| EXPIRER, verbe. A.− Emploi trans. Expulser (un corps gazeux) des poumons. Expirer du gaz carbonique. Anton. aspirer, inspirer.Le mélange gazeux vicié que nous expirons est moins dense que l'air (Ser, Phys. industr.,1890, p. 671).Les chevaux expiraient par les naseaux une vapeur blanche (France, Dieux ont soif,1912, p. 307).Wandrille allumait savamment un cigare bagué (...) expirait doucement une fumée paresseuse (Arnoux, Double chance,1958, p. 19). ♦ P. métaph. Laisser s'échapper (quelque chose). Synon. exhaler.Un œillet expirait ses pubères baisers Sous la trompe sans flair de l'éléphant de Jade (Laforgue, Complaintes,1885, p. 96).L'être immense me gagne, et de mon cœur divin L'encens qui brûle expire une forme sans fin (Valéry, J. Parque,1917, p. 108). − Emploi pronom., rare. S'expulser. Je tire l'air par les narines, et, m'y étant combiné, il s'expire de moi mon souffle (Claudel, Art poét.,1907, p. 141). − Emploi abs., PHYSIOL. Restituer l'air qu'on a inspiré. Expirer profondément. Anton. aspirer, inspirer.Parfois le bègue expire totalement par le nez (Bouasse, Instrum. à vent,1930, p. 243): 1. Le médecin apparut ganté de gants lourds, ocellé de lunettes énormes. La demoiselle fit avancer le bâti contre lequel s'appuyait le patient. (...) − De cette manière, disait-elle. Poings sur les hanches. Coudes en avant. (Dédaigneuse et sybilline) : respirez; n'expirez pas.
Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 418. B.− Emploi intrans. 1. [Le suj. désigne un animé] Littér. Rendre son dernier soupir. Il expira dans mes bras; le voilà qui expire (Ac.). (Quasi-)synon. décéder, s'éteindre, mourir, trépasser.« La vie m'est odieuse : j'ai tout perdu. Ah! dit-il, la mort vient trop tard ». Il expira, sa tête se pencha sur moi : je reçus son dernier soupir (Duras, Édouard,1825, p. 216).Le lendemain, une fluxion de poitrine se déclara. Huit jours plus tard, elle expirait (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Tombe, 1884, p. 967): 2. Foulque décida de l'accompagner [Mélisende] en chassant, mais, comme il poursuivait un lièvre, son cheval buta et se renversa sur lui en lui écrasant le crâne. Le roi resta dans le coma et expira le soir du troisième jour.
Grousset, Croisades,1939, p. 161. ♦ P. métaph. Le moteur toussa, puis expira. Longuement sollicité par le démarreur, il tourna enfin et le chauffeur le fit hurler à coups d'accélérateur (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1561). − [Avec un compl. introduit par de exprimant la cause] Il partit au galop, et l'emporta jusqu'à ses tentes. En arrivant (...) le cheval expira de fatigue (Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 16).Dix millions d'Anglais, sur quinze, sont obligés de travailler quatorze heures par jour, sous peine d'expirer de faim dans la rue (Stendhal, Napoléon,t. 2, 1842, p. 221).Je suis le voisin immédiat d'une pauvre tuberculeuse (...) que j'enveloppe dans ma couverture pour ne pas la voir expirer de froid (Bloy, Journal,1892, p. 63). 2. P. anal. et au fig. [Le suj. désigne un inanimé] S'affaiblir jusqu'à cesser d'être. Des rires qui expirent. Les sons expirèrent lentement (Ac.).Une table sur laquelle était un mauvais chandelier de cuivre où la veille avait expiré un bout de chandelle de la plus mauvaise espèce (Balzac, Rech. absolu,1834, p. 321).À la fin de chacun des psaumes, l'un des cierges expirait et sa fusée de fumée bleue s'évaporait encore dans le pourtour ajouré des arches (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 252). a) [Avec un compl. locatif introduit par à, sur indiquant le lieu où se produit la disparition] Les flots expirent sur le sable. À sa vue, le reproche expira sur mes lèvres (Ac.).(Quasi-)synon. disparaître, mourir.Les leçons de l'histoire expirent au seuil de l'événement (Bloch, Dest. du S.,1931, p. 182).La Marne se prolonge et s'achève par l'Yser, qui est peut-être le chef-d'œuvre de Foch. L'idée stratégique allemande se brise à ce ruisseau, expire à Ypres (Valéry, Variété IV,1938, p. 74): 3. ... j'étais resté debout sur le seuil, n'osant pas faire de bruit, et je n'en entendais pas d'autre que celui de son haleine venant expirer sur ses lèvres, à intervalles intermittents et réguliers, comme un reflux, mais plus assoupi et plus doux.
Proust, Prisonn.,1922, p. 71. b) [Avec un compl. introduit par en exprimant un état; le suj. désigne un inanimé abstr.] S'affaiblir, cesser d'être en se transformant en quelque chose d'autre. Sa colère expirait en cris désespérés. Les poissons d'or font ombre au fond des réservoirs, Et les jets d'eau baissés expirent en murmures (Régnier, Sites,1887, p. 123).Parfois, une querelle s'enflammait parmi nous, les petits. Nous nous mettions à larmoyer, à ressasser nos griefs. (...) Parfois, la querelle expirait en radotages, en revendications rabâcheuses (Duhamel, Le Notaire du Havre,1933, p. 63). c) [Avec un compl. introduit par dans indiquant la manière dont s'effectue la disparition] Le parti absolutiste, enfin, (...) ne tardera pas d'expirer à la suite des autres, dans les convulsions de son agonie sanglante et liberticide (Proudhon, Confess. révol.,1849, p. 335).Quand elle [la fumerolle] eut expiré dans un dernier flocon, il [Séverin] murmura avec indifférence : − C'est le premier d'ici que le nouveau curé enterre (Genevoix, Marcheloup,1934, p. 271). 3. En partic. [Avec une idée de durée] Arriver à son terme. Son mandat expire dans trois jours. Son bail expire à la Saint-Jean (Ac.).(Quasi-)synon. se terminer, prendre fin.Aujourd'hui, 12 octobre, expire le délai que vous m'avez accordé pour faire copier et relire mon drame (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1875, p. 204): 4. Les délais accordés pour la conclusion de l'armistice expirant demain à 11 heures, on a l'honneur de demander si MM. les plénipotentiaires allemands ont reçu l'acceptation par le chancelier allemand des conditions qui ont été communiquées ...
Foch, Mém.,t. 2, 1929, p. 302. Prononc. et Orth. : [εkspire], (il) expire [εkspi:ʀ]. Cf. é-1. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié du xiies. espirer intrans. « respirer » (Psautier Cambridge, CXVIII, 131 ds T.-L.); ca 1176 trans. « exhaler (l'âme) » (Chr. de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 1760); 2. fin xiies. intrans. « mourir » (Sermons de Saint Bernard, 98, 22 ds T.-L.); 3. 1330 expirer « cesser d'être, prendre fin (de ce qui a une durée déterminée) » (G. de Digulleville, Pèlerinage vie hum., 1774, ibid.); 4. 1700 trans. « expulser (l'air) des poumons » (Dodart, Mémoire dans Académie royale des Sciences, p. 248). Empr. au lat. class. ex(s)pirare « rendre par le souffle, exhaler, expirer ». L'a. fr. espirer a rapidement disparu au profit d'expirer par suite de la confusion avec espirer « souffler, respirer » (début xiies. ds T.-L.), du lat. class. spirare « souffler, respirer, vivre ». Fréq. abs. littér. : 1 216. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 338, b) 1 539; xxes. : a) 1 300, b) 714. Bbg. Gir. t. 1 1834, pp. 90-91. |