| FÂCHER, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. indir. (prép. à), vx. Être pénible (à quelqu'un). Ce qui plus lui fâchait, c'était sa compagnie, ces deux messieurs, et tous les passants regardant (COURRIER, Pamphlets pol.,Gaz. vill., 1823, p. 188). − En tournure impers. Il lui fâcherait fort de perdre son emploi (Ac.1835, 1878). 2. direct a) [Le suj. ne désigne pas une pers.] − [Le suj. désigne une action, un comportement, une attitude, etc.] ♦ Affecter désagréablement et de manière assez durable. Votre refus l'a un peu fâché (Ac.).Cette réponse n'a pas semblé le fâcher, pas même l'étonner (M. de Guérin, Corresp.,1834, p. 121).Il y a pourtant des gens, que cette manière de faire vivre les fabricants fâche beaucoup (Mallarmé, Dern. mode,1874, p. 783): 1. Combien de fois je l'ai vu traverser tout à coup la boutique, prendre une pièce de quinze sous au comptoir et la serrer dans la main d'un malheureux en lui disant :
− Arrive, que je te vaccine.
Naturellement cet enthousiasme me fâchait, j'aurais autant aimé garder notre argent...
Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 487. ♦ Fâcher avec (qqn).Mettre en désaccord. Synon. brouiller.Il s'imaginait des catastrophes, des gifles, quelque chose d'abominable qui le fâcherait pour toujours avec Nana (Zola, Nana,1880, p. 1354). − [Le suj. pronom. est déterminé par une prop. en appos.] Causer de la peine. Cela le fâcha d'avoir perdu son temps à la politique, lorsqu'il avait des affaires sérieuses (Zola, Terre,1887, p. 377).Ce qui me fâchait davantage encore, c'est qu'il n'avait pas le droit de me citer de noms de généraux (Proust, Temps retr.,1922, p. 752). b) [Le suj. désigne une pers.] − Provoquer (chez quelqu'un) un sentiment plus ou moins pénible, désagréable. Vous me fâcheriez sérieusement si vous me forciez à vous répéter que je ne vous aimerais pas, si je ne vous estimais pas (Hugo, Lettres fiancée,1820, p. 22): 2. S'étant dégagée avec douceur, elle répondit d'une voix faible :
− Je ne peux pas. Je ne peux pas. Vous voyez bien que j'agis franchement avec vous. Je vous disais tout à l'heure que vous ne m'avez pas fâchée. Mais je ne peux pas faire ce que vous voulez.
France, Lys rouge,1894, p. 197. − Mettre en colère. Crainte de fâcher qqn. Si je n'ose vous dire tout ce qui me passe par la tête, c'est de peur de vous fâcher encore (Soulié, Mém. diable,t. 1, 1837, p. 165): 3. Au café, on lui payait des tournées pour le garder, et il buvait intrépidement, riant et plaisantant, blaguant tout le monde, sans fâcher personne, pendant qu'on se tordait autour de lui.
Maupass., Contes et nouv.,t. 1, 25 francs, 1888, p. 251. ♦ Expr. Soit dit sans vous fâcher. Que ce que je viens de dire ne vous mette pas en colère : 4. Il faut répondre à cette lettre à Lausanne où je retourne tout de suite. Ce pays, qui n'est pas plus facile pour les Français que le canton de Berne, m'éloignerait seulement de mon père et de mes amis de France. Je ne trouve pas que la société de MmeBürkli vaille cela : ceci soit dit sans te fâcher, car elle t'aime beaucoup...
Staël, Lettres div.,1794, p. 623. − Fâcher avec, contre.Mettre en désaccord (avec quelqu'un) de manière assez durable. Par besoin de polémique, on va me fâcher avec MmeAdam (Flaub., Corresp.,1879, p. 171).Continuellement, elle en parlait, ne voulant pas le fâcher avec ses amis, exigeant qu'il les rappelât (Zola,
Œuvre,1886, p. 163): 5. Elle rit avec arrogance, et se mettant tout à coup à tutoyer le facteur : « Ne t'en fais pas pour moi, mon gros! Les jalousies de Flamart, j'en fais mon affaire! Celui qui réussira à fâcher pour de bon Flamart contre moi, faudra qu'il se lève plus matin que vous tous! »
Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1060. B.− Emploi pronom. 1. Se mettre en colère. Se fâcher sérieusement; finir par se fâcher; il n'y a pas de quoi se fâcher. Vous ne l'avez donc pas entendu se fâcher, quand il a su que l'appartement n'était pas meublé? (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 913).Elle se fâchait maintenant, disait des méchancetés et des injures (Loti, Pêch. Isl.,1886, p. 205).Je t'assure qu'un de ces jours je vais me fâcher. (...) Oh! quand je dis « me fâcher », c'est une façon de parler. Mais je ne suis pas content (Achard, J. de la Lune,1929, II, 8, p. 22). − [Suivi d'un compl. prép. désignant la cause ou l'objet d'un mouvement d'humeur, de colère] ♦ Se fâcher à.Je me fâche à cette horrible idée d'anarchie sociale (Flaub., Smarh.1839, p. 79). ♦ Se fâcher contre.Du Bellay se fâchait hors de propos contre les rondeaux et ballades (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 53).Alors elle se fâcha tout de bon, surtout contre moi, qui était déjà enrhumée (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 252). ♦ Se fâcher de.Il délibéra longtemps avec lui-même pour savoir s'il devait se fâcher de ce mot : « je vous l'ordonne » (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 83).L'autre jour, tu t'es fâchée de ce qu'il disait sur la politique (Mauriac, Mal Aimés,1945, III, 2, p. 227). ♦ Se fâcher pour.Se fâcher pour un rien : 6. ... elle répétait :
− Il est très bon pour nous... Vous devez l'entendre crier quelquefois; c'est qu'il aime l'ordre en toutes choses, voyez-vous, jusqu'à en être ridicule, souvent; il se fâche pour un pot de fleurs dérangé dans le jardin, pour un jouet qui traîne sur le parquet...
Zola, Conquête Plassans,1874, p. 972. − Loc. Se fâcher (tout) rouge. Se mettre vivement en colère. Il se fâche tout rouge, si l'on parle de livres aujourd'hui devant lui (Stendhal, L. Leuwen,t. 1, 1835, p. 74).Je me suis fâché tout rouge contre lui (Flaub., Corresp.,1876, p. 331): 7. ... il est allé droit au chef, au généralissime, à Voltaire en personne, et l'a insulté de toutes les sortes, lui donnant tous les noms, avec une verve, un mordant, une insolence égale à son objet, et tout à fait heureuse. On s'est fâché rouge, mais il était seul; on a regardé, on l'a laissé faire et dire, et s'en retourner; on a même discuté tout haut sa démarche et son audace de bel air.
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 175. 2. Se fâcher avec.Se mettre en désaccord (avec quelqu'un) de manière assez durable. Ils se sont fâchés, sans explication, fâchés à mort avec les Daudet (Goncourt, Journal,1883, p. 291).Je me suis fâché, petit à petit, avec tous mes amis, sauf avec vous autres (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 37). − Emploi pronom. réciproque. Se brouiller avec quelqu'un. Ne nous fâchons pas, reprit Hulot au désespoir, je viendrai ce soir, et nous nous entendrons (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 192).Rappelez-vous, Jules, ce que j'ai exigé, en vous donnant Marie : un enfant, pas plus, ou nous nous fâcherions! (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 65). Prononc. et Orth. : [faʃe], [fa-] (je) fâche [fa:ʃ]. Enq. : /faʃ, (D)/ (il se) fâche. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1442 fachier « dégoûter, lasser, fatiguer » (Martin Le Franc, Le Champion des Dames, éd. J. Quicherat ds le Procès, t. V, p. 50); 2. a) mil. xves. fascher « causer du déplaisir, mettre en colère » (Mystère du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, t. IV, 34784); b) 1480 pronom. « se mettre en colère » (G. Coquillart, Droitz Nouveaux, 601 ds
Œuvres éd. M. J. Freeman, p. 159); 3. 1539 « affecter péniblement » (Est.). Prob. du lat. pop. *fasticare issu par substitution de suff. du b. lat. fastidiare « faire le dédaigneux ou le dégoûté » (TLL s.v., 308, 65, sqq.; empr. en m. fr., dep. le xives., sous la forme fastidier avec le sens de « dégoûter, rebuter, ennuyer » cf. Gdf. et T.-L.). Fastidiare est issu du lat. class. fastidire « éprouver du dégoût », par changement de conjug. L'explication donnée par J. Brüch (v. FEW t. 3, 431b) sur la date d'apparition relativement récente du mot ne semble pas satisfaisante, les 1resattest. étant disséminées dans tout le territoire. Fréq. abs. littér. : 1 919. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 261, b) 3 889; xxes. : a) 4 190, b) 1 625. |