| FADE1, adj. A.− [En parlant d'un inanimé (en gén.) concr.] 1. [En parlant d'une réalité perceptible par tel ou tel sens] Qui manque de saveur ou de caractère et suscite souvent le dégoût ou un jugement défavorable. a) Domaine du goût.Qui manque de saveur ou dont la saveur trop peu relevée déplaît au goût. Mets, viande, sauce fade; une douceur fade (Ac.1835-1932).(Quasi-)synon. insipide; (quasi-)anton. âcre, assaisonné, épicé, pimenté, relevé.C'est là ta nourriture habituelle? Pluton. Oui!... oh! je n'aime pas les choses fades!... il me faut du piment, beaucoup de piment! (Crémieux, Orphée,1858, I, 4, p. 39). ♦ Emploi subst. neutre. Du fade lui remonta de la gorge. Il cracha un glaviot épais, sanguinolent (Le Breton, Rififi,1953, p. 195). − P. ext. (Se sentir) le cœur fade. ,,Avoir, éprouver du dégoût`` (Ac. 1835-1932). P. ell. se sentir fade. Être pris de dégoût. Je m'éveillais tout à coup transi et le cœur fade dans l'obscurité (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p. 128).Ma salive est sucrée, mon corps est tiède; je me sens fade (Sartre, Nausée,1938, p. 130). b) Domaine de l'odorat.(Quasi-)anton. suave.L'odeur fade et vaporeuse de sa chevelure me faisait souvent répugnance (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 176): 1. ... l'odeur du lait caillé paraissait plus fraîche et plus fade... Non, pas fade : mais d'une âcreté si discrète et si délavée qu'on ne la sentait qu'au fond des narines et déjà plutôt goût que parfum.
Gide, Nourrit. terr.,1897, p. 212. c) Domaine de la vue.Désagréable à la vue par son manque d'éclat. Couleur fade (Ac.1798-1932).(Quasi-) synon. blême, délavé, pâle, terne.À droite, un rideau de palmiers (...) troncs tout gris, sommets inclinés vers le sud, vert fade (Fromentin, Voy. Égypte,1869, p. 52).Des yeux d'un bleu fade (Goncourt, Journal,1893, p. 421). d) Domaine de l'ouïe.Désagréable à l'oreille par sa monotonie. (Quasi-)anton. mélodieux, expressif.M. Sully-Prudhomme a bien fait ressortir, dans son livre de l'« Expression », ce réalisme du langage, qui qualifie un coloris de froid ou de chaud, appelle une musique fade ou de haut goût (Griveau, Élém. beau,1892, p. 8).La pluie continuait de tomber avec un bruit fade (Estaunié, Empreinte,1896, p. 160). 2. P. ext. [En parlant d'une réalité qui affecte l'ensemble de la pers; en partic., en parlant des conditions atmosphériques] Qui provoque une impression de chaleur ou d'étouffement. (Quasi-)synon. douceâtre.Par ces temps fades et mous comme celui d'aujourd'hui, par exemple; par la moiteur étouffante des rues sales, sous ces ciels bas, en colle de pâte (Lorrain, Âmes automne,1898, p. 68).Un air épais, un air fade, un air qui passait mal (Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 189).L'un se souvient avec nostalgie de la maison ouvrière, de sa tiédeur fade, de sa fraternité (Guéhenno, Journal« Révol. », 1938, p. 175). − Rare. Faire fade. Il fait tiède et fade dans la chambre (Rolland, J.-Chr.,Aube, 1904, p. 3). B.− Au fig. 1. Désagréable par sa monotonie, son manque de vie, d'intérêt. Tout le jour resta bien fade après ces émotions (Michelet, Journal,1849, p. 79).Moi je suis mariée à un homme très bon et qui m'aime et dont le crime, en somme, est de représenter le bonheur un peu fade que l'on a sous la main (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 194).Je sentais autour de moi le goût fade de la vie, et j'aspirais l'avenir comme un air plein de sel et d'aromes (France, Lys rouge,1894, p. 22). 2. [En parlant d'une pers., d'un trait de son attitude ou de son comportement] a) [En parlant d'une pers. au point de vue physique et moral]
α) Qui manque d'éclat, de piquant, de relief; qui manque de personnalité, d'originalité. (Quasi-)synon. banal, inexpressif, quelconque.Les Allemandes sont tendres et douces, mais fades et monotones (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 54).Les enfants sont plats et fades. Rien d'inattendu, de personnel, aucune pensée originale. Ils n'ont pas encore eu le temps d'avoir des idées à eux ou aux autres (Goncourt, Journal,1862, p. 1004).Tu es fade, tu es flasque, tu es inerte comme un mollusque, paresseux comme l'unau (Amiel, Journal,1866, p. 112). − Emploi subst. masc. C'était un garçon perruquier, un grand fade, blondin, assez bien fait, le visage plat, l'esprit de même (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 108). ♦ Subst. masc. à valeur de neutre. Cf. douceâtre, citat. de Sainte-Beuve, Poisons, 1869, p. 51.
β) Qui flatte, fait des excès de galanterie, dit des choses ennuyeuses et sans intérêt. Je ne veux pas être fade, mais il est évident que si son altesse vous rencontre!... elle n'aura plus le courage de s'éloigner (Sardou, Rabagas,1872, IV, 14, p. 203). b) P. méton. [En parlant d'un trait physique, moral, ou d'un propos] Une beauté fade; un discours, une conversation fade; des louanges fades; un éloge fade (Ac.1798-1932).Quel plaisir de baiser ces lèvres qui vous disent : « je t'abhorre! » cela a plus de ragoût que cet éternel et fade : « je t'aime », dont les femmes vous écœurent (Gautier, Fracasse,1863, p. 403).Que je ne sois pas pour tous de la même amabilité fade (Gide, Journal,1890, p. 17). c) Domaine littér. et artistique.Qui manque de relief, de vie, d'authenticité, d'intérêt. − [En parlant d'une pers., d'une œuvre] Delille ne fut qu'un Ovide très fade, sans invention et sans verve, qui fit bien le vers élégant (Delécluze, Journal,1827, p. 368).Il [Erckmann-Chatrian] est poussé fatalement à faire une peinture fade et doucereuse, d'une grande bonhomie (Zola, Mes haines,1866, p. 143): 2. Ce Viélé-Griffin est étonnant. Savant, sincère, ardent, il lui manque un je ne sais quoi, qui le rend souvent fade, vide, à côté, agaçant même. C'est l'impression que donne Plus loin et surtout L'amour sacré.
Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p. 382. − P. méton. [En parlant d'un style, d'une œuvre] Quelques romans d'une invention froide et timide, d'un style fade, languissant, maniéré, sans aucune intention morale (Marmontel, Essai sur rom.,1799, p. 293).Il ne faut, en tout cas, chercher dans ce fade volume [de M. de Laprade] aucune trace d'enjouement ni de sel; il n'y a pas le plus petit mot pour rire, pas le plus petit grain de Voltaire (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 1, 1861, p. 18). Rem. La docum. atteste le dér. rare fadir, verbe trans. Affadir, rendre fade. Il avait une façon de se rengorger, de bomber, de boire l'admiration qui vous déprimait le cœur, qui vous fadissait la salive (Arnoux, Paris, 1939, p. 194). Prononc. et Orth. : [fad]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 « (d'une pers.) faible, mou, sans force » (Béroul, Tristan, éd. E. Muret4, 3716 : < : je sui malades >, desfaiz et fades); en a. et m. fr.; 2. a) ca 1223 « qui manque de saveur, de goût » odeur... fade (G. de Coincy, Mir. Vierge éd. F. Kœnig, I Mir., 44, 87); en partic. 1275-80 viandes fades (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 4972); b) mil. xiiies. « qui manque de piquant, ennuyeux » amour fade (J. de Thuin, Jules César, 170, 2 ds T.-L.); 3. 1803 « dont l'odeur ou la saveur soulève le cœur » odeur fade (Laclos, Éduc. femmes, p. 471). D'un lat. vulg. *fatidus, résultat du croisement du class. fatuus « fade, insipide » (fig. « insensé, extravagant » cf. fat) avec sapidus « qui a de la saveur » cf. maussade. Fréq. abs. littér. : 720. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 602, b) 1 111; xxes. : a) 1 456, b) 1 076. DÉR. Fadement, adv.D'une manière fade. a) [En parlant d'un inanimé] Ah! la pauvre peinture, ou durement noire ou fadement porcelainée (Goncourt, Journal,1894, p. 590).Je jouais une romance sans paroles assez fadement expressive (Gide, Si le grain,1924, p. 456).b) [En parlant d'une pers.] Grossièrement et fadement poli comme un maître d'école de village, assommant les gens de compliments hyperboliques (...) voilà l'homme (Michelet, Mémor.,1820-22, p. 190).Elles étaient aussi menteuses dans leurs livres que dans leurs salons; elles s'embellissaient fadement, et flirtaient avec le lecteur (Rolland, J.-Chr.,Foire, 1908, p. 706).Parfois, excédé de ce qu'elle se montrât toujours fadement la même, il essayait de la varier par des déguisements (France, Chem., 1909, p. 168).− [fadmɑ
̃]. Ds Ac. 1878 et 1932. − 1reattest. 1574 [éd.] (Tahureau, Poés., à MmeMarguerite ds Gdf.); de fade1, suff. -ment2*, au xvies. au sens de « sottement » (1548, Rabelais, Quart livre, éd. R. Marichal, Ancien prologue, p. 292) probabl. d'apr. le prov. fadamen « sottement » (xiies. ds Rayn., v. aussi Mistral), dér. du prov. fat, v. fat. − Fréq. abs. littér. : 7. |