| FRÉQUENTER, verbe. Se rendre souvent dans un lieu ou chez quelqu'un. A.− Emploi trans. 1. [Le compl. d'obj. désigne un lieu ou une pers.] a) [Le compl. d'obj. désigne un lieu] Se rendre souvent dans un lieu où se déroule généralement une activité. Fréquenter les cafés, une école, les théâtres, l'université. C'est un pilier de cabaret et il fréquente toutes les boîtes de nuit (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 50).Les plages de l'ouest très fréquentées par les estivants, ce troupeau de vacances (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 281): 1. ... ce siècle (...) de duellistes et de bretteurs fréquentant les salles des maîtres espagnols et napolitains pour apprendre des bottes secrètes et des coups de Jarnac...
Gautier, Fracasse,1863, p. 224. − Littér. [Le suj. désigne une chose] ♦ [Une chose concr.] L'Athos que la foudre fréquente (Hugo, Légende,t. 3, 1877, p. 185).Elle [la route] ne va plus fréquenter toutes ces gorges sauvages, ces déchirures de collines (Giono, Eau vive,1943, p. 147): 2. Où portes-tu tes rêveries,
Vieux laboureur jaloux de tes voisins?
Que l'eau visite tes prairies;
Que le soleil fréquente tes raisins!
Nadaud, Chansons,1870, p. 289. ♦ [Une chose abstr.] Prostituée à l'or, Rome cote, surfait, pare, étale, brocante Son absolution que le vice fréquente (Hugo, Légende,t. 6, 1883, p. 108).Les chemins que la raison fréquente rarement (Maeterl., Vie espace,1928, p. 169). b) [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Se rendre souvent chez une personne avec laquelle on entretient des relations sociales, amicales, la rencontrer souvent. On prend les mœurs, les habitudes de ceux qu'on fréquente (Ac.).On fréquente qui vous reçoit (Giraudoux, Lucrèce,1944, I, 8, p. 62): 3. Dans le milieu où je vis à Paris, parmi tous ceux que je fréquente (...) je ne trouve (...) personne à qui (...) (...) confier les nouvelles préoccupations qui m'agitent.
Gide, Caves,1914, p. 836. ♦ Emploi pronom. réciproque. La boutique de curiosités où se fréquentent les amis d'Anatole France (Jacob, Cornet dés,1923, p. 226). − En partic., fam., vieilli ou région. Avoir des relations amoureuses avec quelqu'un, généralement en vue du mariage. Elle parla de son premier amant, un clerc d'avoué (...) depuis l'automne, elle fréquentait un vendeur du Bon Marché (Zola, Bonh. dames,1883, p. 512).Annie (...) devait coucher avec l'étudiant en médecine qu'elle « fréquentait » avant de connaître Frédéric... (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 170): 4. Tant que Maurice n'avait eu pour maîtresses que des femmes honnêtes, sa conduite n'avait donné lieu à aucun reproche. Il en fut autrement quand il fréquenta Bouchotte.
France, Révolte anges,1914, p. 314. ♦ Emploi abs. On ne pensa pas une minute que Marie Chazottes avait pu s'enlever (...) tout le monde le savait, elle ne fréquentait pas (Giono, Roi sans divertiss.,1947, p. 18): 5. Madame Frontenac cédait à la fois à l'inquiétude et à l'orgueil, quand Burthe disait : « M. Jean-Louis fréquente... » Des sentiments contraires l'agitaient : crainte de le voir s'engager si jeune, mais aussi attrait de ce que Madeleine toucherait à son mariage sur la succession de sa mère...
Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 66. ♦ Emploi pronom. réciproque. Quand on veut se marier... on se fréquente (Labiche, Cagnotte,1864, I, 1, p. 5).On rit ensemble et on se fait la cour! (...) On se fréquente pendant quelques mois... et on se marie (G. Rub, Le Malheur sur la ferme de Maublanc,Neuchâtel, Fleurier, 1930, p. 48). 2. Au fig., littér. [Le compl. d'obj. désigne une manifestation de l'esprit hum.] Pratiquer souvent une activité intellectuelle. L'hypergéométrie (...) dont il faudrait expliquer chaque terme à ceux qui ne la fréquentent point (Maeterl., Vie espace,1928, p. 39).Je n'avais pour ainsi dire pas fréquenté l'espagnol littéraire (Larbaud, Vice impuni,1941, p. 20): 6. ... il y a peu d'ingénieurs (...) qui aient pratiqué, comme l'a fait M. Fabre, de profondes percées dans la métaphysique de l'être. Il a fréquenté les plus grandes philosophies. La théologie elle-même ne lui est pas étrangère.
Valéry, Variété I,1924, p. 116. − Spécialement ♦ [Le compl. d'obj. désigne une œuvre littér. ou un aut.] Lire souvent. Ses livres [de Henri Heine], peu fréquentés du public, sont le bréviaire des beaux esprits de la petite presse (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 241).On voit que vous avez fréquenté les livres de (...) Pedro de Las Vegas (Claudel, Soulier,1929, 3ejournée, 2, p. 779): 7. ... l'âge (...) nous dresse (...) à supporter la lecture des parleurs illustres du vieux temps, dont les ouvrages, autrefois, nous tombaient des mains. Nous commençons, vers quarante ans, à fréquenter les auteurs que nous avions fait semblant d'aimer avant cet âge.
Mauriac, Journal 1,1934, p. 86. ♦ Fréquenter les sacrements. Avoir souvent recours aux sacrements. Comment! (...) vous n'auriez jamais fréquenté les sacremens!... (...) quoi! Les voûtes d'une église ne vous ont donc point révélé quelque secret sublime? (Balzac, Annette,t. 2, 1824, p. 132).Mener une vie chrétienne. Avoir la foi. Fréquenter les sacrements (Barrès, Cahiers,t. 7, 1809, p. 239). B.− Emploi intrans., littér. 1. [Le verbe est suivi d'un compl. prép. (ou d'un pronom) désignant un lieu] Aller souvent dans un lieu où se déroule généralement une activité. Il fréquente (...) dans la maison d'un tel (Ac.). Le préfet va voir des femmes dans la maison de Rondonneau jeune. On l'a surpris. L'abbé Guitrel y fréquente aussi (France, Orme,1897, p. 163).Une espèce de couloir à forte inclinaison, tellement rocheux et aride que seuls les moutons y fréquentent (Ramuz, Derborence,1934, p. 50): 8. ... le salon de Mmede Villeparisis, où fréquentait la reine de Suède, où avaient fréquenté le duc d'Aumale, le duc de Broglie, Thiers, Montalembert, Mgr Dupanloup...
Proust, Guermantes 1,1920, p. 194. 2. [Le verbe est suivi d'un compl. prép. (ou d'un pronom) désignant une pers.] Aller souvent chez une personne avec laquelle on entretient des relations sociales, amicales. Fréquenter avec les hérétiques (Ac.). Elle (...) aurait voulu fréquenter dans les familles riches (Pourrat, Gaspard,1922, p. 167).J'ai fréquenté chez les aînés pendant une part de ma vie, en sorte que, partout, je me sentais « le plus jeune » (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 11): 9. Ce n'est pas que la duchesse de Guermantes eût un salon plus aristocratique que sa cousine. Chez la première fréquentaient des gens que la seconde n'eût jamais voulu inviter...
Proust, Sodome,1922, p. 668. REM. Fréquenteur, fréquentier, subst. masc.,péj., vieilli. Celui qui fréquente les débits de boissons. J'étais un peu fréquentier du cabaret (Sand, Maîtres sonneurs,1853, p. 34).Le maître de musique le plus sérieux de la ville était un artiste paresseux, fréquenteur de cafés, oubliant dans les charmes d'une partie de billard ses élèves qui l'attendaient en vain (Champl., Souffr. profess. Delteil,1855, p. 17).Villiers-de-l'Isle-Adam était un fréquenteur de brasserie (Goncourt, Journal,1892, p. 279). Prononc. et Orth. : [fʀekɑ
̃te], (il) fréquente [fʀekɑ
̃:t]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin xiies. « célébrer » (Sermons St Bernard, 114, 28 ds T.-L.); 2. 1174-78 « aller souvent dans un lieu » (E. de Fougères, Manières, éd. J. Kremer, 603); ca 1380 « être en relations avec quelqu'un » (J. Le Fevre, Trad. la vieille, 95 ds T.-L.). Empr. au lat. class. frequentare « fréquenter, être assidu quelque part ». Fréq. abs. littér. : 1 107. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 926, b) 1 524; xxes. : a) 1 710, b) 2 071. DÉR. Fréquentable, adj.a) [En parlant d'une voie de communication] Que l'on peut fréquenter, emprunter. Le Rhin plus aisément fréquentable qu'une voie artificielle et plus rapide (Navig. intér. Fr.,1952, p. 71).b) Que l'on peut fréquenter sans déchoir, sans se compromettre.
α) [En parlant d'un lieu] Des lieux de plaisir tout juste fréquentables (Dub.).
β) [En parlant d'une pers.] Individu peu fréquentable. Mon innocence ainsi établie je redevins un homme fréquentable (Aymé, Confort,1949, p. 7).Tigre (...), s'il décide que la filleule de M. Damiens est une fille fréquentable, elle le sera (Anouilh, Répét.,1950, I, p. 29).− [fʀekɑ
̃tabl̥]. − 1reattest. [av. 1526 « fréquent » (J. Marot, Voy. de Genes, Prologue à la Royne Anne, éd. 1532 ds Gdf.)], 1838 « que l'on peut fréquenter » (Ac. Compl. 1842); du rad. de fréquenter, suff. -able*. |