| * Dans l'article "GESTE1,, subst. masc." GESTE1, subst. masc. A. − 1. [Le geste désigne une activité corporelle particulière d'une pers.] a) Mouvement extérieur du corps (ou de l'une de ses parties), perçu comme exprimant une manière d'être ou de faire (de quelqu'un). Elle se voyait agir, pas à pas, geste à geste, avec cette aisance qu'on a dans les songes (Zola, Rêve,1888, p. 130).Elle surveillait d'instinct ses gestes et raidissait volontairement sa démarche (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 363).Le jeune homme devint tout d'un coup plus maladroit dans ses gestes (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1601) : 1. À l'Opéra-Comique, dans la baignoire (11 mai), elle n'avait pas fait un geste, paralysée par la timidité. Mais si, ce geste, Costal l'avait fait, il est douteux qu'elle se fût cabrée.
Montherl., Démon bien,1937, p. 1242. SYNT. Geste brusque, familier, gracieux, grand, instinctif, involontaire, large, lent, machinal, rapide; ébaucher, esquisser, réprimer, retenir un geste; pas un geste! − P. métaph. Ma générosité à geste court (Colette, Naiss. jour,1928, p. 16) : 2. Le doute ressemble à ces mouches importunes qu'on chasse et qui reviennent toujours. Il s'envole sans doute au premier geste de la raison...
J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 222. − [Avec un compl. prép. introd. par de et désignant une partie du corps] Synon. de mouvement.Je me rappelais surtout un geste charmant de ta narine quand, couchée près de moi, tu te retournes sur le côté pour me voir (Flaub., Corresp.,1846, p. 342). − [P. anal. de comportement; en parlant d'un animal] Vous ne vous tromperez jamais en interprétant les gestes d'un chat : vous voyez s'il veut jouer, fuir, ou sauter (Balzac, Théor. démarche,1833, p. 639). − Locutions ♦ Les moindres gestes. Me racontant, selon son habitude, les moindres paroles et les moindres gestes de leur soirée (Gide, Journal,1917, p. 640).Un esprit chrétien rigoureux y règle les moindres gestes de la vie quotidienne (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 10). − En partic.
α) [En tant qu'il double, sur le plan corporel, un vécu psychol.] MmeChanteau eut un geste triomphant, pour dire qu'elle le savait bien (Zola, Joie de vivre,1884, p. 916).Je reconnaissais les gestes obséquieux et réticents, les brusques scrupules de son père (Proust, Swann,1913, p. 160).Il n'acheva pas la phrase commencée, il ne l'appuya d'aucun geste (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 222). SYNT. Geste amical, décidé, énergique, irréfléchi, résolu, tragique, vif, violent. [Avec un compl. désignant le sentiment ou la réaction de celui qui accomplit le geste] Geste d'admiration, de colère, de confiance, de découragement, de dédain, de désespoir, d'effroi, d'énervement, d'étonnement, d'ignorance, d'impatience, d'impuissance, de lassitude, de mépris, de résignation, de révolte. ♦ P. anal. et au fig. Le grand geste de dédain avec lequel la Russie écarte ce chant de l' Internationale (Malraux, Conquér.,1928, p. 164). ♦ Loc. Joindre le geste à la parole. La veuve d'Édouard! la reine! Chapeau bas, (Joignant le geste à la parole.) Chapeau bas devant elle! (Delavigne, Enf. d'Édouard,1833, II, 9, p. 86).Il joint le geste à la parole et carde le capitonnage (Colette, Dialog. bêtes,1905, p. 43) : 3. C'était par sévérité que, joignant le geste au reproche, il m'avait plus d'une fois fait connaître la vigueur de son bras et l'éclat sonore de sa large main.
Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 16.
β) [En tant qu'il signifie à lui seul un message, un sentiment, un jugement] Elle m'encouragea par un geste, et je lui demandai le rendez-vous (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 164).D'un grand geste du bras, comme s'il exorcisait un énergumène, il le bénit une seconde fois (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1256) : 4. Les muets interlocuteurs interrogèrent ensuite le même jeune homme sur la mère de celle dont il venait de leur faire un si charmant portrait; il la leur dépeignit par des gestes si comiques, il indiqua si plaisamment la courbe de son nez de perroquet que son menton est au moment de rejoindre, que tous les yeux se portèrent sur cette bonne dame...
Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p. 264. ♦ [Constr. pop.] Il faisait un geste que je me tire (Céline, Mort à crédit,1936, p. 195). ♦ Faire le geste de + inf.Il fit le geste d'avaler le contenu du flacon (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 634).Tais-toi! cria-t-il, en faisant le geste de la frapper (Daniel-rops, Mort,1934, p. 31).Il fait le geste de pédaler à toute vitesse sur une bicyclette invisible (Claudel, Soulier,1944, 1repart., 2ejournée, 1, p. 995). ♦ En partic. [Avec une valeur symbolique ou relig.] Un rite peut se définir comme une suite de gestes, répondant à des besoins essentiels, gestes qui doivent être exécutés suivant une certaine eurythmie (L. Benoist, Signes, symboles et mythes, Paris, P.U.F., 1975, p. 95). ♦ [P. oppos. à une action réelle, efficace] Synon. de faux-fuyant.Sa mère, en haussant les épaules, prétendait que tout cela c'étaient des gestes (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 125). b) [Le geste est saisi dans son aspect terminal] Attitude corporelle résultant d'un geste. Des statues (...) qui m'ont paru d'un beau geste et d'une belle expression (Barb. d'Aurev., Memor. 4,1858, p. 93) : 5. La main repliée à demi et au repos près de la joue est comme une position de sommeil; c'est un geste qu'on ne voit point dans l'éloquence, mais c'est plutôt le geste de l'auditeur et du juge, surtout lorsqu'il arrive à un certain degré d'indifférence.
Alain, Propos,1923, p. 532. c) P. ext. (à rapprocher de B). Ensemble organisé de gestes, correspondant à une action déterminée. Sa main tâtonne, trouve une poignée, ouvre d'un coup. L'hésitation a suivi le geste, au lieu de le devancer (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 306) : 6. ... Alban avait vu tout à l'heure le geste exquis d'un gamin qui, une petite rose étant tombée pendant la marche, l'avait ramassée et, à cet âge où le geste instinctif est de prendre, l'avait soigneusement reposée.
Montherl., Bestiaires,1926, p. 479. − [P. anal. de comportement] Le geste du chien qui mord au jarret pour accélérer le troupeau (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 321).Le geste endormi d'un rameau qui se délivre de son poids de neige (Giono, Roi sans divertiss.,1947, p. 124). 2. [Le geste désigne les habitudes familières d'une pers.; s'emploie seulement au sing.] Ensemble des gestes habituels (de quelqu'un). Il y avait dans le geste, dans l'attitude, dans le regard de cet homme, une sorte de fascination (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 217).Une créature dont le visage, la tournure et le geste parlent et disent ce qu'elle est (Huysmans, Art mod.,1883, p. 44). − Loc. fréq. Avoir le geste (+ adj.).Il avait le geste abondant, sec et très expressif (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 10).Il avait l'œil clair, le geste libre, la parole nette (Fromentin, Dominique,1863, p. 46).Il avait des manières vulgaires et le geste arrogant (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 677). B. − Au fig., p. méton. [Abstraction faite du comportement corporel correspondant] Action (en tant qu'elle peut être perçue et interprétée par un tiers). Geste d'amitié. Joseph s'est dessaisi d'une somme considérable. Il (...) n'entend donner à ce geste aucune publicité (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 115).J'avais demandé à passer par Stalingrad, geste d'hommage à l'égard des armées russes (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 59) : 7. ... dès le lendemain, il entrerait à l'hôpital du Havre. Il ne doutait pas qu'il y serait accepté : ou bien on le considérerait comme indigent, et il serait pris sans payer, ou bien on tablerait que sa famille, l'heure venue, aurait le geste nécessaire.
Montherl., Célibataires,1934, p. 904. − Locutions ♦ Faire un geste. Donner un gage de sa bonne volonté sans s'engager réellement pour autant. Lui, c'est un amateur, il y est entré parce qu'il trouvait ça bien, pour faire un geste. Nous, on ne pouvait pas faire autrement (Sartre, Mains sales,1948, 3etabl., 3, p. 99).Faire (avoir) un geste (généreux). En matière d'assistance, apporter une contribution modeste à défaut d'une plus importante. Monsieur Alessandrovici, vous avez eu un geste généreux. C'est très beau, c'est très chic, très noble (Aymé, Tête autres,1952, p. 236). ♦ Ne pas faire un geste pour (+ inf.). Ne pas empêcher. L'admirable, c'est que personne ne fit un geste pour le retenir (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 180).Ne pas faire le moindre geste. Ne pas intervenir. Il ne fera pas le moindre geste en faveur de la communauté; et c'est moi qui ai dû monter sur l'échelle pour enduire de bleu les plafonniers du couloir (Gide, Journal,1943, p. 171). ♦ P. exagér. N'avoir qu'un geste à faire (pour). Pouvoir obtenir (quelque chose) aisément. Si pourtant il savait que parfois il n'aurait qu'un geste à faire, et que ce geste parfois je l'attends (Gide, Porte étr.,1909, p. 586) : 8. ... Jaurès n'aurait eu qu'un cri à pousser, un geste de la main à faire, pour que cette foule fanatisée se jetât, derrière lui, tête baissée, à l'assaut de n'importe quelle Bastille.
Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 448. ♦ Un beau geste. Une action noble, généreuse. Mille francs, c'est un beau geste (Duhamel, Terre promise,1934, p. 79).En me donnant votre part vous avez eu, comme on dit dans les journaux, un geste magnifique (Montherl., Célibataires,1934p. 819) : 9. ... le beau geste du père l'avait marqué : il garda toute sa vie le goût du sublime et mit son zèle à fabriquer de grandes circonstances avec de petits événements.
Sartre, Mots,1964, p. 3. REM. 1. Gesté, -ée, adj. rare.Dont les mouvements sont nobles (d'apr. Raymond 1832 et Boiste 1834). Vous êtes bien mal gesté, vous êtes un mauvais garnement (A. France, Vie fleur,1922, p. 293). 2. Gestique, subst. fém.,rare, néol. ,,Ensemble des gestes, comme moyen d'expression d'une personne`` (Gilb., 1971). 3. Gestuaire, subst. gén. masc.Ensemble des gestes (supra A 1) possibles de l'homme. Il doit s'adapter plastiquement à ce corps (...) mais aussi à ses attitudes privilégiées et à sa gestuaire (Serrière, T.N.P.,1959, p. 115).Sémiologie. ,,Nomenclature de gestes, donnant matière, substance à un système signifiant`` (Média 1971). Pour un gestuaire des bandes dessinées (C. Bremondds Langages. Paris, no10, juin 1968, p. 94). Prononc. et Orth. : [ʒ
εst]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1213 masc. gest du corps (Faits des Romains, éd. L.F. Flutre, 724, 8); 1495 geste (J. de Vignay, Mir. hist., XXVII, 58, éd. 1531 ds Delb. Notes mss : Le geste de l'homme en tout acte doit estre gracieus). Empr. au lat.gestus « attitude, mouvement du corps, geste ». Fréq. abs. littér. : 11 671. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 428, b) 12 122; xxes. : a) 22 320, b) 24 232. Bbg. Gohin 1903, p. 295. - Quem DDL t. 18 (s.v. gestique). |