| FRUIT1, subst. masc. I.− Production du végétal qui succède à la fleur. A.− BOT. Organe végétal, issu du développement de l'ovaire fécondé, qui succède à la fleur et contient les graines nécessaires à la reproduction. « Il y a eu de la fleur, mais pas de fruits; il a fait froid au moment que le fruit commence à se faire et la sève s'est arrêtée » (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1911, p. 281).Chaque fleur se doit de faner pour son fruit (...) celui-ci, s'il ne tombe et meurt, ne saurait assurer des floraisons nouvelles (Gide, Nouv. Nourr.,1935, p. 277). SYNT. Le fruit du chêne, du frêne; fruit sec (dépourvu de pulpe), charnu; fruit à noyau, à pépin(s). B.− Spécialement 1. Produit comestible des végétaux que l'on consomme le plus souvent comme dessert. Souvent, le fruit que l'insecte a piqué ou que le bec de l'oiseau a entamé est le plus vermeil et le plus savoureux (Sand, Lélia,1839, p. 364).Des carrés étaient plantés de figuiers, de pêchers, d'amandiers, d'oliviers, de grenadiers et autres arbres à fruit (Gautier, Rom. momie,1858, p. 241): 1. Moi, je taille mes arbres. Je les dirige. Je les pince. Je vois pousser les jeunes boutures, et, quand je mange un fruit à table, je peux dire : « Voilà un fruit que je connais ».
Renard, Journal,1892, p. 117. SYNT. Fruit vert, mûr, pourri; fruits confits, secs (dont on a provoqué la dessication pour les conserver); fruit précoce, tardif; fruit juteux, sucré, acide; cueillir des fruits; fruits de saison; corbeille de fruits; fruits frais, congelés, au sirop, en conserve; fruits déguisés (sorte de petits fours). ♦ Petits fruits (région.). Baies comestibles diverses, comme les airelles, fraises des bois, framboises, groseilles, etc. Nous nous sommes nourris, mes petits camarades et moi, aux « petits fruits », comme les gens de mon pays appellent les myrtilles, les framboises, les airelles et les fraises des bois, les groseilles et les cassis (G. Borgeaud, Le Voyage à l'étranger,Paris et Lausanne, 1974, p. 126). − Vieilli, p. méton., au sing. Dernier service d'un repas et ce qu'on y sert. Servir le fruit (Ac.1932).Synon. usuel dessert.Elle propose (...) pour le fruit, des poires tapées et des noix sèches (Pourrat, Gaspard,1922, p. 160): 2. ... « Demandez au maître d'hôtel s'il a du bon chrétien. − Du bon chrétien? Je ne comprends pas. − Vous voyez bien que nous sommes au fruit, c'est une poire. »
Proust, Sodome,1922, p. 1010. − P. compar. Tomber comme un fruit mûr (en parlant d'une chose). Se produire naturellement, sans qu'on ait forcé les circonstances. Ce n'est pas lui qui pose la question, elle s'est posée d'elle-même, elle est sortie toute seule − tombée comme un fruit mûr (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1459). − Au fig., fam. ♦ Fruit sec [P. réf. au fruit qu'on a laissé se dessécher, et qui a perdu sa saveur] Élève qui, faute de réussir au terme de ses études, doit renoncer à la carrière qu'il envisageait. Fruit sec des concours (Flaub., Bouvard, t. 2, 1880, p. 28).Des écrivains scientifiques, fruits secs de l'École Polytechnique (...) discutaient la science actuelle avec un mépris et une certitude que personne ne pouvait combattre (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 89).P. ext. Personne qui a déçu les espoirs qu'on fondait sur elle : 3. stéphan. − Ses tantes l'ont élevé, je lui envoyais les revenus du petit domaine que lui a légué sa mère (...) c'est un fruit sec, pauvre en esprit et en cœur. Si vous lisiez les lettres qu'il m'envoie! On croirait qu'il parle à un domestique.
Camus, Possédés,1959, 1repart., 1ertabl., p. 932. ♦ Fruit vert [P. réf. au fruit qui n'est pas arrivé à maturité] Très jeune fille. C'était un cœur de femme encore enfant, ravie À sa mère inconnue en venant à la vie; Fruit vert que mûrissait la prostitution (Lamart., Chute,1838, p. 986). − [P. allus. à la Bible] ♦ [Matthieu, 12, 33] Proverbe. On connaît l'arbre à son fruit. ,,On connaît les personnes à leurs œuvres et les choses à leurs résultats`` (Ac. 1932). ♦ [Genèse, 3, 3] Le fruit de l'arbre de vie. Fruit de l'arbre de la connaissance que Dieu avait défendu à Adam et Ève de manger : 4. ... ouvrez la Bible (...), vous verrez dans ce livre, Dieu interdire à l'homme le fruit de l'arbre de vie, qui communique la science du Bien et du Mal.
Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1843. Au fig. Fruit défendu. Chose d'autant plus désirée qu'elle est interdite. L'attrait du fruit défendu. Les œillères que l'on met aux filles (...) ne font que les émoustiller davantage, en leur inspirant le désir du fruit défendu (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 53):5. Son inquiétude de femme de quarante ans rôdait autour de l'inquiétude de cette puberté (...). Sans s'en rendre compte, elle lui eût donné le goût du fruit défendu, s'il avait eu besoin qu'on lui en donnât le goût.
Montherl., Bestiaires,1926, p. 503. − P. allus. littér. (cf. Verlaine, Poèmes saturn., 1866, p. 82).Le ver est dans le fruit : 6. ... nous serons sûrement victorieux des Boches, nous ne le serons pas des ennemis du dedans, le ver est dans le fruit, il n'y a plus rien à faire, rien à espérer.
Green, Journal,1944, p. 154. 2. Au plur., littér. Produits issus de la terre, d'une façon générale : 7. ... un propriétaire a cédé à quelques socialistes un hectare de terrain en pleine campagne. Ils le feront clore, y mettront quelques animaux et, sans travailler, y vivront « des fruits de la terre ».
Renard, Journal,1895, p. 271. − P. anal. Fruits de mer. Crustacés, coquillages comestibles provenant de la mer. Les chercheurs de fruits de mer trouvent [l'oursin]. Ils le coupent en quatre et le mangent cru, comme l'huître (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 257). C.− P. anal., littér. Enfant par rapport à sa mère, avant sa naissance ou quand il vient de naître. Le fruit de l'hymen; le fruit d'un amour illégitime (cf. entrailles A 2).« M. de Chamery, votre père (...) était mon parent éloigné (...), nous nous aimions, et il m'épousa. Vous fûtes le premier fruit de notre amour ... » (Ponson du Terr., Rocambole,t. 4, 1859, p. 23): 8. ... tu t'es livrée (...) à ce chien errant avec ce fruit d'un autre dans ton sein, et (...) le premier éveil de la vie de mon enfant se mêlait au soubresaut de la mère, toute piquée du délice d'un double adultère?
Claudel, Part. midi,1949, III, p. 1135. II.− A.− P. ext., littér. 1. Profit, avantage que l'on retire de quelque chose. Recueillir le fruit de ses efforts; jouir du fruit (des fruits) de son travail : 9. ... si je généralise encore plus le mot fruit [it. ds le texte], comme on fait dans le sens métaphorique, en disant, par exemple, que la science est le fruit du travail, que les découvertes sont le fruit de la réflexion, ce mot fruit ne renferme plus que l'idée d'être produit par un être quelconque...
Destutt de Tr., Idéol. 11801, p. 108. − Loc. adv. Avec fruit, sans fruit. Avec, sans profit. Étudier avec fruit un auteur; consulter avec fruit une étude. Ce livre (...), je l'ai lu, et avec d'autant plus de fruit, qu'il est écrit dans ma langue (Genlis, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 164). − P. métaph. ou au fig. Faire du/son fruit, porter des/ses fruits. Obtenir du succès, des résultats heureux. L'amoureux s'aperçut enfin que sa patience allait porter ses fruits (Gobineau, Pléiades,1874, p. 328).Elle n'a pas cessé de faire son fruit, la vieille doctrine de l'union des contraires, formulée par Héraclite, par Hippocrate (Montherl., Olymp.,1924, p. 308): 10. Quand le roi d'Espagne fut mort, les réformes de Colbert avaient porté leur fruit, la France avait des finances saines, une armée, les moyens de sa politique.
Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 238. 2. Résultat bon ou mauvais, effet de quelque chose. Les fruits de l'expérience. L'éloquence est un fruit des révolutions; elle y croît spontanément et sans culture (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 108): 11. Mes pensées pourront vous paraître étranges, mais elles sont le fruit des réflexions que m'ont inspirées les catastrophes de nos quarante dernières années.
Balzac, Méd. camp.,1833, p. 151. B.− Au plur., DROIT. Revenu régulier que fournit un bien à intervalles périodiques, sans altération ni appauvrissement de sa substance. Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes (Code civil,1804, art. 584, p. 108): 12. ... l'usufruitier d'un domaine recueille, pendant toute la durée de l'usufruit, les fruits naturels ou industriels de la terre, ceux qu'elle produit spontanément et ceux qu'en obtient la culture...
Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 164. ♦ Fruits pendants par branches ou par racines. Fruits des arbres qui ne sont pas encore cueillis, récoltes sur pied (cf. Code civil, 1804, art. 585, p. 108). − P. anal., au sing. Ce que rapporte une activité ou un bien. La courtisane qui vivait au théâtre du fruit de ses débauches (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 525).Le fruit de ses économies, placé d'abord avantageusement, lui a été remboursé en papier (Fiévée, Dot Suzette,1798, p. 95): 13. Qui ne sait que la certitude de jouir du fruit de ses terres, de ses capitaux, de son labeur, ne soit le plus puissant encouragement qu'on puisse trouver à les faire valoir?
Say, Écon. pol.,1832, p. 133. REM. 1. Fruitarien, ienne, adj.[En parlant d'un régime alimentaire] Qui ne comporte que des fruits. Il n'est pas impossible d'imaginer des régimes fruitariens à peu près équilibrés (Boulay, Arboric. et prod. fruit.,1961, p. 12). 2. Fruitarisme, subst. masc.Doctrine selon laquelle l'homme pourrait ne s'alimenter que de fruits (cf. Macaigne, Précis hyg., 1911, p. 274). Prononc. et Orth. : [fʀ
ɥi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) xes. fruit esperitiel (St Léger, éd. J. Linskill, 215); b) 1120-50 « bénéfice, produit tiré de quelque chose » (Gd mal fist Adam, I, 88 ds T.-L.); c) ca 1165 « enfant considéré comme le produit de la génération » (B. de Ste-Maure, Troie, 22936 ds T.-L.); 2. ca 1165 « production de la plante apparaissant après la fleur » (Id., ibid., 1161); 3. av. 1798 fruits de mer (J. Casanova [trad. de l'ital.], Histoire de ma vie, XI, 271 ds Fr. mod. t. 42, p. 281). Empr. au lat. class. fructus (dér. de frui « jouir de ») « usage, possession; rapport, revenu, avantage; fruits des arbres et de la terre »; les sens 1 a et c viennent du lat. chrét. (v. Blaise); sens 3 prob. calque de l'ital. frutti di mare (Redi, xviies. ds Batt.). Fréq. abs. littér. : 6 310. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 11 805, b) 7 057; xxes. : a) 8 608, b) 7 802. DÉR. Fruitage, subst. masc.,vx. Toute sorte de fruits comestibles. Des fruitages en terrines débordantes à l'œil, mais au fond largement pourvu de feuilles de rhubarbe (Guèvremont, Survenant,1945, p. 168).− [fʀ
ɥita:ʒ]. − 1reattest., 1remoitié xives. collectif de fruit (Dit des Paintres ds Jubinal, Nouv. recueil de contes, dits, fabliaux, t. 2, p. 97); de fruit1, suff. -age*. BBG. − Arveiller (R.). Fr. mod. 1974, t. 42, p. 281. − Darm. 1877, p. 128. − Ducháček (O.). Déficiences du lex. Ét. rom. Brno. 1974, no7, pp. 15-16. − Quem. DDL t. 8 (s.v. fruitarien); 13. − Zopfi (F.). Zeugnisse alter Zweisprachigkeit im Glarnerland. Vox rom. 1952, t. 12, p. 305. |