| EXODE, subst. masc. A.− Sortie d'Égypte des Hébreux sous la conduite de Moïse. Tout ce qu'on raconta plus tard au sujet de l'exode d'Israël prouve qu'on n'en avait aucun souvenir direct (Renan, Hist. peuple Isr.,t. 1, 1887, p. 164).Et ce sang qui devait sur le dernier haut lieu pleuvoir comme la manne aux déserts de l'exode (Péguy, Ève,1913, p. 821). − P. méton. Deuxième livre du Pentateuque qui relate cet événement ainsi que le début des pérégrinations du peuple hébreu dans le désert et la révélation du Mont Sinaï. Passage, phrase de l'Exode. Les dix commandements, tels qu'ils se trouvent formulés au chapitre XX de l'Exode et au chapitre V du Deutéronome (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 41). B.− P. ext. 1. Départ, sortie en masse, déplacement d'une population, notamment a) à l'occasion d'un cataclysme naturel, d'une guerre, d'une invasion (cf. centre ex. 15). Le cortège se mit en route, un lent exode de gens blêmes, tirés, les yeux gonflés, tremblants d'émotion autant que du froid du matin (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 225).Dans la lueur des incendies, dans la lumière cadavérique des becs électriques bleuis et des phares, dans l'obscurité complète, reprenait en silence un exode séculaire (Malraux, Espoir,1937, p. 723): 1. On s'aperçoit alors du rôle prépondérant des glaciations quaternaires dans la répartition des faunes et des flores tempérées actuelles, glaciations qui entraînèrent une série de fuites et d'exterminations, d'exodes totaux, suivis de retours incomplets.
Hist. gén. des sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 505. − En partic. (à l'occasion de l'invasion allemande de 1939-1940). L'exode de mai-juin 1940 et absol. l'exode. Qui d'entre nous n'a travaillé, souffert ou musardé depuis quatre ans, aux quatre coins du paysage national? Passages dans les centres mobilisateurs, stages à l'arrière, séjours au front, débâcle, exode, repliement, voyages de ravitaillement, etc. (Morand, Excurs. immob.,1944, p. 85).Une petite réfugiée du Nord entra dans ma classe; l'exode l'avait sérieusement ébranlée, elle avait des tics et bégayait (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 32): 2. Rien ne peut se comparer à ces routes désertes du mois d'août 1944, que les routes désertes après l'exode de juin 1940. Personne, le vide, si ce n'est, en 44 comme en 40, allant toutes dans la même direction, des colonnes allemandes, difficiles à doubler.
Triolet, Prem. accroc,1945, p. 416. b) pour des raisons socio-économiques ou culturelles. L'exode annuel à Bayreuth d'une foule de plus en plus nombreuse (P. Lalo, Mus.,1899, p. 12).Cette émigration quotidienne, qui aujourd'hui prend les proportions d'un exode. Londres se vide tous les soirs (Morand, Londres,1933, p. 76).S'il a plu quelque part, un grand exode anime le Sahara. Les tribus montent vers l'herbe qui poussera trois cents kilomètres plus loin (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 194): 3. Ainsi je remâche mes pensées dans ce dimanche triste et sombre, au retour d'une messe où l'assistance était déjà clairsemée. L'exode redoutable est commencé. Les grandes vacances ont toujours été le temps des grands crimes.
Mauriac, Le Nouveau Bloc-notes,1961, p. 350. − En partic. Exode rural. Phénomène continu de dépeuplement des campagnes au profit des villes. L'exode rural qui a entraîné en un siècle 8 millions d'habitants des campagnes vers les villes (Aspects habitat rur. Fr.,1953, p. 11). SYNT. a) Exode + adj. Exode général, lamentable, massif; grand exode. b) Exode + subst. [Le subst. désigne la population qui se déplace] Exode des civils, des volontaires; exode de la main-d'œuvre, exode des cerveaux (cf. cerveau I B 3); [le subst. désigne le lieu que l'on quitte] Exode de Russie; exode des campagnes; [le subst. désigne le lieu où l'on se rend] Exode à (vers) la ville; exode vers les banlieues; exode en Afrique; [le subst. désigne le motif du déplacement] Exode des vacances. c) Subst. + exode. Une menace d'exode; les hordes de l'exode; les valises de l'exode. ♦ Loc. adj. En exode. En fuite, en train de se déplacer. Paysans en exode. Comme un dénombrement de peuples en exode (Saint-John Perse, Exil,1942, p. 210). − P. méton. La population, le groupe qui se déplace, qui fuit. Exode épouvanté, invisible, silencieux. L'éternel exode espagnol ne cesse de venir à notre rencontre, les ânes et les mules montés par des femmes en noir enveloppées dans de grands châles; par des hommes à faces larges et osseuses (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 228).L'ennemi progresse plus vite que l'exode (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 317): 4. Derrière des groupes silencieux passaient des charrettes bosselées de paniers et de sacs, où brillait un instant l'éclat écarlate d'une bouteille; puis, sur des ânes, des paysannes sans visage, et dont pourtant on devinait le regard fixe, avec la séculaire détresse des fuites en Égypte. L'exode coulait, enfoui sous ses couvertures dans cette odeur de feu, scandé par le battement profond et rythmé du canon.
Malraux, L'Espoir,1937, p. 627. − P. anal. Déplacement d'objets hors de leur cadre, de leur milieu habituel : 5. L'exode des collections du Louvre et des autres musées d'état commence le jour de la mobilisation, le 2 septembre 1939.
Les Musées en France,1950, p. 15. ♦ En partic. Exode des capitaux. Déplacement des capitaux vers l'étranger. L'exode des capitaux lombards était commencé à cause de la menace de spoliation (Druon, Roi de fer,1955, p. 293). 2. Rare. Départ, déplacement d'une personne. Les insanités de ce bookmaker soûl m'avaient seulement mis en défiance et juste assez inquiété pour atténuer mon regret de ne pas avoir suivi Thomas dans son exode dans l'Inde (Lorrain, Phocas,1901, p. 266).L'énergique Auvergnate n'a pas encore accepté, même depuis l'exode de Monique, l'idée d'une bonne à domicile (Bourget, Monique,1902, p. 23). Rem. Les dict. attestent l'existence d'un exode2. ,,T. d'Antiquité. Dernière partie d'une tragédie grecque, qui, après la sortie du chœur, contenait le dénouement. Il se disait aussi d'une petite pièce qui se jouait chez les Romains, à la fin du spectacle`` (Ac. 1878-1932). Prononc. et Orth. : [εgzɔd]. Cf. é-1. Demi-longueur ds Passy pour la voyelle de syll. finale. Enq. : /egzod/. Ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. [3etiers xiiies.] « deuxième livre de la Bible, racontant la sortie d'Égypte » (Bible de l'Université de Paris, ms. Paris BN fr. 899, fo49 à 51 ds Trénel, p. 127); 2. 1854 « émigration » (Hugo, Corresp., p. 202 : notre exode va recommencer). Empr. au lat. chrét. Exodus « Exode, livre de la Bible » (Blaise) et celui-ci au gr. ε
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ς « action de sortir, spéc. Exode, sortie des Hébreux de l'Égypte, titre du deuxième livre de la Bible ». Fréq. abs. littér. : 150. |