| EXPÉDIER, verbe trans. A.− Exécuter, accomplir, traiter rapidement (une opération, une affaire). Vous savez que je travaille en conscience de neuf heures du matin à quatre. J'expédie bien vingt affaires, et souvent importantes (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1835, p. 65): 1. Quand je ne travaille pas, cela ne se voit pas. Je te répète que j'expédie de petites besognes, je remue, je change les objets de place. Mais l'esprit ne bouge pas, il attend. M. Blot (...) quand il est saisi d'inertie, ça dure six mois, parfois plus.
Duhamel, Cécile,1938, p. 79. − En partic. 1. Expédier les affaires courantes. Les gérer. Depuis quelque temps, les chagrins que Jacqueline lui causait, joints aux soucis de la ferme, l'ayant empêché de s'occuper de la mairie, il laissait l'adjoint Macqueron expédier les affaires courantes (Zola, Terre,1887, p. 364).L'accablement des responsables principaux, incapables de trouver le temps d'expédier les affaires courantes (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 448). 2. Se débarrasser hâtivement, avec désinvolture (de quelque chose ou de quelqu'un). a) [Le compl. désigne une chose] Absolument comme une petite fille expédie sa leçon de catéchisme (Goncourt, Journal,1891, p. 78).Il expédia son déjeuner et s'en fut à Saint-Séverin (Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 281).J'ai un peu expédié, dans ma dernière chronique, les pièces dont j'avais à rendre compte (Léautaud, Théâtre M. Boissard,t. 1, 1926, p. 200). ♦ Absolument : 2. Dès que je t'ai connu (...) je t'ai haï pour justement ta façon (...) d'avoir le mépris facile de ce qui n'est pas le plus important, de ne pas t'inquiéter par exemple littérairement de certaines beautés secondaires, d'expédier sans examen sur une simple impression.
Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1909, p. 172. b) [Le compl. désigne une pers.] − Dites, monsieur le curé, demanda Coelina de sa voix aigre, en l'arrêtant, vous nous en voulez, que vous nous expédiez comme un vrai paquet de guenilles? − Ah! dame! répondit-il, les miens m'attendent (Zola, Terre,1887, p. 58). B.− DR. Dresser et délivrer une copie de la minute d'un acte, d'un jugement. Expédier, faire expédier un contrat de mariage, un arrêt, un jugement (Ac.1835, 1878, 1932).Le notaire n'expédie pas ses actes à bon marché (L.-B. Picard, Théâtre,t. 5, Marionn., 1806, p. 239).Voici l'arrêt du conseil, qu'en ma qualité de secrétaire général je viens d'expédier, et auquel il ne manque plus que deux signatures (Scribe, Bertrand,1833, p. 197). C.− Acheminer, faire partir (vers une certaine destination). 1. [Le compl. désigne une chose] Il venait d'arriver à demi plein, ayant passé l'après-midi chez une teinturière du faubourg Montmartre, qui se faisait expédier pour lui du vermouth de Marseille (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 39).Je viens d'expédier la lettre où je décommande mon voyage en Angleterre (Du Bos, Journal,1926, p. 20): 3. Des gens pressés entraient dans le bureau de poste, dont les fenêtres illuminées éclairaient le trottoir. C'était là qu'il était venu expédier la dépêche à Daniel, le soir du suicide Fontanin, le soir où il avait revu Jenny...
Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 556. − Expédier des ordres. Les distribuer, les donner. Fort heureusement, avant d'expédier ces ordres dont il mesurait toute la gravité, le général Anthoine téléphona au grand quartier général pour annoncer la décision qui venait d'être prise (Joffre, Mém.,t. 1, 1914, p. 407). Rem. On relève ds la docum. un emploi pronom. En quittant New-York, Gilbert Villars traça un [signe] (...) sur une carte postale et se l'expédia à sa dernière adresse de Paris (Arland, Ordre, 1929, p. 514). − Au fig. [Avec une idée de violence] (Quasi-) synon. envoyer.Les concierges expédiaient la poussière dans le ruisseau (Adam, Enfant Aust.,1902, p. 462).[Il y a] de petits coquins de sièges en peluche que je me suis empressée d'expédier au grenier, qui est encore trop bon pour eux (Proust, Sodome,1922, p. 918). − P. métaph. La salle, une fois pleine, réagissait toujours de la même façon (...) peut-être parce que la mise en scène rigoureuse expédiait les mots à effet vers tel ou tel point, toujours le même (Duhamel, Suzanne,1941, p. 265). 2. [Le compl. désigne une pers.] a) Envoyer. Raisonnablement, je devais mourir, à vingt ans, à Londres, de phtisie. Ma famille m'expédie ici pour prolonger, quelques mois, ma vie. Je guéris (Tharaud, Dingley,1906, p. 134): 4. Le Pentagone nous demande même (...) si nous serions disposés à expédier deux divisions au Pacifique. « Ce n'est pas exclu, répondons-nous. Mais, alors, nous entendons pouvoir envoyer aussi, en Birmanie, les forces voulues pour prendre part à l'offensive vers l'Indochine. »
De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 227. Expédier qqn faire qqc.Il arriva que mon père s'émut du sort des prostituées (...). Il expédia ses hommes d'armes se saisir de quelques-unes d'entre elles (Saint-Exup.Citad.,1944, p. 669).b) Vx, fam. [Avec ou sans violence] Tuer, faire mourir (rapidement). « Qu'est-ce qu'on fait, dit-elle, on se bat? » Je répondis : « Ce n'est rien, mademoiselle, nous venons d'expédier une douzaine de Prussiens! » (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Idées colonel, 1884, p. 252).Le premier duelliste, je l'expédie avec les honneurs qu'on lui doit! (Rostand, Cyrano,1898, I, 4, p. 35): 5. − D'ailleurs, reprit Robert, une personne d'un tel mérite ne saurait en aucun cas être à vous. Car, ou bien je vous expédie, ou bien vous m'expédiez. Et, dans cette dernière alternative, je sais, la connaissant, que jamais ma veuve ne vous épousera.
Pourrat, Gaspard,1931, p. 49. − [Le suj. désigne une chose] Chez les apothicaires... on trouve des drogues comme celles-là, qui vous expédient un homme avant qu'il ait eu le temps de dire un in manus (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 323). − En partic. (Faire) exécuter par voie de justice. Le shérif désencombrait les maisons de justice; quand il arrivait dans une ville de sa province, il avait le droit d'expédier sommairement les prisonniers (Hugo, Homme qui rit,t. 2, 1869, p. 187).Tu veux une cigarette avant qu'ils t'expédient ou un verre de vin? (Camus, Révolte Asturies,1936, p. 434). − Loc. Expédier dans l'autre monde. Tuer. [Victoire :] − ... Ah! le gouvernement a beau envoyer des inspecteurs chaque mois... Ça n'empêche pas les bonnes femmes [des nourrisseuses] de continuer tranquillement leur négoce, d'expédier tant qu'elles peuvent des petiots dans l'autre monde (Zola, Fécondité,1899, p. 257). Prononc. et Orth. : [εkspedje], (j')expédie [εkspedi]. Cf. é-1. Enq. : /ekspedi/ (il) expédie. Ds Ac. dep. 1694. Homogr. non homophone (de [ils] expédient), expédient, subst. Étymol. et Hist. 1. a) 1360 expedier a « travailler à l'exécution, la conclusion de quelque chose » (Rançon du roi Jean, A.N. K K 10 ds Gdf. Compl.); b) 1690 « délivrer une copie d'un acte » (Fur.); 2. 1671 (Pomey : Expedier un messager ... Expedier des ordres à quelqu'un). Dér. du rad. de expédient1*; dés. -er. Fréq. abs. littér. Expédier : 614. Expédié : 383. Fréq. rel. littér. Expédier : xixes. a) 896, b) 975; xxes. : a) 812, b) 833. Expédié : xixes. : a) 523, b) 650; xxes. : a) 452, b) 561. Bbg. Quem. DDL t. 1 (s.v. expéditionner). |