| FUSILLER, verbe trans. A.− Exécuter (un condamné à mort) par une décharge de coups de fusil. (Faire) fusiller un déserteur, un espion, un otage, un pillard. Synon. passer par les armes.Quand (...) le pauvre Ney a été fusillé, votre arrière-grand-père s'est trouvé par malheur et misère, dans le peloton d'exécution (Duhamel, Le Notaire Havre,1933, p. 62).Cf. fusilleur ex. 1 : 1. Ce matin, à 8 heures 45, Lucas Du Toît et son cocher Cornélis ont été fusillés (...). Du Toît refusa de se laisser bander les yeux. Quand les soldats le couchèrent en joue, il donna lui-même avec son chapeau le signal du feu.
Tharaud, Dingley,1906, p. 124. ♦ Emploi abs. Fusillez! fusillez! fusillez! tous les hommes sont des faquins qui valent tout au plus la cartouche qui les envoie dans l'autre monde (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 115).Les miliciens et suspects arrêtés sont passés par les armes (...). On a fusillé tout l'après-midi. Les fusillades continuent (Malraux, Espoir,1937, p. 528). − P. ext. Tirer des coups de fusil contre une personne, un animal ou une chose. Raboliot fusilla les lapins sortis des pineraies, cingla de ses deux coups une compagnie de grises (Genevoix, Raboliot,1925, p. 259).Austerlitz a débuté par des grenadiers qui fusillèrent des échalas à houblon pendant plus de deux heures (Giono, Bonh. fou,1957, p. 275): 2. À midi, R2 et R3 subissent l'assaut : leur résistance, enfin, arrête l'ennemi dont mitrailleuses et fusils fauchent les vagues. Toute « larve grise qui rampe sur les pentes de Fumin » est aussitôt repérée et fusillée.
Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 173. ♦ Emploi pronom. réciproque. Des équipes armées se fusillent à l'angle des rues allemandes (Nizan, Chiens garde,1932, p. 203).On savait qu'il se passait quelque chose, mais tous ignoraient qu'on se fusillait si près (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 423). B.− Au fig. 1. Attaquer violemment. Fusiller quelqu'un de ses épigrammes (Ac.1932).Celui-ci [le récipiendaire], croyant être agréable à la Compagnie, − et se trompant fort, − fusille sans pitié son concurrent malheureux (Coppée, Franc-parler I,1894, p. 303): 3. Se trouvant en présence d'un homme qui « entendait le latin », il se replia prudemment dans le maquis de l'esthétique. De ce refuge inexpugnable, il se mit à fusiller Beethoven, Wagner, et l'art classique...
Rolland, J.-Chr.,Foire, 1908, p. 673. ♦ Fusiller qqn du regard. Lancer à quelqu'un des regards pleins d'animosité. Il la fusilla d'un regard furieux, narquois, insoutenable (Gracq, Beau tén.,1945, p. 179): 4. − Suffit! glapit Folcoche, cette raie est excellente. Si vous ne la mangez pas, vous aurez de mes nouvelles. (...). La raie fut mangée, sauf par B VII (...). Folcoche le fusilla de la prunelle...
H. Bazin, Vipère,1948, p. 186. 2. Fam. Photographier ou filmer quelqu'un sans arrêt. Synon. plus cour. mitrailler.Photographes et cinéastes qui encombraient l'esplanade, fusillaient insolemment tout ce qui passait à leur portée, et les moines répugnaient à se donner en spectacle à leur curiosité indiscrète (Tharaud, Passant Ethiopie,1936, p. 148). 3. Populaire a) Détériorer. Les caniveaux sont propres à « fusiller » les cadres (Esn.Poilu1919, p. 257).Nom de Dieu! (...) gare à ce pavé! Vous allez m'fusiller ma bagnole! (Barbusse, Feu,1916, p. 109). b) Dépenser. Il a fusillé tout son pèze avec des garces (Bruant1901, pp. 153-154). REM. Fusillé, ée, part. passé adj. et subst.(Celui, celle) qui a été exécuté par une décharge de coups de fusil. Coup de revolver pour achever une bête morte, un homme fusillé (Giraudoux, Suzanne,1921, p. 143).Mon régal, c'est de lire dans les journaux les listes des fusillés, le compte rendu des procès, les dénonciations, ça me fait jouir (Aymé, Uranus,1948, p. 270). Prononc. et Orth. : [fyzije], (il) fusille [fyzij]. Ds Ac. 1740-1932. Étymol. et Hist. 1732 « tuer à coups de fusil » (Trév.). Dér. de fusil*; suff. -iller*. Fréq. abs. littér. : 739. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 612, b) 1 333; xxes. : a) 1 094, b) 1 246. Bbg. Quem. DDL t. 11. |