| GLOUSSER, verbe A. − Emploi intrans. 1. [Le suj. désigne la poule qui appelle ses poussins ou qui s'apprête à couver] Pousser des cris brefs et répétés. Près des machines à blé, des poules qui gloussaient dans des cages plates passaient leurs cous par les barreaux (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 145). 2. P. anal. a) [Le suj. désigne d'autres animaux] Les cailles gloussent. Des oiseaux s'éveillaient et gloussaient dans les roseaux (Fromentin, Dominique,1863, p. 266) : ... presque tous les animaux qui vivent de sang, ont un cri particulier, qui ressemble à celui de leurs victimes (...) le loup bêle, mugit ou aboie; le renard glousse ou crie...
Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 174. b) [Le suj. désigne une pers.] − [Avec un compl. introduit par de] Exprimer un affect par des manifestations vocales brèves, généralement répétées, plus ou moins étouffées ou confuses. Glousser d'aise, de satisfaction. En gloussant de joie, il avait démoli les cloisons à la pioche (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 217).Il faut laver son linge sale en famille Et toute la famille glousse d'horreur De honte (Prévert, Paroles,1946, p. 123). − [Sans compl.] Rire en poussant de petits cris. Les filles se mirent à glousser. Lulu Maublanc gloussa. La pitrerie lui était familière (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 79). B. − Emploi trans. et intrans. [Correspond à A 2 b supra] 1. Emploi trans. [Le suj. désigne une/des pers.] a) [Le compl. désigne un comportement accompagné de manifestations vocales] Glousser un baillement, des pleurs. Quand il riait, ce gentilhomme, panaché de deux ou trois siècles, il disait « mes ancêtres Louvois (...) » se redressait de toute sa taille, poussait ou même gloussait un rire artificiel (L. Daudet, Qd vivait mon père,1940, p. 246). b) [Le compl. désigne une production verbale] Le prêtre, d'une voix empâtée, gloussa quelques mots latins dont on ne distinguait que les terminaisons sonores (Maupass., Une Vie,1883, p. 43).Il se mettait tout à coup à parler à tort et à travers (...) et il ne s'arrêtait qu'épuisé, gloussant encore quelques syllabes (Cendrars, Lotiss. ciel,1949, p. 287). ♦ Au part. passé. Une voix enrouée, extravagante, qui semble du Rabelais gloussé (Goncourt, Journal,1862, p. 1128).Des bégaiements hagards, des onomatopées gloussées (Arnoux, Roy. ombres,1954, p. 200). − [Introduit un discours au style dir.] Prince, pas de politique! ou laissez-moi aller porter ma démission, gloussa Gounsovski... à votre santé, belle Annouchka (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 93).On peut le dire, gloussait-il, on peut le dire que vous avez du talent (Duhamel, Cécile,1938, p. 119). 2. Emploi intrans. [Le suj. désigne une production verbale] Ta bouche, dans le foin de ta barbe, est un antre Où gloussent les chansons de la bière et du vin (Richepin, Chans. gueux,1876, p. 77). − En partic. Les hommes ont d'abord imité les cris des animaux et les chants des oiseaux qui étaient propres à leur climat : les preuves en sont communes dans les langues des sauvages. Celle des Hottentots glousse comme les autruches (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 337). REM. 1. Gloussant, -ante, adj.a) Qui produit des gloussements. Dindon gloussant.
α) [En parlant d'une poule] Une grosse poule gloussante promenait un bataillon de poussins, vêtus de duvet jaune, léger comme de la ouate, à travers le petit jardin (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Reine, 1883, p. 831).
β) [En parlant d'une pers.] La mer a beau faire le chien couchant : dès qu'elle s'approche, la baigneuse s'enfuit, plaintive et gloussante, vers son rocher (Renard, Écorn.,1892, p. 171).b) Qui prend la forme d'un gloussement, qui se manifeste par des gloussements. Respiration gloussante. Il a soudain ce rire gloussant qui tressaute dans sa gorge lorsque sa joie est à son comble (Genevoix, Nuits de guerre,1917, p. 212).La Rafette nourrit d'accord Un paon et quatre dindes. Et l'on croirait − tous ces échos Gloussants, l'autre qui grince − D'un préfet d'or, dans sa province, Borné de radicaux (Toulet, Contrerimes,1920, p. 23).Sénac eut un rire gloussant, bas, presque sournois (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 37). 2. Glousseur, -euse, adj. et subst.a) Adj. Qui glousse; qui produit une suite de sons semblables au gloussement. Il bouscule le piano mécanique; et tout aussitôt l'instrument se déchaîne, strident, glousseur, claironnant (Genevoix, Éparges,1923, p. 76).b) Subst. Personne qui glousse. La procession fait des détours, les passants traînaillent... c'est des gonzesses, une vraie bande, des vraies glousseuses (Céline, Mort à crédit,1936, p. 252). 3. Gloussoter, verbe intrans.Glousser faiblement. Ça s'mettra tout aussi ben en séance autour d'un vieil chapeau ou d'une vieux socque, et j'te glousse, et j'te gloussotte, et j'te cacraquète, coumme si c'était n'un busard qui leur planivolait ed'ssus (Martin du G., Gonfle,1928, I, 1, p. 1173). Prononc. et Orth. : [gluse], (il) glousse [glus]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1350 clocier (G. Li Muisis, I, 181 ds T.-L.); 1690 d'une pers. (Fur.). Du lat. vulg. clociare (TLL s.v.), issu du lat. glocire « glousser » (d'où l'a. prov. glozir « glousser » xiies. ds FEW t. 4, p. 159a; clocir, glozir xiiies. Uc Faidit ds K. Stichel, Beitr. zur Lexicogr. des Altprov. Verbums, 1890, p. 26), d'orig. onomatopéique. Fréq. abs. littér. : 88. |