| EN1, prép. I.− [Fonctionnement syntaxique] A.− [Terme complété] 1. [Un verbe ou un déverbal] Croire en Dieu; la croyance en Dieu. Trop d'ampleur et de mise en œuvre (Mounier, Traité caract.,1946, p. 635).Elles ne croient plus en Dieu (Montherl., Port-Royal,1954, p. 1009). − En partic. [Avec un verbe construisant un attribut de l'obj.] Traiter qqn en ami; le traiter en ami. Ils vous traiteront en satellite (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 175). 2. [Un subst. ou un pron. qui le représente] Un fauteuil en rotin. 3. [Un adj.] Riche en blé. Pauvre en ressources (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 54). B.− [Terme complément] 1. [Un subst. ou un pron. qui le représente] Une chaise en hêtre; croire en Dieu; croire en lui. 2. [Un adj. (de couleur) pris adverbialement] Peindre en rouge; dessiner en grand. Peintes en blanc (H. Bazin, Vipère,1948, p. 141). 3. [Un adv.] En dessous. L'œil en dessous (Colette, Entrave,1913, p. 122). 4. [Un cardinal] En 1900. En 1726 (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 74). 5. [Un gérondif] En forgeant. Lambert hochait la tête en souriant (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 270). C.− [Constr. du compl.] 1. [En introduit le plus souvent un mot non déterminé] En forêt; en blanc; en 1921; en dessous; en forgeant. 2. [En peut introduire un mot déterminé dans des tours lexicalisés] a) Cour. [Par un art. indéf.] En des jours meilleurs. En un autre sens (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 141). b) Cour. [Par un adj. dém., poss., indéf.] En chaque être; en ce jour anniversaire. En cette occasion (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 94). c) Rare. [Par l'art. déf. le, la, les] − [Avec les verbes ou les loc. exprimant la croyance, la transformation, l'identification] Croire en la vertu; la tragédie se transforme en l'opéra; le mariage consiste en la fusion de deux âmes. Si tu crois en le paysage (Saint-Exupéry., Citad.,1944, p. 852).La foi en l'immortalité (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 297). − [Dans des tours lexicalisés] En l'air; en l'église; péril en la demeure. En l'honneur de la sainte trinité (Montherl., Port-Royal,1954p. 1013). − [Dans des tours littér. ou arch.] En la sébile; en le creux d'une combe; en les localités. Car l'arbre est beau en le domaine (Saint-Exupéry., Citad.,1944p. 709). Rem. Une servitude gramm. fait que, théoriquement, en ne peut pas s'employer devant les formes de l'art. déf. : le, la, les. En a. fr., l'art. masc. le − primitivement lo − se combinait par enclise avec la prép. en pour donner les formes el, en, ou, puis au par confusion avec la forme née de la combinaison de la prép. à et de l'art. masc. (cf. à, t. 1, p. 22; cf. aussi la forme arch. ès < en + les). Adrian Peake, bachelier ès arts (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 135). Ainsi l'oppos. en/au représente en fr. mod. l'oppos. entre un nom sans art. et un nom déterminé par un art. En enfer, en paradis, au paradis; en été, au printemps; croire en Dieu, croire au Dieu de Jésus-Christ, croire au diable. II.− [Analyse sém.] A.− [En introduit un compl. circ.] 1. [Un compl. circ. de lieu] − Cour. [En devant un nom sans art.] ♦ Vx. [Dans qq. expr. vieillies ou figée en = sur] Mitre en tête. Casquette en tête (Balzac, Honorine,1843, p. 368).Il entre en scène (Green, Journal,1946, p. 63).Se promener en mer (Gracq, Syrtes,1951, p. 109).Christ né de Marie et mort en croix (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 141).Mettre en chantier (Goldschmidt, Aventure atom.,1962, p. 250): 1. Si ma mémoire ne me trompe pas, T'Serstevens a publié (...) un grand article entièrement consacré à Chadenat; il a donc été le premier à parler de ce libraire extraordinaire, dont il a tracé le portrait en pied, à la manière des peintres historiques, drapant le personnage pour en faire le seul connaisseur actuel de la mer des Caraïbes...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 332. Rem. Dans ces expr., en possède un des sens de la prép. lat. in = sur. In aram « sur l'autel ». C'est sur ce modèle que l'on dit couramment être en selle, en croupe : Il a fait sa promenade en croupe (Saint-Exup., Citad., 1944, p. 936), en bicyclette, en moto : Je pars la semaine prochaine, en moto (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 202), à côté de être à bicyclette, à moto : En auto, en carriole, à vélo, à motocyclette, à pied (Id., ibid., p. 228) constr. plus littér. bâtie sur le modèle de la loc. à cheval, ,,anciennement en cheval, refaite par contamination de à pied`` (A. Rigaud ds Vie lang., 1967, p. 595). Les loc. formées avec en sont jugées fam. par certains grammairiens (cf. Dupré, 1972, pp. 814-815) à cause du sens attribué à la prép. ,,On ne peut dire : aller en bicyclette... puisque en a le sens de dans`` (M. Rat, Parlez français, Paris, Garnier, 1940, p. 2). De fait, le fonds TLF donne 120 ex. de aller à bicyclette et 34 ex. de en bicyclette, loc. pourtant la plus répandue dans la lang. orale. ♦ [En exprime un lieu à l'intérieur duquel on se trouve] ... pieux cloître Est mon cœur, et sainte fleur en paradis (Moréas, Sylves,1896, p. 154).Le riz manquait déjà en ville (Camus, Peste,1947, p. 1381).En classe (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 135): 2. Ce sont, surtout, ces conditions de l'action dans la métropole qui m'imposèrent, au cours de cette période, de maintenir à Londres le siège du comité national. Pourtant, l'idée me vint souvent de l'établir en territoire français, par exemple à Brazzaville.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 238. ♦ [Devant les noms propres de pays ou de provinces fém., ou masc. à initiale vocalique ainsi que devant les noms masc. à initiale consonnantique qui désignent des provinces fr.] Tu m'as promis dix fois de rentrer avec moi en France (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 44).En Lorraine et dans le Luxembourg (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 27).À Shippingport en Pennsylvanie (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 95): 3. « Le génie de notre époque, constate M. Grenier, souffle en faveur de Kafka... Même en URSS, on ne voit plus comparaître en cour d'assises de personnages dostoievskiens. »
Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 9. Rem. 1. Au xviieet au xviiies., on employait à la, à l' devant le nom de pays fém. lointains à la Floride, à la Chine, à l'Amérique (cf. prép. à, ex. 86-89). 2. L'alternance en/au correspond à une vision différente. Vision étendue pour les pays proches ou connus [en] − vision ponctuelle pour les autres pays [à] − en France/au Canada, au Pérou. ♦ [En oppos. à à, à à la, devant les noms propres fém. des grandes îles proches ou lointaines] Sans doute, les Britanniques allaient-ils tenter de s'accrocher en Crète (De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 152). ♦ [En oppos. à dans, devant les noms propres des départements composés de deux termes coordonnés par et] Cette sous-préfecture arbitrairement rejetée en Maine-et-Loire par les conventionnels (H. Bazin, Vipère,1948, p. 225).Cf. également Du temps que j'étais « propriétaire » en Calvados (Gide, Feuillets d'automne, 1949, p. 1087). ♦ Vx ou provençal [Devant les noms de villes du Midi à initiale vocalique] Le grand jour, en Aps, c'est le lundi, le jour du marché (A. Daudet, N. Roumestan,1881, p. 333).Je dus rejoindre mon père putatif en Athènes (Gide, Thésée,1946, p. 1418).En Alger (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1579): 4. Et si vous voulez, je suis prêt à me rendre en Arles et tant pis pour moi si les copains ne comprennent pas qu'on peut se tromper!
Cendrars,Bourlinguer,1948,p. 279. ♦ [Devant des noms propres d'écrivains, d'artistes, lorsqu'on envisage la pers. même et non son œuvre − exprimée par dans*] Ce n'est nullement la drôlerie qui me ravit en Molière, mais bien la langue, admirable entre toutes (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1191). − Littér. [En devant un adj. poss. ou dém.] Et te plonge en mes vers d'où tu ne peux filer (Genet, Poèmes,1948, p. 41).Qui pourrait m'aider en ce monde? (Camus, Possédés,1959, 2epart., 6etabl., p. 1010). ♦ [En devant un art. indéf.] Ce vers est grand. Mais où le mieux sentir qu'en un coin? (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 131). − Rare. [En devant un art. déf.] ♦ [Dans des constr. à caractère locutionnel] En la bonne ville blanche d'Angers (H. Bazin, Vipère,1948p. 110).Ayant assisté en l'église Saint-Michel à l'office célébré par le cardinal Liénart (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 18): 5. Henri sourit : « c'est toi qui vois partout des arrière-pensées politiques; je disais ça en l'air... »
Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 468. ♦ [Dans des emplois arch.] Des clous en le navire (Saint-Exup., Citad.,1944p. 977).Comme il advient de même en les hommes (Gide, Thésée,1946, p. 1431).En le cœur adorable du seigneur (Bernanos, Dial, Carm.,1948, 4etabl., 1, p. 1652).Vivre en la coquille peut servir de germe à un tel rêve (Bachelard, Poét. espace,1957p. 120): 6. J'ai d'abord contemplé le triangle. Puis j'ai cherché, en le triangle, les obligations qui régissent les lignes.
Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 959. − [En corrélation avec de; avec une idée de direction] Quand il courait à plat, l'homme tout seul, de sentier en sentier (Jouve, Scène capit.,1935, p. 24).S'avancer d'île en île (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 488).Les singes sautent de branche en branche (Sartre, Mots,1964, p. 206): 7. J'ai entendu le faible tremblement de l'air, sorti d'abord d'une simple poitrine, embraser mon peuple de proche en proche à la façon d'un incendie.
Saint-Exupéry, Citadelle,1944p. 888. 8. Et c'est ainsi que, d'étape en étape, sous le simple effet multipliant des générations, nous en sommes arrivés à la situation présente, de constituer ensemble une masse presque solide de substance hominisée.
Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 266. a) [L'espace est circonscrit à une pers.] − [La pers. même] Résidant de cœur en la reine (Saint-Exup., Citad.,1944p. 800).En la personne par exemple du général Giraud (De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 259): 9. Jacqueline aimait tout en François, son aspect un peu massif, son courage physique, son sens de l'honneur, ses grandes crises d'enthousiasme chaque fois qu'il entreprenait quelque chose, ses défaillances soudaines à la moindre anicroche qui prouvaient qu'il prenait la vie à cœur; ...
Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 42. − [Son physique] Notre prédestination n'est point inscrite en notre chair et en notre sang (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 270).Nous avions en main ce bâton qu'on appelle « alpenstock » (Gide, Et nunc manet,1951, p. 1136). − [Son psychisme] Je savais ce que tu avais en tête (Gracq, Syrtes,1951, p. 341).Un état affectif, enclos en notre âme (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 313).En son for intérieur (Huyghe, Dialog. avec visible,1955p. 314). ♦ En partic. [En parlant de Dieu, pour évoquer une union profonde avec lui (cf. infra croire en Dieu)] Le prince Jésus (...) remonta vers le bon Seigneur son père. « Et depuis ce temps-là tous ceux qui meurent en lui vont au ciel (...) » (France, Thaïs,1890, p. 97). b) P. anal. [L'espace est une chose abstr.] − [Le compl. est un domaine abstr.] En peinture aussi bien qu'en littérature (Gide, Journal,1940, p. 46).En musique (...) les phénomènes périodiques (...) qui constituent le temps dans le temps dont est faite toute forme sonore (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 51). − [Le compl. est un domaine où s'exercent] ♦ [la spécialisation de qqn ou de qqc.] Artiste peintre ou peintre en bâtiment? (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1647). ♦ [la capacité, la performance de qqn ou de qqc.] Il doit prouver pour la première fois ma capacité en administration (Chateaubr., Corresp.,t. 2, 1789-1824, p. 379).En Murillo, le musée [du Louvre] est beaucoup plus riche (Gautier, Guide,1872, p. 114). Rem. Il faut observer que tous ces compl., le plus souvent indéterminés, ont gén. une valeur nom. très faible. En introduit un compl. à valeur abstr. p. oppos. au compl. plus concr. introduit par dans. Avec en l'idée d'intériorité s'est amoindrie au profit d'une sorte d'ambiance. C'est pourquoi en est propre à suggérer un état, une situation. Ainsi en l'air s'oppose à dans l'air; en classe à dans la classe comme en prison à dans la prison. 2. [En introduit un compl. circonst. de temps] a) [Sans idée de direction] − [Le compl. exprime le temps nécessaire à l'accomplissement de l'action] ♦ En + adj. numéral cardinal.La cérémonie à l'église fut expédiée en un quart d'heure (Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948p. 191).En trois bonds, le dessinateur effrayé avait gagné la porte (Green, Moïra,1950, p. 78).Je lus en deux étés les sept volumes de la bibliothèque de grand-père (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 134): 10. Mais il [Jonas] se réjouissait aussi d'apprendre, en un soir, tant de choses qui ne pouvaient manquer de lui être profitables, quoique de manière invisible, dans son art.
Camus, Exil et Roy.,1957p. 1635. ♦ En + adj. indéf.En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. En quelques semaines (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 908).En moins de deux (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 275).En peu de temps (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 557). ♦ En + art. déf. ou indéf.[Dans des tours figés] En un rien de temps il s'élève (Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 1115).Plusieurs centaines de sous-officiers nous abandonnèrent en l'espace de quinze jours (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 287): 11. ... feu, peste, tempête, tremblement de terre, déchaînements de forces morales obscures, entraînent en un instant, sans égards, ce que nous avions péniblement construit et orné avec toute notre intelligence et notre cœur.
Teilhard de Chardin, Le Milieu divin,1955, p. 172. − [Le compl. exprime le moment où une action se situe ou s'accomplit] ♦ Littér. ou dans des loc. figées. En + déterminatifEn + adj. dém.Le monde était riche, en ce temps-là (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 494).En ces minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies (De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 308).En + adj. poss.Elle venait aux nouvelles et m'apportait en même temps un exemplaire de son roman paru en mai et que je n'avais pas reçu en son temps (Abellio, Pacifiques,1946, p. 326).En + art. indéf.En des temps pareils, est-il une autre sécurité que la mienne? (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 5etabl., 8, p. 1701): 12. Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux.
Baudelaire, Les Fleurs du Mal,1857-61, p. 40. En + art. déf.En l'année, en l'an de grâce... ♦ Courant En + millésime.Ouvrez de remarquables brochures publiées aux États-Unis en 1950 et en 1956 (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 408).En + nom de mois.En juin et juillet, il avait fait le tour des villages des environs (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 176).En + nom de saison (sauf printemps).Il y a sûrement beaucoup à faire ici en été (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 989). Rem. 1. L'oppos. en été/au printemps est souvent justifiée par la présence de l'art. déf. devant printemps, considéré comme un nom commun primum tempus « le premier temps », à la différence des autres saisons, traitées comme des noms propres (cf. à, t. 1, p. 22). Il faut remarquer cependant que cette oppos. peut se définir aussi par celle qui oppose les subst. fém. et masc. à initiale vocalique aux subst. masc. à initiale consonnantique. 2. On rencontre également à l'automne : Au printemps et à l'automne (Green, Moïra, p. 238 ds Grev. 1969 § 933); plus rarement à l'été, à l'hiver : Nous étions à l'hiver (Musset, Conf. IV, 6, ibid.). Dans une plaine que recouvrent à l'été des moissons (E. Herriot, Dans la forêt normande, p. 170, ibid.). b) [En corrélation avec de] − [Avec une idée de progression] De jour en jour. Il aurait d'année en année à changer de langage (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 752).De temps en temps, il envoyait à ma sœur un pneumatique (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 328): 13. ... l'histoire et la vie nous enseignent qu'il y a des revenus dominants et des revenus dominés et qu'ils ne restent pas les mêmes d'âge en âge.
Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 27. − [Pour reporter à une date future] D'aujourd'hui, de demain en huit, en quinze. Dans huit, quinze jours à compter d'aujourd'hui, de demain. B.− [En introduit un compl. circ. de manière] 1. [Le compl. évoque un état, une situation] a) [En parlant d'une pers.] ♦ [Sa situation] L'imagination italienne comprend mieux l'homme que la nature; elle comprend mieux l'homme en société que l'homme barbare (Taine, Philos. art.,t. 1, 1865, p. 120).Six semaines avant mon entrée en religion (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 2etabl., 6, p. 1592).On m'a appris que vous vous trouviez ici, mais en vacances (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 115).Comme un homme en péril de mort à qui le nom de sa mère monte aux lèvres (Gracq, Syrtes,1951, p. 191): 14. C'est un S.T.O., ou je ne sais quoi, en fuite, en fuite, en perm', en convalo, je ne sais pas trop, mais qui arrive tout droit d'Allemagne, et qu'est-ce qu'il ne raconte pas des bombardements!
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 273. Au fig. Être en veine, en chance : 15. Mon cher papa (...) Je n'ai presque point de dépenses à faire (...) une paire de bottes 36 fr., une paire de pistolets 48 (...). Si tu es en argent j'y ajouterais une vingtaine de volumes...
Stendhal, Corresp.,t. 1, 1800-42, p. 59. ♦ [Son état physique] L'impératrice était avant-hier en beauté, santé et animation (Mérimée, Lettres ctesse de Montijo,1870, p. 25).En partic. [Son habillement] Dame de quarante ans en lunettes à côté de son mari (Taine, Notes Anglet.,1872, p. 6).Il était en bras de chemise (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 135): 16. Quand nous marchions en rangs serrés et noirs, l'été, sous le soleil de Grenoble, et que nous croisions des filles en robes légères, je ne détournais pas, moi, les yeux, je les méprisais, j'attendais qu'elles m'offensent et elles riaient parfois.
Camus, L'Exil et le Royaume,1957, p. 1578. ♦ [Son état moral] Être en liesse, en joie : 17. − Vous êtes triste?
− Non, dis-je, pas triste. Je suis en colère.
− En colère? Vous avez une manière bien calme d'être en colère.
− Ne vous y fiez pas.
Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 445. b) [En parlant d'une chose] La grande voûte peinte en bleu de nuit (Green, Moïra,1950, p. 48). 2. [Le compl. évoque un comportement et marque la façon dont qqn s'est comporté dans une action donnée ou dont on a traité qqn] Ils se regardent en chiens de faïence (Prévert, Paroles,1946, p. 128).Dites franchement... en camarade. Combien? (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 97).Comme il parle en maître! (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 77): 18. − Et puis, j'en ai assez d'être traité en accusé, continua Lulu. Qu'est-ce que vous me reprochez? De m'être amusé? Quand je vous regarde tous, j'estime que j'ai rudement bien fait.
Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 198. 3. [Le compl. évoque une forme, un aspect] De la ferraille en tas (Cendrars, Bourlinguer,1948p. 305).Du chocolat en poudre (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 98).Il neige sur les mots en ski (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 215).Nous sortions en bande (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 297): 19. L'auto, un fort cabriolet huit cylindres, couleur havane, laminait sous ses larges pneus les flaques de boue, en jaillissements sales.
Van der Meersch, L'Empreinte du dieu,1936, p. 7. 20. Pendant qu'Elena, armée du cure-dent, les [les escargots] chatouillait consciencieusement sous le ventre, je tendais des ficelles en l'air, d'une branchette à l'autre, en ligne droite, en diagonale, en zigzag, en rond, en étoile, ...
Cendrars, Bourlinguer,1948p. 217. 21. La fable s'empara de lui; les colporteurs vendaient son portrait. On le vit en tabatière, en presse-papier. On le peignit au fond des plats et des assiettes.
Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 339. 4. [En corrélation avec de; pour évoquer le changement d'une situation dans une autre] De Charybde en Scylla, de mal en pis. Nous devrons, de crise en crise, porter notre effort tantôt sur un point, tantôt sur un autre (Mounier, Traité caract.,1946, p. 721). Rem. Il faut remarquer que, comme à propos des circ. de lieu, tous ces compl. tendent vers une forme figée et que, parfois, il n'est guère possible de distinguer les compl. circ. des loc. (cf. infra). Dans le même sens, il faut observer que tous ces compl. supportent mal un adj. épithète, exceptés des adj. banals, gén. anticipés en totale confiance; en grande hâte; en bonne santé. 5. [En introduit un compl. circ. de matière] J'ai les intérieurs en duvet de canard (Aymé, Cléramb.,1950, p. 168): 22. En fonte, en terre, en grès, en porcelaine, en aluminium, en étain, que de marmites, de poêles, de pot-au-feu, de fait-tout, de cassolettes, de soupières, de plats, de timbales, de passoires, de hachoirs, de moulins, de moules, de mortiers!
Beauvoir, Mém. j. fille,1958p. 77. Rem. 1. En marque plus précisément la matière que de. Seul de peut s'employer dans un sens fig. un homme de fer, des chevaux de bois. On dit néanmoins un tigre en papier, un garçon en or : Ah! oui, ce qu'il était gentil, hein? et doux et pas fier. Un garçon en or, ce petit saint François (Aymé, op. cit., p. 199); mais dans ces expr. fig., la matière fictive prend un aspect réel. 2. En, introduisant un compl. de matière, traduit toujours une « intériorisation » : une table faite avec du bois devient une table en bois de la même manière qu',,un livre qu'on jette dans le feu ne tarde pas à être en feu`` (Guillaume, Le Problème de l'article et sa solution dans la langue française, Paris, Nizet, 1919, p. 188). C.− [En introduit une forme en -ant pour former un gérondif fonctionnant comme un compl. circ.] − [de moyen] C'est en forgeant qu'on devient forgeron. − [de temps] Écoute, dit Dubreuilh, tout en le soignant, essaie donc de le cuisiner (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 561). − [de manière] :
23. Malheureux les conscrits
Devant le stand de tir
Visant le cœur du monde
Visant leur propre cœur
Visant le cœur du monde
En éclatant de rire.
Prévert, Paroles,1946p. 223. Rem. 1. La présence de en (surtout de tout en, cf. supra Beauvoir, loc. cit.) rend plus étroit le lien des deux actions en soulignant nettement leur concomitance. 2. En ne se répète pas devant le gérondif si le second développe seulement le premier. En traversant la ville et passant devant nos postes (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 193). D.− [En construit avec un verbe trans. indir. ou un subst. dér.] 1. [Avec des verbes, des loc. verbales ou des subst. du type : croire, espérer, avoir confiance, avec foi; en introduit un compl.] − [Devant un pron. pers.] Dans une imagination qui croit et ne croit pas en elle-même (M. de Guérin, Journal,1834, p. 209). − [Devant un nom propre] J'ai foi en Dieu qui m'a fait ma part (Claudel, Annonce,1948, III, 2, p. 190): 24. ... « Nous tous, ici-bas, croyons en Adolf Hitler, notre Führer... et (nous confessons) que le national-socialisme est la seule foi qui mène notre peuple au salut. »
Camus, L'Homme révolté,1951, p. 227. Rem. Croire admet les constr. croire à et croire en. Cependant, traditionnellement, on oppose, partic. dans le domaine relig., croire à qui implique une adhésion intellectuelle à croire en qui signifie une union totale et profonde (cf. supra vivre en Jésus-Christ). ,,Espérer en, croire en impliquent une sorte de don total de la personne que croire à est loin d'impliquer, ni penser à, songer à`` (Gougenheim, Grammaire et psychologie, Paris, P.U.F., 1950, p. 182; cf. aussi Ch. Bally, En été, au printemps; croire en Dieu, croire au Diable ds Festschrift für Ernst Tappolet, Basel, Benno Schawabe, 1935, pp. 9-15). 2. [Avec des verbes de changement, de transformation; en introduit un attribut du suj. (ou de l'obj.) construit indirectement pour exprimer le nouvel état de la pers. ou de la chose transformée] a) En + subst. indéterminéLa représentation crispée sur soi se transforme en spectacle (Mounier, Traité caract.,1946p. 386).Un atome coupé en morceaux ne fait plus le même atome (Schaeffer, Mus. concr.,1952, p. 48).Chaque pierre éclatant en poussière sous le pied (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1610).Stépha se déguisait en barmaid (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 292): 25. À ce moment une forte détonation se fait entendre, les vitres volent en éclats, les montants de la fenêtre sont arrachés.
Sartre, Les Mains sales,1948, 4etabl., 4, p. 159. b) En + pron. pers.Tel qu'en lui-même enfin l'éternité l'a changé (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 14). c) En + subst. déterminé − [Par un déterminé autre qu'un art. déf.] Le jeu ou la danse et je change ton acte en un autre (Saint-Exup., Cited.,1944, p. 844): 26. Nous marchâmes longtemps dans Paris, navrées de voir le héros de notre jeunesse se métamorphoser en un bourgeois calculateur.
Beauvoir, Mém. j. fille,1958p. 345. − Rare. [Par un art. déf.] :
27. ... il suffit d'agiter un brin le kaléidoscope pour voir le séducteur Johannès ou l'incomparable tailleur du banquet se donner bientôt l'illusion de la crainte et du tremblement et se transformer peu à peu en la poétique figure du vieil Abraham...
J. Vuillemin, Essai sur la signif. de la mort,1949, p. 306. E.− [En formateur de loc.] 1. Loc. adv. et prépositives a) En + adv. − Loc de lieu. En deçà (de), en dessous (de), en dedans (de), en dehors (de), en travers (de). Sous ce ciel par en-dessous (Abellio, Pacifiques,1946, p. 18). − Loc. de manière. En trop, en plus (de). − Loc. adv. de liaison. En outre. Le médecin légiste, qui dirigeait en outre un service à l'hôpital municipal (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 98). b) En + subst. − Loc. de lieu. En face, en bas, en haut. La maison d'en face (Gide, Journal,1941, p. 101).Tout vient d'en-haut! (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 119). − Loc. de manière. En foule, en cachette. Il monte en tapinois l'escalier (Gide, Faux-monn.,1925, p. 950).Pierres en vrac (Saint-Exup., Cited.,1944p. 781). − Loc. adv. de liaison. En fait, en effet, en conséquence, en réalité, en revanche. En quelque sorte (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 46).Ce grotesque quelqu'un en l'occurrence le personnage ci-dessus décrit? (Queneau, Exerc. style,1947, p. 176).En somme une finalité interne (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 55).Mais Tigre me doit une jeune fille maintenant, en échange (Anouilh, Répét.,1950, IV, p. 104).Ce n'était pas par hasard qu'il avait en fait si spectaculairement échoué (Beauvoir, Mém. j. fille,1958p. 347). c) En + adj. − Loc. de lieu. En long, en large. On me l'a expliqué en long et en large à la maison (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 19). − Loc. de manière. En gros, en général, en douce, en clair, en vain, en bref. On devrait tâcher de le descendre en douce (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 947).Agir en secret (Camus, Dév. croix,1953, 1rejournée, p. 543). − Loc. adv. de liaison. En particulier, en définitive. 2. Loc. conj. En ce que, en attendant que, en cas que, en sorte que. En sorte qu'au loin elles se touchaient (Green, Moïra,1950, p. 24).Tu ne t'appelles Mi qu'en tant que je suis Fa! (Claudel, Poésies div.,1952, p. 893).Faire en sorte que l'ennemi soit, complètement, irrémédiablement, battu (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 712). 3. Loc. verbales. Consister en, croire en, espérer en, traiter en. 4. Mots composés. En-tête, en-cas, boute-en-train, monte-en-l'air, croc-en-jambe. Après que nous eûmes pris un léger en-cas (Gide, Thésée,1946, p. 1430).Il arrosait la pelouse et un arc-en-ciel dansait dans le jet d'eau (Beauvoir, Mandarins,1954p. 525). − En partic. ♦ [Dans les grades] Général-en-chef. Le commandement en chef britannique (De Gaulle, Mém. guerre,1956p. 62). ♦ [Dans les noms de lieu] À Grez-en-Bouère (H. BazinVipère,1948, p. 225).Devant Port-en-Bessin (De Gaulle, Mém. guerre,1956p. 276). Rem. Certaines de ces expr. se sont lexicalisées cf. embonpoint, endroit, entrain... Prononc. et Orth. : [ɑ
̃]. Conserve sa nasalité même quand il se lie devant voyelle, ex. : en effet [ɑ
̃nefε]. La perte de la nasalité [anefε] est prov. notamment mérid. Ds Ac. 1694-1932. Homon. an. Étymol. et Hist. A. Introduisant un compl. de propos 842 (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p. 2 : in aiudha et in cadhuna cosa). B. Prép. de lieu 1. Fin du ixes. indique le lieu où l'on est, où l'on va (Séquence de Sainte Eulalie, 6 et 19, ibid., p. 3 : en ciel; enl fou); 2. fin du xes. « sur » (Passion de Clermont, 8 et 45, ibid., p. 4 : en son cab.; en la cruz); 3. fin du xes. indique un état, une situation morale (ibid., 33 et 36 : en huna fet; en caritad); 4. a) ca 1100 fig. se fier en qqn (Roland, éd. J. Bédier, 586); b) ca 1170 (Rois, éd. E. R. Curtius, p. 118 [I Rois 3, 28] : la sapience nostre Seignur fud en li). C. Prép. de temps 1. a) 842 indique un mouvement dans le temps (Serments de Strasbourg, loc. cit. : d'ist di in avant); b) ca 1100 indique la durée (Roland, 851 : en. III. jurz); 2. fin du xes. indique un moment (Vie de Saint Léger, éd. J. Linskill, 80 : in eps cel di). D. Prép. de manière 1. fin du ixes. indique la forme, l'état (Séquence de Sainte Eulalie, 25, loc. cit. : in figure de colomb); 2. ca 1100 composition, répartition (Roland, 1205 : en dous meitiez); 3. ca 1100 introduisant une sorte d'attribut de l'objet (ibid., 3950 : en ostage); 4. ca 1100 introduisant un gérondif (ibid., 2522 : en estant); 5. ca 1170 indiquant un changement d'état (Chr. de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 4191 : Si retorne lor joie en ire); 6. 1521 matière (Inv. de Phil. de Bourgogne ds Gay, s.v. terre, t. 2, p. 395b : quatorze têtes en terre cuite). Du lat. class. in, qui connut dès le b. lat. les sens et emplois du français. Bbg. Acher (J.). Du Prétendu emploi pléonastique de la particule en ds Philomena. Z. rom. Philol. 1909, t. 33, pp. 587-589. − Brøndal (V.). L'Originalité des prép. du fr. mod. In : [Mél. Bally (C.)]. Genève, 1939, pp. 337-346. − Couture (B.). L'Emploi de en et de ds les loc. de spécialisation. Meta. 1972, t. 17, no4, pp. 233-237. − Danell (K.-J.). Le Groupe subst. + prép. + subst. en fr. contemp. Stockholm, 1974. − Dauzat (A.). En mon nom et au sien. In : [Mél. Bruneau (C.)]. Paris-Genève, 1954, pp. 1-9; En skis et non à skis; en ou à bicyclette. Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 307-308; 1946, t. 14, p. 246. − Fahlin (C.). Ét. sur l'emploi des prép. en, à, dans au sens local. Upsal-Leipzig, 1942. − Gougenheim (G.). La Prép. en devant certains compl. de matière ds la lang. au 16es. In : [Mél. Cohen (M.)] La Haye-Paris, 1970, pp. 157-161. − Olivier (R.). Zum Gebrauch der Präposition en in aller, passer, monter usw. en bicyclette. Arch. St. n. Spr. 1928, t. 153, pp. 104-110. − Seelbach (D.). Präpositionalphrasen mit de und à ds Quellen der verbundenen Pronomen en und y. (Diss. Frankfurt 1970). − Spang-Hanssen (E.). Les Prép. incolores du fr. mod. Copenhagen, 1963. |