| DEMAIN, adv. et subst. masc. I.− Adverbe A.− [Déterminant souvent un verbe au futur] Dans le jour qui suivra immédiatement aujourd'hui, c'est-à-dire, du point de vue du temps dit absolu, le jour où l'on est, où l'on parle. Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, je partirai (Hugo, Contempl.,t. 2, 1856, p. 394). Rem. Dans le temps dit relatif, demain a pour pendant lendemain. 1. [Demain employé seul] : 1. Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : « mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués ». Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.
Camus, L'Étranger,1942, p. 1125. − [Avec un verbe au cond. à sens de fut. du passé] « Demain jeudi, proposait-elle, je voudrais mener les enfants aux bains... » (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 107). 2. [Demain précisé par d'autres indications temporelles] a) [Un nom de jour] − [Sans prép. ni art. s'il s'agit d'un jour de semaine] Cf. Duhamel, loc. cit. − [Avec un art. déf. sans prép. pour indiquer une date] Demain, le 27 mai, il y a dix-huit ans que je suis blessé (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 197). b) [Un nom indiquant un moment précis de la journée, gén. avec à] Demain à quatre heures et demie du matin (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 267). − Fam. [Sans prép.] Je vous ai dit tout uniment que je ne déjeunerais pas avec vous demain midi (Duhamel, Cécile,1938, p. 164). c) [Un nom indiquant une partie du jour, sans prép.] Demain soir, vaille que vaille, il aura passé la frontière (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1317).Je vais voir papa demain matin (H. Bazin, Vipère,1948, p. 149). − Vieilli [Ce nom est parfois introduit par la prép. à qui le détache avec plus de relief par rapport à demain] Je viendrai te voir demain au soir, dimanche (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1883, p. 48).Et demain au matin, par les sentiers mouillés (Noailles, Cœur innombr.,1901, p. 105). B.− P. ext. [Avec une valeur temporelle indéterminée, mais conçue comme concr.; souvent en oppos. avec aujourd'hui] Dans un avenir proche, bientôt. Un jour, bientôt, demain, tout changera de forme (Hugo, Légende,t. 5, 1877, p. 908): 2. Tout ce qu'il crée disparaît avec l'homme qu'il était hier. Demain, il connaîtra du nouveau. Mais aujourd'hui manque à ce présent universel.
Éluard, Donner à voir,1939, p. 81. − Loc. fam. à sens fig. a) [À la forme négative, pour dire d'une éventualité qu'elle est loin de s'accomplir] Ce n'est pas demain que : Ce n'est pas demain que l'homme connaîtra l'orgueil de faire naître un grumeau animé dans un cristallisoir (J. Rostand, Vie et probl.,1939, p. 193).Ce n'est pas demain la veille que : Il gronda : ... C'est pas demain la veille que j'vais me laisser manquer d'respect par un jeune connard de barrière (A. Le Breton, Loi rues,1955, p. 78). b) [À forme positive pour suggérer ironiquement une impossibilité] ♦ [Ds l'expr. demain on rase gratis] :
3. L'adolescence, l'âge mûr, l'année même qui vient de s'écouler, ce sera toujours l'ancien régime : le nouveau s'annonce dans l'heure présente mais n'est jamais institué : demain, on rasera gratis.
Sartre, Les Mots,1964, p. 199. ♦ Demain, en emploi d'interj. lancée à qqnpour lui signifier la vanité de ses espoirs, de ses prétentions et équivalant dans le même registre à « Tu repasseras! une autre fois! » (cf. F. Grimaud, Petit glossaire du jeu de boules ds Vie Lang., t. 68, p. 113). II.− [Demain employé avec une valeur de subst.] A.− Le jour qui suit immédiatement celui où l'on est, celui où l'on parle 1. [En fonction de suj. ou d'obj.] Hier, c'est le regret; demain, c'est l'espérance (Desb.-Valm., Élégies,1833, p. 100).Oh! que demain me voie aussi douce! (Colette, Naiss. jour,1928, p. 11). − [Précédé du groupe art. ou adj. pronom. + adj. non pronom.] :
4. Et ce ne sera pas leurs savants pronostics
Qui nous dévoileront notre dernier demain.
Et ce ne sera pas leurs gestes et leurs tics
Qui nous mettront l'obole au creux de notre main.
Et ce ne sera pas leurs fâcheux pronostics
Qui nous feront lever notre dernier demain.
Péguy, Ève,1923, p. 914. Rem. P. plaisant., demain est parfois employé en relation avec un verbe au prés. Minuit sonna. − Minuit! dit-elle. Allons, c'est demain! Encore un jour! (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 39). 2. [En fonction de compl. prép.] a) [Prép. à] La suite à demain! (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 46). − Remettre qqc. à demain. Remettez à demain ces larmes qui vous emplissent les yeux et la tête (Péguy, Porche,1911, p. 297).Proverbe. Ne remettons pas à demain ce que nous pouvons faire aujourd'hui (cité ds Rob. 1960). − D'ici à demain. À compter de l'instant présent jusqu'au lendemain. Votre résolution est bien prise, vous n'en changerez pas d'ici à demain? (Becque, Corbeaux,1882, IV, 8, p. 239).Fam., usuel. D'ici demain : Parce que d'ici demain, moi, Dieu, j'aurai peut-être passé (Péguy, Porche,1911, p. 297). − [En emploi interjectif] ♦ [Dans un échange de politesse pour prendre congé de qqn en lui fixant un rendez-vous] :
5. Célestin regarda Juliette droit dans les yeux. − Bonne nuit, mon amour, dit Juliette, sereine, et elle l'entoura de ses bras, − à demain... − à demain, tu vas te reposer, dormir...
Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 52. ♦ [P. réf. à une parole prononcée par Archias, tyran de Thèbes] À demain les affaires sérieuses : Psch! à demain les affaires sérieuses, disait je ne sais quelle ganache grecque (Balzac, Eug. Grandet,1834, p. 76). b) [Prép. de] − De demain en huit, en quinze. Dans huit jours, dans quinze jours à compter de demain : 6. « ... mais quand viendras-tu? Tâche bien, n'est-ce pas? de venir de demain en huit, et, la fois suivante, c'est moi qui monterai... »
Ramuz, La Grande peur dans la montagne,1926, p. 87. ♦ Fam., usuel, p. ell. Demain en huit. c) Dès demain. Quant à moi, je change de nom dès demain (Sartre, Mains sales,1948, 7etabl., p. 257). d) Jusqu'à demain. Jusqu'à demain midi (Simenon, Vacances Maigret,1948, p. 76). ♦ P. hyperb., fam., iron. Très longtemps : 7. césar, à Escartefigue. − Tu ne vas pas hésiter jusqu'à demain!
m. brun. − Allons, capitaine, nous vous attendons!
Pagnol, Marius,1931, III, 1ertabl., 1, p. 154. e) Pour demain. J'ai dit à Rose de garder les gélinottes pour demain (Gide, Si le grain,1924, p. 379). − Locutions ♦ Ce n'est pas pour demain (cf. supra ce n'est pas demain la veille). Elle n'est pas pour demain, ta révolution (Rolland, J. Chr.,Buisson ard., 1911, p. 1314). ♦ [Pour marquer son impatience] C'est pour aujourd'hui ou pour demain? Gritte, ma soupe de fève, c'est pour demain, ou pour aujourd'hui? (Giono, Colline,1929, p. 28): 8. Monsieur Lebonze fait irruption sa serviette sous le bras. Alors, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ce finale?
tarde. − Pardon, Monsieur Lebonze. Tout de suite.
Anouilh, La Sauvage,1938, I, p. 137. Rem. On rencontre ds la docum. la loc. vieillie (où pour signifie « plutôt que ») aujourd'hui pour demain. Sur l'heure, d'un moment à l'autre. Je viendrais à vendre aujourd'hui pour demain ma petite maison de Belleville, je vous assure bien que j'emporterais ce tombeau (Leclercq, MmeSorbet, 1835, 6, p. 146). Il peut aujourd'hui pour demain nous quitter et nous laisser dans l'embarras (Ac. 1878). B.− P. ext. Le temps à venir (conçu comme une suite concrète de jours). 1. [Sans art.] Il n'y a qu'une manière de refuser demain, c'est de mourir (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 210).Aujourd'hui et demain ne sont pas fils de la même mère (Montherl., Reine morte,1942, II, 2etabl., 5, p. 195). 2. [Précédé d'un art. ou d'un adj. pronom. et parfois d'un adj. non pronom.] Avec quelle sûreté je te prédis ton demain à toi (Milosz, Amour, initiation,1910, p. 133): 9. Quelle que soit l'injure,
Quelque affreuse que semble être cette gageure
Du funeste aujourd'hui contre le fier demain,
Nous sommes les vivants profonds du droit humain;
Ayons foi.
Hugo, La Légende des siècles,t. 5, 1877, p. 1101. − [Au plur.] : 10. Aujourd'hui n'est-il donc pas fait de tous les hiers, de tous les demains? L'éternité n'est-elle pas instant? Debout, debout! Abandonne-toi à ton amour! Lève-toi, commande à l'aveugle, au sourd, au paralytique; lève-toi et marche sur la mer!
Milosz, L'Amoureuse initiation,1910, p. 228. Prononc. et Orth. : [d(ə)mε
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Cf. demande. Étymol. et Hist. A. Adv. ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 517). B. Subst. ca 1100 (ibid., 2569). De l'expr. lat. de mane signifiant littéralement « au matin » attestée d'abord ds la Vulgate au sens de « de bon matin » (Blaise). Fréq. abs. littér. : 11 314. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 16 051, b) 20 822; xxes. : a) 14 701, b) 14 422. Bbg. Bernelle (A.). Matin et demain. Vie Lang. 1957, pp. 335-336. − Gall. 1955, p. 121. − Jack (W.). Studien zu den Zeitadverb-Reihen « gestern-vorgestern − vorvorgestern » und « morgen − übermorgen − überübermorgen » in den romanischen Sprachen. Erlangen, 1960. − Pamart (P.). La Mesure du temps. Vie Lang. 1971, p. 248. |