| DIVINATION, subst. fém. A.− [Correspond à deviner A] 1. Art de deviner, de découvrir ce qui est ignoré ou caché en sortant des voies ordinaires de la connaissance par le recours à des procédés occultes, à des pratiques magiques; en partic., art de prédire les événements futurs. La divination des Étrusques était un art de surprendre aux dieux la connaissance des intérêts de la terre (Michelet, Introd. Hist. univ.,1831, p. 433).L'astrologue de la cour (...) offre l'aide de la divination et des charmes, pour trouver les mines inconnues et les trésors enfouis (Nerval, Sec. Faust,1840, p. 199): 1. ... la magie, l'alchimie, la divination par les astres, par les songes, par l'évocation, coexistent dans plus d'un esprit avec la culture classique la plus limpide et la discipline des sciences exactes.
Valéry, Variété V,1944, p. 266. SYNT. Procédé de divination; divination par les cartes (cartomancie), par les astres (astrologie), par l'inspection de la main (chiromancie), par le vol des oiseaux (ornithomancie), par l'inspection des entrailles des animaux sacrifiés, par les sorts, par l'eau, par les flammes; pratiquer la divination. − P. méton. a) Cette forme de connaissance. Art, don de la divination. b) Pratique de divination : 2. ... une conscience toute moderne [Hugo] tente de retrouver, par une sorcellerie évocatoire, les dons et les divinations que l'humanité primitive posséda, mais qu'elle a perdus.
Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 376. 2. Faculté de deviner : 3. ... il [Étienne] avait trouvé de mystérieuses correspondances entre ses émotions et les mouvements de l'Océan. La divination des pensées de la matière dont l'avait doué sa science occulte, rendait ce phénomène plus éloquent pour lui que pour tout autre.
Balzac, L'Enfant maudit,1831-36, p. 386. 3. Action de deviner : 4. ... la divination était commencée depuis quelques minutes, car déjà plusieurs dames, à qui la bohémienne avait méchamment raconté le passé au lieu de l'avenir, étaient retournées un peu décontenancées à leur place...
Gozlan, Le Notaire de Chantilly,1836, p. 145. − Spéc., dans le domaine parapsychol.[Correspond à deviner A spéc.] :
5. ... ses expériences (...) comprenaient 14 000 essais de divination de cartes à jouer et de boules de loto tirées au hasard d'un sac. Les conclusions du professeur de Stanford sont négatives. (...) « on n'a trouvé aucune trace de transmission objective de la pensée ».
Amadou, La Parapsychologie,1954, p. 147. B.− [Correspond à deviner B] 1. Action de deviner. Comme le dit très-bien le citoyen Volney, la lecture est une divination perpétuelle (Destutt de Tr., Idéol.,1803, p. 316).Le tact (...) se définira souvent comme une divination de l'à-propos (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 129): 6. ... l'inverti dépiste l'inverti avec une rapidité et une sûreté presque infaillibles. Il peut se tromper un moment mais une divination rapide le remet dans la vérité.
Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 921. − Résultat de cette action. Je m'arrêtai une seconde et Andrée, avec une divination charmante, me laissa causer un instant avec les feuilles de l'arbuste (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 922): 7. ... de là cette curiosité inquiète avec laquelle chacun scrute sans cesse l'âme d'autrui; de là, ces surprenantes divinations, ces pressentiments, cette lucidité, ce don surnaturel de pénétration...
Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 37. ♦ Avoir des divinations; donner (à qqn) la divination de qqc.; acquérir une divination de qqc. Des lueurs anciennes remontaient dans l'esprit du jeune homme, lui donnaient la divination des choses entendues (Vogüé, Morts,1899, p. 74): 8. ... voyageant, parlant peu, mais regardant beaucoup, il avait acquis une divination du visage féminin, cette langue riche et complexe que des siècles ont formée.
Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1514. 2. Faculté, portée à un haut degré, de deviner, de découvrir quelque chose que l'on ne sait pas, et que l'on cherche à connaître le plus souvent, par des voies diverses (intuition, perspicacité, observation, comparaison, interprétation, supposition, conjecture, etc.) mais en dehors de raisons démonstratives, en ayant cependant le sentiment d'être dans le vrai. Manquer de divination. Je puis, le dictionnaire et la divination aidant, faire un bon traducteur (Mallarmé, Corresp.,1871, p. 339).Par une prescience, par une divination merveilleuse qu'ont les malades, il comprenait tout de la vie (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 134): 9. Ses amis [d'A. Daudet] connaissaient sa divination. Il analysait les événements les plus lointains, les plus divers, avec une perspicacité presque infaillible.
L. Daudet, Alphonse Daudet,1898, p. 14. − P. méton. Cette forme de connaissance. Faculté de divination. Don de divination fondé non sur des pratiques de sorcellerie, mais provenant de facultés puissantes d'observation et de déduction (Barrès, Cahiers,t. 7, 1909, p. 311).Ferdinand, pour Joseph, a beaucoup mieux que de la clairvoyance. Disons de la divination (Duhamel, Terre promise,1934, p. 172): 10. Ce sens de l'Extrême-Orient qu'a cette créature, l'intuition qu'elle possède des grandes époques historiques, la divination de la Chine, du Japon, de l'Inde (...) le remplissent d'un ravissement...
Goncourt, Journal,1872, p. 871. ♦ Avoir la divination de qqc. Avoir la connaissance intuitive, l'intuition de quelque chose ou que donne quelque chose. Ma mère (...) croyait que les enfants ont la divination de ce qui leur convient (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 211).Elle n'était plus attentive qu'à Christophe. Elle avait la divination de la tendresse, et percevait ce qu'il souffrait (Rolland, J.-Chr.,Foire, 1908, p. 786): 11. Se subordonner, ce n'est pas seulement servir la société, c'est nous servir. C'est la grande vérité découverte et pratiquée par Gœthe. Il est rare qu'un artiste tout jeune en ait la divination.
Bourget, Essais de psychol. contemp.,1883, p. 18. 3. Spéc. [Correspond à deviner B 2 c spéc.] Jeu de divination. Jeu d'esprit consistant à deviner quelque chose, à trouver la solution de quelque chose (cf. devinette, charade, rébus, énigme...). Charades, énigmes, anagrammes, logogriphes et autres jeux de construction ou de divination (Amiel, Journal,1866, p. 75). 4. En partic. [À propos de recherches du type des études caractérologiques d'après l'écriture, la physionomie...] Divination par la physionomie. Sans croire en aucune manière à la divination des âmes par l'écriture, il était sensible à la forme des lettres comme à une sorte de dessin (France, Lys rouge,1894, p. 179). Rem. On rencontre ds la docum. la forme arch. devination. Synon. de divination (supra B). Sa devination de la Chine, du Japon, de l'Inde (Fuchs, Lex. Journal Goncourt, 1912). Jamais, disait-il, il n'était descendu si à fond de la nature humaine; et c'était de la devination plus que de l'observation (Zola, Bête hum., 1890, p. 271). Prononc. et Orth. : [divinasjɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Pour la forme devination, cf. devin. Étymol. et Hist. 1. 1206 devinoison occult. (Chron. de Turpin, Ms. Ars. 5201 [xiiies.], p. 223b ds Gdf.) − 1578 devinaison (La Boderie, De l'honneste amour, p. 377, ibid.); ca 1214 devination (Anger, Trad. Vie Saint Grég., 88 ds T.-L.) − 1585 (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, II, 260), encore en 1768 (Desgrouais, Les Gasconismes corrigés, p. 147) et en 1872 (Goncourt, Journal); début xves. divignacion (Catholicon, BN lat. 17881 ds Gdf. Compl.); 2. av. 1770 divination « prévision, intuition » (La Bletterie, s. réf. ds Brunot t. 6, p. 1358). Empr. au lat. class.divinatio « divination, art de prédire ». Fréq. abs. littér. : 192. |