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FENDRE, verbe trans.
A.− [Le suj. désigne une pers. ou, p. méton., un instrument]
1. [L'obj. désigne un animé ou un inanimé concr.] Séparer (le plus souvent par un coup, un choc) partiellement ou totalement un corps en plusieurs parties, généralement dans le sens de la longueur. Fendre des bûches. Ses poings serrés semblaient déjà fendre les cailloux rebelles (Zola, E. Rougon,1876, p. 150).Il ne se ménageait plus, au risque de fendre les enclumes en deux (Id, Assommoir,1877, p. 555).Il fendait en quartiers des billes de chêne d'un mètre de long (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 32).V. coin ex. 1 et engager ex. 5 :
1. Là aussi la porte est fermée. Pourtant, il y a un billot où on a fendu du bois à la hache. Il y a des entailles fraîches dans le billot et des copeaux frais dans l'herbe... Giono, Regain,1930, p. 97.
Fendre la terre. Bêcher, labourer. Le reste du soleil dans mes champs je le passe (...) à fendre avec la bêche un sol dur (Lamart., Jocelyn,1836, p. 706).
Emploi pronom. réfl. à sens passif et emploi intrans. Ce bois fend mal. Les bois qui se fendent le mieux [sont] le tremble, le sapin (Al. Brongniart, Arts céram.,t. 1, 1844, p. 214):
2. Ils s'avancent sur le chemin semé de feuilles d'ardoises que le vent y a transportées et elles se sont fendues par le milieu en retombant, ayant des fibres comme du bois. Ramuz, Derborence,1934, p. 48.
2. [L'obj. désigne une pers. ou une partie du corps humain]
a) [Même sens que A 1] Moi, je suis d'avis de lui ficher un grand coup d'épée qui le fendra de la tête à la ceinture (Jarry, Ubu,1895, I, 7, p. 44).Joseph, se précipitant sur lui, d'un coup de poing lui fendit les lèvres et lui cassa cinq dents (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 377).Un coup de matraque, qui lui avait fendu le crâne (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 112):
3. Je la [la bêche] pris, je revins; je la levai comme une massue et, d'un seul coup, par le tranchant, je fendis la tête du pêcheur. Oh! il a saigné, celui-là! Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Fou, 1885, p. 1016.
α) Emploi pronom. réfl. indir. Se blesser, se faire une fracture ou une plaie à. Se fendre le genou, la lèvre. Mais, dit-elle, s'il allait tomber de son haut, et se fendre le crâne à quelque meuble! (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 313).
β) Loc. verbales fig., fam.
Fendre la tête à qqn. Lui donner mal à la tête, le fatiguer par un bruit ou des propos importuns. Synon. assommer, casser la tête.Le carillon des vêpres m'a fendu le crâne pour toute l'après-dînée (Musset, Caprices Mar.,1834, II, 1, p. 157).
Fendre l'âme, le cœur. Causer une vive douleur morale; exciter la compassion. Un petit garçon qui se désolait à fendre l'âme (E. de Guérin, Journal,1835, p. 42).Quand je t'ai vue, l'autre soir, pleurer si abondamment, ta désolation me fendait le cœur (Flaub., Corresp.,1863, p. 123).
Pousser des soupirs à fendre l'âme :
4. Flip, qui n'avait cessé de pleurnicher, se mit soudainement à brailler et Fons et Peer l'imitèrent, poussant des sanglots à fendre l'âme. Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 259.
Emploi pronom. réfl. Mon (ton, son, etc.) cœur se fend et emploi trans. indir., vieilli, le cœur me fend. J'éprouve une grande compassion, une grande tristesse. Quand elle [Gervaise] lui [à Lalie] portait des restants de viande en cachette, elle sentait son cœur se fendre, en la regardant avaler avec de grosses larmes silencieuses, par petits morceaux, parce que son gosier rétréci ne laissait plus passer la nourriture (Zola, Assommoir,1877, p. 694).Si j'eusse été seul, je l'aurais embrassée, cette petite servante qui sanglotait près de moi et que secouait la douleur. Mon cœur se fendait de l'entendre (Gide, Journal,1890, p. 15).Monsieur... vous savoir jeûner... le cœur me fend (Rostand, Cyrano,1898, I, 4, p. 49).
Emploi pronom. réfl. indir., pop. Se fendre (le cul) en quatre. Se donner beaucoup de mal. Synon. pop. se casser le derrière, le tronc.
Fendre un (les) cheveu(x) en quatre. Ergoter sur quelque chose. Synon. usuel couper les cheveux en quatre.Nous fendions les cheveux en quatre et nous tournions des pensées avec une subtilité extraordinaire (Mérimée, Lettres Mmede Beaulaincourt,1870, p. 7).
b) P. ext. Écarter, ouvrir largement. Il prit le parti de rire, d'un rire énorme qui lui fendait les mâchoires (Zola, Débâcle,1892, p. 16).Un rire d'allégresse fendait sa bouche jusqu'aux oreilles (France, Pt Pierre,1918, p. 120).
Emploi pronom. réfl. Se fendre en. Quand je me nommai, la bouche de Boutin se fendit en éclats de rire comme un mortier (Balzac, Chabert,1832, p. 50).
Emploi pronom. réfl. indir., pop. Se fendre la pêche, la pipe. Rire aux éclats. Les mômes ils se fendaient bien la gueule de l'entendre encore brailler (Céline, Mort à crédit,1936, p. 627).
Rire à se fendre les mâchoires. Rire à se disloquer les mâchoires. Lapoulle en riait à se fendre les mâchoires (Zola, Débâcle,1892, p. 82).
Emploi pronom. à sens passif. Offrir un écartement. Se fendre en. Le menton se fendait en deux plis de graisse (Martin du G., Devenir,1909, p. 10).La pâleur mate de la physionomie, où des yeux d'une acuité extraordinaire se fendaient en amande (Blanche, Modèles,1928, p. 146).
3. Arg. milit., au fig. Fendre l'oreille à qqn. Briser sa carrière, le mettre à la retraite contre sa volonté (par allusion à l'usage ancien de fendre l'oreille aux chevaux réformés de l'armée) :
5. ... je n'ai point de grâces à rendre aux Bourbons, qui m'ont fendu l'oreille, privé de mes commandements, après m'avoir fait courir de camp en camp, cinq ou six années. Adam, Enf. Aust.,1902, p. 428.
B.− P. ext. [Le suj. désigne gén. un élément naturel]
1. Provoquer des crevasses, des fissures. Synon. disjoindre, faire éclater.Du vieux poirier qui semble mort Aucun bourgeon ne fend l'écorce (Bouilhet, Dern. chans.,1869, p. 262).Ils aperçurent qu'une des vitres (...) était fendue dans toute sa longueur (Romains, Copains,1913, p. 129).Ces pierres que le soleil cuit, que le gel fend (Sartre, Nausée,1938, p. 196):
6. ... le soleil était brûlant, aigu, un de ces soleils qui fouillent la terre et la font vivre, qui fendent les graines pour animer les germes endormis, et les bourgeons pour que s'ouvrent les jeunes feuilles. Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Chats, 1886, p. 1059.
Loc. Geler à pierre(s) fendre. Geler très fort. Cette année-là, décembre et janvier furent particulièrement durs. Il gelait à pierre fendre (Zola, Assommoir,1877, p. 543).Il faisait un froid à fendre les dolmens (Maupass., Contes et nouv.,Bapt., 1885, p. 575).
Emploi pronom. à valeur passive. Un verre qui se fend pour avoir été rempli d'eau trop chaude (Amiel, Journal,1866, p. 137).Les sommiers de chêne qui soutiennent les grosses cloches se sont fendus, si bien que Louis a peur qu'ils ne s'effondrent (Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 224):
7. La terre avait soif. Elle se fendait par places, entr'ouvrant, au creux des sillons, de larges crevasses dans l'argile desséchée. Moselly, Terres lorr.,1907, p. 234.
Au fig. Soupirer, pousser des soupirs à fendre les pierres. Dame Léonarde (...) parut (...) poussant des soupirs à fendre le roc (Gautier, Fracasse,1863, p. 122).Nous pleurons et nous saignons. Roi, cela fendrait des pierres (Hugo, Légende,t. 3, 1877, p. 258).
2. Littér. Former une séparation. La baie qui fend la colline et par laquelle on voit tout notre pays jusqu'à Digne (Giono, Colline,1929, p. 60).Au delà de la ville basse, New-York est fendu dans toute sa longueur par un certain nombre d'avenues (Morand, New-York,1930, p. 111).
C.− P. anal.
1. Se frayer un passage à travers un fluide. Le vaisseau à vapeur fend la vague sans s'informer du caprice des vents et des mers (Michelet, Introd. Hist. univ.,1831, p. 404).L'aigle qu'ils avaient vu tournoyer sur l'abîme fendait maintenant l'air d'un trait calme et sublime (Lamart., Chute,1838, p. 917).Le projectile fendit l'air avec un ronflement léger (Genevoix, Raboliot,1925, p. 299).
2. En partic. Fendre la foule, la presse. S'y frayer un passage avec effort. Cette jeune fille qui, voyant marcher à la mort le roi Charles Ier, fendit la presse des curieux indifférents (Sand, Lélia,1833, p. 35).Il n'avait pas à fendre la foule du mouvement impatient de ses coudes. Elle s'écartait à son approche (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 28).
D.− Emploi pronom. spécifique
1. ESCR. Porter vivement une jambe en avant en laissant l'autre en place. Il s'élança sur un des hommes qui s'était trop fendu pour lui porter ce coup d'épée, il le tua d'un coup de dague dans la figure (Stendhal, Abbesse Castro,1839, p. 204).Soudain, le bras raide, il se fendit comme un escrimeur (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 10).Le développement naît du déploiement du bras suivi de la fente. On se fend par extension de la jambe arrière, pied à plat, tandis que le pied droit se porte en avant au maximum, sans écrasement (Jeux et sp.,1968, p. 1434).
P. anal., SKI. Un skieur qui se fend pour tourner avec le ski extérieur ferait rire les virtuoses du « christiania coulé » (Comment parlent sportifsds Vie Lang.,1953, p. 139).
2. Au fig. et pop. Se fendre de. Acquérir ou donner quelque chose en se gênant. Je me fends d'un supplément!... Victor, une troisième confiture! (Zola, Bonh. dames,1883, p. 549).Je me serais même fendu d'un haut de forme s'ils avaient seulement insisté... pour leur faire un grand plaisir (Céline, Mort à crédit,1936, p. 291):
8. ... Armand fut aveuglé de confetti ramassés par terre. C'était pas propre, mais les types n'avaient pas de quoi se fendre de neufs, à cinq sous le sac. Aragon, Beaux quart.,1936, p. 165.
REM. 1.
Fend-le-vent subst. masc.,région. (Canada). Synon. de fendant (v. ce mot A).Je la trouve folle à mener aux loges, elle, de verser des larmes pour un fend-le-vent qui prenait son argent et qui allait le boire avec des rien-de-drôle (Guèvremont, Survenant,1945, p. 268).
2.
Fendif, adj.Qui se fend trop facilement. On se décida pour le sapin, bois un peu « fendif », suivant l'expression des charpentiers, mais facile à travailler (Verne, Île myst.,1874, p. 301).
Prononc. et Orth. : [fɑ ̃:dʀ ̥], (je) fends [fɑ ̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Mil. xies., ici en emploi intrans. « se déchirer, se diviser » (Passion, éd. D'A. S. Avalle, 328); 2. ca 1100 fig. Si grant doel ad que par mi quiet fendre (Roland, éd. J. Bédier, 1631); ca 1165 A poi que li cuers ne li fant (G. d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 862); 3. a) 1168-91 [li oel] Riant et veir de cler fandu (Chr. de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 1819); b) 1694 équit. homme bien fendu (Ac.); 1835 escr. Fendez-vous (Ac.); 4. ca 1306 fendant les ondes (G. Guiart, Royaux lignages, éd. N. de Wailly et L. Delisle, 9984). Du lat. findere « fendre, séparer, diviser ». Fréq. abs. littér. : 1 003. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 285, b) 1 849; xxes. : a) 1 731, b) 1 135. Bbg. Arveiller (R.). R. Ling. rom. 1975, t. 39, p. 207. − Quem. DDL t. 1, 5, 7.