| ESTHÉTIQUE, adj. et subst. fém. I.− Adjectif A.− Qui est motivé par la perception et la sensation du beau. Jugement esthétique; émotions, sensations esthétiques. Tout désir de faire du beau style pour le plaisir d'en faire, pour se donner et pour donner aux lecteurs des jouissances esthétiques, est pour lui proprement inconcevable (Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 143). B.− Qui répond à des exigences ou à des lois de beauté. Vouloir « tout court », ce n'est nullement vouloir en général, sans rien vouloir de déterminé, de particulier ni de présent : ce vouloir en soi est un vouloir en l'air qui ressemble à une attitude esthétique plutôt qu'à un rapport éthique (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 239). ♦ Soins, chirurgie esthétique(s). Traitement qui vise à l'amélioration de l'aspect du corps. Enfin, certains malades pourront bénéficier d'interventions relevant de la chirurgie esthétique (Quillet, Méd.1965, p. 368). C.− Qui a pour caractéristique la beauté. Il avait beau s'en défendre : son orgueil intellectuel, sa conception complaisante d'un monde purement esthétique, fait pour la joie de l'esprit, rentraient sous terre, à la vue d'une injustice (Rolland, J.-Chr.,Buisson ard., 1911, p. 1288). II.− Subst. fém. A.− Partie de la philosophie qui se propose l'étude de la sensibilité artistique et la définition de la notion de beau. Toutes les recherches, dans l'ordre de l'esthétique, sont dominées par les analyses de la « Critique du jugement » de Kant (Alain, Beaux-Arts,1920, p. 7).Cf. aussi apaisement ex. 2 : 1. ... mais dans son essai [de Schiller] sur la grâce et la dignité, et dans ses lettres sur « l'esthétique », c'est-à-dire la théorie du beau, il y a trop de métaphysique.
Staël, Allemagne,t. 3, 1810, p. 327. − En partic. [Avec spécialisation] ♦ [en fonction d'une théorie partic. d'un philosophe ou d'un artiste] L'esthétique kantienne, hégelienne. Faut-il s'étonner qu'entre certaines pages d'« Aurélia », inspirées de souvenirs occultistes, et l'esthétique baudelairienne des « Correspondances », il y ait une analogie profonde qui dépasse les simples concordances de vocabulaire? (Béguin, Âme romant., 1939, p. 366). Rem. ,,Chez Kant (esthétique transcendantale) : partie de la Critique de la raison pure, qui détermine les formes a priori de la connaissance sensible. Ces formes sont l'espace (connaissance du monde extérieur) et le temps (connaissance du monde intérieur de la conscience)`` (Foulq-St-Jean 1962). ♦ [en fonction d'un genre, d'une école, d'une époque] L'esthétique du théâtre, du Romantisme : 2. Rappellerai-je, par exemple, comment l'esthétique romane, abstraite, relève de l'idéalisme a priori en cours durant le premier Moyen Âge, tout pénétré de la leçon de saint Augustin, tandis que l'esthétique gothique, positive, répond à l'aristotélisme ou à la doctrine expérimentale qui s'épanouiront au xiiiesiècle...
Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 435. B.− Recherche de ce qui est beau. 1. Appréciation personnelle de ce qui peut être beau; sens du beau, goût : 3. Je conçois (...) pour l'avenir que le mot morale devienne impropre et soit remplacé par un autre. Pour mon usage particulier, j'y substitue de préférence le nom d'esthétique. En face d'une action je me demande plutôt si elle est belle ou laide que bonne ou mauvaise.
Renan, Avenir sc.,1890, p. 177. − P. méton. Ensemble des qualités qui constituent les critères de cette appréciation ou les éléments d'une beauté personnelle. Les mots ont en eux-mêmes et « en dehors du sens qu'ils expriment » une beauté et une valeur propres... Je les aime pour leur esthétique personnelle, dont la rareté est un des éléments, la sonorité un autre... (Bremond, Poésie pure,1926, p. 109). − Loc. adj. Esthétique corporelle. Qui concerne l'emploi de procédés utilisés pour entretenir et développer la beauté du corps. Boutiques d'esthétique faciale (Morand, New-York,1930, p. 235). 2. Esthétique industrielle. Recherche sur les formes, la matière, les couleurs, etc., pour rendre toutes productions industrielles le plus attrayantes possible : 4. [Le] terme d'esthétique industrielle (...) souligne bien que les objets produits par l'industrie ne s'épuisent pas dans leurs fonctions utilitaires, et qu'ils peuvent développer de surcroît des qualités plus généralement humaines.
H. van Lier, Esthétique industrielleds Encyclop. univ. t. 6 1970, p. 572. Rem. 1. L'esthétique est une recherche de ce qu'est le beau et de ce qui est beau. Il semble donc abusif d'employer ce mot en tant que synon. de beau pour l'adj., de beauté pour le subst. Selon Dupré 1972, il faut éviter de dire : Cette cravate est plus esthétique que celle-ci; il faut préserver l'esthétique du quartier de l'Étoile. Pour l'observateur de la langue, de tels emplois attestent un glissement de sens de l'adj. (« conforme au bon goût ») et du subst. (« beauté spécifique »). 2. On rencontre ds la docum. le préf. esthético-. Qui concerne l'esthétique. Esthético-morale (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 218), esthético-social (Du Bos, Journal, 1924, p. 14) ou, avec nuance dépréc. « prétendument esthétique » (cf. Genevoix, Mains vides, 1928, p. 10). Prononc. et Orth. : [εstetik], [e-]. Enq. : /estetik/. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. 1. 1753 subst., « science du beau » (Beausobre, Dissertations philosoph., p. 163 ds Littré); 2. 1819 « ensemble de règles, de principes selon lesquels on juge de la beauté » (Maine de Biran, Journal p. 217); 3. 1798 adj. (Ch. F. Schwan, Nouv. dict. de la langue allemande et françoise, Suppl.). Empr. au lat. philos. aesthetica empl. par le philosophe all. A. G. Baumgarten (1717-62) dans son ouvrage Aesthetica acroamatica (1750-58); terme formé sur le gr. α
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ς, « qui a la faculté de sentir; sensible, perceptible » (cf.
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ι « percevoir par les sens, par l'intelligence »). Fréq. abs. littér. : 1 380. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 204, b) 1 127; xxes. : a) 2 198, b) 3 769. DÉR. Esthétiquement, adv.a) De façon esthétique; selon des lois, des exigences de beauté. Voici ce que je pense : (...) la croix est une chose laide, esthétiquement parlant (Flaub., Corresp.,1873, p. 87).b) Selon ce qui touche à l'esthétique (cf. ce mot II A). Mais cela même à quoi M. Gide se plie esthétiquement, cet ordre qui fait que le langage « tient », que l'œuvre d'art « tient » et qui n'est que l'ordre même des choses, celui qu'on doit nécessairement subir dès qu'on « fait » quelque chose, il se garde d'en prolonger la leçon dans l'ordre moral et humain (Massis, Jugements,1924, p. 52).− [εstetikmɑ
̃], [e-]. − 1reattest. 1798 (Ch. F. Schwan, Nouv. dict. de la langue allemande et françoise, Suppl.); de esthétique, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér. : 25. BBG.− Colomb. 1952/53, p. 299. − Duch. Beauté 1960, pp. 103-104. − Gall. 1955, p. 125; pp. 352-353. − Quem. DDL t. 1 (s.v. esthétiquement). − Uitti (K. D.). Rem. sur la lang. « moderniste ». Fr. mod. 1972, t. 40, p. 26. |