| FORÊT, subst. fém. A.− Vaste étendue de terrain couverte d'arbres; ensemble des arbres qui couvrent cette étendue. Le sous-bois ressemblait à la superposition d'une tornade dans un pays de sable, d'un incendie de forêt, et d'une explosion de poudrière (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 22): 1. Les forêts ont été les premiers temples de la Divinité, et les hommes ont pris dans la forêt la première idée de l'architecture.
Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 24. 2. Il n'est pas un site de forêt qui n'ait sa signifiance; pas une clairière, pas un fourré qui ne présente des analogies avec le labyrinthe des pensées humaines.
Balzac, Curé vill.,1839, p. 150. SYNT. Forêt dense, épaisse, impraticable; forêt vierge; forêt amazonienne, boréale, équatoriale, tropicale; forêt de bouleaux, de cèdres, de conifères; les clairières, les laies, les sentiers d'une forêt; abattre, couper une forêt; exploitation, coupes d'une forêt; forêt exploitée en taillis, en futaie; à la lisière, à l'orée de la forêt; forêt domaniale, communale, particulière; l'Administration des Eaux et Forêts; École nationale des Eaux et Forêts de Nancy. − Locutions ♦ Les arbres* cachent la forêt. ♦ [P. allus. à la forêt de Bondy près de Paris, qui autrefois était infestée de voleurs] Vous êtes tombé dans une vraie forêt de Bondy. ,,Vous êtes entouré de malhonnêtes gens`` (Ac.). La société est une vraie forêt de Bondy (Flaub., Corresp.,1859, p. 302). B.− P. anal. 1. Grande quantité d'objets longs et serrés. Une forêt de carabines, de bannières, de drapeaux, de mâts. Voyez ces forêts de colonnes, d'obélisques, de pyramides (Chateaubr., Fragm. Génie,1800, p. 258).Cette forêt de cheminées d'usines crachant leurs fumées rabattues (A. Daudet, N. Roumestan,1881, p. 322): 3. ... ils regardèrent les ex-voto. Des inscriptions sur plaques témoignent de la reconnaissance des fidèles. On admire deux épées en sautoir offertes, des bouquets de mariée, des médailles militaires, des cœurs d'argent, et dans l'angle, au niveau du sol, une forêt de béquilles.
Flaub., Bouvard,t. 2, 1880, p. 119. − [En parlant de l'ensemble des pièces de charpente formant le comble d'un édifice] :
4. Enfin, le 4 juin 1836, un formidable incendie (...) éclate. Il persiste pendant onze heures et ruine toute la charpente, la forêt entière de la toiture...
Huysmans, Cathédr.,1898, p. 76. 2. Au fig. Grande quantité de choses abstraites formant un ensemble complexe ou confus, inextricable. Chaque plaque correspondait à une plaque de sa mémoire, chaque nom faisait surgir une forêt de sensations (L. Daudet, Astre noir,1893, p. 101).La forêt de chiffres où avait vécu cette personne qui n'avait pas un sou vaillant (Montherl., Célibataires,1934, p. 912): 5. Cent mille ardents soldats, héros et non victimes, Morts dans un tourbillon d'événements sublimes, (...) Sont un malheur moins grand pour la société (...) Qu'un juste assassiné dans la forêt des lois...
Hugo, Quatre vents,1881, p. 84. 6. ... c'est une chasse magique que la chasse dialectique. Dans la forêt enchantée du Langage, les poètes vont tout exprès pour se perdre, et s'y enivrer d'égarement, cherchant les carrefours de signification, les échos imprévus, les rencontres étranges...
Valéry, Variété IV,1938, p. 245. Prononc. et Orth. : [fɔ
ʀ
ε]. Enq. : /foʀe, D/. Ds Ac. 1694-1932. Homon. foret. Étymol. et Hist. 1. 1121-34 forest « vaste étendue de terrain peuplée d'arbres » (Ph. de Thaon, Bestiaire, 401 ds T.-L.); 2. xives. « quantité considérable d'objets longs et serrés » (Hugues Capet, éd. La Grange, 3466 : forest dez lanchez). Du b. lat. [silva] forestis (de forum « tribunal ») « forêt relevant de la cour de justice du roi » puis « territoire soustrait à l'usage général et dont le roi se réserve la jouissance » (dep. 648 ds Nierm.); sens également attesté en a. fr. (xiies. ds T.-L.). La valeur jur. du mot, qui apparaît dès les premiers textes, appuie l'hypothèse de l'étymon lat. forestis plutôt que le frq. *forhist « futaie de sapins ». Fréq. abs. littér. : 6 814. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 11 900, b) 10 724; xxes. : a) 8 736, b) 7 823. Bbg. Söll (L.). Die Bezeichnungen für den Wald in den romanischen Sprachen. München, 1967, 460 p.; Forestis, forêt, forest, Forst. Die Neueren Sprachen. 1962, t. 11, pp. 147-160. − Stefenelli (A.). Lexikalische Variatio in Chrétiens Yvain. Z. rom. Philol. 1965, t. 81, pp. 250-287; Der Synonymenreichtum der altfranzösischen Dichtersprache. Wien, 1967. |