| EUPHORIE, subst. fém. A.− MÉD. Impression de bien-être, de soulagement, parfois illusoire, provenant soit d'une amélioration de l'état de santé, soit de l'action de certains médicaments ou stupéfiants. Notre médecin (...) m'avait conseillé (...) de prendre de la bière, du champagne ou du cognac quand je sentais venir une crise. Celles-ci avorteraient, disait-il, dans l'« euphorie » causée par l'alcool (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 496).C'était une habituée de la drogue (...). Le suicide n'est pas sûr. Possible qu'elle ait seulement forcé un peu la dose (...). Le système nerveux réagit mal, l'euphorie tarde à venir, ils en remettent et le cœur s'effondre (Bernanos, Crime,1935, p. 830). B.− P. ext., usuel 1. Sentiment de bien-être, d'épanouissement physique, spirituel. Ce sentiment d'aise, cette euphorie de tous leurs organes ne leur venait pas du large paysage, des terrasses, des collines lointaines (Giraudoux, Bella,1926, p. 15).Je ne pensais à rien, j'étais en pleine euphorie, ayant participé par politesse à ses libations (Sagan, Bonjour tristesse,1954, p. 57). 2. État de confiance, d'optimisme parfois excessif ou injustifié. Jos-Mari n'était pourtant pas dans le même état d'euphorie que son élève. Il ne partageait pas son éblouissement, sa confiance endormie (Peyré, Matterhorn,1939, p. 166).Je vous comprends. La libération est encore toute fraîche; vous nagez tous en pleine euphorie (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 35): Le sens de l'abondance de l'être, la joie de la connaissance du monde et de la liberté et l'élan vers la découverte scientifique, l'enthousiasme créateur et la dilection de la beauté des formes sensibles décèlent au temps de la renaissance des sources inextricablement naturelles et chrétiennes. C'est une sorte d'euphorie qui s'empare alors de l'homme; il se tourne vers les documents de l'antiquité païenne avec une fièvre que les païens n'avaient pas connue...
Maritain, Human. intégr.,1936, p. 33. 3. Sérénité de l'âme. M. de Coantré connut une sorte d'euphorie comparable à celle du martyr qui monte sur le bûcher, ou, mieux encore, à celle de l'homme qui se fait ouvrir les veines (Montherl., Célibataires,1934, p. 801).Monologue de l'âme enfin libre et dialogue heureux de l'âme avec un univers soudain doué de transparence créent la même euphorie, la même cristallisation d'un monde devenu harmonieux (Béguin, Âme romant.,1939, p. 332). 4. [En parlant d'un pays, d'une collectivité] Bien-être, prospérité. Euphorie budgétaire (Rob.). Prononc. et Orth. : [øfɔ
ʀi]. Enq. /øfoʀi/. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1. 1732 méd. (Ph. Hecquet, Brigandage de la Médecine, Utrecht, p. 204 ds Fr. mod. t. 38, p. 72); 2. 1906-07 p. ext. (Barrès, Cahiers, t. 5, p. 93 : la figure rayonnante d'euphorie). Empr. au gr.
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α (sens 1 ds Liddell-Scott). Fréq. abs. littér. : 109. Bbg. Arveiller (R.). R. Ling. rom. 1971, t. 35, p. 217. |