| FREINER, verbe. A.− Emploi intrans. [Le suj. désigne l'agent] Ralentir ou immobiliser, à l'aide d'un frein, une pièce ou une machine en mouvement. Tous les deux cents mètres il lui faudra freiner (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 319). − P. méton. [Le suj. désigne un véhicule en mouvement] Le train freine et s'arrête aux abords de Paris (Valéry, Variété II,1929, p. 38): 1. Après une attente démesurée l'autobus enfin tourna le coin de la rue et vint freiner le long du trottoir. Quelques personnes descendirent, quelques autres montèrent : j'étais de celles-ci.
Queneau, Exerc. style,1947, p. 98. − P. anal. [Le suj. désigne un animé en mouvement] Ralentir son allure, s'immobiliser. Il est fier de freiner sur des pentes où il dit qu'une fois engagés, les autres glissent irrésistiblement (Mauriac, Th. Desqueyroux,1927, p. 205).Il fallait voir les chevaux freiner sur leurs sabots de derrière (Michaux, Plume,1930, p. 157): 2. J'allais, projetant le jet de ma lampe électrique sur ces blocs boueux qu'étaient mes pieds, trébuchant, glissant des talons et freinant rudement des deux mains contre les parois que perçaient des silex aigus.
Vercel, Cap. Conan,1934, p. 234. ♦ P. métaph. Que je n'aie plus à freiner toujours, dans la crainte de vous déplaire, à prononcer « affection » quand je pense « amour » (Montherl., J. filles,1936, p. 967): 3. Une fois déjà, sur le chemin glissant de la pitié, il avait dû, pour leur salut à tous deux, freiner à temps − et fuir.
Martin du G., Thib.,Mort père, 1929, p. 1349. B.− Emploi trans. 1. Dans le domaine phys.[Le suj. désigne l'agent] Ralentir ou stopper le mouvement de quelque chose. Freiner une roue, un véhicule. À l'abri des feuillages, je freine l'araire (Giono, Baumugnes,1929, p. 136). − P. anal. Ralentir (un processus, une action). À mesure que l'animal vieillit, le sérum freine de plus en plus la multiplication cellulaire (Carrel, L'Homme,1935, p. 199).Il voudrait s'arrêter mais personne ne peut freiner cette marche obstinée que personne ne commande (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 203). ♦ Emploi pronom. réfl. à valeur passive. Son geste ici se freine et là se délie (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 677). ♦ Emploi pronom. réciproque. Ces deux rampements contraires s'accrochaient l'un à l'autre par leurs aspérités, se freinaient, s'empêchaient l'un l'autre (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 118). 2. Au fig. a) [Le compl. désigne une activité, un développement, etc.] Rendre difficilement possible, faire obstacle à. Freiner un effort, un progrès. L'abbé Petitjeannin lui-même feignait de freiner un penchant qui allait si à l'encontre de l'obéissance filiale (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 65).Depuis trois mois le S.R.L. n'a rien fait pour freiner l'offensive communiste, dit Scriassine (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 370): 4. Robespierre, bon disciple de Rousseau, cherchait, dans les décombres du christianisme, un symbole dont l'influence morale pût freiner utilement les passions déchaînées par la révolution.
Bloch, Dest. du S.,1931, p. 258. − P. ell. Freiner l'expansion, le développement de quelque chose. Le plus simple leur paraissait encore de freiner les salaires, malgré la montée des prix (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1596). b) [Le compl. désigne une pers.] Modérer l'activité (de quelqu'un). − C'est avec moi que tu aurais dû te marier, me dit-elle enfin, les yeux clos. Tu m'aurais peut-être freinée (Abellio, Pacifiques,1946, p. 414). REM. 1. Freinateur, trice, adj. au fig.Qui agit à la manière d'un frein qui modère une activité (de l'organisme). Pouvoir freinateur. Elle présente souvent sur l'appétit une action freinatrice très nette (R. Schwartz, Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p. 29).Emploi subst. La radiothérapie hypophysaire, les freinateurs hypophysaires (...) stabilisent et même améliorent les lésions ostéo-articulaires (Ravault, Vignon, Rhumatol.1956, p. 547).[On trouve également ds la docum. la graphie frénateur, trice. ] Une action frénatrice plus ou moins marquée (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 119).Rapidement on comprit l'action frénatrice de l'écartement des jambes (Jeux et sp.,1967, p. 1570). 2. Freination, subst. fém.,méd. Action de ralentir les sécrétions hormonales (d'apr. Rob. Suppl. 1970 et Lar. Lang. fr.). On écrit aussi frénation; absent, sous l'une ou l'autre graphie, de tous les autres dict. gén. Prononc. et Orth. : [fʀ
εne] ou, p. harmonis. vocalique, [fʀene]; noter cependant que la graph. ei tend à maintenir [ε] ouvert (cf. Bub. 1935, § 40); (il) freine [fʀ
εn]. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1907 techn. freiner (Nouv. Lar. ill. Suppl.). Dér. de frein*; cf. l'a. fr. frener (2emoitié xiiies. [ms.] « mater, refréner » ds Gdf.), du lat. class. frenare « brider, freiner » au propre et au figuré. Fréq. abs. littér. : 108. |