| FÉE, subst. fém. A.− Dans le domaine des croyances pop. traditionnelles.Personnage féminin imaginaire, doté de pouvoirs magiques, et censé influer sur le monde des vivants. Une bonne, une vieille fée; baguette de fée; un don des fées; palais, arbre des fées; grotte, mare, caverne aux fées; pays de fées. Les méchantes fées des contes de Perrault (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 691).Comme une fée hargneuse dépouille sa première apparence et se pare de grâces enchanteresses (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 732): 1. Toutes les fées avaient richement doté le petit Armoricain. Elles lui avaient donné le génie, l'imagination, la finesse, la persévérance, la gaieté, la bonté.
Lemaitre, Contemp.,1885, p. 213. − Spécialement 1. [Avec un nom propre] Fée Carabosse. Représentée sous les traits d'une vieille et méchante femme appuyée sur une canne. C'est ce qu'ils appellent aujourd'hui la fée Morgane (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 12).Quel était ce jour? Le même sans doute où la fée Mélusine se changeait en poisson (Nerval, Filles feu,Chansons et légendes du Valois, 1854, p. 635).Là où on croyait (...) rencontrer la fée Viviane, on trouve le Chat Botté (Proust, Sodome,1922, p. 840). 2. Conte de fées. Où interviennent des fées. − P. ell. « Que veux-tu que je te lise, mon chéri? Les fées? » (Sartre, Mots,1964, p. 33). − Au fig. Aventure merveilleuse, extraordinaire. Cette phrase qui ne voulait rien dire sinon : ce voyage en Espagne, ce conte de fées... sans foi (Saint-Exup., Courr. Sud,1928, p. 38): 2. ... privé de Carlotta, Quesnel avait la tête bourrée d'appréhensions et de chimères. Qu'allait-il advenir de cette aventure, de ce beau conte de fées, si la maladie mettait entre elle et lui des barrières?
Aragon, Beaux quart.,1936, p. 434. ♦ Loc. Vivre un conte de fées. Quand on est petite, on s'imagine des choses... on croit qu'on vivra un conte de fées (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 262).J'avais atterri dans un champ, et je ne savais point que j'allais vivre un conte de fées (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 180). − Emploi adj., vx et littér. Doté d'une puissance magique, surnaturelle. Il paraît que c'étaient des arbres fées (Hugo, Rhin,1842, p. 189).Pareilles à ces roses fées qu'on n'effeuillait pas sans punition (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 305): 3. ... il semble croire que l'épée de sainte Catherine était fée et qu'en la rompant Jeanne perdit tout son pouvoir...
France, J. d'Arc,t. 1, 1908, p. VII. B.− [P. anal. d'attributs et de comportement] 1. [Pour qualifier gén. favorablement une jeune fille ou une femme] Fée du logis. C'était une vraie fée, cette femme-là! (Céline, Mort à crédit,1936, p. 54).Il y avait Cécile, la fée de la musique (Duhamel, Suzanne,1941, p. 194): 4. Un jour où tout avait marché à souhait, le jour où il était si heureux de voir naître enfin la maison de crédit tant désirée, est-ce que cette vieille coquine allait être la fée mauvaise, celle qui jette un sort sur les princesses au berceau?
Zola, Argent,1891, p. 145. − En partic. [À propos d'une compétence spéciale] Travailler comme une fée. Enveloppez-moi, je vous prie, le tout avec cette dextérité de fée qu'une fée marraine vous a donnée (Balzac, Corresp.,1838, p. 378). ♦ Loc. (Avoir des) doigts de fée. Être doué d'une adresse manuelle exceptionnelle. La petite brodeuse aux doigts de fée (Zola, Dr Pascal,1893, p. 110).− Vous avez vraiment des doigts de fée (Proust, Guermantes 1,1920, p. 215). ♦ Emploi adj., littér. Tout à l'heure je dirai que tu as la main fée (Lamart., Cours litt.,1859, p. 266). 2. [Pour souligner le pouvoir quasi-magique d'une chose] Des membres de l'Académie chanteront dans leurs articles et dans leurs livres les prodiges de la fée industrielle (Duhamel, Nuit St-Jean,1935, p. 203).Sous les rayons magiques de la fée électricité (Hist. spect.,1965, p. 1547). − Fée Morgane. Phénomène de mirage parfois observé au détroit de Messine. La réflexion d'une ville observée dans les airs par Vernet n'a rien de plus extraordinaire que le phénomène du détroit de Sicile, près de Messine. Il y est connu sous le nom de Fée Morgane (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 161). ♦ P. ext. ,,Tout mirage multiple spectaculaire`` (Villen. 1974). − Arg. (La) fée blanche : la cocaïne, la morphine; (La) fée brune : l'opium; (La) fée verte : le haschich (d'apr. Sandry-Carr. Drogue 1963). REM. Féer, verbe trans.,rare. Doter d'un pouvoir surnaturel. Au part. passé. Ses petites larmes avaient un goût de pluie fée au blond royaume d'automne de Riquet à la Houppe (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 115). Prononc. et Orth. : [fe]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1140 (Gaimar, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 3657). Du lat. Fata « Parques », de fatum « destin » (fatum*). Fréq. abs. littér. : 1 115. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 529, b) 2 016; xxes. : a) 1 837, b) 1 250. Bbg. Foster (B.). Fé, fée and maufé. Fr. St. 1952, t. 6, pp. 345-352. |