| EXTRA, adj. et subst. I.− Adjectif A.− [Correspond à extraordinaire I A] 1. [En parlant d'une pers.] En mission extraordinaire. Les camériers assistants, les camériers secrets, les camériers ordinaires, les camériers extra (Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 81). − P. ext. En surnombre. Convives « extra » (Goncourt, Journal,1890, p. 1226).Maître d'hôtel extra (Proust, Prisonn.,1922, p. 202). 2. Rare. [En parlant d'une chose] Supplémentaire. Tous les frais « extra » entraînés par ta visite sur Bruxelles seraient couverts par moi (Hugo, Corresp.,1862, p. 411). B.− [Correspond à extraordinaire I C] 1. Qui est de qualité supérieure. Il prenait un ton si aimable et si engageant, que tous ces articles « extrà » avaient l'air d'être autant de graciosités de sa part (...) et peu après, l'enflure de la carte [montrait] qu'on avait dîné chez un restaurateur (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 290).Il a horreur, dans un dîner, de tout ce qui sent la recherche, les vins extra, les mets montés (Goncourt, Journal,1863, p. 1361): 1. Notre grosse mignonne, elle avait planté dès le début, en prévision des malheurs, une sorte de patate extra, qui poussait en plein hiver...
Céline, Mort à crédit,1936, p. 597. − [En parlant d'un repas] :
2. ... quand je l'invitais à dîner à Balbec, il commandait le repas avec une science raffinée (...). Comme j'étais pour Aimé un client préféré, il était ravi que je donnasse de ces dîners extras et criait aux garçons...
Proust, Sodome,1922, p. 1083. 2. Fam., pop. Fameux, formidable, sensationnel. C'est extra. − Un quart boche, c'est ça qu'est pas extra, dit Pépin. Ça tient pas d'bout (Barbusse, Feu,1916, p. 193).Quand le monde tombait malade et pâtissait, c'était à cause des rognons, toujours; et pour les rognons ces pilules-là, c'est extra (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 203). II.− Substantif A.− Subst. masc. 1. Plat ou boisson supplémentaire ou qui n'est pas prévu au menu ordinaire et pour lequel on doit payer un supplément. Crevel payait (...) son dîner et tous les « extras » (Balzac, Cous. Bette,1847, p. 109): 3. Le dîner finissait. Le marchand de vin, monté avec le fromage, enlevait lui-même les assiettes du dessert, (...). C'était le moment décisif, l'heure des extra, l'heure du café, du cognac et du vin à cachet vert.
Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 44. − D'extra. Vin, beurre d'extra. De qualité supérieure. Lorsqu'on servit du vin d'extra, la mariée prenant un verre de Montilla (...) le toucha de ses lèvres, et le présenta ensuite au bandit (Mérimée, Mosaïque,1833, p. 310).Il sent bon vot'beurre, nom de dieu! c'est du beurre de choix, du beurre d'extra, du beurre de noce (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Lapin, 1887, p. 247). 2. Dépense pour une chose supplémentaire ou superflue : 4. Pourrais-tu obtenir qu'elle eût une chambre sans salon au premier et qu'elle mangeât chez elle, le tout pour une moyenne de 10 fr par jour? Autrement elle pourrait être forcée de retourner à l'Hôtel de la Poste où jamais, (seule et ne faisant pas d'extra) elle n'a dépensé plus de 6 fr par jour. Elle me recommande de te transmettre tous ces détails. J'obéis.
Hugo, Corresp.1865, p. 500. − P. métaph. Ça me rappelle toujours cette vieille propriétaire de Brighton qui me disait : − vous vivez dans la maison, vous savez, mais tout le reste est un extra... − oui, l'amour est un extra dans la vie... et il faut payer pour un extra (Maurois, Disraëli,1927, p. 330). 3. Soirée rompant avec le train quotidien, fête impromptue. Faire un extra. Ainsi passent ses jours, coupés par le dimanche et les « extras », c'est-à-dire les fêtes et les bals (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 226): 5. Comme il avait faim et qu'aujourd'hui on pouvait se payer un extra, il lui dit :
− Allons, habille-toi, on dîne à la Chope des Singes.
Et gaiement enlacés, ils descendirent au restaurant.
Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 38. 4. Service occasionnel, temporaire, à l'occasion d'une fête, d'une réception. On avait fait venir un chef d'extra (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Armoire, 1884, p. 570).[Le valet de chambre] cherchait une place. Seulement, ayant de chouettes extras pour l'instant, il ne se pressait pas d'en trouver (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 152). − P. ext. Faudrait pas nous prendre pour des professionnels, hein? moi je suis plombier. On fait un petit extra, parce que le parti nous l'a demandé (Sartre, Mains sales,3etabl., 2, 1948, p. 79). Rem. L'expr. audience d'extra et p. ell. extra « audience exceptionnelle tenue pendant la période de vacance d'un tribunal », donnée par Trév. 1732 et reprise par la tradition lexicogr. n'est pas attestée dans les fonds du xixeet du xxes. B.− P. méton., subst. masc. et fém. Personne effectuant ce service occasionnel. Elle est employée comme « extra » chez le vins-hôtel meublé attenant à l'école (Frapié, Maternelle,1904, p. 189).Un de ces « extras » qu'on fait venir dans les périodes exceptionnelles pour soulager la fatigue des domestiques (Proust, Guermantes 2,1920, p. 336).Les mathématiques me plaisaient. On fit venir une extra qui à partir de la seconde nous enseigna l'algèbre, la trigonométrie (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 151). Prononc. et Orth. : [εkstʀa]. Cf. é-1. Les dict. mod. et les ouvrages traitant d'orth. qui relèvent que extra est invar. en nombre notent l'usage du xixes. Depuis le début du xxes., l's du plur. tend à se généraliser (supra ex. 2 et Mirbeau, loc. cit.), sans que l'invariabilité soit totalement exclue : nous mettions en panne pour échanger ces extra de boustifailles contre du café, du tabac (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 178). Étymol. et Hist. 1. 1732 subst. « jour exceptionnel d'audience en période habituelle de fermeture du Palais » (Trév.); 2. a) 1825 subst. « dépense, occasion extraordinaire » (Brillat-Sav., loc. cit., p. 243); b) 1825 adj. articles extrà (Id., loc. cit., p. 290); 3. a) 1871 « service, emploi occasionnel » (Gazette des Trib., 12 juill. ds Littré); b) 1877 « personne employée occasionnellement » (Littré). Abréviation de extraordinaire*. Fréq. abs. littér. : 93. Bbg. Darm. 1877, p. 233. |