| EXQUIS, ISE, adj. A.− Vx, littér. [En parlant d'une chose] Qui est recherché, remarquable en son genre. Les paroles [de l'empereur] sont promptes peut-être, mais (...) la condamnation est toujours lente et le jugement exquis (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 468).La décence prise au sens le plus exquis du mot, la ravissante convenance (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 496): 1. L'introduction du portrait, c'est-à-dire du modèle idéalisé, dans les sujets d'histoire, de religion ou de fantaisie, nécessite d'abord un choix exquis du modèle, et peut certainement rajeunir et revivifier la peinture moderne...
Baudel., Salon,1846, p. 150. − Emploi subst. L'exquis a disparu, étouffé par le commun. Car, pour la fleur aussi, « l'exquis est autant difficile que rare » (Gide, Journal,1910, p. 301). − MÉD. Douleur exquise. ,,Douleur vive et nettement localisée en un point très limité`` (Garnier-Del. 1958). Il en aimait les blessures aiguës [d'une névrite] qui seules distraient d'une idée fixe et que la médecine nomme exquise (Cocteau, Gd écart,1923, p. 87). B.− [En parlant d'une chose] Qui produit une impression agréable sur les sens par sa délicatesse. Mets, vin exquis; saveur exquise; arôme, parfum exquis; musique exquise; mobilier exquis. Le dîner est exquis et rare, des truffes, des plats montés, de vrais vins fins (Goncourt, Journal,1859, p. 651).− Oh!, C'est exquis!... Jamais je n'ai mangé d'aussi bonne confiture (Zola, Page amour,1878, p. 999): 2. Sous les sapins, on allume du feu, même en été, parce que c'est défendu; on y cuit n'importe quoi, une pomme, une poire, une pomme de terre volée dans un champ, du pain bis faute d'autre chose; ça sent la fumée amère et la résine, c'est abominable, c'est exquis.
Colette, Cl. école,1900, p. 11. − P. anal. Qui cause un plaisir raffiné d'ordre intellectuel. Poème, style exquis. J'ai commencé « Ellen en Bretagne » (...) C'est exquis à lire (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1905, p. 205): 3. À Cluny. Les tapisseries me ravissent. Le détail des fleurs et des plantes est exquis de naturel et d'adresse.
Green, Journal,1949, p. 308. − P. ext. Qui a un charme délicieux. Sensation, heure exquise; moment, temps exquis. Ce furent trois jours pleins, exquis, splendides, une vraie lune de miel (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 103). C.− [En parlant des qualités physiques d'une pers.] Qui est d'une beauté rare et délicate. Profil, sourire, visage exquis; geste, mouvement exquis. Il s'aperçut, en contemplant Eugénie, de l'exquise harmonie des traits de ce pur visage (Balzac, E. Grandet,1834, p. 102).Comme sur la corde d'une balançoire, étaient assises et groupées, ce soir-là, dans un entrelacement exquis, deux petites filles (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 185). − [En parlant des qualités morales d'une pers.] Qui dénote une délicatesse recherchée. Discrétion, douceur, gentillesse, politesse exquise; avoir un goût exquis, des manières exquises. Les femmes ont un tact exquis pour deviner jusqu'où peuvent aller le zèle et l'abnégation de l'homme (Ponson du Terr., Rocambole,t. 2, 1859, p. 239). − [En parlant d'une pers.] Qui est aimable, d'une compagnie agréable. Un être exquis. Ce n'est pas difficile, d'être exquis de temps en temps; mais l'être toute sa vie!... (Renard, Journal,1894, p. 213).Gide a été cent fois plus exquis que je ne l'avais rêvé. Je suis resté deux longues heures avec lui (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1909, p. 75). Rem. Pour le (Jeu du) cadavre exquis, cf. cadavre I A 1 hist., litt. Prononc. et Orth. : [εkski], fém. [-i:z]. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1223 viande esquise (G. de Coincy, éd. F. Kœnig, 1 Mir 11, 1620); 1393 voies exquises (Cité d'apr. Joubert, Baronnie de Craon, 557 ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 148); ca 1450 dame exquise « d'une délicatesse recherchée » (Mistère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 31082). De l'a. fr. esquis (xiiies. ds T.-L.). Part. passé adjectivé du verbe a. fr. esquerre, issu du lat. vulg. *exquaerere, réfection du lat. class. exquirere « rechercher » d'apr. le simple quaerere; la forme exquis d'apr. le lat. exquisitus « choisi, recherché, raffiné », part. passé de exquirere. Fréq. abs. littér. : 2 243. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 933, b) 4 691; xxes. : a) 4 353, b) 2 756. DÉR. 1. Exquisément, exquisement, adv.De manière exquise. Tout ce que tu m'as dit sur « Pelléas » est exquisement juste d'intuition (Rivière, Corresp.,[avec Alain-Fournier], 1906, p. 346).L'air était exquisément tiède (Rolland, J.-Chr.,Maison, 1909, p. 1021).L'oreille minuscule, exquisement modelée, d'une transparence nacrée (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 86).− [εkskizemɑ
̃], [-zə-]. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1878 sans accent, conformément à l'étymol. (cf. aussi Gattel 1841, Besch. 1845, Littré et DG). Mais ds Ac. 1932 et ds les dict. mod. avec l'accent aigu p. anal. avec des adv. formés sur le part. passé du type assurément. − 1reattest. 1507 exquisement (J. Le Maire,
Œuvres, IV, 322 ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 148); de exquis, suff. ment2*; v. Nyrop t. 3, § 608-609. − Fréq. abs. littér. : 24. 2. Exquisité, subst. fém.,peu usité. Caractère de ce qui est exquis. Il y a vraiment dans cette vieille cuisine provinciale de notre France comme l'exquisité d'une civilisation (Goncourt, Journal,1874, p. 996).− [εkskizite]. Cf. é-1. − 1reattest. 1855 (Sand, Hist. vie, t. 4, p. 318); de exquis, suff. -ité*. − Fréq. abs. littér. : 10. |