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EAU, subst. fém.
I.− Usuel
A.− [L'eau envisagée comme élément naturel]
1. Au sing. Liquide incolore, inodore et sans saveur à l'état pur, formé par combinaison d'hydrogène et d'oxygène, de formule chimique H2O; un des quatre éléments de la physique ancienne :
1. Il me semblait à la fin de ne plus apercevoir que tous les états de l'eau, − l'eau neige, − l'eau glace, − l'eau vive, − l'eau flaque mirant l'eau nuée, − l'eau vapeur dont les volutes libérées se détordent, se disloquent, s'attardent et se dissipent après nous. Valéry, Variété II,1929, p. 24.
2. Eau, tu n'as ni goût, ni couleur, ni arôme, on ne peut pas te définir, on te goûte, sans te connaître. Tu n'es pas nécessaire à la vie : tu es la vie. Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939, p. 242.
Loc. Se ressembler, ressembler à qqn/à qqc. comme deux gouttes* d'eau. Être comme l'eau et le feu. Offrir des caractères ou des tempéraments diamétralement opposés. Sa femme et lui [Grange] faisaient le plus bel assortiment d'eau et de feu que l'on pût voir (Pourrat, Gaspard,1922, p. 106).
SYNT. Eau commune, condensée, distillée; congélation, densité, température de l'eau; molécules, vapeur d'eau; l'eau bout, s'évapore; soluble dans l'eau; dissoudre dans l'eau.
2. Au sing. et au plur. [L'eau dans la variété de ses orig. nat.] Synon. flotte (pop.), onde (poét.).
a) [L'eau envisagée comme eau de mer] Eau salée. L'eau de la mer est plus pesante (...) que l'eau douce, à cause du sel qu'elle contient (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 167).
Au plur., souvent poét. [Avec une idée d'abondance, d'immensité] Océan, mer transparente, (...) replie tes larges eaux (Quinet, Ahasvérus,1833, 1rejournée, p. 68).
P. méton. Mer. La pleine lune sort de l'eau La mer est comme un grand plateau (Claudel, Poés. div.,Pleine lune, 1952, p. 909):
3. ... l'envie me prenait d'être sur une plage et de descendre vers la mer. À imaginer le bruit des premières vagues sous la plante de mes pieds, l'entrée du corps dans l'eau... Camus, L'Étranger,1942, p. 1178.
Expr. fig. Une goutte d'eau dans la mer. Une quantité négligeable par rapport à l'ensemble considéré. Au milieu de tant de morts, ces deux exécutions passèrent inaperçues : c'était une goutte d'eau dans la mer (Camus, Peste,1947, p. 1356).
MARINE
Loc. verbale. [Le suj. désigne une embarcation] Faire eau. Laisser pénétrer l'eau par suite d'une avarie. Synon. prendre l'eau.Faire eau de toutes parts. Une barque qui fait eau (Larbaud, Journal,1934, p. 311).Au fig. Aller à sa ruine, être en déconfiture. Elle faisait eau de partout, cette pauvre maison Fromont (A. Daudet, Fromont jeune,1874, p. 359).
Eaux d'un navire. Trace qu'il laisse derrière lui à mesure qu'il avance. Synon. sillage.Prendre, suivre, se mettre dans, se tenir dans les eaux (d'un bâtiment). Entrer ou gouverner dans son sillage. Un dauphin avait nagé dans les eaux du yacht (France, Lys rouge,1894, p. 363).Au fig. Être, nager dans les mêmes eaux. Partager les mêmes opinions, être en relations étroites avec quelqu'un. Nous ne nageons pas dans ses eaux (H. Bataille, Maman Colibri,1904, p. 5).
DR. MAR. Eaux territoriales. Zone maritime, délimitée par le droit international, bordant le littoral d'un pays et sur lequel celui-ci exerce divers droits de police. Les navires alliés (...) s'arrêteront à la limite des eaux territoriales françaises (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 186).
b) [L'eau envisagée comme eau de pluie] Eau du ciel; il tombe de l'eau; le ciel, le temps, le vent est à l'eau. − Nous allons avoir de l'eau, dit le cocher. En effet, (...); la moitié du ciel derrière nous était envahie par un gros nuage noir (Hugo, Rhin,1842, p. 29).Une pluie d'hiver (...) rien que de l'eau qui tombe (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 383):
4. Jésus change l'eau en vin aux noces de Cana, et tout le monde s'étonne; l'eau de pluie se change tous les ans en vin dans nos vignes, et cela ne surprend personne. Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,1932, p. 172.
P. anal. Rosée. Le soleil buvait (...) l'eau de l'aurore (Pourrat, Gaspard,1930, p. 300).
Au plur. [Par calque du plur. hébraïque] Déluge (cf. infra A 2 c).
c) [L'eau est envisagée comme provenant d'une source, comme résultat de précipitations atmosphériques] À vau l'eau (v. à vau A). Torrent dont l'eau provient des neiges fondues (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 24):
5. C'était plaisant aussi, cette eau de roche dévalant à bouillons de la montagne, la belle et claire eau courante, trépidante, jasante, qui semble vous tenir compagnie. Pourrat, Gaspard des Montagnes,1922, p. 123.
6. ... il y a de l'eau [au chenal] que j'aime à regarder passer, de l'eau qui vient de pays que j'ai déjà vus... de l'eau qui s'en va vers des pays que je verrai, un jour... Guèvremont, Le Survenant,1945, p. 210.
Au sing. à valeur collective. Vaste paysage d'eau, de prés et de bois (Green, Journal,1941, p. 126).
Au plur.
[Avec l'idée de puissance, de majesté] Fleuve jaune qui roulait ses eaux lourdes entre deux rives basses (Mille, Barnavaux,1908, p. 2).Les eaux magnifiques du Rhin (Maurois, Disraëli,1927, p. 31).
Grandes eaux. Eaux abondantes, torrentueuses ou bruyantes. Un bruit d'orage, de grandes eaux (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1070).Cataracte soudaine des grandes eaux (Gracq, Argol,1938, p. 135).
[Par calque du plur. hébraïque]
[P. réf. à Genèse, 1.2] Quand mon Esprit planait sur les eaux (Péguy, Porche Myst.,1911, p. 306).
[P. réf. à Genèse, 1.18] L'arche qui flotte à l'abri du naufrage Sur les eaux qui recouvrent la terre (Claudel, Corona Benignitatis,1915, p. 448).
[P. réf. à Matthieu, 14.26 et parallèles] Notre-Seigneur marche sur les eaux (Montherl., Filles,1936, p. 1046).
P. méton. Cours d'eau. Passer l'eau. On voit la division des eaux; la Maine noire de vase (...) la Loire jaune de sable (Michelet, Journal,1831, p. 98).Le village de Jouques, avec ses eaux courantes, ses prairies (Barrès, Cahiers,t. 3, 1904, p. 293).
De l'autre côté de l'eau. Sur l'autre rive. Loger de l'autre côté de l'eau, dans le Quartier Latin (Murger, Scènes vie jeun.,1851, p. 135).
P. métaph.
[Avec l'idée de transparence ou de vivacité] Une fille épatante. De l'eau pure! (Montherl., Filles,1936p. 1060).Elsa mon eau vive (Aragon, Rom : inach.,1956, p. 244).
[Avec l'idée de qqc. de fugitif, d'insaisissable] :
7. La vie n'est pas ce que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-la. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote, assis au soleil. Anouilh, Antigone,1946, p. 190.
Loc. fig.
[Le suj. désigne une chose] Être clair comme de l'eau de roche. Être parfaitement clair. La machination est claire comme de l'eau de roche (Vialar, Hallali,1953, p. 185).
[Avec un suj. apparent] Il coulera, passera de l'eau sous les ponts... Il faudra du temps, il faudra longtemps (avec l'idée que la chose est difficilement réalisable). Il coulera beaucoup d'eau sous les ponts avant que je remette les pieds chez ce bonhomme-là (L. de Vilmorin, Lettre ds taxi,1958, p. 27).
[Le suj. désigne une pers.] Amener, apporter, porter de l'eau au moulin de qqn. Lui procurer un avantage, lui fournir un argument supplémentaire. Vous portez de l'eau au moulin de l'ennemi. Vous êtes en train d'énoncer un de ses plus puissants arguments (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 167).Laisser couler l'eau. Laisser les choses suivre leur cours sans s'inquiéter de ce qui arrivera. Laissons couler l'eau, le temps. Ce qui doit se faire se fera (Michelet, Journal,1845, p. 625).
SYNT. Eau du fleuve, de la fontaine, du lac, du ruisseau, de source. Eau + adj. a) [qualifiant sa température] Eau bouillante, chaude, froide, glacée, tiède. b) [Qualifiant sa couleur ou sa limpidité] Eau bleue, boueuse, brillante, jaune, grasse, grise, limpide, noire, sale, sombre, transparente, trouble, verte. c) [Qualifiant son mouvement] Eau calme, croupie, dormante*, immobile, morte, rapide, stagnante, tranquille. d) [Qualifiant sa saveur] Eau amère, saumâtre. Eaux fluviales, souterraines, superficielles, de ruissellement; bruit, clapotis, murmure, odeur de l'eau; filet, flaque, mare, nappe, niveau, point, voie* d'eau; poule, rat d'eau; basses*, hautes* eaux; l'eau court, s'infiltre, jaillit, ruisselle, suinte; au bord, au fil, au fond, au ras, à la surface de l'eau; à fleur d'eau; au milieu, au sein des eaux.
d) Expr., loc. fig. et proverbes.
Expr. À l'eau! Cri de menace contre quelqu'un qu'on veut jeter à l'eau. Démission! À l'eau! Enlevez-le (Billy, Introïbo,1939, p. 114).Un coup* d'épée dans l'eau.
Loc. verbales
[Le suj. désigne une chose] Être de l'eau claire. Être sans valeur, insignifiant. MrThiers polit son livre à ce qu'il dit. Ce sera, si j'en crois ceux qui en ont lu quelque chose de l'eau de roche pour la clarté des démonstrations, mais je crains que ce ne soit de l'eau claire (Mérimée, Lettres Ctesse de Boigne,1870, p. 42).Être, tomber à/dans l'eau. Ne pas aboutir, rater. Tous nos rêves sont à l'eau (Zola, Fécondité,1899, p. 125).Que je me mette à lui en vouloir, et tout sera à l'eau (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 249).Revenir sur l'eau. Être à nouveau d'actualité, revenir à la mode (cf. Ac. 1835-1932).
[Le suj. désigne une pers.] Battre l'eau (avec un bâton). Se donner beaucoup de mal sans espoir raisonnable de succès (cf. Ac. 1798-1932 et France 1907).Se jeter à l'eau. Prendre soudainement une décision importante et risquée. Le Roi devenant (...) d'âge à se marier, il fut décidé qu'il se jetterait à l'eau (Audiberti, Mal court,1947, II, p. 158).Être, nager en grande/pleine eau. Être dans l'abondance (cf. Ac. 1798-1932); le sens propre, nager en eau courante, est vieilli (cf. Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 316).Porter de l'eau à la mer, à la rivière. ,,Porter des choses en un lieu où il y en a déjà une grande abondance`` C'est porter de l'eau à la mer, à la rivière, que de donner à une personne très riche (Ac. 1798-1932). Revenir sur l'eau. Reparaître sans qu'on s'y attende; recouvrer son crédit, sa fortune. Synon. fam. refaire surface.Wazemmes était revenu sur l'eau (Romains, Hommes bonne vol.,Verdun, 1938, p. 179).Ne pas trouver de l'eau à/dans la mer, la rivière. Être assez malhabile pour ne pas se procurer les choses les plus faciles à trouver. Pauvre garçon, tu ne trouverais pas de l'eau dans la mer (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 400).Être, rester, tenir le bec* dans l'eau; être (heureux) comme un poisson* dans l'eau; nager* entre deux eaux; pêcher* en eau trouble; se noyer* dans un verre d'eau.
Proverbes. Il n'est pire eau que l'eau qui dort (V. dormir). Tant va la cruche* à l'eau qu'à la fin elle se casse.
B.− [L'eau dans la vie soc.]
1. [L'eau envisagée dans son aménagement et sa distribution]
a) [Dans un but utilitaire] Prise d'eau pour irrigation (...) pratiquée dans un cours d'eau navigable (Chardon, Trav. publ.,1904, p. 138).Eau apprivoisée qui coule des robinets (Sartre, Nausée,1938, p. 199):
8. − Avant que l'eau courante soit installée aux Sables, nous avions un réservoir sur le toit. On y montait l'eau à l'aide d'une pompe à main, afin d'alimenter les salles de bain. Simenon, Les Vacances de Maigret,1948, p. 186.
Au plur., ADMIN. Ensemble des eaux domaniales (cours d'eau, étangs, etc.) géré par l'administration des Eaux et Forêts. L'administration des Eaux et Forêts qui a pour fonction traditionnelle la protection et le développement du patrimoine (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p. 373).
Loc. fig., pop. Il y a de l'eau dans le gaz. Il y a quelque chose d'anormal, qui cloche (cf. Ch.-L. Carabelli, [Lang. pop.]).
SYNT. Eau sous pression, de citerne; adduction, circulation, distribution d'eau; alimentation en eau; puiser l'eau; porteur d'eau; eau et gaz, et électricité.
b) [Dans un but d'agrément] Jet, pièce d'eau. Fontaines où l'eau monte sans cesse, par des conduits cachés, pour en redescendre en nappes fraîches et pures (Soulié, Mém. diable,t. 1, 1837, p. 147).
Au plur. [Avec une idée d'abondance et de majesté] Grandes eaux de Versailles. Les grandes eaux jouaient aux fontaines (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 260).
2. [L'eau envisagée dans ses différents usages]
a) [Usages domestiques]
[L'eau comme boisson] Bonheur extraordinaire en été d'un verre d'eau fraîche (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 96):
9. Un Espagnol apprécie les différents goûts de l'eau, comme un Français du vin. Il vous parlera d'une fontaine comme d'un cru, il vous vantera l'eau de certaines villes, et dans ces villes, de certains puits. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1963, p. 77.
[P. allus. à l'Évangile, Matthieu, 10.42] Le verre d'eau du pauvre (Balzac, Lys,1836, p. 76).
Loc. verbales. Être, jeûner au pain* (sec) et à l'eau. Faire de l'eau (dans le domaine de la mar.). Se ravitailler en eau potable. Faire de l'eau et du bois (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 15).Mettre de l'eau dans son vin (au fig.). Modérer ses exigences ou ses ambitions, en rabattre. Les gens du parti ultra (...) mettent ce qu'on appelle de l'eau dans leur vin (Delécluze, Journal,1825, p. 86).Croyez cela et buvez de l'eau (fam.). N'ayez pas la naïveté de croire cela.
SYNT. Eau plate, potable, rougie (= mêlée d'un peu de vin rouge), sucrée; eau blanche ,,eau dans laquelle on a jeté du son pour la faire boire aux chevaux`` (Ac. 1798-1932); broc, carafe, cruche, seau d'eau; pot à eau; l'eau désaltère, rafraîchit.
[Usages culinaires] Porridge et riz à l'eau (Gide, Retour Tchad,1928, p. 891).
Eau de veau, de poulet (vieilli). Bouillon léger, de veau ou de poulet. Pour toute nourriture que de l'eau de veau ou de poulet infiniment légère (Geoffroy, Méd. pratique,1800, p. 42).
Eau de riz, d'orge. Eau dans laquelle on a fait bouillir du riz, de l'orge. Lait de vache coupé d'eau d'orge (Geoffroy, Méd. pratique,1800p. 540).Eau panée. ,,Eau dans laquelle on a fait tremper du pain grillé`` (Ac. 1798-1932).
Eau(x) grasse(s). Eau(x) ayant servi à cuire des aliments ou à laver la vaisselle (synon. eau de vaisselle); p. ext. déchets alimentaires servant à nourrir les porcs (cf. Villemin 1975).Des épluchures et des eaux grasses (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 269).Jeter l'eau grasse sur les plants de tomates (Guèvremont, Survenant,1945, p. 203).
Loc. fig. Ce fruit, ce ragoût ne sent que l'eau. ,,Il ne sent rien, il est insipide`` (Ac. 1798-1932). S'en aller en eau de boudin*. C'est de l'eau de vaisselle. [En parlant d'un mauvais café, d'un mauvais bouillon] C'est fade, insipide. Synon. pop. c'est du jus de chaussette.
[Usages hygiéniques] Eau de savon, savonneuse; rincer dans l'eau. Me tremper dans une eau très chaude, dans un bain (Colette, Naiss. jour,1928, p. 57).V. ablution, ex. 1, 3, 4, 10 :
10. Deux jeunes garçons présentent aux visiteurs une serviette et deux bassins d'argent, dont l'un est rempli d'eau claire et dont l'autre recevra, à mesure, l'eau usagée. Faral, La Vie quotidienne au temps de St Louis,1942, p. 36.
Laver à grande eau. Laver en faisant couler l'eau avec abondance. [MmeLoisel] lavait à grande eau les planchers (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Parure, 1884, p. 461).
Eaux de toilette. Eaux ayant servi à la toilette; p. ext. ces eaux mêlées au contenu d'un vase de nuit. Synon. eaux usées.Vider les eaux de toilette (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 311).
[Usages thérapeutiques]
[Il s'agit d'une eau quelconque] Poser des sinapismes, des compresses d'eau froide (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 50).
[Il s'agit d'une eau minérale ou thermale] Eau gazeuse, de Seltz. Eaux minérales que je bois pour mon foie, pour mon estomac (Goncourt, Journal,1895, p. 845):
11. J'ai été à six heures à la fontaine; j'ai bu deux verres d'eau chaude dont le goût sulfureux est ensuite amer et salin; cette eau m'a pesé sur l'estomac et a légèrement excité les intestins. Après avoir promené avec M. Gueyraud à Bellevue, j'ai été prendre un bain de santé moins chaud que celui de la veille à Frascati. Maine de Biran, Journal,1816, p. 200.
Au plur. Prendre les eaux; ville d'eaux. [M. Hédouin] alla faire une saison aux eaux de Vichy (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 166).
b) [Usages religieux] Eau baptismale*, bénite*, lustrale. Eau sainte propre aux consécrations et purifications des fidèles (Nerval, Filles feu,Isis, 1854, p. 652).Lourdes et ses eaux miraculeuses (Goncourt, Journal,1886, p. 536).
Au fig. Eau bénite*.
c) [Usages industr. ou techn.] Eau de chaux*, de gâchage; eaux résiduaires*; radiateur, refroidissement à eau; chute d'eau; moulin à eau.
II.− P. anal.
A.− [Anal. de consistance] Liquide ayant quelque ressemblance avec l'eau.
1. Domaine de la nature
a) Sécrétion liquide du corps de l'homme ou des animaux (larmes, salive, sérosités, sueur, urine). J'ai lavé cette tache avec l'eau de mes yeux! (Lamart., Chute,1838, p. 877).Moi qui n'en ai jamais bu, il paraît que j'ai des litres d'eau dans le ventre (Anouilh, Répét.,1950, II, p. 55).
Au plur.
MÉD. Liquide amniotique qui entoure le fœtus. Eaux fœtales, poche des eaux. La matrice, après l'écoulement des eaux, se contracte plus fortement (Baudelocque, Accouch.,1812, p. 346).
ART VÉTÉR. Eaux aux jambes. ,,Affection pustuleuse avec infiltration du tissu conjonctif des membres inférieurs [du cheval]`` (Teissier, Tanon ds Nouv. Traité Méd., fasc. 2, 1928, p. 335).
Loc. verbales
[Le suj. désigne une pers.] Être (tout) en eau. Être en sueur, transpirer. Synon. être en nage.Une petite bonne femme tout en eau, qui souffle (Colette, Music-hall,1913, p. 152).Lâcher (de) l'eau (pop.). Uriner. Le soldat lâchait l'eau paisiblement contre la muraille (Jouve, Scène capit.,1935, p. 15).Suer* sang et eau.
[Le suj. désigne un aliment] Mettre, faire venir l'eau à la bouche. Faire saliver. Tu nous vantes tes fondues (...) tu ne cesses de nous en faire venir l'eau à la bouche (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 178).Au fig. Exciter l'envie ou la curiosité. Des manuscrits qui vous feraient venir l'eau à la bouche (Mérimée, Lettres Delessert,1870, p. 92).
b) Suc ou jus de certains fruits ou légumes. Ces pêches, ces melons ont beaucoup d'eau (Littré).
2. Domaine de l'industr.
a) Liquide obtenu par distillation, décoction ou infusion, généralement à base de plantes ou de fleurs et destiné à la consommation courante comme boisson, produit hygiénique ou thérapeutique. Eau de Cologne, de lavande, de toilette; eau ferrée, rouillée. De l'eau de rose pour me laver la bouche (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 113).Une bouteille d'eau-de-millepertuis, bonne pour les coupures (Goncourt, Journal,1858, p. 535).Les beaux s'aspergeaient la tête d'eau de fleur d'oranger (Morand, Londres,1933, p. 119).Un sorbet d'eau de rose rafraîchi à la neige de l'Hermon (Grousset, Croisades,1939, p. 244).Un peu d'eau de fleurs d'oranger, quelques gouttes (...) ça fait dormir (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 30).
Au fig. À l'eau (de) rose. Mièvre, sans consistance. Artistes à l'eau rose (Stendhal, Journal,1813-18, p. 233).Leurs phrases précieuses et leurs sentiments à l'eau de rose (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 66).
b) Liquide résultant d'une préparation chimique, destiné à un usage industriel ou domestique. Un mélange d'eau et d'eau de Javel (Romains, Hommes bonne vol., Le 6 octobre, 1932, p. 96).De l'eau oxygénée et des compresses (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 251).
SYNT. Eau ammoniacale, blanche. ,,Mélange d'eau et d'extrait de saturne`` (Ac. 1932). Eau carminative*, régale*, seconde*, sédative*.
CHIM. Eau lourde. Corps composé dans lequel l'hydrogène de l'eau est remplacé par du deutérium, de formule chimique D2O. L'eau lourde est extrêmement difficile à séparer de l'eau ordinaire (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 28).
B.− [Anal. de propriétés] Limpidité, transparence des diamants, perles ou pierres précieuses. Une rivière à pendeloques, d'une eau admirable (Zola, Curée,1872, p. 336).
P. ext. Des yeux d'une eau profonde et douce (L. Daudet, Salons et journaux,1917, p. 16).
Au fig., par antiphrase. Des piétistes de la plus belle eau (Renan, Hist. du peuple d'Israël,t. 5, 1892, p. 63).
Rem. On rencontre ds qq. dict. eaux-vannes, subst. fém. plur. Partie liquide des fosses d'aisances et des bassins de vidange. Attesté ds Littré, s.v. vanne1, Nouv. Lar. ill. Suppl. 1907, Rob. et Lar. Lang. fr.
Prononc. et Orth. : [o]. Ds Ac. depuis 1694. Rouss.-Lacl. 1927 évoque une prononc. ,,provinciale`` [ɔ]. Homon. au, aux, haut, os (plur.). Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 egua « liquide inodore et transparent » (Alexis, éd. Chr. Storey, 267 : L'egua li getent, si moilent sun liçon); ca 1100 ewe (Chanson de Roland, éd. J. Bédier, 1831 : Li val parfunt et les ewes curant); 2. 1185 eaue « sécrétion liquide du corps humain » (H. de Dammartin, Foulque de Candie, 147 ds T.-L. : Si que l'eaue du cuer li est as yex montee); 1490 [éd.] eau (Amant rendu Cordelier, éd. A. de Montaiglon, 1296); 3. 1575 « liquide qui n'a pas la composition de l'eau pure » (v. eau-forte); p. ext. 1611 « sérosité qui environne le fœtus pendant la gestation » (Cotgr.); au plur. 1694 (Ac.); 4. 1611 « transparence, pureté des pierres précieuses » (Cotgr.); iron. 1874 de la plus belle eau (Gaz. des Trib., 20 nov., p. 1116, 1recol. ds Littré). Du lat. class. aqua; pour l'évolution phonét., v. Fouché, p. 264, 338, 644. Fréq. abs. littér. : 27 732. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 34 175, b) 46 091; xxes. : a) 45 652, b) 36 625. Bbg. Andrieu (J.). L'Eau, la terre, l'air... (Thèse Univ. 1957). − Bernelle (A.). Les Quatre éléments : l'eau. Vie Lang. 1959, pp. 2-9; Les Triplets d'« aquarius ». Vie Lang. 1965, pp. 636-639. − Couture (B.). Les Réseaux d'eau : éléments de vocab. Meta. 1970, t. 15, p. 174. − Gottsch. Redens. 1930, passim.Gougenheim (G.). Lang. pop. et lang. savante en anc. fr. Paris, 1947, pp. 89-114. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 407. − Millepierres (F.). Promenade philol. parmi les arbres. Vie Lang. 1969, pp. 122-133. − Quem. Fichier. − Rog. 1965, passim.Sain. Sources t. 2 1972 [1925] p. 122 (s.v. éveux).Tilander (G.). Comment expliquer la voyelle intercalée a de l'eau? In : [Mél. Henry (A.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1970, t. 8, pp. 313-314. − Tournemille (J.). Au Jardin des loc. fr. Vie Lang. 1955, pp. 242-243. − Un nom anc. de l'eau qui court. Vie Lang. 1953, p. 424. − Watson (H.). Fire and water...Fr. R. 1972, t. 45, pp. 971-979.