| ENLUMINER, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. Vx. Rendre lumineux, éclairer d'une vive lumière. Synon. illuminer.Au moment où l'Angélus sonnait au fond de la vallée et où le soleil enluminait tous les toits d'alentour (Sand, Valentine,1832, p. 74). 2. Usuel. Peindre de couleurs éclatantes, contrastées. Enluminer une estampe, des images. Le petit Lucien, en possession d'une boîte à couleurs depuis peu de jours, enluminait consciencieusement les illustrations d'un gros volume (Bourget, Disciple,1889, p. 144).Cette Champagne méridionale [Troyes] vit fleurir une statuaire pittoresque (...); on fouillait le bois ou la pierre pour l'enluminer ensuite de vives couleurs (Hourticq, Hist. art,Fr., 1914, p. 140). a) Spéc. Orner de lettres peintes, de vignettes, de miniatures. Enluminer un livre d'heures, un manuscrit, un missel. Ces livres, il en raffolait, (...) il s'était attaché un peintre (...) qui les enluminait de lettres ornées et de miniatures (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 76).Un de ces psautiers que les moines grecs, entre les sixième et dixième siècles, enluminaient au fond des cloîtres (Faure, Hist. art,1912, p. 247). b) P. anal. [L'obj. désigne le visage ou une partie du visage d'une pers.] Colorer vivement, rendre rouge et enflammé. Enluminer les joues, le teint. Leurs deux figures, qu'enluminait une légère pointe de saoulerie (Courteline, Train de 8 h 47,1888, 2epart., 1, p. 97).Crains que Pâques tôt reparu Avec les frimas n'enlumine Comme ces œufs au rouge cru Méry ta délicate mine (Mallarmé, Vers circonst.,1898, p. 140). − Proverbial, fam., vieilli. S'enluminer le visage. ,,Boire avec excès; parce qu'ordinairement les ivrognes ont le visage fort rouge`` (Ac. 1878). c) P. métaph. et au fig. − [L'obj. désigne une notion abstr.] ... ainsi, tout bien considéré, folâtrons, enluminons la vie (Balzac,
Œuvres div.,t. 2,1824-30,p. 384) : ... que Cécile, assise comme autrefois, comme toujours, devant le clavier magique, (...) se reprît, (...) à caresser les cordes pour broder à fils ténus, autour de la pensée de ce garçon mal commode, pour enluminer leurs rêves, pour enrichir leur communion, et Laurent se reprenait à chanter des actions de grâce.
Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 143. − [L'obj. désigne une œuvre littér., une manière d'écrire] Orner d'images, de tournures recherchées, qui nuisent parfois à la simplicité et au naturel. Enluminer son style. Quant au satanisme ultra-mathurinesque dont il a plu à Baudelaire d'enluminer ses Fleurs du mal, (...) je n'y vois, (...) autre chose qu'un inoffensif et pittoresque caprice d'artiste (Verlaine,
Œuvres posth.,t. 2, Ch. Baudelaire, 1865, p. 15).Un style d'une technique plus recherchée, qu'enluminent toutes les nuances dialectales dont il use avec soin (Arts et litt.,1936, p. 5402). B.− Emploi pronom. à valeur passive 1. [Le suj. désigne le visage] Devenir rouge sous l'effet d'une émotion, de l'ivresse (cf. Delvau, 1866, p. 130). Il n'y a qu'un moine, disait-il, privé de femme, dont le visage s'enlumine à leur seul nom (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 436). 2. [Le suj. désigne un récit] Être agrémenté de détails plus ou moins exacts. À voir ce que deviennent sous nos yeux certains personnages historiques célèbres, et comme tout cela se grossit et s'enlumine, se dénature ou (disent les habiles), se transfigure (Sainte-Beuve, Portr. littér.,t. 3, 1844-64, p. 308). Rem. On rencontre chez Sand enluminage, subst. masc. Fait (pour un objet) d'être enluminé. Les feuillets étaient collés encore par l'enluminage de la tranche (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 178). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃lymine], (j')enlumine [ɑ
̃lymin]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 « orner » (Roland, éd. J. Bédier, 535 [ici, d'une qualité] : De tel barnage l'ad Deus enluminet); 2. a) ca 1170 « colorer » (Chr. de Troyes, Erec, 432 ds T.-L.); b) 1176-81 « décorer un manuscrit, une estampe, etc. » (Id., Chevalier au lyon, 1415, ibid.). B. Ca 1120 « éclairer, rendre lumineux » (Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, LXVI, 1). Empr. au lat. class.illuminare (illuminer*), « éclairer, illuminer; embellir, orner », avec substitution de préf. (en-*). Fréq. abs. littér. : 25. |