » (Ramuz, Pache,1911, p. 47).On raconte à la campagne des histoires de bonnes femmes sur les enfants noués qui ne peuvent grandir droit (Nizan, Conspir.,1938, p. 226).L'insecte ne peut pas grandir au-delà de quelques centimètres sans devenir dangereusement fragile (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 168).Grandir de (+ compl. de mesure).Je l'ai mesuré l'autre jour contre ma porte : il avait grandi d'un centimètre en deux mois (Montherl., Demain,1949, III, p. 741). − Devenir adulte. Un être ne grandit que dans la mesure où il augmente sa conscience, et sa conscience augmente à mesure qu'il grandit (Maeterl., Sag. et dest.,1898, p. 22) : 1. Les hommes de ma génération ont grandi dans une Europe frémissante et divisée parce qu'un officier juif expiait au bagne le crime d'un autre.
Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 425. Grandir en âge. Avancer en âge. Je grandissais en âge, mais j'étais si bien enfermé dans mes habitudes de rêvasseries que je restais toujours en jachères et improductif (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 47).− [Le suj. désigne un végétal] Une vigne de murailles Monte et grandit sur l'espalier (Quinet, Napoléon,1836, p. 240).Les orges, les seigles et les avoines grandissaient à vue d'œil (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 47). b) [Le suj. désigne une chose concr.] Paraître plus grand : 2. Et l'on se trouve là [à Djémila], concentré, mis en face des pierres et du silence, à mesure que le jour avance et que les montagnes grandissent en devenant violettes.
Camus, Noces,1938, p. 30. 2. Qqc. grandit.Augmenter en valeur, en intensité, en importance. a) Domaine physique.La rumeur de la foule accrue grandissait sous la voûte (Maupass., Bel-Ami,1885, p. 389).Le jour grandissait vite (Hamp, Champagne,1909, p. 86). − Prendre de l'extension. Et à côté du couvent est la ville qui a grandi sur lui comme un mal, avec des auberges, (...) des bouges (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 300).Nous voyons des agglomérations qui n'ont pas attendu pour grandir les facilités qu'offrent les transports modernes (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 70). b) Domaine moral.Son courage grandissait au milieu des revers; son pouvoir grandissait de jour en jour (Ac.). Le besoin de jouir grandit avec l'oisiveté (Faure, Espr. formes,1927, p. 26).Son indignation avait encore beaucoup grandi (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 27) : 3. Pouvoir me remettre au piano..., je goûterais des instants de parfait bonheur. Qui m'en empêche? Les conditions matérielles où je me trouve; mais surtout l'obsédante crainte de gêner des voisins, crainte qui chez moi grandit avec l'âge et devient comme maladive.
Gide, Journal,1941, p. 97. − Faire grandir.Il reprit une à une les paroles de son frère; chacune d'elles fit grandir son indignation (Arland, Ordre,1929, p. 257). 3. Qqn grandit a) Avancer en valeur morale; atteindre un haut degré d'élévation (d'esprit, de sentiments). Il me semblait que, plus vous me persécuteriez, plus je grandirais à vos yeux le jour où vous sauriez la vérité (Dumas fils, Dame Cam.,1848, p. 277) : 4. Je vous ai connu adolescent, et, sans pouvoir grandir par l'esprit, le sommet de l'intelligence étant en vous, vous grandissez sans cesse par les œuvres.
Hugo, Corresp.,1867, p. 63. b) Grandir en (+ subst. désignant une qualité).Acquérir plus de. Grandir en vertu, en sagesse. Certainement, Sophie avait encore grandi en santé et en beauté (Zola, Dr Pascal,1893, p. 190) : 5. Dieu sait si, lorsque je continue à écrire 10, 12, 14 heures par jour, cela m'est possible. Pauvres amis, ne savez-vous pas que je suis obligé de me soutenir par ma plume, et de grandir en renommée.
Balzac, Corresp.,1832, p. 110. B. − Emploi trans. 1. Rendre plus grand, faire paraître plus grand. a) Grandir qqn.Le cothurne grandissait les acteurs de la tragédie antique (Ac.) : 6. ... ses talons hauts la grandissaient un peu, et, quand elle marchait devant lui, les semelles de bois, se relevant vite, claquaient avec un bruit sec contre le cuir de la bottine.
Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 18. − Emploi pronom réfl. Déjà d'une taille peu ordinaire, il aime à se grandir encore par cette coiffure colossale (Fromentin, Été Sahara,1857, p. 96).Monsieur de Meillan, debout pour se grandir sur un tabouret de bar, hurlait en agitant une bouteille (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 89). b) Grandir qqc.Je regarde l'ombre des tilleuls que le soir grandit s'allonger lentement jusqu'à moi, comme des fantômes qui viennent me lécher les pieds pour me bénir (Lamart., Confid.,1849, p. 14). − B.-A. ,,Amplifier, reproduire en plus grand les contours d'un dessin, d'un croquis, d'un carton. Grandir un tableau, le reproduire sur une toile de dimension plus grande à l'aide de la mise au carreau. Grandir une figure, en augmenter la proportion`` (Adeline, Lex. termes art, 1884). 2. Grandir qqc.Rendre plus important, exagérer. Il grandit les moindres événements (Littré). L'imagination grandit les dangers (Rob.). Elle [la musique] grandit, amplifie, propage les songes, mais elle en défie l'expression verbale (Mauclair, Relig. mus.,1928, p. 43). 3. Rendre moralement plus grand. a) Grandir qqn.Quand on a vu plusieurs fois un homme remarquable, on le trouve semblable à tous les autres! Ses ouvrages nous l'avaient grandi et lui prêtaient de l'idéal (Delacroix, Journal,1850, p. 410).Un ménage uni ne va jamais sans de petits sacrifices réciproques, qui grandissent et embellissent celui qui les fait (Gide, Geneviève,1936, p. 1936). − Emploi pronom. réfl. Avoir pour fonction la poursuite des choses éternelles et croire qu'on se grandit en s'occupant de la cité, tel est pourtant le jugement du clerc moderne (Benda, Trahis. clercs,1927, p. 58).Les hommes sont faibles, ou lâches; il faut les organiser. Ils aiment le plaisir et le bonheur immédiat; il faut leur apprendre à refuser, pour se grandir, le miel des jours (Camus, Homme rév.,1951, p. 301). b) Grandir qqc. : 7. ... ceux dont la pensée, loin d'être obsurcie, dominée et bâillonnée par leurs passions, grandit et divinise toutes les émotions de la vie et dégage l'idéal contenu dans toutes les sensations qu'ils éprouvent.
Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 322. − Emploi pronom. réfl. La médiocrité croit se grandir en rabaissant le mérite (Ac.). REM.1. Grandissant, -ante, part. prés. adj.Qui grandit. Plus je te voyais grandissante et belle, plus je tremblais d'avance aux nouvelles douleurs qu'amènerait notre séparation (Dumas père,Teresa,1832,11, 5, p. 166).Une vibration pesante et grandissante de métro entrant en gare (Barbusse,Feu,1916,p. 232). 2. Grandi, -ie, part. passé adj.Devenu plus grand; rendu plus grand. Il semblait que ce parfum ne fût autre que l'odeur d'amour ancien (...) une odeur grandie, centuplée (Zola,Faute Abbé Mouret,1875,p. 1515).Mon autorité, que certaines intrigues auraient voulu diminuer, sortait grandie de cette crise politique (Joffre,Mém.,t. 2, 1931,p. 158).Il s'abrita à l'ombre déjà grandie des aubépines et se mit en chemin (Gracq,Argol,1938,p. 15). Prononc. et Orth. : [gʀ
ɑ
̃di:ʀ], (il) grandit [gʀ
ɑ
̃di]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1280 verbe intrans. « devenir plus grand » Adés aloit en grandissant la feste en joie (Adenet Le Roi, Cléomades, éd. A. Henry, 17948); 2. fin xves. verbe trans. « rendre grand » noble et glorieuse maison ... que monseigneur vostre père a tant grandie (G. Chastellain,
Œuvres, éd. K. de Lettenhove, IV, 318, 23). Dér. de grand*; dés. -ir. Fréq. abs. littér. : 2 399. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 873, b) 4 405; xxes. : a) 4 827, b) 3 339. Bbg. Darm. 1877, p. 67 (s.v. grandissant). |