| FÉRULE, subst. fém. A.− BOT. Plante de la famille des Ombellifères, à tige creuse et souple, à feuilles divisées en segments étroits et à fleurs jaunes groupées en larges ombelles. Chez les anciens Romains, les maîtres d'école se servaient d'une tige de férule pour châtier leurs écoliers (Ac.1835, 1878).Il examina ces plantes et reconnut (...) la férule commune dont les feuilles hideuses se terminent par des griffes (Hugo, Rhin,1842, p. 211).Lortet nous vint à 4 h. avec Mademoiselle, les mains pleines de fleurs : arum, acanthe, suvilax, férule, bruyère (Michelet, Journal,1858, p. 399). B.− P. ext. ou p. anal. Petite palette de bois ou de cuir, à l'extrémité plate et élargie, autrefois utilisée comme instrument de discipline pour frapper les mains des écoliers fautifs. Brandir la férule; lever la férule sur qqn; donner la férule à qqn; distribuer les coups de férule. De mon temps, le correcteur était encore un vivant souvenir, et la classique férule de cuir y jouait avec honneur son terrible rôle (Balzac, Lambert,1832, p. 27).Numa se rappelait en frémissant le seau plein de saumure sous la chaire, dans lequel trempaient les férules pour rendre le cuir plus cinglant (A. Daudet, N. Roumestan,1881, p. 69): 1. Lorsqu'il lui fallait après quelque diablerie tendre les doigts aux coups de férule, il se tenait à quatre pour ne pas sauter à la perruque de son régent et faire tout voler par le collège.
Pourrat, Gaspard,1922, p. 53. − P. méton. Coup de férule. Être accablé de férules; mériter des férules; donner une férule. Il a eu une férule (Ac.1835, 1878).Un jour (...) je ne savais pas parfaitement ma leçon (...). Je reçus vingt férules sur les mains, dont je souffris cruellement (Stendhal, Nouvelles inédites,t. 2, 1842, p. 316): 2. Si vous me regardez encore ainsi, Lambert, vous allez recevoir une férule! (...) L'apostrophe était si sotte que l'enfant accabla le père d'un coup d'œil rutilant. De là vint entre le régent et Lambert une querelle qui se vida par une certaine quantité de férules.
Balzac, Lambert,1832, p. 59. − Loc., vieilli, péj. ♦ Prendre, tenir la férule. Diriger un établissement secondaire, enseigner. MmeChanteau reprit la férule, une seule leçon par jour, des dictées, des problèmes, des récitations (Zola, Joie de vivre,1884, p. 847). ♦ Être sous la férule de qqn. Être son élève, subir son autorité, sa discipline. Verbe + sous la férule de qqn. ...sous l'autorité, la discipline de quelqu'un. Comme nous ne nous voyions jamais, jamais qu'en classe, obligés de causer mystérieusement bas, sous la férule des maîtres (Loti, Rom. enf.,1890, p. 289).Je me sentais revenu à mon temps d'écolier, quand on végète sous la férule de quelque pédant et qu'on use contre lui de sa seule arme, l'absence (Arnoux, Chiffre,1926, p. 79). − Fig., littér., péj. Direction rigoureuse, autorité sévère, domination, despotisme de quelqu'un ou de quelque chose. Passer, (re)tomber sous la férule de qqn; faire bien sentir sa férule à qqn; échapper à la férule académique; être soumis à la férule d'une foi vigoureuse. Tenir la férule. Détenir l'autorité. Recevoir la férule. Recevoir des critiques. Nous vivons présentement sous la férule administrative, et ceux qui essaient d'interpeller se trouvent dans la situation du réclamant devant le guichet (Alain, Propos,1924, p. 570).L'ascenseur l'enleva, comme un fétu, pour le jeter sous la férule paternelle (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 667). ♦ [S'emploie en partic. dans le domaine de la crit.] La critique pour moi (comme pour M. Joubert), c'est le plaisir de connaître les esprits, non de les régenter : un lorgnon et point de férule (Sainte-Beuve, Poisons,1869, p. 129).Voilà la seule génération normalienne [celle de Bourget], qui ait tenu le sceptre ou la férule de la critique (Thibaudet, Hist. litt. fr.,1936, p. 457). REM. Féruler, verbe(mentionné ds S. Mercier, Néol., 1801).Au fig. Ce que veulent les jésuites, c'est l'Église dominant l'État, l'Église férulant les rois et les peuples (Proudhon, Révol. soc.,1852, p. 66). Prononc. et Orth. : [feʀyl]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. [1372 bot. (J. Corbichon, Propriétés des choses, XVII, 70, éd. 1522)]; xves. (Grant herbier, éd. G. Camus, no192); 2. a) 1385 « petite palette de bois ou de cuir avec laquelle on frappait la main d'un écolier en faute » (Pièces relat. au règne de Charles VI, t. II, pièce 34 ds Gdf. Compl.); b) 1666-67 fig. « autorité, domination » (La Fontaine, Contes II, 4, 30, Le Muletier ds
Œuvres, éd. A. Régnier, t. 4, p. 223). Empr. au lat. class. ferula « férulo (bot.); baguette pour corriger les enfants, les esclaves ». Fréq. abs. littér. : 91. Bbg. Quem. DDL t. 1. |