| FRÉMISSEMENT, subst. masc. A.− [Constr. avec un compl. prép. de désignant ce qui frémit] 1. Faible mouvement d'oscillation ou de vibration qui produit un son faible, confus ou vibrant. Le frémissement du feuillage. Toutes les espèces de serpens à sonnettes, répandent au loin la terreur, par le seul frémissement des écailles de leur queue et par l'odeur empestée qu'ils exhalent (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 2, 1808, p. 330).« Tu entends? » et c'était plus un frémissement des lèvres que des paroles balbutiées (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p. 102): 1. Sous ses doigts [de Lucienne], au piano, la valse s'éteignait, devenait comme une insensible vibration, comme, sous une bouffée d'air, le frémissement d'un cristal très fin.
Courteline, Femmes d'amis,Mouv. de valse, 1884, p. 27. ♦ Spéc. Frémissement de l'eau. Léger frissonnement à l'approche de l'ébullition. Certaines cuissons (...) délicates se font au frémissement de l'eau, à 87oc. (Lasnet1970). 2. P. ext. a) [L'accent est mis sur le mouvement et/ou l'impression visuelle] − [Le compl. prép. désigne une chose] Faible mouvement d'oscillation ou de vibration, se propageant généralement avec rapidité. Le contour de certains demi-globes dont le frémissement des dentelles qui les violaient trahissait les palpitations (Gautier, Fracasse,1863, p. 242).L'on entrevoyait au bord des corsages des frémissements d'éventails, lents et doux comme des battements d'aile d'oiseau blessé (Flaub., Éduc. sent.,t. 1, 1869, p. 156). ♦ Absol. Quasi-synon. tremblement, vibration.On ne voyait même plus à la surface ce frémissement, ce tremblement, ces obscurs cercles concentriques qui annoncent que quelque chose est tombé là, et qu'on peut y jeter la sonde (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 623).Le sol était tout secoué par un frémissement continu, comme sismique (Gide, Journal,1943, p. 232): 2. Et l'on voyait aussi les épis se courber sous le vent et le soudain frémissement se communiquer d'un champ à l'autre, comme une risée sur la mer.
Carco, Voix basse,1938, p. 58. ♦ P. anal. [Le compl. prép. désigne une lumière variant d'intensité] Les coups de vent (...) faisaient courir des frémissements d'étincelles sur le flanc des coteaux (Giono, Bonh. fou,1957, p. 315).Le ciel était maintenant d'un bleu partout égal, lumineux mais sans frémissement (Genevoix, Dern. harde,1938, p. 23). − [Le compl. de désigne une partie du corps] Faible tremblement, frisson. Elles [les méditations] reprirent. Cela se voyait au frémissement des bouches, à la gravité des regards, à l'immobilité des bras croisés sur les poitrines (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 161).Son visage était si immobile que l'imperceptible frémissement d'un muscle, à la racine du nez, y apparaissait ainsi qu'un signe extraordinaire (Bernanos, Crime,1935, p. 785). ♦ Au fig. Ils comprennent toujours, au frémissement de leur cœur et au frissonnement de leur chair, la différence énorme qui existe entre le rêve et la réalité (Dumas père, Comte Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 343).Cette sorte de poésie qui vient du frémissement des nerfs à nu, une poésie d'écorché vif (Barrès, Jard. Oronte,1922, p. 3). ♦ Absol. Un frémissement courut sur sa gorge d'enfant, sur son ventre et ses cuisses (Zola, Germinal,1885, p. 1401).Christophe étudiait avec curiosité ce visage mobile, où l'on voyait passer de petits frémissements sous la peau transparente (Rolland, J.-Chr.,Foire, 1908, p. 823): 3. Les grands nègres s'immobilisèrent, les mains au-dessus de leur tête, agrippées à l'extrémité des perches à peine enfoncées, mais les muscles tendus et parcourus d'un frémissement continu qui semblait venir de l'eau elle-même et de sa pesée.
Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1657. ♦ En partic., MÉD. Faible vibration localisée ou généralisée. La toux est petite et rare. Il se produit des frémissements musculaires (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux,1896, p. 237).Frémissement cataire* (cf. Bariéty, Coury, Hist. méd.,1963, p. 602).Frémissement hydatique. ,,Sensation de vibration perçue à la palpation d'une tumeur hydatique`` (Méd. Biol., t. 2 1971). Quand on les [les boules d'eau] remue, elles frémissent en raison du liquide qu'elles contiennent (frémissement hydatique) (Garcin, Guide vétér.,1944, p. 73). SYNT. Frémissement convulsif, imperceptible, nerveux; long, petit frémissement. b) [L'accent est mis sur la vibration sonore et/ou l'impression auditive] Son léger, confus ou vibrant. Entendre le frémissement d'une corde; un frémissement sonore. Quand le frémissement du pas de la comtesse put être entendu, un marinier se leva soudain (Balzac, Proscrits,1831, p. 16).Aucun bruit dans la forêt que le frémissement léger de la neige tombant sur les arbres (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Prisonn., 1884, p. 276): 4. ... il écoutait (...) le divin murmure des arbres balancés, le doux frémissement des branches dans la brise, le fin froissement des herbes ondulantes, comme un souffle qui plisse le front d'un lac limpide, comme le frôlement de pas amoureux qui passent et s'effacent dans l'air.
Rolland, J.-Chr.,Adolesc., 1905, p. 266. − Absol. Les feuilles tombées faisaient à terre une couche rougeâtre qui craquait sous les pieds avec des frémissements secs (Zola, T. Raquin,1867, p. 63).C'était un lieu (...) plein de silences et de frémissements, bruit léger de l'eau (...) appel discret des tourterelles, chant de flûte (Gide, Immor.,1902, p. 392). B.− Dans le domaine psychol. 1. [Constr. avec un compl. prép. de] a) [Le compl. prép. désigne un sentiment] Intense sentiment de..., accompagné ou non d'un tremblement physique. À ce nom, Fernand eut un frémissement de colère (Ponson du Terr., Rocambole,t. 2, 1859, p. 440).Je vous regarde seulement vous agiter autour de ces deux cadavres avec un frémissement de dégoût, une espèce d'horreur dont je ne suis pas maître (Bernanos, Crime,1935, p. 792). − P. anal. Intense sentiment de..., partagé par un groupe, accompagné ou non d'une agitation diffuse. Dès le début, sa chaire fut entourée d'un frémissement de curiosité et d'attente que chaque leçon aiguisait (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 166). b) [Le compl. prép. désigne un fait réel ou possible] Trouble émotif provoqué par le fait, la pensée de. Ils passaient, (...) perdus dans l'hallucination, dans l'émotion du désir, dans le frémissement de l'étreinte prochaine (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Prom., 1884, p. 946).Qui de nous n'a senti le frémissement de ce passage de l'enseignement secondaire à l'enseignement supérieur (Péguy, Argent,1913, p. 1173). Rem. La docum. atteste la constr. frémissement à. Le public de Paris, dont l'empressement, l'émotion, l'intelligent frémissement aux intentions les plus furtives, viennent une fois encore de rassurer les poètes (Rostand, Samaritaine, 1897, p. 7). Ce frémissement à prévoir l'avenir, ne l'avez-vous pas ressenti, vous le pessimiste rêveur de nos promenades au bois? (Blanche, Modèles, 1928, p. 22). 2. [P. ell. des compl. de] Trouble émotif intense. Ils épuisèrent la violence des désirs, les frémissements et les tendresses éperdues (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 25).La sœur Thérèse avait dans toute sa personne une sorte de perpétuelle émotion trop puissante, et sa voix traduisait si bien ce frémissement intérieur! (Barrès, Colline insp.,1913, p. 145): 5. Il est aisé de le constater, ce besoin de l'au-delà quand il ne rencontre pas une satisfaction idéale et noble se rabat sur le domaine de la sensation et demande aux aberrations du système nerveux le frémissement surhumain que les véritables mystiques obtenaient par les ferveurs de la prière.
Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 71. − P. anal. Agitation d'un ensemble de personnes provoqué par une émotion commune. L'accent sinistre et railleur de sa voix fit courir un léger frémissement dans tout le cercle de ses auditeurs (Soulié, Mém. diable,t. 2, 1837, p. 212).La fête approche et des frémissements courent déjà par les rues (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 311). − Au fig. Vie, émotion qui semble animer une œuvre d'art. Une traduction sentie, animée, (...) qui rende leur mouvement aux images et, s'il se peut, leur frémissement aux harmonieuses syllabes (Sainte-Beuve, Virgile,1857, p. 381).Pour la première fois Nerval a donné à plein dans le mythe, et pour la première fois un frémissement sacré a parcouru ses pages (Durry, Nerval,1956, p. 35). Prononc. et Orth. : [fʀemismɑ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1remoitié xiies. « mouvement, tremblement traduisant un sentiment très fort, une émotion vive » (Cantique d'Habacuc, 17, Psautier de Cambridge, p. 271 ds DG : en fremissement dechaceras la terre [in fremitu conculcabis terram]). Dér. du rad. du part. prés. de frémir*; suff. -ement*1. Fréq. abs. littér. : 839. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 747, b) 1 222; xxes. : a) 1 576, b) 1 327. |