| ENCLUME, subst. fém. A.− TECHNOL. Masse de fer aciérée supportée par un billot, sur laquelle on forge différents métaux à froid ou à chaud. Enclume de maréchal, de serrurier; battre, frapper sur l'enclume. Le maréchal laissait à petits coups pesants et clairs retomber son marteau sur l'enclume (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 21).Quant à l'enclume elle ressemble à un cèpe, à un bolet noir, composée d'un chapeau et d'un pied comme lui (Pesquidoux, Chez nous,t. 2, 1923, p. 74): Dans les antres de Lipara
Hephaïstos allume ses forges.
Il lève, l'illustre ouvrier,
Ses bras dans la rouge fumée,
Et bat sur l'enclume enflammée
Le fer souple et le dur acier.
Leconte de Lisle, Poèmes antiques,Médailles antiques, 1874, p. 228. − P. métaph. Un mot, un seul mot de cette fine langue française, posé sur l'enclume, se tord de tant de façons (Musset, Le Temps,1831, p. 117).Beethoven s'y avère un puissant forgeron qui, (...) tord sur l'enclume des motifs courts, très dessinés, de métal pur (Rolland, Beeth.,t. 2, 1928, p. 348). − Loc. et expr. fig. ♦ Il faut être enclume ou marteau. Il faut être opprimé ou oppresseur. Chez nous il faut être enclume ou marteau (Chamfort, Caract. et anecd.,1794, p. 90). ♦ Il vaut mieux être (se faire) marteau qu'enclume. Il vaut mieux battre qu'être battu. Il s'est fait marteau pour n'être pas enclume (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 231). ♦ Mettre le doigt (se trouver) entre l'enclume et le marteau. Se trouver entre deux partis opposés qui présentent tous deux des inconvénients, des contraintes. Ami! ne mettons pas le doigt entre le marteau et l'enclume (Borel, Champavert,1833, p. 67).Cependant l'Iran est pris entre le marteau soviétique et l'enclume anglo-saxonne (Mauriac, Journal,1950, p. 194). ♦ Remettre qqc. (un ouvrage, une idée...) sur l'enclume. Lui donner une nouvelle forme. Des harcelants problèmes (...) qui ont engagé sans cesse la nature même de son être, l'ont remise continuellement sur l'enclume et dans l'épreuve du vécu (Huyghe, Dial. avec visible,1955, p. 436). B.− [P. anal. de forme ou de fonction] 1. Outil, pièce d'un instrument destiné à recevoir un choc. Enclume de cordonnier, de couvreur, de passementier. Les ardoises sont taillées et percées sur place par le couvreur sur une enclume en fer plat (Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât.,t. 4, 1928, p. 29). 2. ANAT. Un des osselets de la caisse du tympan, ,,situé entre le marteau en dehors et en avant, et l'étrier en dedans`` (Méd. Biol. t. 2 1971). La grenouille et le crapaud ont deux osselets à leur oreille; l'un tient lieu du marteau et de l'enclume (Cuvier, Anat. comp.,t. 2, 1805, p. 506). Rem. 1. On rencontre ds la docum. le subst. masc. enclumeau « petite enclume portative ». Parfois, dans un coin de l'atelier, un bigornot, un enclumeau qui ne servait qu'à la ferronnerie (La Varende, Normandie en fl., 1950, p. 162). 2. Les dict. gén. (Ac. excepté) attestent le subst. fém. enclumette « petite enclume portative à l'usage des faucheurs ». Prononc. et Orth. : [ɑ
̃klym]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 anclume « masse de fer sur laquelle on bat les métaux » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 4405); 2. 1611 anat. (Cotgr.). Du b. lat. incudinem (TLL s.v. 1097, 32), lat. class. incus, incudis, avec substantivation du suff. -ūminem à -ūdinem (v. amertume) et prob. altération du rad. sous l'influence de includere (v. enclore). Fréq. abs. littér. : 277. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 318, b) 627; xxes. : a) 374, b) 344. Bbg. Jud (J.). Obs. sur le lex. de la Franche-Comté et du franco-prov. In : [Mél. Pope (K.)]. Manchester, 1939, pp. 225-240. − Popinceanu (I.). Elemente nichtlateinischen Ursprungs im französischen und rumänischen Wortschatz. In : [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 420. − Rohlfs (G.). Traditionalismus und Irrationalismus in der Etymologie. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, pp. 209-210. |