| ENVIER, verbe trans. A.− Éprouver de l'envie, du désir; avoir envie. 1. [Le compl. dir. désigne une chose] Désirer, posséder. Envier une terre. Il ne s'occupait pas si elle enviait un bijou ou voulait une robe (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 216): 1. − Il était capitaine de vaisseau, mon ami. N'était-ce pas prévenir toute recherche, et en même temps se poser très haut, par cette prétendue fascination exercée sur un homme qui devait être de nature belliqueuse et accoutumé à des hommages? (...) il envia des épaulettes, des croix, des titres. Tout cela devait lui plaire : ...
Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 118. 2. [Le compl. dir. désigne une pers., les biens ou les qualités de cette pers.] Porter envie à quelqu'un soit par estime ou admiration, soit par désir de jouir pour soi-même de biens de même nature. a) [L'envie se porte sur la pers. elle-même] Envier son frère, ceux qui... Tenez, je vous envie, je voudrais être à votre place (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 137).On enviait MmeCottard que la patronne appelait par son prénom (Proust, J. Filles en fleurs,1918, p. 601): 2. Il dut se trouver beaucoup de jeunes gens dynamiques pour envier Chanute, pour rêver de l'imiter et pour s'essayer, eux aussi, à voler de leurs propres ailes.
P. Rousseau, Hist. des techniques et des inventions,1967, p. 358. − En partic. Envier une femme. La désirer. Il enviait une femme dont la possession était impossible (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 150). − [Avec la construction de + inf.] Je t'envie de faire un journal (Lamart., Corresp.,1831, p. 134).Les amis du jeune homme riche l'enviaient d'avoir une maîtresse si bien habillée (Proust, J. Filles en fleurs,1918p. 682). b) [L'envie se porte sur les biens, la prospérité, les talents, les dons, le bonheur d'une pers.] Envier le sort de qqn. La position, la fortune des autres, que nous souhaitons, désirons, envions (Goncourt, Journal,1866, p. 251).Il n'est peut-être pas de don que j'envie plus que le « don des langues », et qui m'ait été plus chichement accordé (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1190). − Absol. Enviez, désirez, imaginez, cœurs de vingt ans; élargissez-vous! (Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 120). ♦ À la forme négative. Ne plus rien envier. Être comblé. N'avoir rien à envier à qqn. Ne pas être en dessous, en reste. Padoue n'avait rien à envier à sa rivale [Milan] (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 58).Armand de retour, Jeanne ne regrettait et n'enviait plus rien (Ponson du Terr., Rocambole,t. 2, 1859, p. 314). B.− Péj. Éprouver du mécontentement, de l'amertume en considérant les biens, la supériorité, la réussite ou le bonheur d'autrui. 1. [Avec un sentiment de tristesse ou de jalousie] Je les connais. Ils envient des succès et me jalousent à cause des regards d'Inès (Camus, Chev. Olmedo,1957, 3ejournée, 3, p. 787).Le département de la marine envie celui de l'aviation qui a le monopole du transport de la bombe (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 70). 2. [Avec des sentiments de haine, de méchanceté] « Ceux qui envient ou calomnient les grands hommes haïssent Dieu, car il n'est point d'autre Dieu » (Du Bos, Journal,1925, p. 391): 3. Il comprit sa vie petitement et jalousa tout ce qui n'était pas flétri et brisé comme lui. Il envia jusqu'aux titres, jusqu'aux richesses des autres hommes. Il fut saisi d'une haine instinctive contre le cardinal...
Sand, Lélia,1839, p. 509. − Emploi pronom. réciproque. S'envier l'un l'autre, les uns les autres. Faux semblant d'amitié qui ne les empêche pas de s'envier, de se haïr et de se mépriser (Soulié, Mém. diable,t. 1, 1837, p. 15). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃vje], (j')envie [ɑ
̃vi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1120-50 « éprouver un sentiment de jalousie envers quelqu'un » (Gd mal fit Adam, I, 9 ds T.-L.). Dénominatif de envie*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 1 521. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 112, b) 2 134; xxes. : a) 2 105, b) 2 254. Bbg. Martin (E.). S'il est vrai que envier qqn doit être remplacé par porter envie à qqn. Le Courrier de Vaugelas. 1872, t. 3, p. 178. |