| DÉFIER2(SE), verbe pronom. A.− Être, se mettre en garde contre quelqu'un ou quelque chose; ne pas faire confiance à quelqu'un ou quelque chose, à un type de personnes, de choses. 1. Se défier de + subst. ou substitut.Se défier des femmes, des apparences; se défier de tout, de tout le monde; ne se défier de personne. Synon. douter (de), (se) garder (de), (se) méfier (de); anton. (se) fier (à). a) [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou un type de pers.]
α) [Le suj. désigne une pers.] Il l'estimait de s'être toujours défié des prêcheurs de messianisme social (Guéhenno, Journal homme 40 ans,1934, p. 45).À tous elle le désignait comme un être dont il faut se défier (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1510).Se défier des « stylistes »! (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1409): 1. Mais il ne faut pas oublier qu'Épictète, de son côté, veut que le sage se défie de lui-même comme d'un ennemi, et que l'ascétisme, sous des formes variées et parfois extrêmes, tient la plus grande place dans la pensée de l'Orient.
Lalande, La Raison et les normes,1948, p. 7. ♦ Emploi pronom. réciproque. Mais tous ces gens se défiaient l'un de l'autre et tout immédiatement s'envenima (Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 225). − En partic. Se défier de soi. Manquer de confiance en soi ou craindre ses propres réactions. Synon. douter (de).Il se défie de lui-même, de ses forces, de sa résistance vocale (Duhamel, Nuit St-Jean,1935, p. 93).C'est en tant que femme qu'elle se défie d'elle : elle a besoin d'être aimée en femme (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 352).
β) [Le suj. nom de chose désigne un pouvoir, un courant de pensée] Le pouvoir, dans sa peur, se sera défié de vous (Lamennais, Paroles croyant,1834, p. 172).Cette démocratie se défie de la masse, que Pie XII distingue subtilement du peuple (Camus, Actuelles I,1944-48, p. 68).Le conformisme des hiérarchies se défiait de ce personnage (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 85). b) [Le compl. d'obj. désigne une chose ou un type de chose, concr. ou abstr.]
α) [Le suj. désigne une pers.] Se défier des artifices du langage. Je me défie de tous ces bruits (Ac.1835-1932).Défie-toi des souffles, défie-toi des rayons, défie-toi des parfums (...) des fleurs (Hugo, Quatre-vingt-treize,1874, p. 246).Je me défie un tantinet encore de la conversion de M. Dagnan (Huysmans, Art mod.,1883, p. 59).Une servilité candide et fanatique dont il valait mieux se défier (Duhamel, Suzanne,1941, p. 80).
β) [Le suj. nom de chose désigne un pouvoir, un courant de pensée, etc.] L'existentialisme de son côté se défie de toute connaissance qui prétendrait échapper à la condition humaine (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 49): 2. La vue des magistrats, des gardes, des témoins, des inculpés, des défenseurs, et aussi le souci des chaînes, m'enlève tout courage. Je redoute un appareil dressé pour ma propre défense, mais dont la sombre majesté se défie des plus justes, avec raison, et semble toujours, devant vous, attendre son heure.
Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 105. 2. Emploi abs. Défiez-vous! Thomas se sentait quelque peu vexé : les siens se défiaient. Son eau bénite ne leur avait donc pas suffi (Queffélec, Recteur,1944, p. 223). − P. métaph. Les formes des prisonnières reposant dans les poses raides et contractées d'un sommeil qui se défie (E. de Goncourt, Élisa,1877, p. 193). B. Rare. Se défier que + subj.Se douter de quelque chose de fâcheux. Synon. soupçonner : 3. ... il était persuadé que c'était l'ami qui se trompait de jour ou d'heure, puisque son dire ne se conciliait pas avec les paroles d'Odette. Celles-ci ne lui eussent paru mensongères que s'il s'était d'abord défié qu'elles le fussent.
Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 297. Rem. La docum. de se défier ne permet pas d'établir une distinction abs. entre se défier et se méfier; elle porte à croire, par contre, que l'emploi de se défier est plus rare que celui de se méfier et se rencontre surtout dans la lang. littéraire. Prononc. : [defje], (je me) défie [defi]. Étymol. et Hist. I. 1. Ca 1100 desfier « inviter à venir se mesurer contre un adversaire » (Roland, éd. J. Bédier, 326); 2. av. 1560 de ffier « ne pas craindre la lutte avec; braver » (Du Bellay,
Œuvres, éd. H. Chamard, II, 224 ds IGLF); 1661 defier (qqn) de « le mettre au défi de faire quelque chose dont on le croit incapable » (Molière, École des maris, II, 7, 664). II. Ca 1130 desfier « renier, abandonner » (Couronnement Louis, 808 ds T.-L.) − xiiies. ds T.-L.; ca 1262 soi de ffier de « ne pas avoir confiance, se méfier de » (J. Le Marchand, Mir. N. D. Chartres, 172 ds T.-L.). Dér. de fier*; préf. dé-*; avec prob. infl. du lat. class. diffidere « ne pas se fier à » pour II; cf. l'a. fr. difier de même sens (fin xiies. ds T.-L.). STAT. − Défier1 et 2. Fréq. abs. littér. : 1 562. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 506, b) 2 365; xxes. : a) 2 099, b) 1 973. BBG. − Gir. t. 2 Nouv. Rem. 1834, p. 27. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 239, 295. |