| DRAGUER, verbe trans. A.− [Correspond à drague1; le suj. désigne un engin et dans l'emploi factitif la pers. qui le manipule] (Faire) racler un sol ou un fond pour un usage déterminé. 1. PÊCHE. (Faire) traîner une drague, un chalut sur le fond, pour pêcher notamment des poissons plats et des coquillages. Draguer des huîtres. Sa coque sombre invisible dans la nuit noire, passait en pleine mer, draguant dans l'eau froide son lourd chalut où mouraient les soles des dîners de demain (Hamp, Marée,1908, p. 75).Les concrétions phosphatées, draguées en grand nombre sur l'Agulhas Bank, au sud du cap de Bonne-Espérance, et de formation certainement bien antérieure à l'époque actuelle (Cayeux, Causes anc. et act. géol.,1941, p. 31). − Emploi abs. Draguer (les fonds). Les vapeurs naviguent souvent trente heures pour atteindre les pêches de fond, vers l'Irlande ou l'Espagne, et reviennent en draguant au chalut (Hamp, Marée,1908p. 14).Nous gagnâmes un chenal d'eau libre le long de terre où nous draguâmes, sondâmes et recueillîmes des températures et échantillons d'eau de mer (Charcot, Mer Groënland,1929, p. 61). 2. MAR. (Faire) racler en traînant un engin (câble ou grappin) adapté à l'enlèvement notamment des mines sous-marines. Droit pour les alliés et les États-Unis, en dehors des eaux territoriales allemandes, de draguer tous les champs de mines et de détruire les obstructions placées par l'Allemagne, dont l'emplacement devra leur être indiqué (Foch, Mém.,t. 2, 1929, p. 314). − P. ext. [En parlant d'une ancre qui chasse (cf. ancre)] ,,Racler le fond sans y mordre`` (Littré). L'ancre drague le fond (Rob.). − P. métaph. Ramasser comme le ferait une drague : 1. Quand la nuit eut dragué dans ses plis le reste d'or qui traîne sur les champs vers le soir, il y eut une heure fraîche, où les herbes commencèrent à boire la rosée.
R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 202. 3. P. ext., TRAV. PUBL. a) Nettoyer le fond d'une rivière, d'un bassin, d'un port au moyen d'une drague. Draguer un port, un estuaire; draguer la vase, les sédiments. Synon. curer.Lorsqu'il y aura nécessité de draguer une partie de rivière que l'on sait être un lieu de reproduction pour les truites ou pour toute autre espèce qui fraye dans les cailloux, il faudra ne faire l'opération qu'après les éclosions (Code pêche fluv.,1875, p. 134). − P. anal. Il faudrait bâtir la digue que l'ingénieur Prony avait vérifiée possible. Par elle, le flux et le reflux devenus plus actifs, dragueraient chaque jour le port, assainiraient la ville (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 476). b) Nettoyer un terrain. On commence par draguer toute la partie du terrain affouillable et compressible recouvrant la couche choisie pour y asseoir les fondations (Degrand, Resal, Ponts en maçonn.,1888, p. 183). B.− [Correspond à drague2] Au fig. et avec une nuance arg. 1. [Le compl. désigne une pers. ou une chose] Rôder à la recherche de. Draguer au flan. Synon. chercher, rechercher.Draguons donc Paris, et ravitaillons-nous, tant bien que mal, du reste (Laforgue, Complaintes,1885, p. 129). − Emploi abs. Les poulets, bien sûr, dragueraient dans Montmartre (...). Mais y se casseraient le tarin à vouloir piger (Le Breton, Rififi,1953, p. 30).Ses potes [d'Antoine, victime de coups de couteau] draguaient à la recherche du coupable (Simonin, Pt Simonin ill.,1957, p. 243). 2. [Le compl. désigne une pers.] Entrer en relation pour nouer une aventure galante. Synon. racoler, lever.D. (personnage masculin d'un film) « drague » les filles (étrangères) séduites par l'exotisme (Monde,30 sept. 1969, ds Gilb. 1971). − Absol. Déambuler à la recherche d'une aventure galante. Depuis près d'une heure, je draguais dans Montmartre (...). C'était bien du flan ma virée, au fond (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 141): 2. Le calme. Neuf heures. Les quelques amateurs de cinéma venaient de passer. Plus rien, à part une voiture, un jeune qui tourne, passe et repasse et ralentit devant les terrasses, draguant dans le vide.
C. Courchay, La Vie finira bien par commencer,Paris, Gallimard, 1972, p. 49. Prononc. et Orth. : [dʀage]. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1425 agn. dragger « pêcher les huîtres à l'aide d'une drague » (Black Book Admir., 1, 156 ds MED); 2. 1634 « curer à l'aide de la drague; repêcher une ancre ou autre chose » (Termes de mar., éd. 1670, 533 ap. P. Barbier ds R. Ling. rom., t. 10, p. 100); 3. 1953 p. métaph. « chercher une aventure galante » (Simonin, loc. cit.). Dér. de drague*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 15. Bbg. Baudez (J.). Boniments de parades. Vie Lang. 1965, pp. 302-308. − Berry (M.). L'Argot policier. Vie Lang. 1973, p. 474. − Bonn. 1920, pp. 48-49. − Grimaud (F.). Petit gloss. du jeu de boules. Vie Lang. 1969, p. 113. − Rog. 1965, p. 98. |