| DRAPER, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− Vx, TECHNOL. Effectuer les opérations (foulage, lainage) propres à convertir une étoffe de laine en drap. Draper une étoffe (Besch.1845). − Emploi abs. : 1. J'étais l'élève du père Fritz, (...) qui m'enseignait l'art de « draper », c'est-à-dire de lisser le poil d'un tissu brut et de le faire briller.
A. Maurois, Mémoires,I, VI, p. 85 ds Rob. B.− Habiller, garnir, recouvrir de drap, de draperies. 1. Habiller de drap. a) [Le suj. désigne une pers., le compl. un vêtement ou un ornement vestimentaire] Habiller, recouvrir de vêtements amples qui forment des plis harmonieux. Madame Bergeret y déposait le mannequin sur lequel elle drapait les jupes taillées par elle (France, Mannequin,1897, p. 3).Elle s'amusait, parfois, à draper sur moi le burnous noir léger, rayé de lames d'or (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 157). − Disposer en plis harmonieux. Elle prit le châle, le drapa sur elle (Balzac, Gaudissart II,1844, p. 594).À la lueur d'une bougie, je drapais ma cravate en rêvassant (Arnoux, Chiffre,1826, p. 25). b) [Le suj. désigne un vêtement, le compl. une pers.] Vêtir, recouvrir en formant des plis amples, harmonieux, majestueux. Chemise, corsage qui drape le torse de qqn; épaule que drape une redingote. Un vieux nègre assez flasque enveloppé dans un pagne jaune qui le drapait fort dignement (Céline, Voyage,1932, p. 193).Deux pièces de laine grise la drapaient jusqu'à mi-jambes (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1435). − Spéc., PEINT. et SCULPT. Représenter une personne vêtue de vêtements légers et amples. Draper une statue, une personne à l'antique. Les maîtres du XVIIeeurent recours à un artifice ingénieux [dans le Baptême du Christ]; ils drapèrent le Christ dans une large écharpe aux plis harmonieux (Mâle, Art relig.,1932, p. 261). ♦ Au fig., fam. ,,Draper quelqu'un. En faire un portrait satirique. J'ai vu ce que vous avez dit de votre adversaire : le voilà bien drapé`` (Ac.1932). 2. Recouvrir de drap, d'une draperie. Draper un salon de soie; draper une coiffeuse de mousseline. Un petit tapis jaune qui drapait l'accoudoir d'une fenêtre en mirador (Jouhandeau, M. Godeau,1926, p. 27): 2. J'ai trois pages dans ma famille, répondit M. de Charlus, et le droit de draper en rouge à cause d'un titre cardinalice, ...
Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 612. − Spéc. Recouvrir d'un drap noir en signe de deuil. Draper une voiture de noir; draper un portail d'église. Des tapissiers étaient occupés à draper à la porte les tentures mortuaires (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 88). ♦ Absol. Porter le deuil. Sous Louis XIV, nous drapâmes à la mort de Monsieur, comme ayant la même grand'mère que le roi (Proust, Sodome,1922, p. 1089). 3. P. anal. Décorer d'une étoffe en la disposant en plis harmonieux. Draper une fenêtre, une baie de rideaux. Aux portes, aux croisées, un de ces tapissiers qui sont de vrais artistes avait drapé de moelleux rideaux en cachemire (Balzac, Fille Ève,1839, p. 67). − P. métaph. Le bouquet d'ormes (...) drapait la tenture verte de ses branches (Zola, Page amour,1878, p. 879).Le chèvrefeuille, qui drapait un grand arbre mort, apportait aussi le miel de ses premières fleurs (Colette, Chatte,1933, p. 3). 4. Au fig. Cacher ses sentiments, un aspect de sa personnalité en adoptant une attitude trompeuse. Irène sourit d'un sourire glacé, impertinent. « Ne drapez pas votre jalousie, mon petit Jacques, dans l'étendard de l'amitié incorruptible » (Gracq, Beau tén.,1945, p. 167). − Vx. Critiquer sévèrement et systématiquement. Il a joliment drapé votre dernier ouvrage (L.-B. Picard, Théâtre,t. 8, Les Charlatans et les compères, 1821, p. 339).Nous ennemis, Paris? pour quelques mots! (...) fi donc! On m'a souvent drapé de bien autre façon! (Augier, Ciguë,1844, I, p. 40). II.− Emploi pronom. A.− S'envelopper dans un vêtement ample qui forme des plis harmonieux. Se draper dans sa cape, son manteau, dans un peignoir : 3. J'enfilai ma robe de chambre et lui son vieux peignoir blanc. − Vous devriez jeter cette horreur, dis-je. Il se drapa étroitement dans le tissu éponge : − Jamais! J'attendrai qu'il me quitte.
Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 434. − P. métaph. La masse confuse de la forteresse, en face, se drapait, s'élargissait, ramassait autour d'elle le brouillard du soir (Gracq, Syrtes,1951, p. 127). B.− Au fig. [Le compl. est introduit par dans] S'enorgueillir, prendre une attitude imposante qui met en avant ce qui est considéré comme une vertu. Se draper dans sa vertu. Luce s'amuse de tout son cœur, Anaïs se drape dans sa dignité et s'en va (Colette, Cl. école,1900, p. 281). − [Le compl. est introduit par dans ou de] Faire parade. Il [l'attaché au journal] se drape souvent de puritanisme (Balzac,
Œuvres div.,t. 3, 1836-48, p. 569).Moi (...) la seule à ne pas me draper dans les vestiges de la bourgeoisie (Cocteau, Par. terr.,1938, p. 193).Se draper superbement dans l'ironie du dandysme (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1891, p. 64). − Absol. Je trouve que les étrangers font mieux que nous. Ils ne posent pas, et nous, ou nous nous drapons, ou nous nous vautrons (Sand, Corresp.,t. 5, 1812-76, p. 291). Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. drapement. Action, manière de (se) draper, son résultat. On parle du costume des peuples antiques, du drapement de leurs corps dans des morceaux d'étoffe carrés, sans coupe appropriée à la forme des membres (Goncourt, Journal, 1890, p. 1113). P. métaph. Je pensais mes Destinées. Je les voulais, hautes et graves, emphatiques En un clair drapement de gloire (Régnier, Poèmes anc., 1890, p. 163). Prononc. et Orth. : [dʀape], (je) drape [dʀap]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1225 « fabriquer le drap » (Péages de Sens, 35, Lecoy de La Marche ds R. Hist. litt. Fr., t. 10, p. 337) − début xviies., O. de Serres ds Littré; 2. a) 1503-04 « habiller, vêtir [ici au fig.] » (J. d'Aut[on], Ann. de Louis XII, Ms., fol. 131 ds La Curne : ... forestz de verdure drappées); b) 1552 « frapper; dauber » (Rabelais, Quart Livre, chapitre XIV, éd. Marty-Laveaux, t. 2, p. 321); c) 1622 spéc. peint. (R. François, Essay des merveilles de nature, 2eéd., Rouen, p. 313 : drap bien drappé); 1838 fig. (Hugo, Ruy Blas, 1, 2 : drapant sa gueuserie avec son arrogance); 1901 part. passé subst. (Colette, Cl. Paris, p. 256). Dénominatif de drap*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 169. |