| * Dans l'article "FEU1,, subst. masc." FEU1, subst. masc. I. A.− 1. Phénomène consistant en un dégagement de chaleur et de lumière produit par la combustion vive d'un corps. Adorer le feu; mangeur, cracheur de feu. Les Anciens regardaient le feu comme un des quatre éléments; l'action du feu sur un corps (Ac.1835-1932).Il y a loin du dessin d'un huron à un tableau de David (...) comme il y a loin de la pirogue ou du canot creusé, avec le feu, dans un tronc d'arbre, à un navire de haut bord (Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 147): 1. À défaut d'instruments capables de venir à bout des arbres, le feu offrait le moyen d'extirper la végétation parasite, de dégager le sol environnant, d'écarter les possibilités d'embuscades et de surprises.
Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 31. − Spécialement ♦ Feu élémentaire. Une des quatre substances pures de l'ancienne chimie. Ce que j'ai vu éclater, c'est le feu élémentaire, le feu qui, déposé en la matière, fait la naissance, qui, retiré d'elle, fait la mort (Renan, Drames philos.,Eau jouvence, 1881, p. 451). ♦ ASTROL. Signes de feu (cf. A 2 infra). − Locutions ♦ Prendre feu. Entrer en combustion vive. Le bois a pris feu. Synon. s'embraser; anton. s'éteindre.On eût dit l'éruption soudaine d'un volcan. Des dépôts de carburants avaient pris feu, répandant, sur une immense étendue d'horizon, une épaisse fumée (Gide, Journal,1943, p. 179).Au fig. Devenir très passionné (par quelque chose). Synon. s'enflammer, s'échauffer.Le quartier des écoles (...) était plus soulevé encore que la veille; la banlieue prenait feu (Hugo, Nap. le Pt,1852).On s'assied à la table et la causerie prend feu (Goncourt, Journal,1860, p. 782). ♦ Faire feu (vx). S'enflammer. Les calcédoines (...) sont plus tenaces que le cristal de roche et font facilement feu au briquet (A. Pérès, Pierres et roches,1896, p. 18). ♦ Mettre le feu (à qqc.). Faire entrer quelque chose en combustion vive. Synon. allumer; anton. éteindre.Il y avait là dedans des litres d'eau-de-vie et, au milieu, un monceau d'éclats de pain de sucre (...). Un des convives saisit un brandon et y mit le feu (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 164). ♦ (Donner, demander à qqn; avoir) du feu. De quoi allumer quelque chose (généralement une pipe, une cigarette). Du feu, s'il vous plaît. Un gardien se tient dans la rotonde et donne du feu aux prisonniers, qui ont une heure pour fumer une pipe (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Mes pris., 1893, p. 398): 2. − Vous avez du feu, n'est-ce pas? (...)
« Hélas! nous n'avons pas de feu, dit Pencroff, ou plutôt, monsieur Cyrus, nous n'en avons plus! » et le marin (...) égaya l'ingénieur en lui racontant l'histoire de leur unique allumette, puis sa tentative avortée pour se procurer du feu à la façon des sauvages.
Verne, Île myst.,1874, p. 75. − Au figuré ♦ Jeter de l'huile* sur le feu. ♦ C'est le feu et l'eau*. ♦ Mettre le feu aux poudres. Faire éclater quelque chose qui était latent. La plaine rompit avec la droite (...) le 12 vendémiaire (4 octobre), elle révoqua le désarmement des terroristes. Cette dernière mesure mit le feu aux poudres (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 453). ♦ Mettre le feu sous le ventre de qqn (Ac.), mettre le feu au ventre de qqn (vieilli). Exciter quelqu'un à accomplir quelque chose. Et c'est ce diable d'homme qui leur a mis à tous le feu au ventre (A. Daudet, Tartarin Alpes,1885, p. 22). ♦ Souffler le feu (vieilli); souffler sur le feu. Pousser quelqu'un à accomplir quelque chose. Les agents de l'Angleterre soufflaient le feu, les partisans des Cortès cherchaient à faire naître une division sérieuse entre nous et le parti royaliste (Chateaubr., Congrès Vérone,t. 2. 1838, p. 131).Il s'insinue parmi ses camarades, souffle le feu (...). En dix minutes, voici la section survoltée (H. Bazin, Tête contre murs,1949, p. 366). ♦ Jeter feu et flamme(s). Être très en colère. Son père jetait feu et flammes; il ne parlait rien moins que de mettre dona Lucia aux filles repenties (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 343). − Proverbes ♦ Il ne faut pas jouer avec le feu. Il ne faut pas prendre de gros risques. Attention! vous connaissez le proverbe : il ne faut pas jouer avec le feu, jeu de main, jeu de vilain. Frédéric et moi, nous avons tellement joué avec le feu qu'un peu plus il était pris, torturé, fusillé (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 154). ♦ Il n'y a pas de fumée* sans feu. 2. Phénomène physique assimilé à une combustion vive. a) [Feu est suivi d'un déterm.] Un feu souterrain (Ac.). Le feu des volcans, qui ne provient pas de la chute d'une pierre sur un amas de soufre, comme l'a dit Newton, mais qui doit son origine à la fermentation des rivages des mers (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 290). − Spécialement ♦ Feu central. Foyer de matières incandescentes qu'on disait exister au centre du globe terrestre. De place en place, comme les cratères laissent échapper le feu central, les « machines parlantes » des cafés servaient d'exutoire au faux sentiment (Montherl., Célibataires,1934, p. 830). ♦ Feu du ciel, feu céleste. Foudre : 3. On cite de la foudre d'étonnantes espiègleries (...). Les feux du ciel déshabillent parfois leurs victimes et transportent leurs vêtements à de grandes distances.
Cocteau, Poés. crit. I,1959, p. 194. ♦ RELIG. Feu éternel. Feu qui brûle les damnés. Le feu éternel est préparé au diable et à ses anges (Théol. cath.t. 14, 1, 1920, p. 347).Feu du ciel, feu céleste. Foudre qui châtie les pécheurs. Être frappé par le feu du ciel. Ce n'est point une Sodôme condamnée par le feu céleste, mais le sarcophage épicurien d'une courtisane de Campanie (Quinet, All. et Ital.,1836, p. 214). ♦ Feu follet*, feu fée*. ♦ Feu chalain (région., Canada). ,,Éclair de chaleur`` (Dionne 1909); ♦ Feu St-Elme. Étincelles qui se forment, par suite de l'électricité atmosphérique, à l'extrémité des mâts ou des vergues d'un navire. À onze heures, Yves, qui est de quart, vient m'appeler pour voir les feux Saint-Elme qui sautillent et crépitent au bout de toutes les vergues (Loti, Journal,1878-81, p. 91). ♦ Feu grisou*. − Loc. Faire feu des quatre fers (vieilli). Produire des étincelles par suite d'un brusque départ. [Il] renfourcha son bidet, qui faisait feu des quatre fers (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 192).P. anal. Bonne vieille diligence, fais feu de tes quatre roues, emporte le petit Chose (A. Daudet, Pt Chose,1868, p. 149). ♦ Au fig., vx. Faire feu des quatre pieds (Ac.). Employer tous ses efforts pour réussir dans une entreprise. Le ministère fait feu des quatre pieds et paraît résolu à vendre chèrement sa vie (Mérimée, Lettres ctesse de Montijo,1870, p. 112). b) Subst. + de feu.[Feu est un déterm. spécifiant l'apparence matérielle d'un phénomène dont le subst. indique gén. la forme] Croix, mur, pluie, langues de feu. Elle [Votre Altesse] verra sur la place le long d'un balcon, en lettres de feu, hautes comme ça... une inscription! (Sardou, Rabagas,1872, IV, 6, p. 178): 4. Tout d'un coup, dans la montagne de l'orage ruisselèrent vingt torrents de feu. Le plateau frappé de partout par la foudre sonna comme une cloche.
Giono, Que ma joie demeure,1935, p. 483. − Spécialement ♦ RELIG. Langues* de feu de la Pentecôte. ♦ HIST. Les Croix de feu. Mouvement d'extrême droite français, d'inspiration fasciste. ♦ GÉOL. Ceinture de feu. Zone d'activité volcanique intense entourant la terre. La ceinture de feu du Pacifique. On peut dire que l'océan Pacifique est entouré par un véritable cercle de feu (Lapparent, Abr. géol.,1886, p. 80). ♦ ASTROL. Signes de feu. Signes du zodiaque (Bélier, Lion, Sagittaire). B.− Source de chaleur à fonction utilitaire ou symbolique, généralement en combustion vive. 1. Source de chaleur produite par la combustion vive de quelque chose et utilisée pour chauffer quelqu'un, quelque chose ou cuire quelque chose. a) Feu + subst. spécifiant la matière.Un feu de sarments, de braises. Nous allumâmes un feu de broussailles pour sécher nos habits mouillés par la pluie du jour (Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 163). − Emploi abs. Être près du feu; le coin du feu. Puis, comme il se sentait frémissant et apeuré, il posa de l'eau sur le feu, afin de boire du café bien chaud avant de se mettre en route (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Aub., 1886, p. 1080).Il est mort en silence, beaucoup plus tard, tout seul, la porte grande ouverte sur la cuisine où le feu ronronne et fait danser au plafond sa langue rose (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1432): 5.− Pardonnez-moi, dit-il. Je n'ai pas chaud. J'étais très mouillé et ma chambre est très froide. Je me chaufferai quelques minutes à votre feu.
Il s'accroupit avec difficulté devant l'âtre, tendit les mains.
Vercors, Silence mer,1942, p. 34. SYNT. Allumer, couvrir, ranimer un/le feu; faire du feu, un bon feu (Ac.); mettre, jeter au feu; un grand, un maigre feu; un feu vif, clair, ardent; chambre sans feu.
α) Spécialement − Arts du feu. Arts utilisant la cuisson par le feu (faïencerie, poterie, verrerie, etc.). Métallurgiste, teinturier, verrier, joaillier, j'exerçais mon génie dans ces arts du feu, si merveilleux qu'ils semblent magiques (France, Jard. Épicure,1895, p. 182). − CUIS. Partie du dispositif chauffant situé sur la face supérieure d'une cuisinière, d'un réchaud. Une cuisinière électrique (à) quatre feux. ♦ Loc. adv. [En parlant d'une cuisson] À feu doux*; à petit feu, à feu modéré. Doucement. Anton. à feu vif, ardent.Faites-les frire à feu modéré et activez la chaleur à mesure que la cuisson s'opère (Gdes heures cuis. fr., J. Gouffé, 1877, p. 185).− C'est toi, Louis! ton dîner est tout prêt dans la cuisine, mon enfant. J'ai laissé la soupe à petit feu (Duhamel, Confess. min.,1920, p. 116).Au fig. Lentement. Alors, c'est cela, je me laisserai mourir à petit feu, élégamment, au milieu de mes amis pâles d'émoi (Miomandre, Écrits sur eau,1908, p. 88).Pousser le feu. Augmenter l'intensité du feu. Mouillez avec le bouillon de veau et poussez le feu pendant une heure (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 343). ♦ Loc. subst. Coup de feu. Pointe de chaleur quand on active le feu. Au fig. Être dans son coup de feu. Être au moment où l'on est le plus affairé. Le cuisinier est dans son coup de feu (Ac.).C'était le grand coup de feu, comme disait Quenu (Zola, Ventre Paris,1873, p. 693).Il [Bernardin de Saint-Pierre] est dans le coup de feu de ses tableaux; l'enthousiasme le prend lui-même en se relisant (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 6, 1853, p. 426).Eh bien, à l'idée qu'ils [les artistes] s'étaient passés de moi pour le coup de feu de la répétition en costumes et de la générale, le journal m'est tombé des mains (Colette, Music-hall,1915, p. 171). − VERRERIE, FAÏENCERIE ♦ (Premier, deuxième, troisième) feu (vx.) [Désigne le nombre de cuissons d'une pièce] L'opération qui se fait dans l'intervalle d'un réchauffement à l'autre constitue ce qu'on appelle un feu. On ne donne que deux feux pour le noir léger, mais on ne donne trois pour le noir pesant (Berthollet, Art teint.,t. 2, 1804, p. 12). ♦ De grand feu, de petit feu. Dénomination caractérisant la température et la durée de la cuisson. Il n'y a presque pas de cuisson de poterie qui ne se divise en deux temps : celui qu'on appelle de petit feu et celui qu'on nomme de grand feu (Al. Brongniart, Arts céram.,t. 1, 1844, p. 225). ♦ Défaut de feu, coup de feu (vx). Défaut dû à une cuisson excessive. Un vernis (...) trop dur (...) se couvre de petits trous. Un défaut de feu produit à peu près le même effet (Al. Brongniart, Arts céram.,t. 1, 1844p. 172). ♦ Couleur (de) grand feu. Dont la cuisson peut être effectuée à la température maximale. Les couleurs de grand feu (...) sont employées sur porcelaine dure ou grès cérame (Coffignier, Coul. et peint.,1924, p. 529). − THÉÂTRE, vx. Feux (d'un acteur). Ce que reçoit un acteur en sus de ses appointements fixes. Cet acteur a tant pour ses feux (Ac.).Les acteurs qui chanteraient à ces représentations auraient sous le nom de feux une gratification particulière (Stendhal, Rossini,1823, p. 221). ♦ P. anal. Si, en quatrième, on m'avait offert un engagement dans une troupe [de brigands] convenable, avec espoir d'avancement et des feux, j'aurais signé des deux mains (Vallès, Réfract.,1865, p. 100). − HIST. Supplice du bûcher. Être condamné au feu : 6. Puis-je oublier qu'il n'y a pas six ans que Pie II a réuni au Vatican ce tribunal spécial (...) et (...) vous a condamné à la peine des hérétiques, c'est-à-dire à périr par le feu?
Montherl., Malatesta,1946, II, 5, p. 473. ♦ Justice par le fer (l'eau*) et par le feu. Le fer et le feu étaient dans le code. La loi pratiquait la cautérisation du vagabondage (Hugo, Homme qui rit,t. 1, 1869, p. 34).Étrange système de chercher la vérité par l'éloquence (...) cela paraîtra aussi étrange que la justice par l'eau et par le feu (Barrès, Cahiers,t. 5, 1906-07, p. 59). − Expressions ♦ À feu continu. Feu qui ne s'éteint que lorsqu'on arrête un four. Travailler à feu continu. Durant les deux dernières guerres mondiales, les hauts fourneaux avaient été simplement et soigneusement mis en veilleuse. Et depuis la Libération, il était entendu, sans besoin d'un accord écrit, qu'au plus fort d'une grève d'EDF, les usines fonctionnant à feu continu ne seraient jamais privées de courant (Le Point,9 juill. 1973, p. 27, col. 1). ♦ Qui va au feu. Qui supporte la flamme. Plat qui va au feu. ♦ À feu nu. Au contact direct de la flamme. Cuire à feu nu. Huile empyreumatique que l'on prépare en distillant à feu nu la cire jaune mêlée avec de la chaux vive (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog.,t. 1, 1821, p. 200).
β) Loc. fig. − Feu de paille. Quelque chose qui dure peu. Cet amour si violent ne sera qu'un feu de paille (Ac.1932).Mais les soupçons que pouvait parfois lui inspirer Eulalie, n'étaient qu'un feu de paille et tombaient vite, faute d'aliment (Proust, Swann,1913, p. 117). − Faire feu qui dure (Ac.). Ménager ses biens ou sa santé. Il faut faire feu qui dure (Ac.1932).Je t'en prie, éteins un peu l'ardeur de ton âme; ménageons-nous et, comme dit Riccardo, le forgeron, faisons feu qui dure (France, Puits ste Claire,1895, p. 68). − Faire grande chère et beau feu, vx. (Ac.) Accomplir une très grande dépense. Il revenait de l'armée; il avait de l'argent, nous faisions bonne chère et grand feu (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 59). − Faire feu de tout bois*. Employer tous les moyens possibles pour parvenir à ses fins. − Mettre les fers* au feu. Tirer les marrons* du feu.
γ) Proverbes. Il n'est feu que de bois* vert. Bois* tortu fait feu droit. b) [Feu suivi d'un déterm. spécifiant la fonction du feu] − Domaine milit.Feu de bivouac, de camp. Feu allumé par une troupe en bivouac, en campagne. Après lui avoir fait faire une bonne lieue, à pied, dans l'obscurité rendue plus profonde en apparence par le feu des bivouacs qui de toutes parts éclairaient l'horizon (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 31): 7. Le dîner fini, nos pas nous portaient malgré nous vers la lande où les fumées rabattues des feux de camp qui rougeoyaient dans le noir se mêlaient au brouillart tôt retombé de la lagune...
Gracq, Syrtes,1951, p. 133. ♦ P. ell. Les Tommies, autour de leurs feux, parlent de leurs femmes et de leurs dangers (Maurois, Silences Bramble,1918, p. 170). − P. ext. Feu de camp. Feu en plein air autour duquel les membres d'un groupe se réunissent pour passer la veillée. Allumer un feu de camp. Mais les enfants volés n'ont point l'ennui de naître Ils surgissent soudain, on ne sait d'où, ni quand, Chez les romanichels, autour d'un feu de camp (Cocteau, Théâtre poche,1949, p. 112). − Feu de joie. Feu qu'on allume en signe de liesse. Les principales fêtes de la religion s'annonçoient par une pompe extraordinaire. La veille on allumoit des feux de joie (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 441). − Feu de la St-Jean. Feu de joie qu'on allume la nuit de la Saint-Jean. Dans la nuit du 23 juin, les gars du pays y allument (...) le feu de la Saint-Jean, auquel d'autres feux répondent de toutes les hauteurs voisines (France, P. Nozière,1899, p. 306). − Feu grégois*. − LITURG. ROMAINE. Feu nouveau. (Depuis la réforme de Pie XII) feu allumé à la veille de Pâques. La bénédiction du feu nouveau. − HIST. ANTIQUE. Feu sacré. Feu perpétuel entretenu par les vestales dans le temple de Vesta. P. anal. Se souviendront-ils jamais de ceux qui ont traversé les déserts, portant le feu sacré, les dieux de notre race, et eux ces enfants, qui maintenant sont des hommes? (Rolland, J.-Chr.,Nouv. journée, 1912, p. 1548).Cf. II B 1 b infra. 2. [Dans un syntagme prép. déterminant un type d'objets par l'usage qui est fait du feu] a) [Usages domestiques] − Chambre à feu (Ac. 1932), vx. Pièce où il y a une cheminée. − Pot* à feu, garniture* de feu, plaque* de feu, pique-feu*, porcelaine* à feu. b) MÉD. Pointe de feu. Instrument long et aigu servant à cautériser; p. méton. cautérisation effectuée avec cet instrument. Et l'on parle des tristesses de sa vie : une mauvaise santé, des rhumatismes qui exigent à tout moment des pointes de feu (Goncourt, Journal,1887, p. 674). c) TECHNOLOGIE − Boîte à feu. Partie d'une chaudière où se produit la combustion. Le mélange air-mazout se fait dans la boîte à feu ou dans un caisson la précédant (Chartrou, Pétroles natur. et artif.,1931, p. 133). − Pompe à feu (vx). Machine à vapeur. Moins de trois mille saluts qui se succédaient comme les coups de piston d'une pompe à feu (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 227). − Pierre* à feu. d) SYLVIC. Bois de feu. Bois de chauffage. Anton. bois de sciage.Résorption massive des bois de feu feuillus, développement de la production des sciages résineux (Forêt fr.,1955, p. 20). 3. P. méton. Maison habitée, p. ext. foyer. Il y a cent feux dans ce village. Cette bourgade est composée de tant de feux (Ac.1932).Les états lui accordèrent [au Prince Noir] la permission de lever dix sous par feu dans toute la principauté d'Aquitaine (Stendhal, Mém. touriste,t. 3, 1838, p. 113): 8. ... il a quitté Paris, fait l'achat, près de Draguignan, d'une bicoque aux tuiles vernies, cachée dans les palmes, à l'entrée d'un hameau de six feux.
Bernanos, Joie,1929, p. 634. − Spéc., HIST. Feu (contribuable). Unité fiscale utilisée pour l'imposition jusqu'au xviiiesiècle : 9. Enfin dans certaines provinces (Bretagne, Dauphiné, Provence) le feu est devenu progressivement une unité de compte n'ayant plus aucun rapport avec les réalités démographiques : par exemple, telle paroisse est imposée forfaitairement pour 4 feux 1/4, telle autre pour 6 feux etc. Il faut se garder de confondre ces feux fiscaux (dits feux de compoix) avec les feux « allumants », qui correspondent à des ménages.
J. Dupaquier, La Population rurale du Bassin parisien à l'époque de Louis XIV(thèse), Paris, t. 1, 1977, p. 24. − Loc. Sans feu ni lieu. Sans domicile fixe. Pourquoi parles-tu de renverser le gouvernement (...) tu as une femme, tu as une fille (...). Il n'y a que les gens sans feu ni lieu, n'ayant rien à perdre, qui veulent des coups de fusil (Zola, Ventre Paris,1873, p. 759): 10. Pourquoi (...) les appelle-t-on les poilus? (...) C'est une nation d'honnêtes gens qui se bat pour ses foyers (...) et non pas une troupe de bohèmes à demi sauvages, mal policés, sans feu ni lieu.
Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 92. C.− Destruction de quelque chose par combustion vive. Le feu a gagné le plancher, a gagné le toit; arrêter les progrès du feu (Ac.). Assurance contre le feu; un feu de forêt. (Quasi-)synon. incendie.Des poutres rongées et noircies par le feu indiquaient la place d'une grange (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 112): 11. Une vieille femme passa. Elle ne savait rien. Ils arrêtèrent un petit garçon, qui répondit : − « Je crois que c'est le feu! » et le tambour continuait à battre, la cloche tintait plus fort. Enfin, ils atteignirent les premières maisons du village. L'épicier leur cria de loin : − « Le feu est chez vous! » Pécuchet prit le pas gymnastique...
Flaub., Bouvard,t. 1, 1880, p. 36. SYNT. Le feu prend, se déclare, se répand, se propage; attiser, combattre, maîtriser le feu; dégats, dommages, ravages du feu; risques du feu; lutte contre le feu. − Expressions ♦ Mettre, fiche (fam.), foutre (pop.), bouter (vx), flanquer (fam.) le feu à qqc./dans qqc. Incendier (quelque chose). Nous avons porté la paille au pied des maisons, qui sont toutes en planches ou en osier, et nous avons mis le feu dans sept endroits à la fois (About, Roi mont.,1857, p. 96). ♦ « Au feu ». [Cri qu'on lance lorsqu'on veut signaler un incendie] Je vis que tout le bas de ma demeure n'était plus qu'un effrayant brasier (...) je me mis à courir vers le village en hurlant : « au secours! au secours! au feu! au feu! » (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Horla, 1886, p. 1123).Au fig. Crier au feu. S'alarmer. Il n'y a pas de quoi crier au feu, dit-il avec beaucoup de calme. Qu'est-ce que vous attendez maintenant? Faites-la monter (Bernanos, Crime,1935, p. 836). − Spécialement ♦ Brigade, hommes, soldats du feu. (Corps de) sapeurs-pompiers. ♦ Feu de cheminée. Embrasement de la suie accumulée dans le conduit d'une cheminée. Elle a passé son temps, dans sa chambre, à brûler des tas de lettres; nous avons même cru qu'il y avait un feu de cheminée (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 247). ♦ Domaine de la lutte contre le feu.Feu courant. Feu se propageant avec une tête bien définie (d'apr. Métro 1975). Feu à retardement. Feu restant à l'état latent avant d'éclater (d'apr. Métro 1975). Costume de feu. Tenue pour combattre le feu. − Loc. fig. ♦ Faire la part du feu. Sacrifier certaines choses pour ne pas tout perdre. Dans certaines circonstances il faut faire la part du feu (Ac.) : 12. Georgette est innocente, et cependant demain elle peut se trouver atteinte par les mêmes absurdes calomnies... Croyez-moi, faites la part du feu et assoupissez tout cela par un mariage.
Theuriet, Mariage Gérard,1875, p. 205. ♦ Courir à qqc. comme au feu. Se presser vivement pour aller voir quelque chose. On y court comme au feu (Ac.). ♦ Il n'y a pas le feu (à la maison). Rien ne presse. M. d'Eblis te fait la cour, n'est-ce pas? (...) mais enfin le feu n'est pas à la maison, n'est-ce pas? Tu n'en es pas folle, de ce monsieur? − Folle, non (Feuillet, Journal femme,1878, pp. 72-73). ♦ À feu et à sang. Détruit, ravagé par la guerre, par des combats. Il ne mit pas moins de cinq jours (...) pour aller de la Lorraine, qui était à feu et à sang, jusque dans l'Anjou tranquille, où les vignes mûrissaient doucement sous le soleil (Benjamin, Gaspard,1915, p. 78). ♦ Par le fer* et par le feu. ♦ Avoir le feu aux trousses, aux fesses (fam.), au derrière (fam.), au cul (pop.). Être très pressé. Me voilà donc en train de courser le gamin qui avait bien cent mètres d'avance sur moi, et le feu aux fesses par-dessus le marché (Aymé, Jument,1933, p. 57).Cf. infra II B 1 b. − Au fig. [Avec un adj. ou un compl. introduit par de exprimant qqc. jugé comme mauvais] Les feux du désordre, de la haine; le feu du péché; les feux de la dissension. Moyens dont disposent les familles (...) pour garantir les âmes du feu lascif par quoi, bon gré mal gré, toute l'humanité est pour ainsi dire embrasée (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 213): 13. ... c'est qu'il est plus sûr d'abandonner un droit litigieux que de plaider, de troubler la paix des nations et d'attiser le feu de la guerre civile.
Proudhon, Propriété,1840, p. 204. II.− [Le feu sert à dénoter un des aspects du phénomène de combustion] A.− [La combustion considérée sous l'aspect de sa lumière] 1. Lumière produite par quelque chose qui brûle. Le feu des réverbères; signal par le feu. Ils continuent les ancêtres pilleurs d'épaves qui trompaient les bateaux par des feux sur les roches (Hamp, Marée,1908, p. 19): 14. ... je frappai du pied vivement sur le pont pour les faire finir. Je leur criai : − Eh! dites donc, mes petits amis! on a l'ordre d'éteindre tous les feux du bâtiment. Soufflez-moi votre lampe, s'il vous plaît.
Vigny, Serv. et grand. milit.,1835, p. 47. − Spéc. Pêcher au feu. Pêcher au moyen de flambeaux dont la lueur attire le poisson (d'apr. Baudr. Pêches 1827). Synon. région. pêcher au lamparo*. 2. P. ext. Lumière. Le feu de la lampe; les feux des boulevards. Je n'aperçus d'abord que des rues boueuses, des pavés mouillés, luisants sous le feu des boutiques (Fromentin, Dominique,1863, p. 131).Quelques lucioles, de loin en loin, déchirent l'air de leur feu vert et intermittent (Maran, Batouala,1921, p. 62): 15. Je viens de consulter ma carte. De toute façon j'ai abordé les cotes zéro : je ne risque rien. Je descends toujours et vire plein nord. Ainsi je recevrai, dans mes fenêtres, les feux des villes. Je les ai sans doute dépassées, elles m'apparaîtront donc à gauche.
Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 216. ♦ Loc. À pleins feux. Très fort. La nuit s'épaississait (...) les lumières électriques brillaient maintenant à pleins feux (...) les bars voisins étincelaient à travers leurs vitrages (Arnoux, Paris,1939, p. 229). − Spécialement ♦ Domaine milit.Extinction des feux. Extinction des lumières. P. anal. Sonner l'extinction des feux. Manquer la fin de quelque chose. La conversation commençait à faiblir. − Je crois, disait alors M. Rosenthal, que le moment est venu de sonner l'extinction des feux (Nizan, Conspir.,1938, p. 135).Couvre-feu*. ♦ MAR., AVIAT., CH. DE FER. Lumière servant à signaler un bâtiment, un véhicule ou des installations fixes. Feux de babord, de tribord; feu de mouillage, de port; feu à éclat, à occultation; feu de position, feux fixes. Les trains de toutes les catégories portent à l'avant, au moins un feu blanc et, sur la face arrière du dernier véhicule, un feu rouge (Bricka, Ch. de fer,t. 2, 1894, p. 138).J'attends avec inquiétude cette chaloupe dont Yves est le patron : elle est allée à terre et ne revient pas. Enfin, voici son feu rouge qui s'avance, en retard de deux heures! (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 153). ♦ Domaine de la signalisation automobileDispositif lumineux servant à signaler un véhicule automobile. Feu de position, de stationnement; feu arrière; feu rouge, clignotant*; tous feux éteints. La rue Royale était obscure. L'auto, feux éteints, attendait au bord du trottoir (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 809).Dispositif lumineux dont est muni un véhicule pour éclairer la route. Feux de croisement, de route, de ville. Synon. phare. ♦ Domaine de la circulation.Feux tricolores; feu vert, rouge, orange. Dispositif lumineux autorisant ou interdisant le passage de véhicules. Il aperçut enfin le feu d'un disque : la gare était proche (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1929, p. 640).Moi, lui souffla Zazie dans le cornet de l'oreille, je me tire au prochain feu rouge (Queneau, Zazie,1959, p. 129).Loc. Griller, brûler un feu rouge. Passer alors que c'est interdit. Au fig. Donner le feu vert (à qqn). Autoriser quelqu'un à faire quelque chose. La déclaration de la Maison Blanche (...) a donné « le feu vert » à M. Macmillan (Monde,16 sept. 1960, p. 3, col. 4). ♦ THÉÂTRE. Le(s) feu(x) de la rampe. Lumières servant à éclairer la scène d'un théâtre. D'abord elle [la cantatrice] avait songé à amoindrir son succès, en se ménageant, en ne donnant pas toute sa voix, tous ses moyens; mais ses résolutions comme celles du mari ne tenaient pas devant le feu de la rampe (A. Daudet, Femmes d'artistes,1874, p. 89).Il a fait jouer par ses amis de petites pièces gentilles, mais qui n'étaient pas assez faites pour voir le feu de la rampe (Sand, Corresp.,t. 6, 1876, p. 396). ♦ Faire, mettre plein feu sur qqc./qqn. Faire pleine lumière sur quelque chose, quelqu'un. Le rideau se ferme lentement tandis que l'éclairage lunaire disparaît progressivement. Soudain, le plein feu est donné devant le cadre fixe et le rideau (Claudel, Soulier,1944, 1repart., 1rejourn., 12, p. 984). ♦ Poét. Lumière. Les feux du jour, de l'amour; ciel rouge des feux du soir. Le vermisseau reluit; son front de diamant Répète auprès des fleurs les feux du firmament (Vigny, Poèmes ant. et mod.,1837, p. 54): 16. ... l'homme la chercha [la divinité] dans les astres du firmament, dont il ressentait les influences en même temps qu'il admirait l'éclat de leurs feux.
Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 113. 3. P. anal. Éclat. Le feu de ses yeux. Le feu d'un rubis (Ac.). Ses grands yeux brillants qui roulaient avec un feu incomparable entre deux paupières fines et allongées comme celles des gazelles (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 77).Quelques diamants d'un feu changeant (Bourget, 2eamour,1884, p. 154): 17. ... M. de Vimy élevait la couperose de sa figure radieuse, illuminée par les feux de ses regards.
Adam, Enf. Aust.,1902, p. 268. ♦ Jeter du feu. Briller vivement. Ce diamant jette beaucoup de feu (Ac.).Ses yeux noirs jetaient du feu (Montherl., Célibataires,1934, p. 869). − Loc., au fig. N'y voir que du feu. Ne se rendre compte de rien. Il est certain que ce malheureux n'y a vu que du feu (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 170).Azaïs n'y voit que du feu; mais tous les siens ne seront pas aussi jobards (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1123). B.− [Feu relève métaphoriquement d'un des aspects de la combustion sans dénoter une combustion réelle] 1. a) Chaleur vive. Les feux de l'été; les feux de l'équateur; le feu de la fièvre* (Ac.). C'était (...) un vieillard infirme, courbé sous le rude travail du labourage. Sous le feu du soleil il défrichait une lande stérile; la sueur ruisselait de sa tête chauve (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 179).Le climat mexicain est celui du feu, en effet, du feu et du froid, du feu en même temps que du froid... le feu de la vie qui serait le froid de la mort (Audiberti, Quoat,1946, 1ertabl., p. 32). Rem. Dans l'ex. suiv., feu peut aussi désigner la couleur (sens II B 2). Elle darda sur lui ses prunelles noires. Le feu lui monta au visage; sa fougue allait sans doute l'emporter (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 57). − Locutions ♦ Avoir le feu, mettre le feu (à qqc.). Être, faire devenir quelque chose très brûlant. Avoir le feu aux joues. ♦ [Le suj. désigne des épices, des boissons alcoolisées] Avoir du feu. Avoir de la force. Cette liqueur a beaucoup de feu. Ce piment met le feu à la bouche (Ac.).Il but un plein verre de vin de Giro, vin de Sardaigne qui recèle autant de feu que les vieux vins de Tokai en allument (Balzac, Gambara,1837, p. 90).Le double feu de l'alcool et du café combattrait victorieusement l'invasion de l'humide (Amiel, Journal,1866, p. 192).Au fig. Revenir à Nicole avec quelque intérêt aujourd'hui après le feu des épices modernes, c'est preuve que le palais n'est pas tout à fait brûlé (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 354). ♦ Eau de feu. Eau-de-vie. Sur les placis devant les portes, des tas de moût croulaient sous une buée qui sentait l'eau de feu (Genevoix, Rroû,1931, p. 170). ♦ Jeter son feu. Dégager de la chaleur. Le fumier doit avoir jeté son premier feu, et conserver une chaleur douce de 20 à 25 degrés (Gressent, Potager mod.,1863, p. 681).Au fig., vieilli. Donner le moins sage de soi-même d'abord. Tu ne regardes pas (...) comme mal employé le temps que met un jeune homme à dépouiller le vice de la périphrase poétique et de la pruderie élégante des salons : il jette son feu, sa gourme; il en vaudra mieux après (Feuillet, Scènes et prov.,1851, p. 49). − Spécialement ♦ Feu du rasoir. Brûlure ressentie après le rasage (d'apr. Rob.). ♦ MÉD. Feu (de) St-Antoine (vx). Maladie provoquée par l'ergot de seigle. Synon. mal des ardents.L'abbaye de saint-Antoine, jadis célèbre pour les guérisons du zona, dénommé feu de saint-Antoine ou mal des ardents (Billy, Introïbo,1939, p. 211). − [Feu est dans un syntagme déterm.] ♦ (Qqc.) de feu. Brûlant. Un vent de feu; haleine de feu. Il (...) but, coup sur coup, plusieurs verres. Son courage s'affermissait; une fièvre de feu glissait dans ses veines (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Aub., 1886, p. 1083).On voit celui-ci (...) on devine son beau visage émacié et son regard de feu (Béguin, Âme romant.,1939, p. 106): 18. On ouvrait les fenêtres supérieures, de grands stores de toile grise pendaient sous le ciel brûlant, une pluie de feu tombait sur les Halles, les chauffait comme un four de tôle...
Zola, Ventre Paris,1873, p. 729. ♦ En feu. Très brûlant, embrasé. Le regard en feu. Avoir la bouche toute en feu (Ac.).Les femmes (...) Haletantes encor, l'œil en feu, les seins durs, D'un pied lent désertant la salle solitaire, Regagner leur foyer en rêvant l'adultère (Barbier, Iambes,1840, p. 59): 19. J'étais moulu, j'avais les coudes et les genoux écorchés, le bout du nez incrusté d'une multitude de petites pierres aiguës, les lèvres fendues, les oreilles en feu...
France, Pt Pierre,1918, p. 252. b) Domaine des pulsions et affects.Caractère ardent, passionné (de quelque chose, de quelqu'un). Le feu de la jeunesse; le feu des passions, des désirs; feu intérieur. Être plein d'un beau feu (Ac.). (Quasi-)synon. exaltation.Manicamp. − Tenez, Folleville, embrassez ma fille. Folleville (effrayé). − Hein? Manicamp. − Allons, du feu! morbleu! du feu! (Labiche, Folleville,1850, 3, p. 220).Je trouve à Stendhal le mouvement, le feu, les réflexes rapides, le ton rebondissant, l'honnête cynisme des Diderot et des Beaumarchais, ces comédiens admirables (Valéry, Variété II,1929, p. 83): 20. Rien de plus facile, ce me semble, que de résumer notre position, dit le jeune évêque d'Agde avec le feu concentré et contraint du fanatisme le plus exalté.
Stendhal, Rouge et noir,1830, p. 385. − Emploi abs. (gén. au plur.), vx, poét. Passion. L'on pense que le roi, plein d'une ardeur nouvelle, N'arme que pour chercher aux remparts de Bruxelles Cette belle Condé, qu'un mari soupçonneux Voulut, en l'y traînant, arracher à ses feux (Legouvé, Mort Henri IV,1806, I, 6, p. 357).Seul mon amour pour Mariette brûlait des mêmes feux (Carco, Rien qu'une femme,1924, p. 116). − Locutions ♦ Dans le feu de (qqc./l'action), au feu de (qqc.). Sous l'emprise de (quelque chose). Je ne me suis pas décidé à récrire, à resserrer et à fondre ces pages improvisées chaque jour aux feux de l'événement (Barrès, Scènes et doctr.,t. 1, 1902, p. 3): 21. Pour la première fois, je l'ai senti heureux. Pour la première fois, dans le feu de l'action, je l'ai vu confondre, comme on dit, le manteau de l'avenir et le manteau du passé.
Giraudoux, Siegfried,1928, III, 1, p. 112. ♦ Sous le feu de (qqc.). [Qqc. de non-nombrable] Sous l'emprise de, sous la portée de (quelque chose). Je me dis qu'il était sous le feu de l'inspiration et qu'il pouvait avoir du talent (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 273). ♦ Avec feu. Avec emportement, exaltation. Enfin, comme il parlait bien et avec feu, elle ne fut point choquée qu'il eût jugé à propos de prendre pour une soirée, et sans conséquence, le rôle d'attentif (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 97).Ne me dis pas que George a inventé tout ça! Ne me dis pas que tous ces documents étaient des faux! dit Lambert avec feu (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 300). ♦ (Avoir) le feu sacré. (Être plein de) passion, ardeur pour quelque chose. Il n'a pas le feu sacré. Elle [la génération naissante] apportera, non la paix du despotisme ni les honteuses agitations de l'intrigue, mais le feu sacré de la liberté (Robesp., Discours,Guerre, t. 8, 1792, p. 110). ♦ Être tout feu tout flamme (pour qqc./qqn). Se donner avec passion à quelque chose/quelqu'un. Un Frontignan quadragénaire, tout feu, tout flamme (Colette, Apprent.,1936, p. 140). ♦ Jeter feu et flamme. Exprimer vivement son indignation (pour qqc.). Il faut l'entendre en ces moments se révolter, s'indigner, jeter feu et flamme (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 14, 1861, p. 224). ♦ Péter* le feu (fam.). ♦ Avoir le feu au cul (vulg.). Être en état d'excitation sexuelle (v. cul C 1). 2. Couleur plus ou moins vive comme celle du feu. Ce cheval a une robe de feu; cet animal est taché, marqué de feu; reflets de feu. Quelques petits choucas, un feu rose moirant leurs ailes noires, qui tournent au-dessus des sillons (Genevoix, Dern. harde,1938, p. 207): 22. ... l'horizon, derrière la ville, était sans bornes comme la mer; il se confondait avec les bords pourpres de ce ciel de feu, qu'enflammait encore la réverbération des sables du grand désert...
Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 209. − [Avec spécification] Couleur* de feu. Sur mon lit il y avait des tulipes qu'elle venait de m'apporter. La plus belle était couleur de feu (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 154). − MÉD., vx. Feu volage. Rougeur d'origine éruptive apparaissant à la face des enfants. (Dict. xixes.). − Feu de dents (vx). Éruption cutanée se produisant chez les enfants lors de la pousse des premières dents. III.− Spécialement A.− Déflagration de matières fulminantes. Bouche* à feu; (faire le) coup* de feu. À neuf heures du soir, la voix du général en chef se fait encore entendre, dominant l'ouragan de fer et de feu (Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 269). − Loc. subst. ♦ Arme à feu. Arme utilisant la déflagration de matières fulminantes. Anton. arme blanche.Soudainement il fut éclairé par un phosphore accompagné d'une détonation semblable à celle d'une arme à feu (Borel, Champavert,1833, p. 94).Les pillards Chaamba (...) aiment fort les armes à feu, et, pour s'adjuger les soixante fusils de vos râteliers (...) ils n'auraient aucun scrupule à profiter (...) de l'absence d'un officier (Benoit, Atlant.,1919, p. 30).P. méton., argotique. Feu. Pistolet, revolver. Glissant sa main gauche sous le bras du Bordelais, il s'empara du feu planqué dans la ceinture. Un P. 38 (Le Breton, Rififi,1953, p. 18): 23. Pet! là dedans! que j'fais en m'aboulant, et j'ai sorti mon feu, pour qu'ils comprennent...
Carco, Jésus-la-Caille,1914, p. 196. ♦ Feu d'artifice. Effets de lumière colorés produits par la combustion des poudres diversement mélangées et projetées dans le ciel. Les feux d'artifice du 14 juillet. En face, sur le pont-tournant, Raoul tirait le feu d'artifice; alternativement, une fusée, un soleil, éclaboussaient le ciel. Au bout d'un quart d'heure, il alluma des feux de bengale; une lueur d'incendie se refléta dans l'eau sombre (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 174).P. anal. Je voyais, quand je fermais les yeux, les gueules des quatre canons lourds (...) prêtes à cracher sur nous, sur moi, leurs tonnes d'acier en fusion, leur feu d'artifice grondant, orange et noir (Vialar, Morts viv.,1947, p. 164).Au fig. Suite d'actions, de faits remarquables par leur éclat. Un feu d'artifice de bons mots. Sa conversation [de Rivarol] ressemble à un feu d'artifice tiré sur l'eau : brillante et froide (Chênedollé, Journal,1833, p. 163).Pour quelques feux d'artifice agréablement tirés par un écrivain, on crie tout de suite au chef-d'œuvre (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 474). ♦ Feu de Bengale. Mélange pyrotechnique brûlant avec une flamme vive et généralement colorée (supra feu d'artifice). ♦ Feu de conserve. Artifice se consumant lentement. ♦ Pot* à feu; boutefeu*; tire*-feu*; lance* à feu. ♦ Plan* des feux. − Loc. verbales ♦ Faire feu. Tirer avec une arme à feu. Les gendarmes firent feu. S'il cherche à se sauver (...) faites feu sur lui! (Dumas père, Halifax,1842, 111, 4, p. 80). ♦ Faire long feu (vieilli). [Le suj. désigne une arme à feu] Ne pas partir. Le fusil de Reeder fit long feu, mais Sam l'atteignit à l'épaule (Borel, Champavert,1833, p. 103).Au fig. Manquer son but. Ce projet a fait long feu. Sous l'impulsion bergsonienne, on aurait pu la croire [la psychologie française contemporaine] sauvée des illusions du langage et du laboratoire. Mais (...) il n'en reste plus que le nom et les apparences chez les psychologues tenant enseigne. La révolution bergsonienne a fait long feu chez eux (Mounier, Traité caract.,1946, p. 9). ♦ Ne pas faire long feu. Ne pas durer longtemps. Reynold (à son père) : − Tu veux un viveur? tu l'auras! Tes vingt mille francs ne feront pas long feu (...) tu peux préparer du renfort (Augier, MmeCaverlet,1876, p. 494) Rem. Cette expr. n'a plus qu'un sens figuré. B.− P. méton. [Dans un affrontement armé] 1. Tir. Soutenir le feu, essuyer le feu de la place; le feu du canon, de l'artillerie; cessez-le-feu*; exercice* à feu. Puissance de feu. Feu rasant, feu sporadique, nourri (Ac. 1835-1932). Feu de tribord, de babord (Ac.). Ils étaient à couvert du feu de la ville (Ac.1835-1932).Au même moment la colonne Lafond déboucha par le quai Voltaire, marchant sur le pont Royal. Alors on donna l'ordre aux batteries de tirer. Une pièce de huit (...) commença le feu, et servit de signal pour tous les postes (Las Cases, Mém. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 340).Attention, dit Puche, nous allons partir. Nous avons un kilomètre et demi à faire sous le feu... Le fracas d'un obus lui couvrit la parole (Benjamin, Gaspard,1915, p. 60): 24. D'autres assaillants essayaient de se glisser le long des murs, de profiter des marquises, des balcons, toujours dans le feu de deux nids de mitrailleuses au moins.
Malraux, Espoir,1937, p. 451. − Au fig. Une fois à table et en pleine lumière (...) je supportai bravement le feu croisé des regards (Feuillet, Pte Ctesse,1857, pp. 40-41).Le rapport de Barère sur la bienfaisance nationale laissa plutôt prévoir qu'elles aussi [les terres] subiraient le feu des enchères (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 411). − Loc. verb. ♦ « Feu », « feu à volonté », « ouvrez le feu »; « cessez le feu ». [Commandements enjoignant aux soldats de tirer/ de cesser le tir] Ils se formèrent en peloton. − « Feu! » cria-t-elle (...). Deux ou trois coups de feu partirent. Il entendit les balles s'écraser contre le mur. Il n'était pas touché (France, Servien,1882, p. 245).Les officiers avaient commandé le feu à volonté (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 275).Au fig. Ouvrir le feu. Aborder un sujet tout de go. L'ermite ouvrit le feu bravement. Notre cher malade écoutait, ne disait rien (Fabre, Oncle Célestin,1881, p. 451). ♦ Prendre (qqc.) entre deux feux/sous le feu (de qqc./qqn). Prendre entre deux tirs/sous le tir. Les Vendéens, informés de l'approche d'une forte avant-garde à Châteaubriant, craignant d'être pris entre deux feux, s'étaient dépêchés de lever le siège (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870p. 242).Au fig. Force est bientôt aux amoureux de passer au pied de la terrasse sous le feu des lorgnettes et des brocards (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 5, 1852, p. 31): 25. M. des Lourdines aperçut son fils et lui fit signe de venir. Derrière, Frédéric sortait de l'écurie, avec le cheval.
Anthime, pris entre deux feux, ne put se dérober.
Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 251. − Spécialement ♦ Feu roulant. Tir ininterrompu. Enfin, Leurs Majestés parties, le peuple, commandé par Westermann, était arrivé sous le feu roulant des Suisses qui garnissaient toutes les fenêtres (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870p. 11).Au fig. Suite ininterrompue (de quelque chose). Feu roulant de questions. Cette sorte de chasse parut, on ne peut plus divertissante, et ne se fit pas, comme on pense bien, sans un feu roulant de quolibets, et la plupart, assez grossiers (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 300). ♦ Feu de salve. Tir simultané de plusieurs armes à feu. Attention, pour un feu de salve. À gauche de la meule de paille... joue... feu! (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 55). ♦ Feu de peloton. Décharge exécutée par tout un peloton. Chacun d'eux emportait une trentaine de cartouches; on exécutait des feux de file, des feux de peloton; on simulait une petite guerre (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 181). ♦ Feu de file, de rang (vx). Tir d'une troupe qui tire rangée par rangée. Aussitôt je mis pied à terre, bien étonné de me trouver sain et sauf, derrière des feux de file (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870p. 188). 2. [Gén. précédé d'un verbe/subst. indiquant le mouvement ou la situation dans l'espace] Combat. Ce soldat n'a pas encore vu le feu (Ac.1835-1932).Un mois à peu près après l'ouverture de la session et après une vingtaine de dîners, il jugea sa troupe assez aguerrie pour la mener au feu (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1835, p. 219).Cependant, poltron que j'étais, mon effroi égalait ma passion : conscrit j'allais mal au feu (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 22): 26. Verdun, avec ses obus et ses incendies, n'avait été encore qu'un arrière inhabitable. Maintenant, c'était la zone de feu.
Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 140. − Loc. Aller au feu comme à la noce (Ac. 1798-1878), vx. Aller gaiement au combat. (Faire son) baptême* du feu. REM. Feutier, subst. masc.,vx. Personne ayant la charge de s'occuper du chauffage des appartements d'une grande demeure. Jalade, faussaire, libéré après avoir subi huit années de travaux forcés, [était, aux Tuileries, sous Louis XVIII] feutier en chef (Vidocq, Vrais myst. Paris,t. 1, 1844, p. 70).La basse besogne du feutier de la grotte s'exhausse, devient sublime (Huysmans, Foules Lourdes,1906, p. 39). Prononc. et Orth. : [fø]. Ds Ac. dep. 1694. Au plur. feux. Étymol. et Hist. A. Matières en combustion 1. moyen de destruction ca 881 « bûcher » (Eulalie, 19 ds Henry Chrestomathie, p. 3 : Enz enl fou la [Eulalia] getterent); 2emoitié xes. (St Léger, éd. J. Linskill, 133 : A foc, a flamma vai ardant); 2. 2emoitié xes. désigne les flammes figurant l'Esprit de la Pentecôte (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 476); 3. ca 1100 « étincelle » (Roland, éd. J. Bédier, 3912); 4. 1120-50 désigne le feu de l'enfer (Grant mal fist Adam, I, 6 ds T.-L.); 5. ca 1160 source de chaleur : cuisson des aliments (Eneas, 289, ibid.); 6. ca 1200 désigne la foudre (Dial. Grég., éd. W. Foerster, 352, 34); 7. 1228 « lieu où l'on fait le feu, foyer » (J. Renart, G. de Dole, éd. F. Lecoy, 43); 1260 « famille, foyer » (E. Boileau, Métiers, 69 ds T.-L. : se il ne tient chief d'ostel, c'est a savoir feu et leu). B. P. métaph. 1. 2emoitié xes. exprime l'ardeur, l'éclat du regard (Passion, 395 : tal a regard cum focs ardenz); 2. 1174-77 « chaleur, température du corps » (Renart, V, 56 ds T.-L.); ca 1223 désigne une maladie rongeant les chairs (G. de Coinci, éd. F. Koenig, 2 Mir 22, 31 : Qui maladie avoit si grant Que feuz d'enfer ses piez ardoit); 3. exprime l'ardeur des sentiments ca 1150 la colère (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 7838); 1174-76 l'amour (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 306 ds T.-L.). C. Ca 1188 désigne une source de lumière (Partonopeus de Blois, éd. J. Gildea, 4536 : Li feus de la lanterne estaint). D. 1572 « décharge de matières fulminantes » (Yver, p. 540 ds Littré : un canon qui fait faux feu). Du lat. class. fŏcus « foyer où brûle un feu; famille, foyer; bûcher; réchaud » employé à l'époque imp. comme synon. de ignis qu'il finit par supplanter. Bbg. Ball (R.-V.). Nouv. dat. pour le vocab. de l'automob. Fr. mod. 1974, t. 42, p. 254. − Boudon (P.). Rech. sémiotiques sur le lieu. Semiotica. 1973, t. 7, pp. 196-202. − Bruneau (Ch.). Romania. 1927, t. 53, p. 233. − Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 592. − Dalbec (L.), Fournier (C.), Rivard (M.). Terminol. des aéroports. Banque Mots. 1973, no5, p. 81. − Hemmings (F.-W.-J.). Fire in Zola's fiction... Yale fr. St. 1969, no42, pp. 26-37. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 369, 411. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 202. − Mots dans le vent. Vie Lang. 1969, p. 697. − Pauli 1921, p. 88. − Quem. DDL t. 2 (s.v. feutier), 3, 6, 13. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, pp. 422-423. − Rey (A.). La Phraséologie et son image dans les dict. de l'âge class. Mél. Imbs (P.) 1973, p. 99. |