| FAMILIARITÉ, subst. fém. A.− [Correspond à familier A 1] Haut degré de simplicité, d'intimité, dans les relations sociales ou dans les rapports particuliers qui unissent des personnes non apparentées. Synon. camaraderie, intimité.Le [Marcel] trouver parfaitement établi, au bout de quelques semaines, dans la familiarité de Herr Schultze (Verne, 500 millions, 1879,p. 113).Le sentiment de familiarité ou d'intimité que nous ressentons précisément dans la fréquentation d'autrui lorsqu'il se révèle dans sa singularité (J. Vuillemin, Être et trav.,1949, p. 42): 1. On ne devient pas chercheur (...) en manipulant tout seul dans un coin d'atelier, mais en vivant au contact des hommes qui savent inventer ou découvrir. C'est dans l'amicale familiarité du laboratoire que l'on apprend des procédés, que l'on découvre l'efficacité des méthodes, que l'on acquiert surtout les qualités morales qui forment l'esprit scientifique.
Berger, Homme mod. et éduc.,1962, p. 124. ♦ P. anal. Sainte-Beuve (...) entra dans la familiarité des Shelley, des Wordsworth (France, Génie lat.,1909, p. 294).Une familiarité passionnée avec le mystère (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 3, 1921, p. 85). B.− [Correspond à familier B] 1. Habitude que l'on a de quelque chose, résultant d'une connaissance approfondie que l'on a acquise par apprentissage ou pratique répétée. Synon. expérience, habitude : 2. Il en [de la carrière] connaissait chaque coin, chaque veine. Il en savait les qualités et les faiblesses, les ressources et les dangers (...). Nul ne pouvait le remplacer ici sans une longue expérience, une patiente familiarité.
Van der Meersch, Invas. 11,1935, p. 10. ♦ Familiarité de qqc.On ne peut refuser à David une grande science du dessin fortifiée par l'étude incessante du modèle, anoblie et comme ramenée au type général par la familiarité de l'antique (Gautier, Guide,1872, p. 6).Une grande familiarité du métier (Éluard, Donner,1939, p. 128).À le fréquenter [un bijoutier] j'avance dans la familiarité d'un luxe qui ne fut jamais le mien (Colette, Fanal,1949, p. 290). ♦ Familiarité avec qqc.Sa familiarité avec les vénérables rythmes et mètres des anciens (Hugo, Homme qui rit,t. 1, 1869, p. 6).Une familiarité séculaire avec le malheur le rend [le Juif] modeste dans la catastrophe (Sartre, Réflex. quest. juive,1946, p. 141).Le manque de familiarité avec l'épigraphie (Hist. et ses méth.,1961, p. 472). 2. [Idée de non-contrainte] a) Aisance, liberté, comportement naturel dans les relations avec autrui. Familiarité affectueuse, respectueuse. Synon. abandon, liberté.Elle a cette familiarité de bonne compagnie qui va, sans dissonance, de pair avec tous (Barb. d'Aurev., Memor. 2,1839, p. 392).L'extrême délicatesse [se mêle] à l'extrême grossièreté, la familiarité à la déférence (Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 31): 3. De fait, « il n'adressait la parole aux gens que lorsqu'il ne pouvait l'éviter ». Cette apparente froideur, la sévérité de son abord frappaient d'autant plus qu'il succédait à un prince qui par sa courtoisie, sa bonne grâce, sa familiarité avec chacun avait conquis tous les cœurs.
Grousset, Croisades,1939, p. 193. ♦ Au sing. ou au plur. Acte caractérisé par la liberté du comportement. L'empereur, selon une de ses familiarités, lui pinçait les oreilles (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 380).Il fit le geste de saisir son ami par le bras, mais ils n'avaient pas souvent entre eux de ces familiarités spontanées (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 386). − En mauvaise part. Façon, manière d'être trop libre et inconvenante. Familiarité déplacée. Elle s'était assise, elle geignait de sa voix rauque, bavardant avec une familiarité qui froissait toutes les délicatesses de Madeleine (Zola, M. Férat,1868, p. 212).Il causait bruyamment, disait tout ce qui lui passait par la tête, traitait Otto avec une familiarité révoltante (Rolland, J.-Chr.,Matin, 1904, p. 167). ♦ Au sing. ou au plur. Acte caractérisé par l'excès de liberté dans le comportement. Se permettre une/des familiarité(s). Synon. liberté(s), privauté(s).Comprendre qu'il obéissait à un usage de son pays, et qu'il ne commettait point une familiarité aussi choquante que vous le pensiez (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 143).La mise en vente, c'est l'acceptation des déshonorantes familiarités du premier venu (Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 109).Je vous prie de m'épargner vos familiarités (Sartre, Huis clos,1944, 1, p. 116). b) Simplicité. Familiarité du style. Je traduis littéralement pour mieux rendre le brusque mélange de l'étiquette diplomatique et de la familiarité épistolaire (Mérimée, Don Pèdre 1er,1848, p. 443).Tandis que la sculpture, en généralisant, s'élevait à la dignité de l'allégorie, la peinture, en particularisant, descend à la familiarité du portrait (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 63). Prononc. et Orth. : [familjaʀite]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Subst. sing. fin xiies. « amitié, intimité » (Li Dialoge Gregoire, éd. W. Foerster, p. 83, 10); d'où 1318 « manière familière, liberté qu'on a avec quelqu'un » (Ord., 17 nov. ds Gdf. Compl. : Trop grande familiarité engendre grand mal). B. Subst. plur. 1690 (Regnard, Les Filles errantes, I, 11 ds Livet Molière : En vertu de quoi, Monsieur, s'il vous plaît, prenez-vous des familiarités avec cette fille-là?). Empr. au lat. familiaritas « amitié, intimité ». Fréq. abs. littér. : 845. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 146, b) 1 341, xxes. : a) 1 060, b) 1 259. |