| ENRAYER2, verbe trans. A.− Domaine concr. 1. Vieilli. Entraver le mouvement (d'une roue) par un dispositif agissant sur les rayons. La roue qu'on avait enrayée se rompit (Ac.).Le zagal (...) qui enraye les roues dans les descentes périlleuses, qui surveille les harnais et les ressorts (Gautier, Tra los montes,1843, p. 18). ♦ [Le compl. d'obj. désigne un véhicule à roues] La descente est rapide, on enraye la diligence (Stendhal, Corresp.,t. 2, 1800-42, p. 312). − P. ext. Freiner ou arrêter (un véhicule). Du haut des voitures arrêtées, et des omnibus enrayés dans leur course, s'échangeaient force horions (Verne, Tour monde,1873, p. 146).Poussant au timon, à la caisse, la bande avait lancé le tombereau pour s'ouvrir un chemin. Mais le tombereau, enrayé, butait, se couchait sur le flanc (Pourrat, Gaspard,1931, p. 280). ♦ P. métaph. Le vrai nom de cet ennui, qui m'enraye continuellement, est irrégularité de ma force et mon humeur (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1899, p. 354). 2. P. anal. a) Mod. Arrêter le fonctionnement (d'une machine automatique, en particulier d'une arme à feu). Au part. passé. Le « Nautilus » commença de s'enfoncer, suivant une ligne verticale, car son hélice enrayée ne lui communiquait plus aucun mouvement (Verne, Vingt mille lieues,t. 2, 1870, p. 233).Croyait-il vraiment l'arme enrayée? (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 955). − Emploi abs. Leurs mitrailleuses c'est autre chose que nos espagnoles, hein! Ils n'ont pas enrayé une seule fois (Malraux, Espoir,1937, p. 523). − Emploi pronom. à sens (médio-)passif. Brusquement elle se tut, comme une petite boîte à musique qui s'enraye, et s'arrête net au milieu de sa ritournelle (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1466).On dirait un film dont le son s'est enrayé (Anouilh, Antig.,1946, p. 165).Le fantassin immobilisa la première voiture, l'arme du char s'enraya tout de suite (Abellio, Pacifiques,1946, p. 301): 1. Quant à l'armement collectif de la batterie, il consistait, pour un effectif d'environ deux cents hommes, en trois vieux fusils mitrailleurs, modèle Saint-Étienne, qui s'enrayaient immanquablement à la quatrième balle...
Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 25. b) Rare. Freiner, empêcher un mouvement. Le jour où il s'était arraché les muscles de l'épaule en tâchant d'enrayer, de son piolet fiché dans la glace, le glissement de sa cordée (Peyré, Matterhorn,1939, p. 32).Un automatisme acquis comme la danse, l'acte de monter un escalier, etc., peut être enrayé si au cours de son développement l'attention cinétique se porte, non sur son mouvement d'ensemble, mais sur un détail de son exécution (Mounier, Traité caract.,1946, p. 200). B.− Au fig. 1. Bloquer, arrêter un processus. a) [Le processus est un mal ou est envisagé comme tel] Enrayer une épidémie, une maladie; enrayer une attaque, les progrès de l'ennemi. Sur quelle fragilité reposait mon amour! Si j'eusse pu m'en rendre compte à temps, j'aurais su prendre des mesures pour enrayer le mal (Gide, Robert,1930, p. 1325).Mais que l'agitation ouvrière avait été enrayée aussitôt par une intervention énergique de la police (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 248).Non seulement l'offensive des flottes et des armées nippones a été, dans l'ensemble, enrayée depuis l'été 1943, mais ce sont les alliés qui, à présent, ont l'initiative (De Gaulle, Mém. guerre,1596, p. 285): 2. Le début d'un incendie de voiture est toujours bénin; au bout de deux minutes, c'est plus grave; cinq minutes après, inquiétant; dix minutes après le mal ne peut pratiquement pas être enrayé et, neuf fois sur dix, c'est l'embrasement total.
Chapelain, Cours mod. de techn. automob.,1956, p. 331. b) Rare. [Le processus n'est pas envisagé comme un mal] Étude commencée au XVIIIesiècle par Restif de La Bretonne, Jean-Jacques Rousseau, Diderot, et complètement, enrayée par le romantisme (Goncourt, Journal,1888, p. 829).Le danger qu'il y aurait (...) à paraphraser les abominables déclarations par lesquelles la routine bourgeoise essaie d'enrayer les plus généreuses manifestations de l'esprit (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 126): 3. Comment faire si nous ne commençons par répudier hautement ce sophisme de la raison d'état, qui nous a fait tant de mal, qui a enrayé par la guillotine et par les violences de toutes sortes le magnifique mouvement de la révolution française!
Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 214. 2. Absol., vieilli. Mettre un terme à certains agissements, à des excès. Vous faites trop de dépenses, je vous conseille d'enrayer (Ac.).À travers ses propos confus, j'ai discerné qu'Hubert avait enrayé à temps (Mauriac, Nœud vip.,1832, p. 128). Prononc. et Orth. Ds Ac. dep. 1762. Pour le reste, cf. enrayer1. Étymol. et Hist. 1552 « arrêter une roue par les rayons de sorte qu'elle ne fasse que glisser » (Est. ds FEW X, 24a); 1611 « arrêter le cours d'un événement » (Cotgr.). Dér. de rai*; préf. en-*; dés. -er. DÉR. Enrayure, subst. fém.Dispositif servant à enrayer une roue. L'enrayure est constituée par deux cordages ou deux chaînettes, que l'on accroche d'une part au corps de la voiture (...), de l'autre aux roues, en embrassant la jante près d'un rais (Alvin, Artill.,Matér., 1908, p. 152).− [ɑ
̃
ʀ
εjy:ʀ]. Ds Ac. 1932. − 1resattest. 1676 enrayeures (Félibien), 1740 « ce qui sert à enrayer une roue » (Ac.); du rad. de enrayer2, suff. -ure*. BBG. − Archit. 1972, p. 57, 208 (s.v. enrayure). |