| DE1, prép. I.− De prend une valeur sémantique en corrélation avec celle du mot subséquent. A.− De exprime le point de départ. 1. [Orig. spatio-temporelle.] Le point de départ se situe dans l'espace ou dans le temps (s'oppose à la prép. à, parfois à en, plus rarement à jusqu'à), par rapport à un point d'aboutissement dans l'espace ou dans le temps. − Spéc. [En corrélation et en oppos. avec la prép. à ou en] a) De... à.Synon. depuis... jusqu'à.
α) Dans l'espace. [Pour indiquer les deux limites d'une étendue, le point de départ et le point d'aboutissement d'un mouvement, d'une distance] Des tropiques aux pôles, ou des pôles aux tropiques (Nodier, Trésor fèves,1833, p. 49).Comme part de ta dot, je te suivis, ô Reine, De ta Sparte natale au palais de Mycène (Moréas, Iphigénie,1903, p. 209) : 1. Toute l'après-midi se passa dans l'attente. Les heures s'écoulaient, le vicomte n'arrivait pas. Laure avait changé trois fois de toilette. M. Levrault, en costume de gentilhomme campagnard, allait du perron à la grille, de la grille au perron, et, comme ma sœur Anne, ne voyait rien venir.
Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 8. Rem. De... à est parfois employé avec de... en. Enveloppée de crêpe, elle [la reine] errait de château en château, de Windsor à Osborne, d' Osborne à Balmoral (Maurois, Disraëli, 1927, p. 234). ♦ Parfois de... jusqu'à.La route qui part du vieux pont de Poserna et s'étend jusqu'à Lutzen et à Leipzig (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 107). ♦ En partic. [Pour suggérer l'idée d'une mesure complète, d'une totalité] D'un bout à l'autre, des pieds à la tête, de la cave au grenier. ♦ [Pour indiquer le passage d'une chose à une autre, d'une pers. à une autre] De bouche à oreille. Platonicien par état, j'allais du savoir à son objet (Sartre, Mots,1964, p. 39): 2. L'invisible lien, des racines aux sèves,
Des sèves aux parfums, et des parfums aux sons,
Monte, et fait sourdre en nous les sources de nos rêves
Parfois pleins de sanglots et parfois de chansons.
Dierx, Les Lèvres closes,1867, p. 128. Rem. Cf. les loc. fig. du tac au tac, de la coupe aux lèvres, etc. ♦ [Pour indiquer les limites d'une énumération, d'une série complète] :
3. Chaque petite joie de la vie, du sorbet à la danse, prenait à Aix valeur de volupté, car elle s'accordait à l'amour.
Giraudoux, Pour Lucrèce,1944, I, 2, p. 22. ♦ P. ext. [Pour indiquer une relation intime entre deux pers.] De vous à moi, d'égal à égal, de pair à compagnon. Cette fièvre était un mal contagieux, et transmissible d' individu à individu (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 132).Nulle antipathie d' eux à nous (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 359).De toi à moi, l'expérience de la mort comme événement final ne passe pas (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 433). ♦ En partic. D'homme à homme. Quand il s'agit de deux hommes. Ceci (est) de vous à moi. Ceci soit dit entre nous, en secret.
β) Dans le temps. [Pour indiquer les étapes ou les limites d'une durée, la fréquence] De temps à autre, du matin au soir, du début à la fin, de la sixième au baccalauréat. Richard, le casino t'attendra de huit à onze (H. Bataille, Maman Colibri,1904, II, 2, p. 15).Car je tiens à le dire, de quatre à huit ans, j'étais un saint (H. Bazin, Vipère,1948, p. 21): 4. De 1432 à 1440, c'est-à-dire pendant les huit années comprises entre la retraite du maréchal et sa mort, les habitants de l'Anjou, du Poitou, de la Bretagne, errent, en sanglotant sur les routes.
Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 9. ♦ [Pour marquer l'imminence] Du jour au lendemain, d'un moment à l'autre, d'une minute à l'autre. ♦ Loc. D'ici à... [Pour indiquer une distance ou un laps de temps (à venir)] D'ici à huit jours, à peu, à ce soir. ♦ [L'omission de à est fréq.] D'ici là, d'ici peu, d'ici la fin de l'année (cf. Grev. 1969, § 916) : 5. − Mais, monsieur, je ne demande pas que vous receviez ma grand'mère, vous comprendrez après ce que je veux vous dire, elle est peu en état, je vous demande au contraire de passer d' ici une demi-heure chez nous, où elle sera rentrée.
Proust, Le Côté de Guermantes 2,1921, p. 314. ♦ De là à... : 6. Maintenant que cette condition est réalisée, la classe ouvrière de l'Europe, et particulièrement la classe ouvrière de France, a le chantier et l'outil. De là à l'achèvement de l'œuvre, il y a loin.
Jaurès, Ét. socialistes,1901, p. 42. ♦ Au fig. [Pour indiquer un changement d'état, une transformation] Passer de la tristesse à la joie (Ac. 1878). Biberon passait sans délai du profond sommeil à une grande agilité. Courir et dormir, c'était sa profession. La course, puis tomber de fatigue (Hamp, Champagne,1909, p. 81).Il a bien le sentiment que ce dernier paragraphe peut changer du tout au tout mon point de vue (Martin du G., Barois,1913, p. 472) : 7. Il [le facteur] ne se hâtait guère, il regardait décacheter chaque enveloppe, et chaque nouvelle passer du secret à un jour aveuglant.
Giraudoux, Suzanne et le Pacifique,1921, p. 7. ♦ En partic. [Pour indiquer un changement numérique, une différence de quantité, de nombre] La division, réduite de huit mille hommes à quinze cents (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 208) : 8. Par ses carreaux, elle contemple un Londres qui a doublé depuis Chaucer et a passé de cinquante à cent mille habitants.
Morand, Londres,1933, p. 18. ♦ [Pour indiquer les limites d'une mesure estimative, approximative] Synon. entre... et (elliptiquement pour allant de... à).Un superbe garçon de huit à dix mois (Nodier, Trésor fèves,1833, p. 31).Des sommes allant de dix à mille livres sterling (Morand, Londres,1933p. 274) : 9. Après avoir subi pendant cinq ans leurs instances, il consentit à se retirer avec le produit de son fonds, et les bénéfices de ces dernières années, capital que Madame Vauquer, chez laquelle il était venu s'établir, avait estimé rapporter de huit à dix mille livres de rente.
Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 105. Rem. 1. L'omission de la prép. de est très fréq. dans ce cas. [Les courses de lévriers] attirent dans toute l'Angleterre vingt à trente millions de spectateurs (Morand, Londres, 1933, p. 142). 2. L'omission de la prép. de est automatique lorsque la mesure est exprimée par un compl. déterminatif lui-même normalement introduit par la prép. de : Je vous taillerai sur le bras un lambeau triangulaire de quinze à seize centimètres de longueur sur dix ou onze de largeur (About, Nez notaire, 1862, p. 92) ou de compl. de l'adj. : L'art égyptien, plus âgé de cinq à six mille ans (Fromentin, Voy. Égypte, 1869, p. 150). Ces mutations sont responsables de un à trois millions de cas anormaux (Goldschmidt, Aventure atom., 1962, p. 221). 3. De ... à peut être remplacé par ou. Deux ou trois livres. b) De... en.[Pour indiquer les limites d'une étendue, les étapes d'une progression]
α) Dans l'espace. De bas en haut, de long en large, du haut en bas : 10. ... grand'mère restait encore le chef branlant, agité d'un mouvement méditatif de haut en bas; on la voyait ruminer la nouvelle dans une sorte de mastication à vide qui ravalait et gonflait tour à tour ses molles gifles ridées.
Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 377. ♦ [Pour indiquer les étapes d'une progression dans l'espace] De proche en proche, de loin en loin, de place en place, de cep en vigne, de bouche en bouche. Côtes élevées, grandes montagnes escarpées, déchirées, séparées par de larges vallées, et d' étage en étage et de plan en plan se rattachant à d'imposants sommets vers le centre de l'île (Fromentin, Voy. Égypte,1869p. 41: 11. ... au loin, par intervalles, on entendait les sourds mugissements de la cataracte du Niagara, qui, dans le calme de la nuit, se prolongeaient de désert en désert et expiraient à travers les forêts solitaires.
Chateaubriand, Journal sans date,in Voyage en Amérique, 1827cité ds Lagarde et Michard 19es., p. 47. Au fig. : 12. Que n'eût pas été notre enfance si l'on nous avait laissés faire! Nous aurions volé de plaisirs en plaisirs. Mais voici qu'un obstacle surgissait, ni visible ni tangible : une interdiction.
Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 1. Rem. L'expr. peut être au plur. [Il] crut à quelque féerie lorsqu'il entra dans une loge de face, et qu'il se vit le but de toutes les lorgnettes concurremment avec la vicomtesse, dont la toilette était délicieuse. Il marchait d' enchantements en enchantements (Balzac, Goriot, 1835, p. 140). ♦ En partic., loc. [Pour suggérer la totalité d'une mesure] De bout en bout, de point en point, de part en part, de fond en comble, de pied en cap. Le terrible combat du blond Filandre avec le More terrible, celui-ci qui tenait l'autre embroché de part en part (Sand, Beaux MM. du Bois-Doré,t. 1, 1858, p. 66).La fraîcheur le traverse [le sanglier] d' outre en outre, de son ventre à son échine (Giono, Colline,1929, p. 11) : 13. L'ennemi n'a pas cessé de reculer devant eux. Ils ont senti à leur tête un commandement lucide et ferme dont le plan a été réalisé de point en point.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 268.
β) Dans le temps. [Pour indiquer une progression dans le temps, une fréq., une périodicité] De temps en temps, de jour en jour, d'âge en âge, de génération en génération. Les cris se font encore entendre pendant deux ou trois minutes, plus perçants de seconde en seconde (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 169).Le frais clapotis de l'eau qui, de dix minutes en dix minutes (...) venait se briser sous la fenêtre entrebâillée (A. France, Lys rouge,1894, p. 303) : 14. Tout en mangeant, il lisait un bouquin ouvert devant lui, et sur lequel il faisait de temps en temps des annotations avec un crayon qu'il portait à l'oreille.
Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 32. ♦ [Pour indiquer les limites d'un laps de temps, lorsque l'on désire fixer une date] D'aujourd'hui en huit, de demain en quinze. Synon. mod. aujourd'hui en huit, demain en quinze : 15. − Attendez-vous donc qu'on vous demande en mariage? C'est à l'homme à parler, morbleu! Le petit duc de Lignant, un vrai gentilhomme et un bon, n'a pas attendu que je lui offrisse ma fille, lui! Il est venu, il a plu, c'est conclu. d' aujourd'hui en huit, nous signons le contrat.
About, Le Nez d'un notaire,1862, p. 188. ♦ [Pour indiquer une progression numérique] Compter de deux en deux. Marie Legagneux monta le prix du lot de dix francs en dix francs et l'enleva à six cents (Hamp, Marée,1908, p. 24). ♦ [Pour indiquer les étapes d'une progression, d'une transformation, d'un changement d'état] De plus en plus, de mal en pis : 16. Pauline, cependant, allait de mieux en mieux. Son grand plaisir, lorsqu'elle put se tenir debout et s'accouder à la fenêtre, fut de suivre, au loin, la construction des épis.
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 936. Rem. Cf. aussi les loc. fig. : de but en blanc, de fil en aiguille, de Charybde en Scylla, etc. 2. Le point de départ se situe dans l'espace. a) De marque le lieu d'où l'on vient, le point de départ d'un mouvement. − Verbe + de introduisant un compl. circ. de lieu[l'adv. interr. corresp. est d'où? et le pron. adv. est en]
α) Verbe + de + subst. ou pron. représentant un lieu.Venir de Paris, de la campagne; sortir de chez soi, de sa maison, de table. MmeChanteau (...) ramenait ce jour-là de Paris leur petite cousine Pauline Quenu, une orpheline de dix ans (Zola, La Joie de vivre,1884p. 807).Le planton sortit du hall et se dirigea vers l'escalier (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 759) : 17. N'était-ce pas de Cluny qu'étaient parties, avec le grand mouvement de pèlerinages du onzième siècle, les premières expéditions pour délivrer du joug musulman les chrétientés espagnoles?
Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 1. ♦ Verbe + de + pron.M. Lacroix du reste continue à ne pas m'écrire. Rien ne me vient de lui (Hugo, Corresp.,1869, p. 180).
β) Verbe + de + adv. de lieu.D'où venez-vous? De loin, de dehors, de là-bas, de dessous, d'en haut, etc. Palewski part d' ici en avion, mercredi, pour le Caire (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 398) : 18. − D'où venez-vous?
L'errant à la vie sans hâte lui parla longuement :
− De la Marne. Il n'y a pas d'ouvrage là-bas. Le mildiou mange tout.
Hamp, Vin de Champagne,1909, p. 113.
γ) De + prop. sub. rel.Un paquet blanc d' où sortaient des gémissemens (Borel, Champavert,1833, p. 31). − Part. passé-adj. + de.Le pain tombé du ciel pour le peuple au désert (Jammes, Géorgiques,Chant 1, 1911, p. 13).Des caravaniers venus d' Alep, de Damas ou du Caire (Grousset, Croisades,1939, p. 194). − Subst. + de introduisant un compl. déterminatif.Depuis mon renvoi du collège, j'étais non seulement sans amis, mais sans camarades (Montherl., Olymp.,1924, p. 221). b) De marque la séparation, la privation, l'origine, la provenance. − Verbe + de.Le canon tonne encor des créneaux de Saint-Ange (Barbier, Iambes,1840, p. 118).La foule des voyageurs qui sortaient du funiculaire (Sartre, Mots,1964, p. 16). Rem. De peut se construire avec une autre prép. pour introduire le compl. circ. de certains verbes. Sortir de chez qqn; divorcer d'avec qqn (cf. rompre avec qqn). Jacques, revenu en courant de chez Packmeli (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 901). L'Étranger. − Jeune fille, même si tu ne retirais pas ta main d' entre mes doigts, je saurais que nous sommes arrivés (Claudel, Rempart Ath., 1927, p. 1125). − En partic. [En parlant de pers. ou de choses] Être de + nom géogr. (pour indiquer l'origine, la provenance) : 19. jean. − Mais ça ne fait rien... nous sommes tout de même du même pays... La France! ... Pourquoi limiter à une province la joie de se retrouver!
elle. − Oui, mais enfin, c'est moins extraordinaire que nous soyons tous les deux Français... que si nous étions de la Gascogne... ou du Poitou...
Guitry, Le Veilleur de nuit,1911, I, p. 6. − Part. passé ou adj. + de.Absent de, distant de, exempt de, natif de, libre de, détaché de, etc. Un Espagnol, sorti il y a deux jours de Barcelone (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 169) : 20. ... le charbon de terre issu des cheminées de huit millions d'habitants lui [Westminster] vaut déjà une patine de huit siècles.
Morand, Londres,1933, p. 221. − Subst. + de ♦ Déverbal + de.La séparation d' avec autrui ne fait que prolonger la discontinuité du temps émotionnel (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 186). ♦ Subst. concr. + de + lieu de provenance, d'origine.Vent du nord; nougat de Montélimar; vin d'Alsace; fromage de Hollande : 21. L'esprit des Guermantes (...) était une réputation comme les rillettes de Tours ou les biscuits de Reims.
Proust, Le Côté de Guermantes 2,1921, p. 458. − Adv. + de.Indépendamment de. Charpentier qui, indépendamment d' autres dettes, aurait perdu une grosse somme sur les mines d'or (Goncourt, Journal,1896, p. 922) : 22. Une attention spéciale doit être donnée à André Chénier qui paraît accorder consciemment une valeur à la forme indépendamment du fond, écrivant dans ses notes : « Commencer un poème par tel mot », « faire un sort à telle association de sons, à telle image », « amener le nom de telle déesse ».
Benda, La France byzantine,1945, p. 170. c) De marque l'extraction. Sucres d'orge, pastilles de menthe. J'ai coûté la vie à ma mère en venant au monde; j'ai été tiré de son sein avec le fer (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 418).De son éternelle serviette de cuir noir, Laurent venait de tirer un cahier (Duhamel, Cécile,1938, p. 213). − Spéc., CHIM. [En parlant de la dér. d'un corps] :
23. Il parlait (...) de séparer et de livrer, à l'état de pureté parfaite, les bromures, les iodures de sodium et de potassium, le sulfate de soude, d'autres sels de fer et de manganèse, de façon à ne laisser aucun déchet de la matière première.
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 863. d) De marque la distinction, la différenciation (d'une chose, d'(avec) une autre ou d'un être). ,,On ne peut dissocier cette question du problème général`` (J. Dubois, R. Lagane, Nouv. gramm. du fr.,Paris, Larousse, 1973, p. 114).Distinguer un hibou d' avec une chouette (Dumas père, Hamlet,1848, II, 3, p. 202).Je savais reconnaître, du premier coup d'œil, la Chine de l'Arizona (Saint-Exup., Pt Prince,1943, p. 412) : 24. Maxence avait une âme. Il était né pour croire, et pour aimer, et pour espérer. Il avait une âme, faite à l'image de Dieu, capable de discerner le vrai du faux, le bien du mal.
Psichari, Le Voyage du centurion,1914, p. 5. − Adj. + de.Distinct de, différent de, etc. e) [De marque la direction séparative, la situation, le point de vue où l'on se place ] − De marque la direction séparative, la situation, le point de vue où l'on se place pour percevoir quelque chose. [Après un verbe de perception ou d'intellection] Du café où il s'asseyait quelquefois, en face de la blanchisserie, il lui était impossible d'apercevoir la jeune fille (Green, Léviathan,p. 38 ds E. Spang-Hanssen, Les Prép. incolores du fr. mod., Copenhague, G.E.C. Gade Forlag, 1963, p. 100).De la rue on entendait grincer le soufflet de la forge (Alain-Fournier, Meaulnes,p. 14, ds E. Spang-Hanssen, Les Prép. incolores du fr. mod., Copenhague, G.E.C. Gade Forlag, 1963, p. 100).L'homme cria quelque chose, que l'on ne comprit pas du bateau, à cause du bruit des machines (Robbe-Grillet, Le Voyeur,p. 33, ds E. Spang-Hanssen, Les Prép. incolores du fr. mod., Copenhague, G.E.C. Gade Forlag, 1963, p. 99). − De marque la direction séparative, la situation, le point de vue où l'on se place pour énoncer un jugement. [Avec un verbe d'énonciation] Synon. mod. depuis : 25. ... il aperçut Nana penchée anxieusement à une fenêtre; et il lui cria du trottoir que le petit n'était pas mort, et qu'on espérait même le sauver. Alors, elle sauta tout de suite à une grande joie; elle chantait, elle dansait, trouvait l'existence belle.
Zola, Nana,1880, p. 1447. ♦ Spéc. [Point de départ d'un raisonnement] Déduire bqc. de qqc. : 26. Mais votre conception de la condition et de la liberté est liée à une certaine définition des objets dont il faut dire un mot. C'est même de cette idée du monde des objets, de l'ustensilité, que vous tirez le reste.
Sartre, L'Existentialisme est un humanisme,1946, p. 122. − De marque la direction séparative, la situation, le point de vue où l'on se place pour faire quelque chose. [En parlant d'une action autre qu'un mouvement] Des fenêtres du premier étage, les policiers assiégés lançaient des grenades (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 248). f) [De dans un compl. déterminatif de lieu (espace neutralisé)] ♦ Subst. + de.Les pyramides d'Égypte; porcelaines de Saxe; la Chine du Nord; le concile de Trente. Les habitants de Paris, la bataille d'Austerlitz (Ac.1835-1932).Le froid que je sentais à la figure, la vue de ces vitres et le grand silence du dehors me donnaient le frisson d'avance (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 16).Les fleurs aux balcons de Paris penchent comme la tour de Pise (Apoll., Alcools,1913, p. 59).Il connaissait plusieurs sanas des Alpes, du Jura, des Vosges (Martin du G., Confidence afric.,1931, p. 1109) : 27. Une même considération affectait ces êtres rassemblés par le hasard. Les deux locataires du second ne payaient que soixante-douze francs par mois.
Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 17. Rem. V. aussi l'origine, la provenance (supra) et, p. ext. (en parlant d'un animal) la race. Christine (...) était moins encombrante qu'un chien de Terre-Neuve (Gyp, Souv. pte fille, 1927, p. 4). − P. ext. [Point de départ d'une distribution dans l'espace] De par, loc. prépositive.
α) Vx. De la part de, au nom de, sur l'ordre de. De par le roi, de par la loi : 28. Si les royalistes de l'ouest ont des armes, si on les leur demande de par le roi, ils les abandonneront, puisqu'ils ne les ont prises que pour le roi.
Chateaubriand, Mél. hist.,1827, p. 389.
β) Moderne ♦ [Cause] Par l'effet de, à cause de. De par sa nature, de par ses fonctions : 29. Il [Hubert] appartenait, de par son éducation et de par sa nature à la race de ceux qui acceptent les données officielles de la vie...
Bourget, Cruelle énigme,1885, p. 54. ♦ [Lieu] De par le monde. Çà et là dans le monde, en plusieurs points du globe, à travers le monde. [Lieu par où l'on passe] Poupelin (...) alla de par le monde, recueillant partout des certificats en son honneur (Vallès, Réfract.,1865, p. 73).[Lieu où l'on est répandu] Il existe de par les chemins une race de gens qui... (Vallès, Réfract.,1865p. 4) : 30. Regarde, enfant, regarde! ... Il est de par le monde
Des êtres inondés de volupté profonde;
Il est de beaux jardins plantés de lauriers verts,
Des grands murs d'orangers où mille oiseaux divers,
(...)
Des merles, des serins jaunes comme de l'or,
Chantent l'amour, et l'air plus enivrant encor.
Barbier, Iambes et poèmes,Il pianto, 1840, p. 109. [Lieu d'où l'on vient] Très fam. ou pop. De par chez nous. De chez nous; de nous. Tout ce qui venait de par chez moi était son butin préféré (Claudel, Soulier,1944, p. 1077).3. Le point de départ est un moment du temps. a) De marque le point de départ d'un laps de temps (de signifie à partir de, à compter de, depuis, dès). De ce moment, de ce jour. Du jour où je vous ai vu pour la première fois, je suis à vous (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 224).Monsieur de Peyrehorade nous dit (...) de déraciner un vieil olivier qui était gelé de l'année dernière (Mérimée, Vénus Ille,1841, p. 245) : 31. Un favori vint lui dire que dans une petite maison de sa capitale vivait cachée cette Bianca Capello dont la beauté et la disparition singulière avaient fait tant de bruit à Venise. De ce moment François [de Médicis] eut une nouvelle existence...
Stendhal, Hist. de la peint. en Italie,t. 1, 1817, p. 21. b) De marque une date, une époque. De nos jours; du temps de...; ce n'est pas d'aujourd'hui; de naissance; d'aussi loin que je m'en souvienne; dater de, partir de, être de, à compter de. Une proclamation datée du 12 octobre 1780 (Borel, Champavert, 1833, p. 101). d' aussi loin qu'il fait revenir sa mémoire (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 205).Le piano les occupa. L'instrument datait de 1810 (Zola, Joie de vivre,1884, p. 839) : 32. Ici, jadis, du temps des Celtes, la déesse Rosmertha sur la pointe de Sion faisait face au dieu Wotan, honoré sur l'autre pointe à Vaudémont.
Barrès, La Colline inspirée,1913, p. 74. − De mon temps. Quand j'étais jeune : 33. − Je sais bien, Suzette, que ton métier n'est pas un métier comme les autres. Tout change. De mon temps, jamais une demoiselle de la bonne société n'aurait voulu devenir actrice.
Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 187. − Vx. [Pour indiquer la date, devant le nom du mois] Le six de mars. Le six mars. Il [Michel-Ange] vint au monde en 1474, le 6 de mars, quatre heures avant le jour, un lundi (Stendhal, Hist. peint. It.,t. 2, 1817, p. 159). Rem. De demain en huit, d'aujourd'hui en quinze (cf. supra de... en). c) De dépend d'un terme exprimant la durée. À quelque temps de là; il y a longtemps de cela (cf. cela, ex. 12). − Locutions ♦ D'ici là, d'ici peu. [En parlant d'un avenir plus ou moins proche] Cf. aussi supra ex. 5 : 34. Il appartiendra aux savants et aux philosophes futurs de confirmer, de divulguer, répandre et populariser ces lointaines conquêtes que notre esprit ne fait aujourd'hui qu'entrevoir. d' ici là, une contradiction intime continuera à paralyser le système dont la révolution se réclame.
Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 302. ♦ De longue date, de longue main, de longtemps, de la vie, de ma vie, de toujours, de toute éternité, de son vivant, de mémoire de. Pour moi c'était de toute éternité devant toi que devait prendre fin cette succession d'énigmes (Breton, Nadja,1928, p. 151) : 35. Elle avait de tout temps recherché l'ombre et le silence, comme d'autres l'éclat et le bruit. Elle était femme à vivre heureuse sous un toit de chaume; mais pour son aimable ami, elle ne pensait pas pouvoir trop exiger.
Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 38. − Spéc. De dépendant d'une négation (de signifie pendant, pendant tout). De ma vie je n'ai tant ri; je ne l'ai pas vu de la journée. Il [Jack] ne quitta pas Cécile d' une minute (A. Daudet, Jack,t. 2, 1876, p. 182).Elle [la librairie] ne désemplissait pas de tout le jour (Martin du G., Confid. afric.,1931, p. 1111) : 36. ... maman, qui s'était ingéniée à me procurer ce camarade, y voyait un double avantage : faire profiter du bon air de la campagne un enfant peu fortuné qui sinon n'aurait pas quitté Paris de tout l'été, et m'arracher aux trop contemplatives joies de la pêche.
Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 466. d) P. ext. De précise le moment où se déroule l'action (cf. infra). e) De introduit un compl. déterminatif de temps pouvant exprimer toutes les nuances ci-dessus énumérées. − En partic. ♦ [Temps, époque] Les institutions du Moyen Âge, les hommes d'à présent, d'aujourd'hui (Ac. 1932). Nous souhaitons les uns et les autres préparer la paix de demain en réalisant aujourd'hui l'union nationale (Sartre, Mains sales,1948, 4etabl., 4, p. 150) : 37. ... une vie nouvelle chassait le deuil de la maison, les rires d' autrefois réveillaient les chambres, montaient allégrement l'escalier sonore.
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 997. ♦ [Date] Du vin de telle année, le départ de samedi, le lundi de Pâques, le jour d'aujourd'hui, le mois de mai, les giboulées de mars, la première quinzaine d'octobre; un lièvre de trois jours (d'il y a trois jours). ♦ [Saison] Robe d'été, collections d'automne, soirée d'hiver, mode de printemps, fruits de saison. ♦ [Heure] Soleil de minuit, démon de midi, goûter de quatre heures, repas du soir. Le Train de 8 h 47 (œuvre de Courteline). Je pars pour la promenade d' onze heures et demie (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 234) : 38. Quand il eut essayé ses habits du soir, il remit sa nouvelle toilette du matin qui le métamorphosait complètement. − Je vaux bien Monsieur de Trailles, se dit-il. Enfin j'ai l'air d'un gentilhomme!
Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 133. ♦ [Durée] Une guerre de vingt ans, un travail de dix années : 39. ... ils demandent la journée de dix heures : Mais elle est inconciliable dans le système capitaliste avec les exigences de la production; ...
Jaurès, Ét. socialistes,1901, p. XLVI. 4. Le point de départ est une personne. a) De marque la provenance. Recevoir qqc. de qqn : 40. − Pourrais-tu prouver le nombre des baisers que tu as reçus de moi? Autant vouloir compter les papillons qui s'envolent dans un soir d'été!
Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels,La Reine Ysabeau, 1883, p. 265. − De vous à moi. Cf. supra de... à. b) De marque la descendance, la filiation; l'origine. Jésus-Christ qui pour le salut de tous les hommes est né de la très Sainte Vierge Marie (Claudel, Poés. div.,1952, p. 834) : 41. De son père, ingénieur opticien, fournisseur du roi, emporté par le même mal avant sa trentième année, il tenait un esprit juste et appliqué.
A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 6. Rem. Cf. aussi infra appartenance, dépendance, relation familiale ou sociale. c) De marque la séparation, la distinction, la distance, la différence. Se séparer de, se défendre de. En sortant d' avec M. Bail, je demandai à ma sœur Eulalie (Montherl., Port-Royal,1954, p. 990). − Adj. + de.Distinct de, différent de, etc. d) Faire qqc. de qqn. Cf. infra moyen, et aussi point de départ d'une transformation et obj. second d'un verbe trans. (compl. d'obj. indir.). 5. Le point de départ est une situation antérieurement donnée. a) Le point de départ est une situation concrète. Réveiller qqn du milieu du sommeil; sortir d' une séance de travail. De ce mariage étaient issus de vrais géants (Loti, Mariage,1882, p. 28). − En partic. Point de départ d'une évolution, d'une transformation (passage d'un état à un autre, d'une qualité à une autre). De commis, il devint directeur; de pauvre il devint riche (Littré). De vingt pièces de quatre ans, il m'en reste dix-huit (Hamp, Champagne,1909, p. 120).Les hommes s'activaient pour faire vin blanc du raisin noir par pressurage du fruit très frais (Hamp, Champagne,1909p. 141) : 42. Le mythe de la « création » nous séduit à vouloir faire quelque chose de rien. Je rêve donc que je trouve progressivement mon ouvrage à partir de pures conditions de forme, de plus en plus réfléchies...
Valéry, Variété III,1936, p. 65. 43. On devait faire de nous des apôtres, des gens dont le royaume n'est pas de ce monde. Et nous y tenions, à ce monde, nous y tenions par des fibres secrètes.
Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1507. Rem. Cf. aussi les loc. fig. faire d'une pierre deux coups, faire de nécessité vertu, etc. − Au fig. ♦ De + subst. concr.Je dis du fond du cœur qu'il m'est affreux d'être en sûreté pendant que toi et mes amis sont exposés (Staël, Lettres div.,1793, p. 418).Elle savait donc, de source sûre, que la famille du duc s'intriguait (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 171).De temps en temps il surveille du coin de l'œil le travail du chauffeur (Romains, Knock,1923, I, p. 4) : 44. « Toutes ces pierres suent la douleur, je le sais. Je ne les ai jamais regardées sans angoisse. Mais, du fond du cœur, je sais que les plus misérables d'entre vous ont vu sortir de leur obscurité un visage divin. C'est ce visage qu'on vous demande de voir. »
Camus, L'Étranger,1942, p. 1207. ♦ De + subst. abstr.L'homme est malheureux par ses passions qui l'écartent de la saine raison (Bonald, Législ. primit.,t. 1, 1802, p. 322).D'où vient qu'à peine seul, mon cœur s'est éveillé, Lentement, par degrés, de sa longue atonie? (Dierx, Lèvres cl.,1867, p. 198).Dégager de toute notion connexe la définition de l'activité qui nous servira de critère (Mounier, Traité caract.,1946, p. 395). b) Le point de départ est une situation abstraite. Il résulte de tout cela que...; de ces prémisses on peut conclure que... : 45. Ainsi comme l'homme le plus fort et le plus adroit est celui qui développe le mieux les organes qu'il a reçus avec la vie, le plus grand génie est celui qui tire le plus de conséquences des premières instructions qu'il a reçues.
Bonald, Législ. primit.,t. 1, 1802p. 329. 6. Le point de départ est un tout dont on tire une partie. a) Verbe + de.Donner de son temps (de « un peu, une partie de »). b) Subst. + de.De a une valeur partitive, proche de celle de l'article partitif. Cf. de2et des II (en parlant d'une partie, d'un ensemble, d'un élément d'un tout).
α) [En parlant d'un tout partageable] − [Le compl. est un subst. non déterminé] Tranches d'ananas; filets de sole; branche d'arbre. − [Le compl. est un subst. déterminé] La façade nord du transept de la cathédrale; marcher sur la pointe des pieds. Piccadilly Circus, nombril de Londres (Morand, Londres,1933, p. 173).Au pied du troisième platane de l'allée du pont (H. Bazin, Vipère,1948, p. 9). − En partic. [En parlant d'un extrait, d'un morceau choisi, d'une œuvre littér.] Les stances du Cid.
β) [En parlant d'un tout nombrable, en partic. un subst. coll.] Une troupe d'enfants; un couple de rossignols; des escouades de motocyclistes. L'âpre essaim des corbeaux voraces (Hugo, Légende,t. 3, 1877, p. 30). c) Être de + subst.Faire partie de (le pron. pers. correspondant est en). Nous sommes du jury. Nous attendons le président (Pagnol, Fanny,1932, I, 1ertabl., 1, p. 9).− Il faut, dit gaiement Joseph, que vous preniez du fromage, puisque vous êtes de la famille (Duhamel, Cécile,1938, p. 179) : 46. La beauté d'Hélène faisait beaucoup rechercher Monsieur et Madame Walstein; ils étaient de toutes les fêtes, de toutes les réunions; Hélène trouvait sa nouvelle situation fort heureuse, Walstein se montrait le plus respectueux des hommes.
Karr, Sous les tilleuls,1832, p. 218. 47. Du reste, il était de ceux qui ne se plaignent pas et dont l'ambition est satisfaite, lorsqu'ils ont du pain à manger et de l'eau à boire.
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 991. − Spécialement
α) De marque la fraction d'une totalité ♦ dans une alternative. De deux choses l'une; lequel des deux. Des serpents étouffés par Héraklès avaient fait connaître lequel des deux frères était de la race des dieux (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 117). ♦ dans une comparaison. C'était de tous les consommateurs le seul qui avait pu résister au vacarme effroyable que faisaient les bohémiens (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 123). ♦ dans une fraction numérique proprement dite. Pauline, inquiète pour l'enfant, lui avait, comme marraine, fait le cadeau des deux tiers de ce qu'elle possédait (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1110).L'énorme horloge du Ministère de la Guerre sonnait la demie de deux heures (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 1ertabl., 1, p. 20) : 48. Deux phares pointèrent vers le trottoir, m'aveuglèrent une fraction de seconde, puis, virant court, s'estompèrent dans un froissement de lumière sur le pavé gras.
Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 9. ♦ [En parlant de pers., d'une partie d'un groupe] Le citoyen Dupont aîné, l'un des douze du Comité de surveillance (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 4).Six de ses hommes entraient derrière lui, un à un, en silence (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 233).S'il arrivait que l'un d' eux fût emporté par la maladie, c'était presque toujours sans qu'il pût y prendre garde (Camus, Peste,1947, p. 1279). ♦ [En parlant d'une série d'obj. concr. ou abstr.] :
49. Il était dans un de ces jours où tout le poids de la vie semblait accabler ses épaules, et où l'interrogation tragique lui hantait le cœur.
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 385.
β) De introduit le compl. du superl. ♦ [Le compl. du superl. rel.] Le premier du mois, le dernier de tous, la plupart du temps. La comtesse Anastasie de Restaud, grande et bien faite, passait pour avoir l'une des plus jolies tailles de Paris (Balzac, Goriot,1835, p. 43) : 50. georget. − Pour les uns, c'est amour; pour les autres, c'est patrie, et ainsi de suite... Le plus beau mot de la vie varie selon les gens.
H. Bataille, Maman Colibri,1904, I, 12, p. 12. ♦ [Le compl. du superl. abs. exprimant une intensité forte] Des plus + adj. = Parmi les plus + adj. L'entreprise, sans nul doute, était des plus délicates (Milosz, L'Amour. initiation,1910, p. 196). 7. Le point de départ est une entité à partir de laquelle on évalue, par comparaison, une autre entité. Ils sont plus de deux (cf. infra la différence numérique). − [Après un adj. au compar. ou à sens compar.] Aîné de, plus âgé de, etc. − [Après un superl. rel.] Il est le plus âgé de trois ans. a) De marque le superl. de construction hébraïque exprimant l'excellence, le degré parfait, par le redoublement du subst. ou de l'adj.; d'où les loc. bibliques ou formées sur ce modèle (presque toujours au plur.). − Adj. substantivé redoublé. Le saint des saints, le Juste des Justes. Au lieu d'être les premiers, nous serons les derniers des derniers (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 37).Cette immensité du Pacifique, − immensité des immensités de la terre, qui s'en va tout droit jusqu'aux rives mystérieuses du continent polaire (Loti, Mariage,1882, p. 79).Cette élégance de Mauss il y faut renoncer. Ce fin du fin, ce fin profil, ce regard noble, assuré (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 669). ♦ P. ext., adj. (exclamatif ou non). Vrai de vrai. Pour la dernière des dernières fois, j'entrai dans ce jardin (Loti, Roman enf.,1890, p. 313). Rem. Pour la loc. substantivée du blanc de blanc (du vin blanc de raisin blanc), cf. blanc ex. 31. − Subst. redoublé. Le Roi des Rois, le Cantique des Cantiques, vanité des vanités, les siècles des siècles. De cet accord, charme des charmes, Dans le sourire ou dans les larmes Naissent la grâce et la beauté (Lamartine, Harm.,1830, p. 371).Il n'y a pas de raison pour que ce voyage finisse dans tous les siècles des siècles (Nodier, Trésor fèves,1833, p. 49). ♦ P. ext., fam. À la fin des fins, l'as des as. − Pron. redoublé. Rien de rien. Je ne vois rien de rien... (Montherl., Songe,1922, p. 112). − P. anal. ♦ [Dans des exclam. fam. ou pop., des interj., des injures] Zut de zut! tonnerre de tonnerre! etc. Bigre de bigre, ça ne lui allait pas le mariage! (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Hist. vraie, 1882, p. 339).Bon Dieu de bon Dieu! qu'est-ce qu'on va devenir? (Zola, Rêve,1888, p. 84). ♦ [Avec un qualificatif d'injure] Menteuse des menteuses! (Colette, Cl. école,1900, p. 239).Richard. − Ah! la grue des grues! (H. Bataille, Maman Colibri,1904, I, 7, p. 8). b) Devant le second terme d'une comparaison exprimée par − plus de, moins de + un nombre.Le coup tomba sur l'épaule et la lui brisa plus d' à moitié (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 264).Nous n'avons pas le temps de rester plus de deux heures à Royan (H. Bazin, Vipère,1948, p. 162). − (il en est) de... comme de + subst. ou pron. : 51. Mon Dieu, il en est peut-être du péril comme de l'eau froide qui d'abord vous coupe le souffle et où l'on se trouve à l'aise dès qu'on y est entré jusqu'au cou?
Bernanos, Dialogues des Carmélites,1948, 1ertabl., 2, p. 1574. B.− De marque la condition préalable d'un procès ou du résultat d'un procès matériel ou moral. 1. [La condition préalable est une matière] Faire qqc. de rien. a) Verbe + de. − [Pour indiquer un matériau de fabrication] Ô regards qui roulez aux bords des cils un sable Fait de nacre, d' azur et d' or! (Dierx, Lèvres cl.,1867, p. 202;cf. aussi supra A 5 a). − Loc. fig. Faire flèche de tout bois, etc. b) Subst. + de + subst. : le compl. déterminatif.Concurrence de/en : de est plus littér. et s'emploie surtout dans des loc. au fig.Épingles d'or; bulles d'air; pièces d'argent; casaques de drap d'or; bancs de pierre ou de bois; fauteuils de fer; manteau de loutre; un lit de feuilles mortes et de fougères : 52. Un vitrail en verre dépoli, le plus souvent un simple rideau d'indienne, sert de porte et défend contre les curiosités indiscrètes.
Du Camp, En Hollande,1859, p. 18. − Au fig. Alors commencent ces hémorragies effrayantes, qui font de tous ces malades autant de fontaines de sang (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 100). − Loc. figées. Images exprimant la qualité. La douceur des arbres vert pâle sur le ciel blanc de lait! (Montherl., Songe,1922, p. 47). − Loc. Un teint de lait; un ciel de plomb; un cœur de pierre; un visage de marbre; un cœur d'or; un regard de feu; un bras de fer; etc. c) Adj. + de.Noir de jais, noir d'encre, etc. Rem. La juxtaposition sans de a valeur d'enseigne et peut qualifier une mode, un style, etc. Sa main, sur le drap rouge du bureau Louis XVI, battit un rappel énervé (Bernanos, Imposture, 1927, p. 314). d) Verbe d'état + de/en.Sa robe est du plus beau satin, et son voile de la plus fine dentelle (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 149) : 53. Dans la pénombre, sur l'oreiller blanc, son profil de prince persan se découpait avec la finesse d'une matière ciselée; il eût semblé de marbre ou de vermeil si la chair du visage, restée soyeuse, transparente et dorée, n'avait gardé je ne sais quelle apparence de jeunesse et de vie.
Martin du Gard, Confidence africaine,1931, p. 1108. Rem. Hérald. Emploi spéc. de la prép. + nom de matière et de couleur dans la terminol. du blason. D'or, d'azur (« émail bleu des armoiries »). Les armoiries des Créquy : d' or au créquier de gueules (Du Camp, Hollande, 1859, p. 31). 2. [Dans un compl. déterminatif (genre, espèce)] a) [En parlant d'animés ou d'inanimés concr. (races d'animaux, variétés de plantes, essences d'arbres, espèces, etc.)] Bleu de Perse (cf. bleu I A). Des cochons de Barbarie; lapins de garenne; vin de Champagne; orgue de Barbarie; pomme de reinette; fruits de l'arbre à pain; chaises de jardin. Cf. aussi supra A 2 f : 54. ... bois d'aloès et de sandal, qui sembloient prêts à s'affaisser sous le poids des pâtisseries et des confitures...
Nodier, Trésor des fèves et Fleur des pois,1833, p. 51. b) [En parlant d'inanimés abstr.] Toutes les fois que la personnalité est opprimée, que la liberté individuelle n'a pas son équitable manifestation, il y a crime de lèse-humanité (Du Camp, Hollande,1859, p. 248) : 55. Le roman, entend-on couramment répéter, se sépare actuellement en deux genres bien distincts : le roman psychologique et le roman de situation. D'un côté, ceux de Dostoïevski, de l'autre, ceux de Kafka.
Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 9. 3. [Le compl. désigne un contenu] Tasse de café, de thé; verre de vin, d'eau; dé à coudre de moka; deux cuillerées de potage. Il faut prendre, pour le parfum, un petit verre de mirabelle (Duhamel, Cécile,1938. p. 182).Il s'agissait ce jour-là d'achever un pot de mirabelles, un peu moisies par quatre ans de buffet (H. Bazin, Vipère,1948, p. 10). − P. métaph. Il croyait voir une mare de sang devant lui (Balzac, Goriot,1835, p. 195). 4. [Le compl. désigne la totalité d'un ensemble, des parties composant un ensemble] Les trois maisons du hameau, ébranlées par le souffle des obus, ne s'étaient pas écroulées mais cabossées (Montherl., Songe,1922, p. 159).Les trois personnes de la Trinité qui sont le Père, le Fils et le Saint-Esprit (Claudel, Poés. div.,1952, p. 833). 5. [La condition préalable est la matière d'un propos] Dire qqc. de qqn; instruire qqn d'une affaire; remercier qqn de qqc., de faire qqc. (cf. aussi la cause). − De signifie « quant à », « en ce qui concerne », « au sujet de », « à propos de », « pour ce qui est de », « relativement à ». a) Verbes ou loc. verbales d'énonciation ou de jugement + de ♦ Verbes d'énonciation. Nous ne pouvons nous empêcher de dire deux mots des campagnes qui entourent Paris (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 193).Ah! Orso, j'aurais bien des choses d' elle à vous conter (Mérimée, Colomba,1840, p. 160) : 56. ... ils causaient du temps, du printemps qui venait, de l'état de la glace sur le lac Saint-Jean et sur les rivières, de leurs affaires et des nouvelles de la paroisse, en hommes qui ne se voient guère qu'une fois la semaine à cause des grandes distances et des mauvais chemins.
Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 7. ♦ Verbes de connaissance et de jugement. Si vous savez quelque chose des motifs de la translation de M. de Lafayette à Glatz (Staël, Lettres div.,1794, p. 568).Aux époques les plus françaises c'est toujours de l'homme et jamais du Français qu'il est question (Du Bos, Journal,1926, p. 9).Écoute, Hugo : je ne crois pas un mot de ce que tu m'as raconté (Sartre, Mains sales,1948, 1ertabl., 1, p. 21) : 57. Car de chaque conquête l'homme découvre qu'elle l'a trompé quand il use de l'objet conquis, ayant confondu la chaleur de la création avec le goût de l'usage de l'objet qui ne lui apporte plus rien.
Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 623. ♦ Adj. ou part. passé-adj. + de.Alarmé de, inquiet de, etc. (cf. la cause et le compl. d'agent du passif). ♦ Verbes de sentiment. Si (...) je pleurais de cette déesse ou de moi, je ne l'ai jamais su (Maurras, Chemin Paradis,1894, p. 88).Tout est oublié des anciennes rigueurs (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 18) : 58. Je suis dans la plus mortelle inquiétude de M. de Fontanes. La France perdrait en lui le dernier talent qu'elle possède, et moi un ami comme il n'y en a plus.
Chateaubriand, Corresp. gén.,t. 2, 1789-1824, p. 213. Rem. On peut considérer aussi ce compl. comme le compl. d'obj. indir. d'un verbe trans. Parler de qqn, de qqc., penser qqc. de qqc. ou de qqn, être d'accord de/sur qqc. (obj. unique, ou obj. second dans le cas de verbes trans. à double constr. dir. et indir.). Ne vous a-t-on jamais parlé de cette femme autrefois qui vivait seule dans les roches du Géyn? (Claudel, Annonce, 1948, p. 135). b) Gallicismes ♦ Dire d'un, puis d'un autre (cf. Grev. 1969, § 922, 7o). ♦ Et ainsi de nous : 59. Il se souvenait de son frère Georges, − de celui que les Tahitiens appelaient Rouéri, qui avait emporté de ce pays d'ineffaçables souvenirs, − et il sentait qu'il en serait ainsi de lui-même.
Loti, Le Mariage de Loti,1882, p. 73. Rem. Pour les verbes de sentiment, la distinction est délicate entre l'obj., ou la cause du sentiment. Être désespéré de « de, par ou à cause de ». c) Subst. + de.De signifie « qui traite de ». − [Dans le domaine de la pensée] Je suis au collège. J'ai quinze ans. Je résous avec patience mon problème de géométrie (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 265) : 60. − Allons! Qu'as-tu à me dire? Cela ne te ressemble pas de tourner autour du pot.
Je me lance, très satisfait de ce compliment indirect.
− Papa, il faut que je vous avoue une chose : dans l'affaire du placard, nous sommes tous solidaires.
H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 174. − [Dans le domaine de la parole, de l'écriture, en parlant du contenu d'un ouvrage] Un livre de souvenirs; un traité du coup d'État (Camus, Caligula,1944, I, 2, p. 12) : 61. ... c'était sur les ouvrages de médecine laissés dans l'armoire, qu'elle passait des journées entières, les yeux élargis par le besoin d'apprendre...
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 854. − Au fig. Une lettre d'aveux, d'injures. − P. ell. De + contenu d'un ouvrage (dans l'énoncé du titre, elliptiquement pour chapitre, livre qui traite de...).De l'Allemagne (Staël); De l'Amour (Stendhal). 6. [La condition préalable est un moyen à partir duquel une chose a ou peut avoir lieu] De marque le moyen, l'instrument ou l'intermédiaire. Il signifie « à l'aide de » et entre en concurrence avec par et avec. a) [Le compl. désigne une pers.] De signifie « par l'intermédiaire de; par le truchement de; avec l'aide de; par l'entremise de; avec le concours de; grâce à, etc. » − Loc. verbale. Faire qqc. de qqn (cf. supra point de départ d'une transformation).Au fig. Payer de sa personne (cf. aussi infra les compl. de manière). b) [Le compl. désigne une partie du corps] .
− Verbe + de ♦ Verbes d'action. Travailler de ses mains. Une grande vilaine bête, lourde à soulever des genoux (Hamp, Marée,1908, p. 25).Du pouce et de l'index [il] éjecta le mégot à distance appréciable (Queneau, Pierrot,1942, p. 8).Il m'a regardé de ses yeux clairs (Camus, Étranger,1942, p. 1126) : 62. Dans sa hâte, elle s'était embarrassée, elle tâtonna, de la main gauche, pour saisir la rampe, qui trembla un peu.
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 2. Loc. verbales exprimant le moyen et la manière, souvent au fig. Cligner de l'œil, effleurer du doigt, faire non de la tête, frapper du pied, jouer des coudes, montrer du doigt, partir d'un bon pied, pousser du coude, se lever du pied gauche, voir d'un bon œil; chercher qqn des yeux, écouter d'une oreille, foudroyer qqn du regard, lacérer qqc. de ses griffes, suivre des yeux, etc. ♦ Verbes d'état : 63. − Ainsi parlant, elle frappa la terre du pied et tomba suspendue des deux bras à deux tiges penchantes qui s'inclinèrent et se relevèrent sous elle, en semant ses cheveux des débris de leurs fleurs parfumées.
Nodier, Trésor des fèves et Fleur des pois,1833, p. 46. c) [Le compl. désigne une chose] De sa dot j'achèterais les bois de la Falsetta (Mérimée, Colomba,1840, p. 63).Si du bout de mon gant je gratte le givre de vos carreaux, en une seconde ce sera Saint-Nicolas partout en Allemagne (Claudel, Soulier,1929, 3ejournée, 1, p. 769) : 64. Une colonie de petites hirondelles grises avaient, à l'intérieur, tapissé de leurs nids les parois du rocher; elles voltigeaient par centaines, un peu surprises de notre visite, et s'excitant les unes les autres à crier et à chanter.
Loti, Le Mariage de Loti,1882, p. 125. − [Pour exprimer un moyen de subsistance] Vivre de, dîner de, se nourrir de + subst.; avoir de quoi boire, de quoi manger, de quoi vivre. Je mangeais d'un pâté de Chartres, qui seul ferait aimer la patrie (A. France, Bonnard,1881, p. 325). ♦ Au fig. Je n'ai vécu que de Bach et de Mozart, de Haendel et de Couperin (Duhamel, Cécile,1938, p. 72) : 65. Là dort dans son espoir celle dont le sourire
Cherchait encor mes yeux à l'heure où tout expire,
Ce cœur source du mien, ce sein qui m'a conçu,
Ce sein qui m'allaita de lait et de tendresses,
Ces bras qui n'ont été qu'un berceau de caresses,
Ces lèvres dont j'ai tout reçu!
Lamartine, Harmonies,Le Tombeau d'une mère, 1830, p. 421. − [Pour préciser un instrument de mus.] Jouer de + subst. déterminé.Jouer de la flûte : 66. ... Italien de Venise, il parlait, jouait du piston, du violon et faisait des tours de force : danses de corde, sauts sur des chevaux, exercices avec des anneaux.
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 362. − [Pour indiquer un matériau de fabrication] Dans son berceau fait de chêne et de plomb (Dierx, Lèvres cl.,1867, p. 196).Cf. aussi matière supra B 1 a. − Locutions ♦ locutions verbales. Faire qqc. de rien (cf. supra point de départ d'une transformation).Au fig. (de + subst. abstr.).Combler de joie, s'armer de patience, se repaître d'illusions, user d'adresse, etc. ♦ locutions adj., au fig. Couvert de gloire, ivre de joie (enfer), pavé de bonnes intentions, etc. Rem. Lorsque le compl. est un subst. abstr., on peut hésiter entre la cause, le moyen et la manière. La forêt, de ses mille rumeurs printanières, le ravissait (Laforgue, Moral. légend., 1887, p. 34). d) Le compl. n'est plus senti comme moyen, mais comme obj. − [Compl. d'obj. indir. d'un verbe trans. à double constr.] Remplir qqc. de, combler, dépouiller qqn de qqc. Malheur! car ils verront le monstrueux reptile, Gonflant de noirs venins sa poitrine subtile (Barbier, Iambes,1840, p. 249).Heureux (...) et ponctuant chaque phrase du maître d' un soupir chargé de toute la nostalgie du monde (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 170) : 67. Gisèle avait paré la place de Jacques d'un bouquet de mauves, qui donnait à la table familiale un air de fête.
Martin du Gard, Les Thibault,La Belle saison, 1923, p. 904. − [Compl. d'obj. indir. second. d'un verbe pronom.] ♦ Verbe pronom. réfl. Elle se chargeait des fleurs les plus odorantes; elle s'entourait de vases pleins de syringa, de jasmin, de verveines, de roses (Borel, Champavert,1833, p. 142).S'enveloppant les épaules d'un fichu, elle le suivit (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 243). ♦ Verbe pronom. réciproque. Les adversaires (...) s'aspergent d' un vinaigre de politesses (Cocteau, Poésie crit. 2,Monologues, 1960, p. 14). ♦ Verbe pronom. passif. Vos lèvres s'irisaient de vin de Moselle (Moréas, Les Syrtes,1884, p. 21).Les bourgeois quittent leurs habits bruns ou noirs, se couronnent de pampres (Morand, Londres,1933, p. 16). ♦ Verbe essentiellement pronom. Elle s'empara du télégramme. « Oh! Émile, le petit de Renée est mort! » (Dabit, Hôtel Nord,1929p. 136). − [Compl. d'un verbe d'état ou d'un verbe passif exprimant un état] Son nez seul était privé des bienfaits de la saison et des bontés de la nature (About, Nez notaire,1862, p. 152).Il était habillé d' une jaquette de lasting, d' un pantalon noir et blanc à carreaux et d' une chemise en flanelle (Ramuz, A. Pache,1911, p. 10). − [Compl. d'un part. passé-adj. ou d'un adj.] Absent de, affecté de (qqc.), assisté de (qqn); cf. le compl. d'agent infra B 7; contraint de (faire qqc.), décoré de, détaché de, garni de, rempli de (cf. le compl. de moyen et de matière), suivi de, etc.; une épingle montée d'un diamant. Rameau rebouté, étayé d' une petite éclisse de carton (Colette, Sido,1929, p. 13).Son pied chaussé de la courte chaussette blanche (Claudel, Poés. div.,1952, p. 739). − [Compl. déterm. d'un subst. déverbal (très souvent indéterminé)] Battement de cil; coup d'archet, de bâton, de frein; crissement de pneu; échange de balles, de bons procédés; flexion du genou; inclinaison de la tête; mouvement des bras; serrement de mains; signe de tête; trait de plume, etc. Rem. Dans ces cas, le compl. n'est plus senti comme moyen (faire signe avec la tête), ni comme obj. (échanger des balles), ni comme suj. (le genou fléchit), mais comme simple compl. déterminatif. 7. [La condition préalable est un agent ou un auteur] a) [De introduit le compl. d'agent d'un verbe à la voix passive (cf. aussi les prép. à et par).] Être aimé de Dieu. − [De, plus littér. que par, sert de variante styl.] Une auberge hantée des esprits ou habitée par des voleurs (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 280).Ces pavés seront battus des pluies de l'automne (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848p. 307) : 68. Tout ce que nous avons donc remarqué de Paris à Blois, c'est que la route, quelque peu qu'elle ait duré, dura trop encore, agacés que nous sommes toujours de ce monde aride de locomotion et fort ennuyés, d'ailleurs, par la société de deux marchands de grains...
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 165. − De exprime plutôt une action intérieure, ou le résultat de l'action, l'état, la situation. L'état général ou public de société, qui est formé de plusieurs sociétés particulières ou domestiques (Bonald, Législ. primit.,t. 2, 1802, p. 74).La façade (...) noire, obscure, rongée de mites (Flaub., Par les champs et par les grèves,1848, p. 276).Pris d' une quinte de toux, il secoua la tête, se courba comme s'il allait vomir ses poumons (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 155): 69. Peut-être étiez-vous envoyé de Philogène pour m'avertir qu'elle ne pouvait se trouver au rendez-vous? Peut-être est-elle malade?
Borel, Champavert,Passereau l'écolier, 1833, p. 211. − [De se rencontre après des verbes de sentiment.] Être aimé de, respecté de, estimé de, craint de (qqn). Touché des malheurs de son neveu, l'oncle Monetti promit d'améliorer sa position (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 61).Carpaccio, nous disent les historiens, fut pleuré de ses concitoyens (Barrès, Barbares,1888, p. 197) : 70. ... nous arrivâmes à Roosendaal, où nous quittions la Belgique pour entrer en Hollande. Je ne saurais vous dire combien j'ai été charmé de la politesse, je dirai plus, de l'exquise courtoisie des douaniers hollandais; ...
Du Camp, Hollande,1859, p. 4. − [De se rencontre après des verbes de perception, d'intelligence, de volonté.] Être vu, entendu, su, connu, compris, ignoré, oublié de (qqn). J'embrassai par la fenêtre sa petite main qu'elle me tendait, et l'incident passa inaperçu du public (Loti, Mariage,1882, p. 220).Les monologues de celui-ci [Montaigne] n'ont pas été ignorés du prince Hamlet (Valéry, Variété V,1944, p. 221). − [De est fréquent avec des verbes d'accompagnement marquant une situation (d'où l'emploi courant du part. passé-adj.).] Accompagné de, entouré de, précédé de, suivi de, etc. Quantité de marins du bord étaient entrés dans les cases tahitiennes, entourés de bandes joyeuses de jeunes femmes (Loti, Mariage,1882p. 188) : 71. Les Horseguards en tuniques d'or, précédés du grand timbalier aux bras croisés, se rendaient de leur caserne à Buckingham Palace, les jours de gala.
Morand, Londres,1933, p. 123. − [De peut introduire un compl. désignant une chose.] Un refus pur et simple, un « non » péremptoire et de nulle explication accompagné (Claudel, Part. midi,1906, p. 983).D'une autre pièce, un cri du gosse vint jusqu'à eux, suivi des confuses paroles de la mère qui s'efforçait de le calmer (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 331).Un article accompagné de nombreux documents photographiques (Duhamel, Cécile,1938, p. 50). − [Le compl. peut être une idée; le verbe est alors employé au fig. ou est un verbe de sentiment et le subst. n'est pas toujours déterminé] Être accablé de soucis, pénétré de bonheur, pris de fièvre, saisi de crainte, etc. Cependant mon père fut atteint d' une maladie qui le conduisit en peu de jours au tombeau (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 420).Amélie accablée de douleur, étoit retirée au fond d'une tour (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803p. 421).Brisé de tant d'émotions contraires (Laforgue, Moral. légend.,1887, p. 120) : 72. C'est alors que « M. Pascal le jeune, se trouvant à Paris, fut touché du désir de le voir, et il eut la satisfaction de l'entretenir aux Minimes, où il avait eu avis qu'il pourrait le joindre... »
Valéry, Variété II,1929, p. 11. Rem. Le compl. devient dans certains cas un simple compl. d'obj. indir. ou un compl. de l'adj. Je suis accablé de soucis par ma charge (M. Arrivé ds Fr. mod. no32, 1964, p. 245, note 5). − Plus rarement, [de introduit le compl. d'un verbe pronom. réfl. de sens passif.] Elle [la nappe grise] se piqua de points aveuglants (Bernanos, Imposture,1927, p. 482).Depuis vingt ans il appliquait son intelligence à se faire aimer des hommes en les justifiant (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 209) : 73. On raconte que Léonard (...) prenait plaisir à se laisser charmer (...) des aspects touchants ou sublimes que la nature offre à chaque pas dans sa chère Lombardie.
Stendhal, Hist. de la peint. en Italie,t. 1, 1817, p. 234. 74. − Dans toutes ces boissons, dit-elle, continuant son épais marivaudage, il faut de la poudre de mandragore. Moi, je peux me faire aimer de qui je veux, car j'ai un mandragore.
Radiguet, Le Bal du Comte d'Orgel,1923, p. 46. − Emploi du part. passé-adj. (l'agent est encore senti). Ô le petit corps dévoré de pustules (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 198).Ses deux arpents de vigne attaqués du mildiou (Hamp, Champagne,1909, p. 112) : 75. En vieille blouse grise, chaussé de sabots, le prêtre bêchait lui-même un carré de choux; et, le visage tanné par l'air âpre de la mer, la nuque brûlée de soleil, il ressemblait à un vieux paysan, courbé sur la terre dure.
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 990. Rem. De est couramment employé a) Dans des ,,expressions de caractère locutionnel`` (Wagner-Pinchon 1962, p. 463). Il est aimé de tout le monde (Ac. 1798). Il est respecté de tous (Ac. 1835-1932). b) Dans des loc. adj. figées. Piqué des vers, mangé des mites, battu des vents. Battus de tous les vents, (...) nous sommes, nous passons dans une crise (Péguy, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 808). b) P. ext. [De introduit le compl. d'un part. passé en fonction adj. (le compl. d'agent n'est plus senti comme tel, il s'agit de part. d'un verbe d'état, c'est le simple compl. de l'adj.).] Couvert de, entouré de, rempli de, etc. Une route bordée de gros arbres (A. Daudet, Arlésienne,1872, I, tabl. 1, 1, p. 363).L'école du docteur Cogan était une vieille maison couverte de lierre (Maurois, Disraëli,1927, p. 21).Tous les miliciens étaient pointillés de soleil (Malraux, Espoir,1937, p. 600) : 76. Il avait les bras chargés des objets les plus divers, pour chacun desquels il cherchait, d'un œil perplexe, une place appropriée.
Martin du Gard, Les Thibault,Le Pénitencier, 1922, p. 753. − En partic., lorsque le part. passé-adj. est pris au sens plein ou au fig. Il proposait des promenades, dont on rentrait grisé de grand air (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1026).Son cœur pétri de durs souvenirs se gonflait de chagrin (Guèvremont, Survenant,1945, p. 102).Cf. aussi pénétré de bonheur/pénétré par la fraîcheur; épuisé de fatigue/épuisé par le chagrin; transi de froid/ transi par le froid. Rem. Le compl. peut exprimer a) La cause. Il éleva légèrement le bras droit, stupéfait du silence qui continuait à l'entourer (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 182). La tête renversée, je n'aperçois aucun des oiseaux enivrés de leurs propres roulades (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 108). b) Le moyen ou la manière. Chaussé de neuf et ganté de clair (Courteline, Linottes, 1897, I, p. 163). c) [De introduit un compl. déterminatif précisant l'auteur d'une œuvre littér. ou artistique.] Un nocturne de Chopin. La toile fameuse du Greco, « l'Enterrement du comte d'Orgaz » (Barrès, Greco,1911, p. 6).La foule reflue vers le grand autel baroque du Bernin (Green, Journal,1935, p. 10); cf. aussi infra C 5 appartenance) : 77. ... les idylles de Théocrite, les bucoliques de Virgile, les pastorales de Gessner, sont entre elles dans les mêmes rapports que les épopées d'Homère, de Virgile et du Tasse.
Bonald, Législ. primitive,t. 2, 1802, p. 212. − Spéc. [De introduit un compl. désignant l'auteur d'une action.] Subst. déverbal subjectif + de.Le retour d'Ulysse. 8. [La condition préalable est une cause, un motif; lorsque le compl. est un subst., celui-ci est souvent indéterminé] a) [Le compl. est un subst.] − [non déterminé] ♦ Verbe + de.Pleurer de joie, mourir de soif (Dub.). Voilà une terrible lettre politique. Je l'ai écrite de colère (Chateaubr., Corresp.,t. 2, 1789-1824, p. 246).Haussant les épaules de dédain, il lacéra et jeta au feu tous ses livres (Borel, Champavert,1833, p. 230).Sur une marche de Soho Square, s'assit Quincey défaillant de faim, tandis qu'Anne courait lui chercher un cordial (Morand, Londres,1933, p. 189) : 78. Pour délirer de joie, il me suffisait de contempler les gravures en couleurs qui ornaient les couvertures. Buffalo Bill, à cheval, galopait dans la prairie, tantôt poursuivant, tantôt fuyant les Indiens.
Sartre, Les Mots,1964, p. 180. ♦ Loc. verbale. C'est de ma faute. Synon. arch. et affecté (et dans la langue liturgique) c'est ma faute. ♦ En partic., en début de phrase (le compl. est inversé). De désespoir, il [Jack] la laissait pendre [sa main] à côté de lui (A. Daudet, Jack,t. 2, 1876, p. 159) : 79. Tchen commença à courir. « Au voleur! » cria l'antiquaire. Des marchands parurent. Tchen comprit. De rage, il eut envie de s'enfuir avec cette plaque, de la lancer n'importe où.
Malraux, La Condition humaine,1933, p. 308. ♦ Part. passé ou adj. + de.Accablé de, content de, fier de, malade de, soucieux de (en partic., avec les adj. exprimant un sentiment). Le pauvre garçon était confus de tant de bontés (About, Nez notaire,1862, p. 169).Je suis ravi de ta bonne santé (Hugo, Corresp.,1868, p. 113).On voit sous la table, ses pieds nus, noirs de crasse et de boue (Pagnol, Marius,1931, I, 1, p. 10) : 80. Or mon petit bonhomme ne me semblait ni égaré, ni mort de fatigue, ni mort de faim, ni mort de soif, ni mort de peur.
Saint-Exupéry, Le Petit Prince,1943, p. 414. Rem. Souvent le compl. fait corps avec l'adj. et la valeur causale (p. ex. le motif du sentiment) n'est plus sentie. Le soleil caresse la terre, toute rose de bruyères fleuries (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 294). Et, fort de sa raison, il demanda avec énergie : − Que peut-on répondre à cela? (A. France, Anneau améth., 1899, p. 260). Quelle est la douleur des ténèbres dans l'être frappé de cécité! (Milosz, Amour. initiation, 1910, p. 60). − [déterminé] ♦ Verbe + de.Il [le Camarade] dit que s'il boit, c'est du chagrin de ne pas trouver d'ouvrage (A. Daudet, Jack,t. 2, 1876, p. 266).Un camarade meurt de la poitrine (Green, Journal,1949, p. 247) : 81. Et, encore une fois, ne m'en veuillez pas plus de mon incroyance que je ne vous en veux de votre croyance. Ne pas avoir le même chimisme cérébral n'a jamais empêché deux hommes de cœur de s'aimer et de s'estimer...
Bourget, Le Sens de la mort,1915, p. 58. ♦ Adj. verbal + de.J'étais là (...) pâle de fatigue, l'oreille saignante du coup que m'avait donné le guide (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1582) : 82. Lazare ne douta plus, c'était fini. Alors, défaillant, il s'assit au bord de la table, il attendit au fond de cette ombre, sans savoir ce qu'il attendait, les oreilles sonnantes du grand silence qui venait de se faire.
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 978. ♦ Adj. qualificatif + de (notamment s'il exprime un sentiment, une émotion).Elle [la pension Vauquer] est cossue, elle est belle de son abondance, elle est fière d' être le manoir momentané d'un Rastignac (Balzac, Goriot,1835, p. 171).Le père est inconsolable du départ de son fils (Claudel, Sagesse,1939, p. 1107) : 83. Lorsqu'il rentrait avec Louise, elle les forçait à raconter leur promenade, heureuse de leur animation, du grand air qu'ils rapportaient dans leurs cheveux.
Zola, La Joie de vivre,1884p. 935. − [Le compl. est un pron. pers.] Elle est partie hier. Suis-je pas triste d'elle? (Laforgue, Poésies compl.,1887, p. 86). b) [Le compl. est un verbe] De signifie « par le fait que; du fait que ». − [En compl. d'un verbe conjugué] Remercier qqn d'avoir fait qqc. (cf. aussi supra le compl. de propos « au sujet de »).Ortègue étouffait de se taire (Bourget, Sens mort,1915, p. 259).La passion de l'individu s'avive de se sentir ainsi attenante à des milliers de passions semblables à elle (Benda, Trahis. clercs,1927, p. 13). ♦ [Il complète le sujet] Il [le marquis] ne se permettait jamais de dicter une dépêche sans avoir revêtu le costume brodé (...). Il eût cru manquer de respect d' en agir autrement (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 15). ♦ [Il complète l'objet] :
84. Les filles du chenal boudaient ostensiblement le Survenant de s'être dérobé, la veille, à la visite du jour de l'an ainsi qu'aux compliments d'usage et aux doux baisers.
Guèvremont, Le Survenant,1945, p. 120. Rem. Le tour littér. de + inf. temp.-causal (gérondif) est très vivant. − De + inf. compl. d'une loc. verbale.Avoir honte de, avoir pitié de, avoir de la peine de (faire) qqc. ♦ [En appos. du suj. ou de l'obj.; la mise en relief peut être produite]
α) [par la virgule.] Ils avaient faim, d' être allés si loin à pied (Zola, Germinal,1885, p. 1216).
β) [par l'antéposition, principalement en début de phrase (style littér.); souvent repris par ce ou cela; cet infinitif est senti également comme un suj. réel (cf. infra l'inf. suj. introduit par de; de signifie « le fait de »).] ♦ Loc. causales Rien que de + inf.[Pour énoncer un fait particulier] (cf. infra de + inf. suj., repris par ce ou cela).Loin de + inf.Loin de lui en vouloir, je ne l'en aime que davantage, d' avoir eu un si noble soin de sa dignité (Péladan, Vice supr.,1884, p. 36). − De + inf. compl. d'un verbe d'état ou d'un part. passé-adj.;de indique la cause : 85. Encor tout interdit d'être ainsi pauvre et nu, (...)
Encor tout engourdi d'être ainsi remembré, (...)
Encor tout alourdi d'être réintégré, (...)
Péguy, Ève,1913, p. 753. ♦ [De ce que (du fait que) introduisant une prop. sub. causale, après des verbes ou des loc. verbales exprimant un sentiment.] Il dit qu'il s'étonne beaucoup de ce que l'on verse ainsi tant de pleurs, pour un acte d'une telle insignifiance (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 310). Rem. Le mode subj. exprime l'état subjectif du fait envisagé, tandis que l'indicatif énonce son aspect réel. c) De introduisant un inf. suj.;de signifie « le fait de », en parlant d'un fait particulier, ce tour littér. est assez répandu (cf. infra II B 1). C.− De marque une circonstance qui précise (et parfois conditionne) une modalité d'existence ou d'action. 1. La modalité est un moment du temps; de précise le moment où se déroule l'action. De jour, de nuit, de bon matin, de grand matin, de bonne heure, de suite (vx, région. ou fam.) « tout de suite », d'abord, de prime abord, d'emblée : 86. Nous rentrions de nuit à Londres, aux rayons défaillants des étoiles, submergées l'une après l'autre dans le brouillard de la ville.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 90. − P. ext. [Pour exprimer la date, l'époque, le moment, l'heure, etc. (la question correspondante est de quand?)] Le grand silence de deux heures du matin; le coup d'État du Deux Décembre. Sauter dans le train de cinq heures trente-sept (H. Bazin, Vipère,1948, p. 203). 2. La modalité est une mesure, une évaluation (nombre, quantité, poids, dimension, âge, mensuration, distance, prix, etc.), la question correspondante est de combien? a) Adj. + de + nombre.Long de, large de, haut de, profond de, âgé de, etc. Un cailloutis en cuvette, large d' une toise (Balzac, Goriot,1835, p. 8).La prise de cinquante centimètres nécessaire à lever la canne longue d' un mètre soixante mettait leur figure à rôtir (Hamp, Champagne,1909, p. 82). b) Subst. + de + nombre. − Subst. abstr. ou concr. Une largeur de deux pieds et demi; une longueur de quarante arpents. Dans l'intervalle de deux ondées (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 302).À l'allure de cinq kilomètres par jour (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 323). Rem. À peut entrer en concurrence avec de, p. ex. dans l'expr. du prix, de la valeur marchande. Un timbre de/à quatre-vingts centimes. ♦ [Âge.] Un fœtus de six semaines; des petits garçons de dix ans. Il n'y a rien de plus poétique, dans la fraîcheur de ses passions, qu'un cœur de seize années (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 419).Le bon vermicellier de soixante-deux ans qui ne paraissait pas en avoir quarante (Balzac, Goriot,1835, p. 38). ♦ [Mensuration.] Un beau colonel de cinq pieds six pouces; un col de dix centimètres. ♦ [Poids.] Pain de deux livres; une rascasse de deux kilos. ♦ [Capacité, contenance.] Un foudre de dix hectolitres. ♦ [Durée.] Une absence de cinq semaines; une période géologique de plusieurs millions d'années : 87. Depuis 1821, j'étais étroitement uni de cœur avec Lamartine. Cette amitié de cinquante ans subit aujourd'hui l'éclipse momentanée de la mort.
Hugo, Correspondance,1869, p. 173. ♦ [Nombre, pluralité.] Les ossements de cinq millions d'hommes; une ville de trente mille âmes; des tirages de deux cent mille exemplaires. ♦ [Longueur.] Une grande lettre de quatre pages. ♦ [Valeur, estimation.] Une robe de cinquante-trois francs; un appartement de cinq mille francs; une pièce de cinq francs; un chèque de cinq mille francs; un diamant de quatre carats. − Au fig. [Pour exprimer une intensité] :
88. − Où donc est-il allé, ce chinois-là? dit Madame Vauquer en plaçant les assiettes.
− Est-ce qu'on sait? Il fait des trafics des cinq cents diables.
Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 51. c) Nombre + de + subst. − [Durée.] Douze heures de route; deux années de médecine; dix ans de patience forcenée; cinq ans de prison : 89. Toutes les capitales du monde ont leur jour de liesse ou leur nuit de folie : la semaine du Carnaval à Rio de Janeiro; les trois jours de la San-Pedro à Mexico; la nuit du Nouvel An à New-York et à Pékin...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 246. − [Longueur.] Un kilomètre de chemin de fer. − [Prix.] Vingt-cinq francs de pourboire. − En partic. ♦ [Pour exprimer une quantité, une pluralité; cf. aussi infra l'appartenance] Une quinzaine de siècles. Rem. De remplace l'art. indéf. plur. des devant un adj. plur. Des enfants, de bons enfants (cf. des, de3). ♦ [Pour exprimer la distribution, la proportion; de peut entrer en concurrence avec par ou avec une simple juxtaposition] Vingt francs de l'heure/par heure/l'heure; gagner tant de l'heure, de la journée, de la semaine. Trois fois du jour notre table se chargeait de mets fort délicats (Milosz, Amour initiation,1910, p. 78).Je le voyais deux ou trois fois de la semaine (Milosz, Amour initiation,1910p. 220). Rem. La langue parlée emploie la constr. dir. ,,Cela vous reviendra à cent francs le kilo`` (Wagner-Pinchon 1962, p. 460). Et comment ferai-je, à dix mètres du sol, et à cinq cent trente kilomètres-heure, pour vous repérer les positions? (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 269). ♦ [Pour exprimer une différence numérique, p. ex. dans l'espace, dans le temps, dans la quantité ou l'intensité] Il avait vieilli de six ans; il allongeait son chemin de deux lieues; s'amoindrir d'un degré; être en retard de cinq minutes; il s'en écartait de deux mètres. Tout à l'heure, nous étions trop de deux; maintenant nous ne sommes pas assez d'un (Dumas père, Reine Margot,1847, I, 2, p. 5) : 90. Je navigue à sept cent cinquante mètres d'altitude sous le plafond de lourds nuages. Si je m'élevais de trente mètres, Dutertre, déjà, serait aveugle.
Saint-Exupéry, Pilote guerre,1942p. 335.
α) [Une différence exprimée en fraction, en pourcentage] Je ne veux pas vous augmenter mes prix de cinquante pour cent. Cette année je hausse de cinquante centimes par bouteille (Hamp, Champagne,1909, p. 176).À 5.000 m., la pression de la colonne d'air a déjà diminué de moitié (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 23).
β) [Après un adj. au comparatif ou à sens comparatif.] Il est mon aîné de deux ans (cf. aussi supra A 7 la comparaison).Part. passé-adj. + de.[Souvent l'adj. est à la forme comparative] Plus âgé de deux ans. Défigurés, vieillis de quinze ans, elle pire qu'à écouter du Beethoven, lui pire que sur le parapet pour l'attaque, ils ne se fussent pas reconnus dans la rue (Montherl., Songe,1922, p. 208).
γ) [Avec un superl. rel.] L'U.R.S.S. se trouvait alors avoir l'armée de beaucoup la plus forte d'Europe (Goldschmidt, Aventure atom.,1962, p. 58).Subst. déverbal + de.Le prix : sept francs cinquante gare Reims, l'étonna par cette augmentation de cinquante centimes (Hamp, Champagne,1909, p. 176) : 91. La mère expliqua que le mariage ne pouvait avoir lieu avant deux ans (...). Ce délai de deux ans consterna Pauline; ...
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 874. ♦ Loc. adv. de quantité. De combien? de peu, de beaucoup, d'autant; il s'en faut de beaucoup (cf. beaucoup III ex. 40 à 43). ♦ Loc. prépositives dans l'expr. de la compar. Plus de « plus que »; moins de « moins que »; Ils étaient plus de dix. 3. La modalité est une destination habituelle ou occasionnelle d'une pers., d'un animal ou d'une chose (but, fin, usage); de signifie pour et introduit un compl. déterminatif (cf. aussi caractérisation, genre, espèce, qualité, etc.). − Subst. + de + subst. (presque toujours indéterminé). a) Pour qqn (destination attributive, de « à »; « pour »). Elle se bat en duel sous les réverbères pour le sonnet d'Uranie contre le sonnet de Job (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 5).L'action a pour cadre une institution de jeunes filles (Breton, Nadja,1928, p. 36). b) Pour qqc.
α) Destination locale. La salle de réunion, la salle des expositions. On devrait l'appeler salle des beaux-arts (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 15). ♦ Spéc. [Pour indiquer la destination, la direction, le lieu où l'on va] Le train de Paris. Synon. moins équivoque le train pour Paris (pour éviter l'ambiguïté entre la provenance et la destination); l'autoroute du Sud; la ligne de Cherbourg.Nous nous disposâmes pour notre expédition du Finistère dont nous devions parcourir la côte à pied jusqu'à Brest (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 301).S'ils n'ont pas trouvé la route du Cathay, ils ont découvert des terres nouvelles, couvertes de forêts (Morand, New York,1930, p. 8) : 92. ... n'avait-il pas vu en 1064 son compatriote Èble de Roucy prendre avec la chevalerie française de l'est le chemin des Pyrénées pour aller chasser les Arabes de l'Aragon?
Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 2.
β) Destination professionnelle. Les deux employés de bureau qui ont trop « pensé » à mille théories (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 120).M. Justin Baslèvre, rédacteur au ministère du Commerce (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 3).
γ) Destination temporelle. Et un pardessus de demi-saison de la forme dite raglan (Duhamel, Cécile,1938, p. 189).Cf. supra compl. déterminatif de temps : 93. On dit que l'insurrection [de mai 1839] a gagné la Porte-Saint-Martin. Je sors, je suis les boulevards. Il fait beau. La foule se promène dans ses habits de dimanche.
Hugo, Choses vues,1885, p. 6. ♦ P. ext. Circonstance. C'est jour de liesse et de réjouissance (Du Camp, Hollande,1859, p. 177).Il y avait les jours de foire, les jours de fête, et les vendanges (Triolet, Premier accroc,1945, p. 356).Cf. infra compl. déterminatif de qualification : 94. Il illustrait volontiers les événements de notre famille et de l'Université par des œuvres de circonstance : vœux de nouvel an, d'anniversaire, compliments aux repas de mariage, discours en vers pour la Saint-Charlemagne...
Sartre, Les Mots,1964, p. 115. 4. La modalité est une manière d'être ou de se comporter. [Le compl. de + subst. ou pron. est souvent indéterminé, notamment dans des loc. verbales ou adv. au fig.; il correspond à un adv. ou au gérondif, p. ex. accepter de bon cœur « volontiers, en étant d'accord, avec joie »] a) Verbe + de.[Souvent avec des verbes indiquant une expr. du visage, ou avec des verbes de déclaration] − [Très souvent le subst. compl. est indéterminé, issu d'une loc. adv. anc.] De gré, de force, de droit, de fait, d'estoc et de taille (vx), de bon gré, de bonne foi, de gaieté de cœur, etc. Avant de retourner chacun à leur affaire, ils allèrent de compagnie déjeuner frugalement (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 45) : 95. − Ce que je me moque d'eux, après tout! dit-elle. La petite n'a pas dix-huit ans, c'est vrai; mais je n'ai qu'à la marier tout de suite avec Lazare, le mariage émancipe de plein droit.
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 881. − Loc. verbales agir de concertciter de mémoirecouper de biaisavaler de traversparler d' abondancepleurer de plus bellealler de pairrevenir de compagnievirer de bordrépondre de sang-froidtravailler d' arrache-piedsaluer du bout des lèvresrépondre du tac au tacaccepter de grand cœurêtre de bonne humeurmanger de bon appétitfaire qqc. de bonne grâceprendre une chose du bon côtéperdre qqn de vuefrapper du piedparler du nezboire d' un traitfranchir d' un bond, etc. − Au fig. se lever du pied gauchevoir qqc. d' un bon œiljouer des coudesfaire des pieds et des mains, etc. − Loc. adv. (cf. infra III de formateur de locutions) d' embléede plain-piedde plein gréde nouveauderechef, etc. − [Compl. circ. de manière d'un verbe d'action.] J'ai vu celle qui affronta l'échafaud d' un si grand courage (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 234).Traversons d' un pas rapide la grande galerie du Musée Napoléon III (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 3) : 96. ... et quand le silence fut venu, il se mit à crier les nouvelles de toutes ses forces, de la voix d'un charretier qui encourage ses chevaux dans une côte.
Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 8. − [Compl. circ. de manière d'un verbe d'état :] 97. Le docteur habitait aux environs et se montrait de bon conseil. Il entreprit d'examiner le petit garçon, ce qui n'allait pas sans peine.
Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 256. b) Part. passé-adj. + de (+ le compl. de l'adj.).Faits inventés de toutes pièces (Montherl., Malatesta,1946, I, 4, p. 441). c) Loc. verbales où le compl. de moyen est devenu un compl. de manière. Le cheval au poil luisant, martelant du sabot sur le pavage uni (Hamp, Champagne,1909, p. 226).Des gueux gardent une place en battant de la semelle (Morand, Londres,1933, p. 242).Un coup d'œil jeté sur le massif de rosiers me fit découvrir Folcoche en train de jouer du sécateur (H. Bazin, Vipère,1948, p. 171). d) Compl. de manière dit « figure étymologique » ou « obj. interne » qui qualifie l'action du verbe par un subst. déverbal (ou ayant la même racine sémantique que le verbe).
α) [Compl. de verbe.] C'était de cette mort que sa mère allait mourir (Zola, Joie de vivre,1884, p. 958).Le titre que le Gallic avait écrit en tête, de sa haute écriture d'homme de main qui va droit devant lui (Bourget, Sens mort,1915, p. 190).Je vois, mon cher garçon, que tu m'écoutes d'une oreille assez favorable (Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938p. 102): 98. Après avoir lu ce vieux poème, toujours vivant, répété chaque année, depuis quatorze siècles, dans toutes les églises de France, qui s'y reconnaissent, il [Briand] saurait de science certaine ce que l'édifice religieux représente dans la doctrine catholique...
Barrès, La Grande pitié des églises de France,1914, p. 53.
β) [Compl. d'adj. :] 99. Les collines, sous l'avion, creusaient déjà leur sillage d'ombre dans l'or du soir. Les plaines devenaient lumineuses mais d'une inusable lumière : dans ce pays elles n'en finissent pas de rendre leur neige.
Saint-Exupéry, Vol de nuit,1931, p. 81. e) Loc. adv. de manière. D'habitude, de coutume, d'usage, d'avis, etc. (cf. infra III de formateur de locutions). − Spécialement
α) [Pour exprimer la spontanéité] De + pron. pers. réfl. ♦ De soi-même, de lui-même. De sa propre initiative, de son propre mouvement. Agir de soi-même : 100. Elle y revint plusieurs fois, jusqu'à ce que le pays lui fût devenu si familier qu'elle s'y replaçait d' elle-même sans fatigue, rien qu'en fermant les yeux.
Bernanos, Un Mauvais rêve,1948, p. 986. 101. (... ah! plus que le berceau, c'est le cœur battant du tendre petit bébé qui lui communique sa pulsation!) Il naît une mélopée à laquelle viennent s'adapter comme d' elles-mêmes d'humbles paroles.
Claudel, Poésies diverses,1952, p. 739. ♦ De soi. Par sa propre vertu, naturellement (en parlant de choses). Cela va de soi. Cela va sans dire. C'est une chose évidente de soi Qu'on doit permettre aux gens leur plaisir, quel qu'il soit (Augier, Ciguë,1844, I, p. 13).Il va de soi que le plan anglais est inacceptable (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 641).
β) [Pour exprimer la conformité] De signifie « suivant, selon, d'après, conformément à ». De son propre aveu, il ne comptait jamais les gouttes (Mauriac, T. Desqueyroux,1927, p. 172). ♦ Loc. diverses. de l'avis de tousc'est de son consentementce qui est de mon devoircela est de mise, d' usage, de rigueuril est de fait queêtre de l'avis de qqncela n'est pas de mon goût, etc.
γ) [Pour exprimer une limitation, un point de vue restrictif] De signifie « seulement au point de vue de, sous le rapport de, du côté de, sous l'aspect de ». ♦ Adj. + de.Adj. + de + une partie du corps.Et ce visage si aminci du bas! (Laforgue, Moral. légend.,1887, p. 192).Soudain il vit Prinet, en avant, très reconnaissable de dos (Montherl., Songe,1922, p. 132).Très adroite de ses mains (Gide, Si le grain,1924, p. 388) : 102. ... Angélina trouva qu'il avait bonne mine. À la fois sec et robuste de charpente, droit et portant haut la tête, pareil à un chêne, il avait ce bel équilibre de l'homme sain, dans toute la force de l'âge.
Guèvremont, Le Survenant,1945, p. 37. Au fig., loc. fam. ou pop. Nous le voyons déjà parti du ciboulot! (Pagnol, Fanny,1932, I, 1ertabl., 3, p. 17).Adj. + de + une partie d'obj.L'arbre qu'on rencontre dans les vieilles bibles, sec de feuillages, gros de branches et de tronc (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 177).Des verres en cristal à pied court, plus étroits de bord que de fond (Hamp, Champagne,1909, p. 175).Ses souliers bas, à boucles d'acier, très épais de semelle (Hamp, Champagne,1909p. 227).P. ext. De signifie « quant à, en ce qui concerne » (cf. au sujet de, la matière d'un propos, supra B 2).♦ Verbe + de + subst.Je suis toujours assez mal de santé (Mérimée, Lettres duch. de Castiglione,1870, p. 37).De profil, je me connais mal et, de dos, pas du tout (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 8) : 103. Comme un poulain en liberté le regard galopait dans la campagne et se roulait sur l'herbe fraîche. À mesure que nous avancions, des pierres disséminées sur le sol augmentaient de nombre et de grandeur, et détachaient leurs formes inégales parmi les bouquets d'ajoncs jaunes.
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848p. 302. 5. La modalité est une appartenance. a) Possession, dépendance. − [Le compl. déterminatif est déterminé]
α) [Le possesseur est une pers., un groupe ou un être animé déterminé.] ♦ de + subst. concr. (nom propre ou nom commun).Elle est là, dans la chambre de Bébé, avec Madeleine (H. Bataille, Maman Colibri,1904, IV, 8, p. 30).Vous décider à envoyer ma sœur à Mirosménil, ou même à Limeuil, prendre l'air du printemps et boire le lait de nos vaches (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 1ertabl., 1, p. 1572).Nos amis recueillaient les grandes paroles simples de leur concierge, du facteur, du plombier, et nous les rapportaient (Sartre, Mots,1964, p. 174) : 104. Ne sommes-nous pas, d'ailleurs, dans le pays des chevaliers de la Table ronde, dans la contrée des fées, dans la patrie de Merlin, au berceau mythologique des épopées disparues?
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 355. 105. Des bols de ce perpétuel lait de malade apparurent aussi dans les mains de Christine, entre ses deux mains à lui, sur sa table de nuit, exactement comme pour sa mère. Mais on lui présentait ce lait froid, presque glacé.
Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 379. ♦ de + subst. abstr.Il y a une chose sur laquelle je n'admets pas qu'on transige... l'honneur de la famille (H. Bataille, Maman Colibri,1904I, 2, p. 5).Je sais que la distraction est un privilège du monde scientifique (Duhamel, Cécile,1938, p. 96).
β) [Le possesseur est une chose.] Oh! quel cœur si mal fait n'a tressailli au bruit des cloches de son lieu natal (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 420).Le garde-manger, au-dessous duquel tombent les eaux grasses de l'évier (Balzac, Goriot,1835, p. 9).Suivre les cours qui amusent, inventorier les richesses des musées (Balzac, Goriot,1835p. 40): 106. Ferdinand! jeta Folcoche par l'entrebâillement de la porte, ton père t'attend dans son bureau. Allons! plus vite que ça!
H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 165. Rem. Cf. aussi les noms composés concr. ou abstr. formés avec de. Pièces de monnaie, action de grâce(s), épingles de sûreté, etc. − [Le compl. déterminatif n'est pas déterminé (de marque la caractérisation, la qualification)] Une respiration courte et pressée de soufflet de forge (Zola, Joie de vivre,1884, p. 865).Christie's vend des tableaux de maîtres, l'argenterie de famille, les bijoux rares (Morand, Londres,1933, p. 210). − Spécialement
α) [La modalité est une relation familiale ou sociale.] Fils de, descendant de, disciple de, etc. (de marque les liens du sang, de l'amitié, du devoir, des conventions, etc.). ♦ [Le compl. désignant une pers. n'est pas déterminé (il s'agit plutôt d'un compl. déterminatif de qualification à valeur d'épithète)] Une mère d'élève. Un très gentil garçon... et d' excellente famille, n'est-ce pas? (H. Bataille, Maman Colibri,1904, I, 8, p. 9). ♦ [Le compl. est déterminé] Un élève du docteur Gall (Balzac, Goriot,1835, p. 284).Trois ou quatre pauvres gens, descendants des anciens taborites (Du Camp, Hollande,1859, p. 241).Le bébé de Christine avait dû retenir sa sœur à la maison (Malègue, Augustin,1933, p. 9) : 107. − Oui, monsieur, répondit-il. Mon grand-oncle, le chevalier de Rastignac, a épousé l'héritière de la famille de Marcillac. Il n'a eu qu'une fille, qui a épousé le maréchal de Clarimbault, aïeul maternel de Madame de Beauséant.
Balzac, Goriot,1835p. 72. 108. Quelquefois, on le retrouvait sur deux, trois, cinq, dix registres successifs, baptisé, marié, remarié, père de plusieurs enfants, parrain de beaucoup d'autres, témoin de ses amis, enfin « décédé muni des sacrements de notre mère la sainte Église ».
H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 147. Rem. 1. Le compl. de + pron. pers. est souvent remplacé par l'adj. poss. L'étudiant chercha vainement les deux filles du père Goriot ou leurs maris (Balzac, Goriot, 1835, p. 307). 2. Pour éviter une équivoque, on le remplace par de + pron. dém. celui-ci ou ce dernier. Crittin était cousin du président, par la femme de celui-ci (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 9). P. métaph. : 109. Voie lactée ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses...
Apollinaire, Alcools,Chanson du mal aimé, 1913, p. 58. P. anal. Un ancien élève de l'École polytechnique. À feu mon père, à mon grand-père, familiers des deuxièmes balcons, la hiérarchie sociale du théâtre avait donné le goût du cérémonial (Sartre, Mots,1964, p. 99).P. ext. De = responsable de (dans un titre, de précisant et délimitant le domaine de responsabilité). L'ambassadeur extraordinaire du roi Charles II auprès du shah de Perse et de l'empereur des Indes (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 11).De = protecteur de, qui veille sur, qui préside à (en parlant de divinités antiques). La Déméter des Grecs (...) déesse du sol et des moissons (Bergson, Deux sources,1932, p. 201).De = qui représente (en parlant d'un sujet de représentation littér. ou art.). Un portrait en pied d' elle-même; la grande statue équestre de Wellington. Verbe + de + subst. désignant une pers.Hériter de, descendre de, tenir de, être issu de (qqn). Femme, dit-il, cet enfant est-il de moi? (Mérimée, Mosaïque,1833, p. 20).De son père, ingénieur opticien, fournisseur du roi, emporté par le même mal avant sa trentième année, il tenait un esprit juste et appliqué (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 6).L'on ne savait trop (...) si tel monstre (...) tenait ou de l'homme ou du dieu (Gide, Thésée,1946, p. 1417).Jésus-Christ qui pour le salut de tous les hommes est né de la très Sainte Vierge Marie (Claudel, Poés. div.,1952, p. 834).Rem. Cf. aussi supra A 2 b, de marquant l'origine, la provenance, la séparation.
β) de, particule onom., exprime l'appartenance à une classe ou à un milieu social particulier, nobiliaire ou plus rarement bourgeois (p. ex. Charles de Gaulle); autrefois la particule indiquait la possession d'un fief noble, d'un patrimoine seigneurial, de + nom propre patronymique. ♦ [Après un titre] Duc de, cardinal de, maréchal de. M. le duc de Rohan, pair de France (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 592).Dans l'un des carrosses, on aperçoit un jeune couple, le marquis de la Force et sa femme (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, prol., 1, p. 1567) : 110. Elle est accompagnée par la comtesse de Gramont, qui m'apprend que sa famille a, dans un château de la Sarthe, un mobilier d'un petit et grand salon donné par la reine Marie-Antoinette à la duchesse de Polignac et dont sa famille a hérité.
Goncourt, Journal,1896, p. 986. 111. En 1051, Guillaume de Normandie se rend à Londres pour visiter son cousin, Harold le Saxon. Le duc de Normandie fait bien plus grande figure que le roi de France ou que le roi d'Angleterre; sa suite romanisée, habillée de magnifiques dalmatiques ou d'armures byzantines, ne parle que français et latin.
Morand, Londres,1933, pp. 5-6. ♦ [Après une appellation] Monsieur, Madame, Mademoiselle, Monseigneur de. Je n'ai encore aperçu ni M. de Staël ni mon père, mais c'est M. d' Erlach qui décidera de mon sort (Staël, Lettres div.,1793, p. 453).Cette enfant est égarée, dit froidement M. de L'Argentière (Borel, Champavert,1833, p. 35).Le boudoir bleu de madame de Restaud et le salon rose de madame de Beauséant (Balzac, Goriot,1835, p. 84) : 112. Il lui fut donné d'achever et de confirmer ces grandes et délicates conversions qu'avait si bien menées son prédécesseur : Pascal et Madame de Longueville passèrent des mains de M. Singlin en celles de M. de Saci.
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 338. P. plaisant. Ma préface (...) Monsieur du Lecteur, vous êtes, je ne l'ignore pas, un homme fort pressé (Richepin, Quatre pt rom.,1882, p. I).[Dans un nom propre composé, devant le nom du patrimoine (très fréquent)] Monsieur Mallet du Pan; MmeRoutier de Grandval; M. Chasset de la Marne. [Il] en profita (...) pour dresser la généalogie complète des Grimoard de la Verberie (Radiguet, Bal,1923, p. 106).Dites à votre frère Marcel que sa tante de Selle d' Auzelle l'attend pour marquer ses points au besigue (H. Bazin, Vipère,1948, p. 91).♦ [Après un prénom] Charles de Blois; Ignace de Loyola; Jeanne d'Arc; saint Vincent de Paul. ♦ [Constructions] [L'ellipse du titre de noblesse est fréquente, surtout lorsque le personnage est célèbre.] La marquise de Sévigné → Madame de Sévigné; Le duc de La Rochefoucauld → La Rochefoucauld; (les peintres) Dunoyer de Segonzac; Puvis de Chavannes. [L'ellipse de la particule a lieu lorsque le nom propre n'est pas un compl. déterminatif, notamment pour désigner une famille noble ou une dynastie.] Les Orléans, les Bourbons. Toutes les manœuvres qu'il avait employées pour l'éloigner des La Rochelandier (Sandeau, Sacs,1851, p. 22).Ils étaient parvenus (...) à bénéficier de leur homonymie avec les Orgel dès longtemps éteints, dont le nom se retrouve souvent dans Villehardouin, à côté de celui de Montmorency (Radiguet, Bal,1923, p. 67). Rem. Cette règle n'est pas toujours respectée (en partic. lorsque le nom commence par une voyelle). Un chemin vicinal ouvert sous le régime des d' Orléans (Villiers de L'I., Contes cruels, 1883, p. 247). [La particule de est maintenue devant les noms d'une syllabe, ou de deux syllabes dont la dernière est muette. De Thou, de Gaulle] Un portrait de de Gaulle, les Mémoires de de Gaulle. [La particule de est maintenue devant les noms commençant par une voyelle ou un h muet (élision)] Le blason des d'Este. D'ailleurs d' Indy, Debussy, n'étaient-ils pas « mal » dans l'affaire? (Proust, Sodome,1922, p. 885).[La particule de est maintenue lorsque la particule est du ou des.] Les jolis vers de Du Bellay, la terre de des Lourdines (cité ds Grev. 1969 § 918)] [Le] collège du Plessis, fondé par Geoffroi du Plessis, secrétaire du roi Philippe le Long, en 1317 (Renan, Drames philos.,Abbesse Jouarre, 1886, p. 611).[De fait souvent partie intégrante d'un nom propre, sans être obligatoirement une particule.] [Souvent il prend une majuscule.] Charles Du Bos, Maxime Du Camp. De Ciz (Claudel, Part. midi,1949, I, p. 1067).[Souvent il se rencontre dans des noms propres étrangers.] Le pays des chimères, a dit Lopez de Vega, est le seul digne d'être habité (Latouche-L'Hér., Lettres amans,1821, p. 65).Le talent de d' Annunzio (Goncourt, Journal,1896, p. 968).♦ Emploi subst. Le de, subst. masc. La particule. Ajouter un de à son nom, prendre le de. Son arrière-grand-père, (...) était un gentilhomme du Maine, prenait le de dans les actes qu'il signait (Mérimée, Mél. hist. et littér.,1855, p. 303).Il les gratifia de ce « de » qu'on regarde en France comme un titre (Péladan, Vice supr.,1884, p. 170) : 113. ... dans toute la Flandre et la Belgique, de est le même article que le der allemand, et signifie le. Ainsi, de Muller veut dire : le meunier, etc. − Voilà un quart de la France rempli de faux gentilshommes. Béranger s'est raillé lui-même très gaiement sur le de qui précède son nom, et qui indique une origine flamande.
Nerval, Les Filles du feu,Angélique, 1854, p. 513. Un, une de. Un, une noble. Épouser un(e) de. b) Qualité, détermination, qualification, caractérisation. − [Le compl. introduit par de a une valeur attributive] .
α) Subst. désignant la qualité + de + subst. déterminé. ♦ Subst. abstr. L'immensité de la mer (transpos. de la mer est immense); cette moiteur de l'air; cette pureté du silence; la fermeté du ton. Ce ne sont pas les idées seules qui nous séparent (...) qui suffisent à nous rapprocher, mais une certaine qualité du regard que nous fixons sur autrui (Mauriac, Journal 3,1940, p. 210) : 114. J'ai vraiment admiré, à plus d'une reprise, la présence d'esprit du président et sa connaissance de chaque affaire; l'urgence de ses interrogatoires; la fermeté et la modération de l'accusation; la densité des plaidoiries, et l'absence de vaine éloquence; enfin l'attention des jurés.
Gide, Souvenirs de la Cour d'assises,1913, p. 619. ♦ Subst. concr. : 115. ... de longs brins d'herbe, agrémentant le poisson d'eau douce, le distinguaient de la marée. Cet émail vert allait bien à l'argent neuf des carpes fraîches.
Hamp, Marée fraîche,1908, p. 63. ♦ Subst. désignant la qualité + de + subst. non déterminé.Et avec une vélocité d' oiseau il dévora la distance qui le séparait de la barrière (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 117).Des gloussements sonores de poule cochinchinoise (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 321).Une jolie fille de vingt ans, pâle et fine, avec des sveltesses de lévrier (H. Bataille, Maman Colibri,1904, III, 7, p. 24). ♦ [Le subst. désignant la qualité est postposé] Visage de souffrance (transpos. de le visage souffre) : 116. Le grand intellectuel est l'homme de la nuance, du degré, de la qualité, de la vérité en soi, de la complexité.
Malraux, L'Espoir,1937, p. 761. ♦ En partic., postposé avec un adj. synthétique. Un homme déjà vieux, mais solide, la face rouge et de bon appétit (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 32).Syron, un très digne homme, semble-t-il, de bon vouloir et très serviable aux passants (Gide, Thésée,1946, p. 1419) : 117. Je ne sais quoi d'une suavité singulière et d'une aristocratique sérénité transpire du château de Chenonceau. Il est à quelque distance du village qui se tient à l'écart respectueusement.
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 180.
β) Être + de.L'expression de visage de la Vierge [dans le « Sommeil de Jésus », de Luini] est de la douceur la plus tendre (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 83).Ils étaient ensemble d' une prévenance affectueuse (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1025) : 118. Dès le matin, la tête encore tournée contre le mur et avant d'avoir vu, au-dessus des grands rideaux de la fenêtre, de quelle nuance était la raie du jour, je savais déjà le temps qu'il faisait. Les premiers bruits de la rue me l'avaient appris...
Proust, La Prisonnière,1922, p. 9. ♦ Loc. verb. impers. avec le pron. dém. neutre ce. C'est le propre, le fait de qqn. C'est bien de lui. Saqueville. − Je n'y ai pas pensé. La Marquise. − C'est bien de vous (Mérimée, Deux hérit.,1853, p. 78).Ce n'est pas d'un honnête homme. Tuer un brigadier, ce n'est pas d' un homme du monde (A. France, Révolte anges,1914, p. 375). − Spécialement
α) Condition, profession. Homme de lettres, employée de maison, marchand de vins, agent de change, entrepreneur de/en..., dessinateur de/en..., spécialiste de/en... La mère est dehors toute la journée. Elle est porteuse de pain de son métier (A. Daudet, Jack,t. 2, 1876, p. 211).À huit heures moins le quart, le secrétaire de mairie de cette dernière localité [Trémentines] nous mettait poliment à la porte (H. Bazin, Vipère,1948, p. 148). ♦ En partic., spécification de la condition, genre. Un ancien condamné de droit commun (Morand, Londres,1933, p. 107). Rem. Pour la concurrence de/en (p. ex. courtier en grains), cf. Meta infra bbg.
β) Divers rapports de détermination, correspondant à tous les compl. circ. possibles d'un verbe (cf. lieu, temps, destination, etc.) ♦ En partic., [un pur compl. déterminatif, où le sens du compl. n'est plus senti, et qui sert simplement à préciser le sens du subst.] Un temps de silence; des marques de sympathie. II.− De marque une relation syntaxique; il est introducteur de subst., de pron. ou d'inf. en fonction de compl., de suj., d'attribut, d'appos., ou en fonction expressive. A.− [De introducteur de compl.] 1. [Compl. de verbes ou de loc. verbales.] a) Verbes trans. indir.
α) [De introduit le compl. d'obj. unique de certains verbes trans. indir. (appelés aussi « verbes intrans. »).] − Verbe + de + subst. (ou inf., ou subordonnée relative) ♦ Verbes trans. abuser de, bénéficier de, convenir de, désespérer de, disconvenir de, disposer de, douter de, hériter de, jouir de, manquer de, médire de, parler de etc. 119. N'était-ce pas présomption de sa part et quasiment péché de douter de ce qui était écrit dans un si beau livre de récompense, doré sur tranche?
Guèvremont, Le Survenant,1945, p. 58. ♦ Verbes pronom. s'abstenir de, s'apercevoir de, s'approcher de, s'emparer de, s'empêcher de, s'informer de, se moquer de, s'occuper de, se souvenir de etc. 120. Le ciel s'enrichit pour l'homme de nouveaux astres, et il sait en déterminer et en prévoir, avec exactitude, et la position, et les mouvements.
Condorcet, Esquisse d'un tabl. hist. des progrès de l'esprit hum.,1794, p. 178. ♦ Loc. verbales trans. il s'agit de, il convient de, il est question de, cela ne sert de/à rien etc.avoir besoin de, avoir envie de, avoir peur de, avoir pitié de, entrer en possession de, être en deuil de, faire fi de, faire grâce de, faire lecture de, prendre congé de, prendre conscience de, tenir compte de etc.faire la connaissance de (qqn), faire le sacrifice de (qqc.), faire son deuil de (qqc.), gagner la confiance de (qqn) etc. 121. pierre de craon. − N'avez-vous pas crainte et horreur du lépreux?
violaine. − Dieu est là qui me sait garder.
Claudel, L'Annonce faite à Marie,1948, prol., p. 136. Rem. Être en possession de « posséder »; être en la possession de « être possédé par ». − Verbe + de + inf.[pour certains verbes, en assez grand nombre, indiquant principalement] [le processus d'une évolution (début, fin, milieu d'une action).] Commencer de, cesser de, achever de, s'arrêter de, continuer de. [un effort.] S'efforcer de, tâcher de, essayer de, se dépêcher de. [un sentiment, une volonté.] Accepter de, avoir peur de, brûler de, décider de, désespérer de, imaginer de, ne pas manquer de, regretter de, se jurer de, s'empresser de, s'ennuyer de, se promettre de, etc. Deux jolies filles s'occupaient de repriser leurs ajustements pailletés (Nerval, Bohême galante,1853, p. 221).Il y avait tant de mouches qu'il ne fallait pas songer d' y rester (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 217) : 122. Nous sommes à Rouen, il est deux heures, nous serons à Paris à cinq heures : la journée est perdue. Je propose de rester, de battre les marchands d'antiquités, de faire un petit dîner fin et de ne revenir que le soir.
Goncourt, Journal,1880, p. 69. Rem. V. ds Grev. 1969, § 758, la liste des principaux verbes trans. ou pronom. demandant cette constr. du compl. de + inf. − Loc. verbales + de + inf.Avoir envie de, l'intention de, la tentation de (faire qqc.), etc. La Marquise. − J'ai bien l'honneur de vous saluer (Musset, Il faut qu'une porte,1845, p. 259) : 123. Tôt ou tard venait l'heure de s'interroger, de rentrer en soi-même, de rompre avec ces amusements, de rendre son prix à la méditation.
Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 255. − [Après un pron. dém. qui l'annonce (langue parlée) :] 124. ysé. − Moi aussi, j'aime ça de marcher! Nous avons fait une grande promenade ensemble ce matin. L'heure la plus fraîche. C'est si bête de laisser le soleil se lever tout seul.
Claudel, Partage de midi,1949, I, p. 1068. Rem. La concurrence entre à et de (ou entre la constr. dir. et celle avec de) de certains verbes marque parfois : a) une nuance de sens : rêver à/rêver de (cf. à, prép.); b) une différence de sens : manquer à/manquer de, accoucher une femme/accoucher d' une fille; c) une équivalence de sens : commencer à/commencer de, continuer à/continuer de, hésiter à/hésiter de, aimer/aimer à/aimer de (faire qqc.). Dans ce cas, la constr. avec de est plus anc. et plus littér. : 125. Elle était naturellement faite pour jouer Iphigénie ou Aricie mais elle rêvait toujours de jouer Phèdre, Roxane et surtout Bérénice sur les malheurs de laquelle elle aimait de s'attendrir.Duhamel, Chronique des Pasquier, Cécile, 1938, p. 201.
β) [De introduit le compl. d'obj. second de verbes trans. indir.] ♦ Verbe + compl. d'obj. indir. (ou compl. d'attribution) + de + inf. (obj. second).Conseiller à qqn de faire qqc., demander à qqn de faire qqc., dire à qqn de faire qqc. Moi qui ai promis à une femme de la mener au cinéma! (Courteline, Boubouroche,1893, I, 1, p. 22).Mon cousin Maurice Démarest lui fit cadeau de petites têtes en plâtre de tous les animaux qui figurent dans le vieux fabliau (Gide, Si le grain,1924, p. 366) : 126. J'occupe seul la chambre la plus vaste, la mieux exposée. Rendez-moi cette justice que j'ai offert à Geneviève de lui céder la place, et que je l'eusse fait sans le docteur Lacaze qui redoute pour mes bronches l'atmosphère humide du rez-de-chaussée.
Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 15. b) Verbes trans. à double constr. [De introduit l'obj. second de certains verbes trans.]
α) Verbe + compl. d'obj. dir. + de + subst. (obj. second).Accabler qqn de qqc., assurer qqn de qqc., attendre qqc. de qqn, doter qqn de qqc., penser qqc. de qqn, recevoir qqc. de qqn, remercier qqn de qqc., etc. : 127. J'étais désolé de ne pouvoir pas au moins remercier mes hôtes du bien qu'ils m'avaient fait; ...
Erckmann-Chatrian, Le Conscrit de 1813,1864, p. 76. − [Avec un verbe pronom. réfl.] Se protéger de qqc. J'entre dans un café pour m'abriter de la pluie (Sartre, Mots,1964, p. 157).
β) Verbe + compl. d'obj. dir. + de + inf. (obj. second).Accuser qqn d'avoir fait qqc., forcer qqn de faire qqc., obliger qqn de faire qqc., prier qqn de faire qqc., remercier qqn de faire qqc., etc. La chaleur et la fatigue le forcèrent de s'asseoir sur un banc (Mérimée, Âmes Purg.,1837, p. 383) : 128. prospero, debout sur le perron du palais. − Soyez remerciés, seigneurs, d'avoir assisté à cette fête, où votre présence a fait régner la joie. Votre vieux duc n'en verra plus d'autre. Restez toujours jeunes, et que Dieu vous tienne en joie.
Renan, Drames philos.,Caliban, 1878, p. 404. 2. [Compléments de noms] a) [Le nom est un nom déverbal (transposition de phrase verbale).] − [Transposition d'un obj. de phrase verbale (sens objectif).]
α) [Nom déverbal d'un verbe trans. dir. :] attendre qqn ou qqc.
→
l'attente de qqn ou de qqc.désirer qqn ou qqc.
→
le désir de qqn ou de qqc.espérer qqc.
→
l'espoir, l'espérance de qqc.laver qqc.
→
le lavage, (le lavement), la lessive, de qqc.promettre qqc.
→
la promesse de qqc.recevoir qqn ou qqc.
→
la réception de qqn ou de qqc.transporter qqn ou qqc.
→
le transport de qqn ou de qqc. ♦ La traite des blanches; la peinture exacte du cœur humain. Le tracé des nouvelles frontières a entraîné l'échange et le transport de sujets grecs et turcs par millions (Bloch, Dest. du S.,1931, p. 138).Jean entreprend toute une série de manœuvres : ouverture du capot, dévissage des bougies, injection d' essence, etc. (Romains, Knock,1923, I, p. 2) : 129. J'ai souvent souhaité que l'on entendît, dans nos assemblées politiques, la voix du simple bon sens; je veux dire par là quelque discours d'un paysan du Danube. Oui, un mépris du succès et des belles phrases, une vue directe des problèmes, enfin une solution ouvrière, en prenant ce mot dans tout son sens.
Alain, Propos,1931, p. 987.
β) [Nom déverbal d'un verbe trans. indir. :] abuser de
→
l'abus deavoir besoin de
→
le besoin de qqc., de faire qqc.s'ennuyer de
→
l'ennui de qqc., de faire qqc.penser à qqc.
→
la pensée de qqc. : 130. Ce qui venait alors sous ma plume − pieuvre aux yeux de feu, crustacé de vingt tonnes, araignée géante et qui parlait − c'était moi-même, monstre enfantin, c'était mon ennui de vivre, ma peur de mourir, ma fadeur et ma perversité.
Sartre, Les Mots,1964, p. 126. − [Nom déverbal d'une loc. verbale.] L'envie de voyager; la façon de donner; le temps d'aimer. Rem. Dans certains cas, le nom déverbal peut être équivoque et seul le contexte permet de distinguer le sens objectif du sens subjectif. Déverbal de sens objectif : Équitablement partagé entre le sentiment du devoir et son amour du bien-être, brusquement il s'était rappelé n'avoir pas pris de café à son repas (Courteline, Ronds-de-cuir, 1893, 1ertabl., 1, p. 21); déverbal de sens subjectif : L'approbation de M. Thibault devint plus manifeste encore. (...) les muscles du nez tressaillirent, le lorgnon tomba au bout du fil, et il tendit la main (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 903); déverbal où le suj. et l'obj. de l'action sont exprimés : Il n'y avait là que ce besoin inné du Français de prendre parti, d' être d'un parti, qui se retrouve à tous les âges et du haut en bas de la société française (Gide, Si le grain, 1924, p. 420). − [Transposition d'un suj. de phrase verbale (sens subjectif). Nom déverbal de sens subjectif indiquant une action ou son résultat [Le compl. du nom est le suj. de l'action]] À la chute des feuilles; un gazouillis de jeunes demoiselles; les allées et venues des maîtres et des élèves; le glissement onduleux d'un putois; les rires des enfants; aboiement de Capi, le chien. Rem. Cf. aussi de III B, formateur de loc. prépositives, au dire de, etc. Simon de Mahaut était, au dire de Richard, un musicien français de la fin du XVesiècle (Duhamel, Cécile, 1938, p. 129). b) [Le nom n'est pas un déverbal.] Le livre de Pierre, cf. I C 5, l'appartenance, et tous les compl. déterminatifs. 3. [Compl. d'adj.] a) Adj. (parfois issu d'un verbe) + de (indiquant une action ou un sentiment) : amoureux deavide decapable deconstitutif decurieux dedésireux dedigne dedoué deépris defaiseur defurieux dejaloux de − Correspondre avec → correspondant de. Un professeur du collège impérial de Saint-Margelon, correspondant de l'Académie des Sciences, vint voir la jument verte (Aymé, Jument,1933, p. 10). b) Adj. (substantivé) + de.Diseur de, mangeur de, voleur de, etc. Les preneurs de bastilles : 131. Xénophon m'amuse parce que c'est le type parfait du gentleman britannique : grand diseur d'histoires de chasse à courre, de pêche et de guerre.
Maurois, Les Silences du colonel Bramble,1918, p. 15. 132. À l'instant qu'elles dépassaient le petit bâtiment, avec calme, pleinement maîtresse d'elle-même, elle allongea la foulée.
Montherlant, Le Songe,1922, p. 35. c) Part. passé-adj. + de (du verbe à la forme passive).Les doctes amis occupés de recueillir leurs observations du jour (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 119).Les commis sauciers, instruits des grandes recettes de la maison, se grillaient la figure pour la gloire de la cuisine française et cinquante francs par mois (Hamp, Marée,1908, p. 66): 133. Quand on a été passionnément épris de la vie, on ne s'en détache pas facilement, il faut croire; et moins encore si l'on sent qu'elle échappe. Un arbre foudroyé, sa sève monte plusieurs printemps de suite, ses racines n'en finissent pas de mourir.
Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 913. d) Adj. + de (compl. de l'adj.).La fin du dîner fut pleine de gaîté (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Héritage, 1884, p. 478).Nicole mangeait, sans rien dire, honteuse de son appétit, incapable de le masquer (Martin du G., Thib.,Pénitenc., 1922, p. 741).Le lieutenant Auligny, un homme doué des plus hautes qualités morales (Montherl., J. filles,1936, p. 917) : 134. À travers le sommeil les sens guettent, anxieux du glapissement soudain, de l'aboi à deux temps du renard qui mène un gibier; ...
Genevoix, Raboliot,1925, p. 10. Rem. De introduit tous les compl. d'adj., y compris ceux qui expriment la cause : honteux de, l'agent passif : entouré de, etc. Avec ça toujours ivre et hanteur de tavernes (Morand, Londres, 1933, p. 21). e) [Les compl. de l'adj. au comparatif et au superl.] (cf. infra de partitif et la comparaison). B.− [De introducteur de suj., d'attributs, d'appos.; de signifie « le fait de », en parlant d'un fait particulier.] 1. De + inf. suj.[(tour littér. assez répandu; de a une valeur expressive plutôt que syntaxique).] a) [En tête de phrase.] d' écrire ces quelques lignes, − de prendre date vis-à-vis de moi-même m'a fait grand bien (Du Bos, Journal,1924, p. 152). Rem. Cf. aussi supra la cause, de + inf. causal I B 8 c. − En partic., [avec reprise de l'inf. par un pron. neutre (cela, ça, ce, en, y).] Rien que de vous entendre, Monsieur l'Abbé, ça me fait du bien (Martin du G., Barois,1913, p. 221) : 135. ... de nous voir tous bien en rang, le fusil chargé, notre drapeau sur le front de bataille, nos généraux derrière, pleins de confiance, − de nous voir marcher ainsi sans nous presser et de nous entendre marquer le pas en masse, cela nous donnait un grand courage.
Erckmann-Chatrian, Le Conscrit de 1813,1864, p. 99. b) [Annoncé par un pron. neutre.] C'est bien vrai que ça ne vaut rien pour personne, de vivre les uns sur les autres (Zola, Germinal,1885, p. 1276).Ça vous fera du bien de prendre un peu l'air (Guitry, Veilleur,1911, II, p. 18). − Spéc. De + inf. réel[après des loc. verbales impers. comme il est bon de, il convient de, il suffit de, il s'agit de, il est question de, etc.] Ah! que la France est agréable et qu'il fait bon de se promener sur le boulevard Montmartre! (Taine, Voy. Ital.,t. 1, 1866, p. 19).− C'est épatant de citer du Kant, comme cela, au bout de la langue J'en serais bien incapable (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 385) : 136. « Les troupes de huit nations veillent ici », disaient les journaux. Peu importait : il n'entrait pas dans les intentions du Kuomintang d'attaquer les concessions.
Malraux, La Condition humaine,1933, p. 195. 137. Oui, ce que la voix peut cacher, le regard le livre; c'est dans le regard, non dans la voix, que se trahit la crainte, voilà une chose qu'il m'a été donné d'apprendre au service du roi, bien que j'y sois encore assez novice...
Bernanos, Dialogues des Carmélites,1948, p. 1571. − [Après être, paraître,] de + inf. attribut apparent d'un suj. autre qu'un inf.L'essentiel, le plus sûr est de : 138. ... les seuls résultats que nous avions obtenus − et ils n'étaient pas négligeables − avaient été de sauvegarder la côte française de la Manche, un mince lambeau du territoire belge, et une partie de notre bassin houiller du Nord.
Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 1. Rem. Après c'est, la conj. que est facultative. C'est folie, c'est être fou (que) d' entreprendre cela (Ac. 1932). C'est une chance que d' attendre la mort dans l'unique lieu du monde où tout demeure pareil à mes souvenirs (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 19). − [Après des loc. impers. interr. ou négatives,] de + inf. est obligatoire.Que sert-il de, point n'est besoin de. − Mais quelle idée de vous loger quai Malaquais? (Augier, Thommeray,1874, 6, p. 355). 2. De + attribut a) De + attribut du suj. − Dans des gallicismes
α) [après un subst. qualificatif antéposé à valeur adjectivale expressive.] Un amour d'enfant, ce fripon de valet; un pauvre diable d'honnête homme; ce grand frisé de Nantais. La, si, do, ré, gredin de ré, va! (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 17).M. de Brécé doit le bouton à ce bon petit voisin d' Ernest (A. France, Anneau améth.,1899, p. 131).
β) [après un adj. ou subst. qualificatif antéposé et le plus souvent déterminé.] Un drôle de bruit; chienne de vie! coquin de sort! cette canaille d'oncle! son diable de chapeau à la main : 139. J'étais bien plus isolé qu'un naufragé sur un radeau au milieu de l'Océan. Alors vous imaginez ma surprise, au lever du jour, quand une drôle de petite voix m'a réveillé. Elle disait : − S'il vous plaît... Dessine-moi un mouton!
Saint-Exupéry, Le Petit Prince,1943, p. 413. Rem. Certains tours sont vivants en fr. parlé, pop. ou vulgaire.
γ) dans le gallicisme vieilli si j'étais (que) de vous. Si j'étais à votre place, dans votre cas. Mais, c'est égal, si j'étais de votre président, je ferais comme Bridoie, je m'en rapporterais au sort des dés (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 107).Si j'étais que de toi, je chasserais le rat d'eau, ce printemps (Guèvremont, Survenant,1945, p. 167).
δ) Pauvre de moi! Pauvres de nous! (loc. d'orig. provençale) : 140. « Pauvre de moi! disait-il [maître Cornille]. Maintenant, je n'ai plus qu'à mourir... Le moulin est déshonoré ».
A. Daudet, Lettres de mon moulin,1869, p. 28.
ε) Comme de juste, comme de raison, comme de vrai, (fam.); comme de bien entendu, comme de sûr (pop.). Comme cela est juste, de raison, vrai, bien entendu, sûr. Je lui payerai sa peine, comme de raison (Staël, Lettres div.,1793, p. 475).Pour lui, « le général », c'est l'général Anselme!... Pas, Chalumeau? − Comme de sûr! répondit le planton (Gyp, Souv. pte fille,1927, p. 141).
ζ) C'est de ma faute (cf. I B 8 a).
η) C'est à moi de/à (cf. ce1); ce que c'est que de nous! (cf. ce1II A 1).
θ) Littér., archaïsant. Après les verbes on dirait, on croirait, on jurerait, de est facultatif pour introduire l'attribut : 141. ... elle [la lune] parut enfin (...); les pointes de son croissant ressemblaient à des ailes; on eût dit d'une colombe blanche échappée de son nid de rocher...
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4,1848, p. 567.
ι) Fam. De vrai, (c'est) pour de vrai, (c'est) pour de bon (loc. adjectivales).
κ) [après des verbes d'état comme avoir l'air de, prendre figure de, donner l'apparence de, etc. ] :
142. ... et comme d'autre part l'attente pouvait être longue et qu'il ne voulait pas avoir l'air de reculer devant la dépense, il avait commandé une côtelette; pour avoir quelque chose devant lui.
Michaux, Plume,1930, p. 141. 143. Plus prosaïquement, La Belle Angerie est le siège social. depuis plus de deux cents ans, de la famille Rezeau, Cet ensemble de constructions, parti sans doute d'un fournil, est arrivé à faire figure de manoir.
H. Bazin, Vipère au poing,1948p., 13.
λ) Loc. verbale. N'être de rien à qqn. N'être rien à quelqu'un, ne compter pour rien aux yeux de quelqu'un.
μ) Le tour emphatique être + de + adj. substantivédésignant une qualité, à la forme exclamative. La tente-abri était d' un lourd! (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p. 77).(Il frictionne très doucement) c'est d' un doux..., d' un doux!... et d' un blanc... d' un blanc!... et d' un rose... d' un rose!... (Labiche, Trente millions Gladiator,1875, I, 5, p. 18).Le dernier numéro [du journal] était d' un creux! (A. Daudet, Jack,t. 2, 1876, p. 234). − Être de + subst. abstr.(cf. supra p. 731 b β).Il est d' une jalousie! (Labiche, Le Misanthrope et l'Auvergnat!1852, 12, p. 170).Il faut avouer que je suis d' une sottise (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1035) : 144. − Pas de malheur, maman?
− Non, non, répondit MmeChanteau.
− Mon Dieu! Nous étions d' une inquiétude! dit le père qui avait suivi son fils, malgré le vent.
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 812.
ν) Gallicismes exclamatifs − Foin de...! (vieilli). Cf. foin2. − (La) peste soit de...! Peste soit des petites colombes de gueuses! − Les roses de ma vie sont fanées (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 67). − Du diable si...! Cécile a donc très peur que je ne renonce pas à nos conventions; et la petite a dû avoir à lutter ferme... Il faut qu'elle y tienne bien! Du diable, par exemple, si je devine pourquoi! (Martin du G., Barois,1913, p. 472). − Et d'un! Et de deux! etc. [pour compter avec plus de force qqc.] Zoé Lamour a fait son noviciat pour être religieuse. Et d' une. Eva Schourine a été poursuivie comme incendiaire et reconnue folle. Et de deux (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Dimanches bourgeois de Paris, 1880, p. 335). b) de + attribut du compl. d'obj. dir. apr. des verbes comme traiter, qualifier, taxer, accuser; gratifier (qqn, qqc.) de.Le destin l'avait gratifié d' un teint de tomate mûre (Dabit, Hôtel,1929, p. 56).L'épicier (...) qu'on os à peine traiter d' épicier, tant il est cher et raffiné (Morand, Londres,1933, p. 172) : 145. Après avoir lu les secrètes infortunes du père Goriot, vous dînerez avec appétit en mettant votre insensibilité sur le compte de l'auteur, en le taxant d'exagération, en l'accusant de poésie.
Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 6. 3. de + appos.[L'appos. (attribut raccourci), l'appellation ou la dénomination est introduite par de, particule de soutien, après un subst.] a) [Dénomination de choses, avec un nom propre] − [après des noms de villes, de montagnes, de rues, de mois, plus rarement de cours d'eau] ♦ [rues.] La rue du Cherche-Midi; la rue de Tournon. La cité Monthiers se trouve prise entre la rue d' Amsterdam et la rue de Clichy (Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 7) : 146. Le trajet, jusqu'à la Concorde, fut rapide. Mais, avenue des Champs-Élysées, la circulation des voitures força le chauffeur à ralentir l'allure.
Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 169. ♦ [lieux-dits.] Quand j'arrivai à la station du Breuil-Blangy, entre Pont-L'Évêque et Lisieux, la nuit était à peu près close (Gide, Isabelle,1911, p. 604).Chemin de la Faulsaunière, ferme de Rouge-Sel, domaine des Sept-Pendus, les noms sinistres demeurent (H. Bazin, Vipère,1948, p. 16). ♦ [terres.] La terre de France; l'île de Crète; la terre sacrée de Galilée; les trois provinces du Maine, de la Bretagne et de l'Anjou. ♦ [monuments, sites.] Le château de Moissicourt; la cathédrale de Saint-Paul. ♦ [mois.] Pendant les mois de septembre et d' octobre, la peste garda la ville repliée sous elle (Camus, Peste,1947, p. 1371). Rem. 1. L'omission de la particule de est possible (sauf pour les noms de mois), l'appellation se faisant par simple juxtaposition du nom. Les rues Monsigny et de la Michodière; la rue Madame et la rue d'Assas. 2. L'appellation peut se faire avec un compl. circ. de temps, de lieu, etc. La guerre de Trente Ans et la paix de Westphalie. b) [Dénomination de pers.]
α) [nom propre.] Bianchon (...) eut l'oreille frappée du mot assez original de Trompe-la-Mort (Balzac, Goriot,1835, p. 191).Un bon gros vivant de Marseillais, qui (...) répondait au joyeux nom de Barbassou (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p. 56).Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Sabots, 1883, p. 89) : 147. Son parrain et sa marraine l'avaient baptisé Sébastien; mais, comme il était natif de Frognac-lès-Mauriac, département du Cantal, il invoquait son patron sous le nom de Chaint Chébachtien.
About, Le Nez d'un notaire,1862, p. 105.
β) [nom commun.] La désignation de grand gamin restée à l'aide-souffleur, qui a aujourd'hui vingt-cinq ans, indique que dans le temps la place était tenue par des adolescents (Hamp, Champagne,1909, p. 89). c) [Dénomination de choses (avec un nom commun) :] 148. Les métaphysiciens, et surtout Condillac, appellent du nom commun d'idées abstraites les idées collectives représentatives de certaines modifications ou propriétés des corps, telles que blancheur, acidité, fluidité, etc., ...
Bonald, Législ. primitive,t. 2, 1802, p. 185. − Spéc. De introduisant un adj., un part. ou un adv. de quantité.
α) [Après un subst. déterminé par un adj. numéral cardinal ou un adj. exprimant une quantité, un nombre.] Avoir une heure de libre; quelques centimètres de trop, une fois de plus. Il y a deux femmes de tuées (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 307).Deux cent cinquante francs et quinze clefs de perdus! (H. Bazin, Vipère,1948, p. 158). ♦ [après un pron., loc. proverbiale.] Un de perdu, dix de retrouvés : 149. premier patricien. − Souhaitons qu'il oublie.
le vieux patricien. − Bien sûr! Une de perdue, dix de retrouvées.
Camus, Caligula,1944, I, 1, p. 8. ♦ [dans l'expression d'une quantité indéfinie, non comptable.] Il y a déjà de la vigne vierge de plantée (Balzac, Mém. jeunes mar.,1842, p. 282). ♦ [L'emploi de la particule de soutien de est obligatoire] [lorsque le subst. est remplacé par en.] − On en fait [des nez] aujourd'hui de bien élégants, dit le docteur (About, Nez notaire,1862, p. 204).Tous les matins les médecins, en faisant leur ronde, en trouvaient sept ou huit de morts (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 141).[avec ne... que, principalement il n'y a... que.] Vois-tu, matelot, en Camargue, il n'y a de bon que l'affût du matin (A. Daudet, Arlésienne,1872, II, tabl. 3, 1, p. 402). Rem. La lang. parlée et la lang. négligée (pop.) emploient le de disjonctif, souvent dans des phrases exclamatives. a) Avec en. Eh! mais il me semble que c'en est un, de malheur, que de jeûner six semaines (Dumas père, Kean, 1836, III, p. 145). b) Avec un nombre. − En voilà un de magistrat! s'écria le maître de poste (Balzac, U. Mirouët, 1841, p. 187). c) Avec un pron. poss. Quant au vôtre, de père... (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 332). d) Devant trop. Garde ton argent, garde, on n'en a jamais de trop! (Dumas père, Monte-Cristo, 1848, I, 2, p. 19).
β) [Après les pron. neutres indéf., interr., exclam. ou dém. quelqu'un, quelque chose, pas grand-chose, autre chose, qui, que, quoi, ce, ceci, cela, rien, tout.] « Rien de neuf? » demanda sa femme (Dabit, Hôtel,1929, p. 169).Je leur trouve à toutes [les femmes] quelque chose de joli (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 9) : 150. Il y avait dans l'air quelque chose de si bienveillant! De légers parfums s'exhalaient; les fleurs rouges du caroubier éclataient çà et là; et une petite fontaine jaillissante laissait fuir ses eaux pour arroser ce terrain où croissent confusément des verveines et des lauriers-roses.
Latouche, L'Héritier, Dernières lettres de deux amans de Barcelone,1821, p. 103. ♦ En partic. [après des loc. indéterminées :] quoi que ce soit de, un je ne sais quoi de. Il reproche à Mérimée de n'avoir pas dans ses récits un je ne sais quoi « de délicatement tendre » (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 222).[après ce que.] Ce qu'il y a de certain, c'est que (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 139).La représentation que j'ai du « Fantôme » avec ce qu'il offre de conventionnel (Breton, Nadja,1928, p. 8) : 151. Elle a répondu à tout avec simplicité. C'est une religieuse déjà âgée : ses manières ont une singulière bonhomie, et elle paraît ignorer entièrement tout ce que sa conduite a d'admirable.
Latouche, L'Héritier, Dernières lettres de deux amans de Barcelone,1821p. 137.
γ) [Devant certains adj. ou pron. indéfinis, comme emploi littér., archaïsant.] D'aucuns = certains, de certains = certains. On croirait, à de certains moments, qu'il vous voit penser (Bourget, Lazarineds Le Bidois1967, § 431, p. 236). Rem. En revanche, les tours littér. rien autre, rien autre chose, personne autre, sont fréquents pour rien d'autre, personne d'autre. Cf. autre, ex. 5 et 6. C.− [De introducteur du noyau verbal dans un énoncé expressif à l'inf.] 1. [L'inf. de narration] − [Après un suj. exprimé.] L'affamé de courir; il regarde, il appelle (Vallès, Réfract.,1865, p. 17).Et toute la diligence de rire (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p. 108) : 152. Les aides de camp de M. Dubourg éclatent en gros rires; et la tourbe de rire à l'unisson, et le général de piquer sa mazette qui caracolait comme une bête éreintée...
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 288. 2. De + inf. dans l'expression du passé immédiat :venir de, (vx) ne faire que de. L'amour venait de s'installer en lui à une profondeur où lui-même ne pouvait descendre (Radiguet, Bal,1923, p. 86). 3. De + inf. dans l'expression d'une comparaison. − [de est facultatif dans le second terme d'une phrase qui énonce une préférence, un choix entre deux comportements (préférence de volonté plutôt que de goût).] Plutôt souffrir que (de) mourir. J'aime mieux souffrir, et souffrir toutes sortes de tourmens, que de consentir à ce que tu veux (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 321).− Courons plutôt dessus que de rester là! (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 113).Que pouvions-nous faire de mieux que de nous fier à ce spécialiste vénérable? (Claudel, Poés. div.,1952, p. 855). ♦ [Sans verbe exprimé] Rien de plus humain que de bien traiter les prévenus de crimes détenus en prison (Bonald, Législ. primit.,t. 2, 1802, p. 99). Rem. gén. sur le problème de la répétition de « de ». a) La répétition est facultative dans une phrase interr. présentant une alternative. Qui, de vous ou de moi? b) De se répète à la place d'une loc. prépositive. À cause de vous ou de moi. c) La répétition n'a pas lieu.
α) Si les compl. forment un tout indissociable, une unité sémantique, une loc. figée. Inspecteur des Ponts et Chaussées; les conseils des amis et connaissances.
β) S'ils représentent une même idée. Il importe de bien mâcher et broyer les aliments.
γ) Lorsque le subst. compl. est déterminé par deux adj. numéraux cardinaux coordonnés par ou. Un saut de cinq ou six mètres. III.− De élément formateur de loc. adv., prépositives, conj., etc. A.− Loc. adv. ayant souvent la valeur d'un compl. circonstanciel (temps, lieu, manière, etc.) 1. De + subst. a) De + subst. indéterminé.D'abord, d'ailleurs, d'avance, d'emblée, de grâce, d'habitude, d'honneur, de part et d'autre, de suite, de toutes parts, etc. b) De + subst. déterminé.Du moins, du reste, etc. 2. De + adj.De droite et de gauche; de nouveau, d'ordinaire, de plus belle, etc. 3. De + adv.De là, d'ici là, de même, d'ores et déjà, d'où, de surplus, etc. Rem. Dans certains adv., la prép. de s'est soudée au mot. Cf. davantage, deci-delà, derechef, dorénavant, etc. − Loc. adv. particulières ♦ De plus [En emploi abs.] Synon. en outre, qui plus est.[En fonction adj.] En plus, en surplus (par comparaison avec autre chose). Rien de plus, raison de plus, une fois de plus. Anton. de moins.La maison quarte met un étage entre le rez-de-chaussée et le grenier. Un étage de plus, un deuxième étage (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 41). ♦ De rien Fam. [pour répondre poliment à un merci ou un pardon d'une autre pers.] Synon. je vous en prie; il n'y a pas de quoi.[Dans des loc. verbales] Être de rien à qqn; servir de/à rien. Peu m'importent tes connaissances car elles ne te servent de rien sinon comme objets et comme moyens dans ton métier (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 821).N'avoir l'air de rien. « Ce que je fais, bonnes gens? Hé, je m'occupe à vieillir... Ça n'a l'air de rien, eh bien, ça me prend tout mon temps! » (Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. C). B.− Loc. prépositives 1. Adv. + de.Afin de, au-delà de, au-dessus de, auprès de, avant de, combien de, loin de, lors de, moins de, non loin de, peu de, près de, que de, tant de, etc. : 153. Ici, ce sont les sempiternels César et Xavier de Cock, les éternels reproducteurs d'une allée dans laquelle, non loin d'une source, le soleil pleut en parcimonieuses gouttes dans des feuillages clairs.
Huysmans, L'Art mod.,1883, p. 161. − Loc. littér. dès avant que de. Il disait les grandes nouvelles du jour, dès avant que de quitter son pardessus (Duhamel, Terre promise,1934, p. 8). 2. Subst. + de.À défaut de, à titre de, au nom de, en cas de, en dépit de, en qualité de, en vertu de, faute de, histoire de, par la grâce de, par suite de, pour cause de, sous le couvert de, en signe de, sous prétexte de, en présence de, le long de, etc. 3. Subst. déverbal + de.À l'approche de, au lever de, au sortir de, au tomber de, etc. Les Écossois se retirèrent au tomber du jour, résolus de faire un nouvel effort au lever de l'aube (Chateaubr., Ét. ou Discours hist.,t. 4, 1831, p. 31). − Loc. prépositives indiquant une quantité, une pluralité, une intensité. Cette maison appartenait jadis à un négociant qui y avait accumulé toutes sortes de richesses (Du Camp, Hollande,1859, p. 220).− Un petit verre ferait joliment de bien par le temps qui court... (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 165).Elle connaissait bien chez lui cette insistance dans le regard, qui lui donnait par instants une pointe de strabisme (Montherl., Songe,1922, p. 65).J'ai connu dans le Bourbonnais une aimable vieille demoiselle qui conservait dans une armoire quantité de vieux médicaments (Gide, Nourr. terr.,1897, p. 293). Rem. 1. Seule la loc. bien des comporte l'art. déf. L'effort collectif et progressif de bien des penseurs, de bien des observateurs aussi (Bergson, Évol. créatr., 1907, p. X). 2. La loc. près de a une correspondante littér. et arch. près le. Près le débarcadère une allée de vieux ormeaux à tronc large (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 159). C.− Loc. conj. ou relatives − De ce que, de peur que, du fait que. − De qui, de quoi, etc. Ensuite de quoi (Courteline, Train 8 h 47,1888, 3epart., II, p. 228). Rem. De est contracté dans les pron. relatifs duquel, desquels, etc. D.− Loc. verbales. Être d'avis que, de; être d'accord, se mettre d'accord, etc. E.− Loc. substantivales − [P. ex. pour exprimer l'approximation] Une espèce de, un genre de, une sorte de, etc. − [P. ex. pour exprimer une quantité infinitésimale, très faible de qqc.] Un brin de, un doigt de, une note de, un nuage de, un soupçon de, une touche de, etc. F.− [De dans les mots composés] − Subst. composés. Pommes de terre, belle-de-jour, cou-de-pied, œil-de-bœuf, parole d'honneur, etc. − Adj. composés. Vert-de-gris, bleu de Prusse, etc. − Loc. créées. Un je-ne-sais-quoi-de, un quelque chose de, etc. Prononc. et Orth. : [də] devant consonne et devant h aspiré et y grec : les hommes de demain, elle vient de hurler quelque chose, un trophée de yack. Noter que dans le lang. cour. l'[ə] peut tomber dans la prononc. et l'on peut entendre [dmɔ
̃kote] pour de mon côté. Il faut, cependant, tenir compte de la loi des 3 consonnes. Comparez ainsi : un valet de chambre où de est précédé d'une consonne et qui se prononce sans [ə] muet [valεḓ
ʃ
ɑ
̃:bʀ
̥] avec : femme de chambre où de est précédé d'une voyelle et qui se prononce avec [ə] muet : [famdə
ʃ
ɑ
̃:bʀ
̥] (cf. Nyrop Phonét. 1951, § 87). [d] devant voyelle et h non aspiré : les hommes d'aujourd'hui, une musique d'harmonica. La prép. de aboutit avec l'art. déf. masc. sing. le et l'art. déf. plur. les, par enclise, à du [dy] et à des [de], [dε] : venir du Languedoc, des Flandres. Comportement de [ə] muet dans la prép. de, devant voyelle, dans certains groupes de mots, certaines tournures, devant lestitres et les numéraux : a) Devant un mot commençant par une voyelle citée comme mot. [ə] muet se maintient quand le mot où se trouve la voyelle en question, est cité entre guillemets ou en italique dans le texte et à condition que l'on veuille attirer l'attention sur cette voyelle : l'o de « oiseau ». Cependant, si l'attention se porte sur une voyelle ou une consonne intérieure l'usage hésite entre [də] et l'élision : l'e muet de « empereur » ou d'« empereur », le double f de « affamer » ou d'« affamer ». b) Dans certaines tournures ou expressions. [ə] muet se conserve dans nombreuses d'entre elles : de a à z, le cas de o, à côté de h, à défaut de o ouvert, au lieu de, prononciation de, fermeture de, durée de, qualité de, parler de, précédé de, suivi de, etc. Mais il ne se prononce ni ne s'écrit dans les groupes : une infinité d'−; un certain (grand, petit) nombre d'−; une série, suite d'−; assez, autant, beaucoup, moins, peu, plus, tant, trop d'−. c) Devant les titres d'ouvrages. [ə] muet s'élide : la longueur d'Autant en emporte le vent. d) Devant les numéraux. [ə] muet se conserve devant huit et onze lorsqu'ils sont isolés ou suivis d'un mot autre que heure : au nombre de huit, de onze; de même devant les ordinaux huitième, onzième : de huitième, onzième zone. [ə] muet se conserve aussi devant huit, suivi de heure : le train de huit heures, alors que l'usage est flottant devant onze : le train de onze heures ou d'onze heures. Noter que [ə] muet s'élide toujours dans les expr. : belle-d'onze-heures ou dame-d'onze-heures et bouillon d'onze heures. [ə] muet se conserve devant un entendu comme chiffre et dans le lang. arithmétique : compter de un à dix. Mais ailleurs [ə] muet s'élide devant un : plus d'un viendra. Noter qu'il ne se prononce jamais devant le numéral fém. une, que celui-ci soit isolé ou suivi d'un mot : à partir d'une heure, il en faudrait plus d'une (pour ces rem. et ces ex. cf. Fouché Prononc. 1959, pp. 135 à 138). La prép. est admise ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. Temps, origine 842 d'[ist di] « à partir de » [ce jour] (Serments de Strasbourg, 2 ds Henry Chrestomathie t. 1); durée 1170 de treis jurz (Rois, éd. E. R. Curtius, 115, p. 58); moment de l'action 1174-76 de nuit (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2313 ds T.-L. 1207, 47). B. Lieu, origine 1. 842 de suo part (Serments de Strasbourg, 20 ds Henry Chrestomathie t. 1); 1remoitié xes. foers de la civitate (Fragment de Jonas, éd. Foerster et Koschwitz, Altfr. Übungsbuch, 6eéd., 6); 2emoitié xes. nez de medre (St Léger, éd. J. Linskill, 137); ca 1100 Gerart de Rossillon (Roland, éd. J. Bédier, 797); 2. après certains verbes signifiant « écarter, protéger, libérer » 1remoitié xes. liberi de cel peril (Jonas, 24); 2emoitié xes. De lor pechietz... Il los absols (St Léger, 225). C. Introduit un compl. de nom 1. introduit un compl. servant à déterminer 881 In figure de colomb volat a ciel (Séquence de Ste Eulalie, XIII ds Henry Chrestomathie t. 1); 2emoitié xes. De Hostedun evesque en fist (St Léger, 48); ca 1100 la citet de Galne (Roland, 662); 2. génitif objectif ca 1050 le doel de nostre ami (Alexis, éd. Chr. Storey, 154). D. Cause 1remoitié xes. [sis penteiet] de cel mel (Jonas, 25); ca 1050 del duel s'asist la medre (Alexis, 146). E. Rapport, propos 1. 2emoitié xes. de sant Lethgier « au sujet de » (St Léger, 6); 2. de introduisant un compl. de propos ca 1050 d'un son filz voil parler (Alexis, 15); 3. de + subst. tour exclamatif ca 1050 Filz Alexis, de ta dolenta medra! (Alexis, 396). F. Partie 1. introduit le compl. d'un pronom 2emoitié xes. nuls de sos piers (St Léger, 59); ca 1050 A un des porz (Alexis, 196); 2. introduit un compl. exprimant l'appartenance 2emoitié xes. Tuit li omne de ciel païs (St Léger, 211); 3. origine de l'art. partitif 2emoitié xes. Por quant il pot, tant fai de miel (St Léger, 135); ca 1050 De la viande ki del herberc li vint, Tant an retint dunt sun cors an sustint (Alexis, 251); ca 1100 trop ad perdut del sanc (Roland, 2230); ca 1150 La meillor feme qui onc beüst de vin (Le Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 320); 4. de l'art. indéfini, v. des3, de3. G. Agent, moyen 1. agent ca 1050 De noz pechez sumes si ancumbrez (Alexis, 618); 2. moyen ca 1050 D'or e de gemmes fut li sarqueus parez (Alexis, 586); ca 1100 [il] fiert de l'espiet (Roland, 1322). H. Qualité, manière 1. qualité ca 1050 Rices hom fud, de grant nobilitet (Alexis, 14); 2. manière xiies. de tel manere (Lapidaire Marbode, éd. P. Studer et J. Evans, 63); 1160-74 de bonne volenté (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, t. 1, 2498). I. Matière ca 1100 de marbre faiz (Roland, 2268). J. Introduit un inf. 1. précédé − d'un adj. ca 1050 dignes d'entrer (Alexis, 173); − d'un subst. ca 1100 cure de parler (Roland, 1170); − d'un verbe ca 1100 purpensez De colps ferir (Roland, 1178); 2. introduisant un inf. suj. réel ca 1150 de lui retenir (Le Roman de Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 384); 3. introduisant un inf. substantivé (emploi exclamatif ou exhortatif; cf. E 3) ca 1130 Hé! Bertrans, sire, or del contraleier! (Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 1178); d'où prob. 4. l'emploi de l'inf. de narration construit avec de, ca 1213 (Fet des Romains d'apr. G. Moignet, Gramm. de l'a. fr., Paris, Klincksieck, 1973, p. 310); 1225-30 Cil pasent outre et il dou ceminer (Bueve de Hantone, éd. Stimming, I, 3781). K. Introduit un compl. du comparatif ca 1100 plus de vint milie humes (Roland, 13).
De la prép. lat. de (proclitique); contracté en del > deu > du avec l'art. le, en dels > des avec les et réduit à d' devant voyelle. En plus de ses emplois réguliers (séparation, éloignement; origine; rapport, relation, propos; cause) de a servi dans la lang. fam. jusqu'à la fin de l'époque class. à renforcer certaines formes casuelles, notamment l'ablatif : − ablatif de moyen (duos parietes de eadem fidelia dealbare, Cic., Epist., 7, 29, 2), − ablatif compl. d'adj. (de via fessus, Cic., Ac., 1, 1), le tour prépositionnel étant de plus en plus utilisé à basse époque dans ces cas ainsi que pour renforcer l'ablatif compl. du compar. (plus facitis de nobis, Vitae Patrum, 5, 16, 16). Le même procédé est à l'orig. du recul du génitif : jusqu'à la fin de l'époque class., le tour prépositionnel concurrence le génitif partitif (dimidia pars virium ou dimidium de praeda) et le génitif de relation (conscientia culpae ou conscientia de culpa, cf. Vään., p. 121). À l'époque postclassique et à basse époque, la construction prépositionnelle progresse, se substituant notamment − au génitif partitif, annonçant l'emploi de l'art. partitif et de l'art. indéfini en a. fr. : dicitur quidam fixisse morsum et furasse de sancto ligno (Per. Aether. 37, 2 ds E. Löfstedt, Syntactica, I, 118) et dederunt nobis presbyteri loci ipsius eulogias, id est de pomis, quae in ipso monte nascuntur (id., 3, 6, ibid., I, 119); v. aussi E. Löfstedt, Philologischer Kommentar zur ,,P. Aether.``, p. 106; − au génitif de possession : in presentia de domino servi (Liutprant, 104, I ds Vään., pp. 121-122); cf. la construction prépositionnelle servi ipsi tradantur in manus de mundoald (ibid., p. 122) alternant avec la construction sans prép. (in manus ... mundoald) qui annonce la syntaxe de l'a. fr. où cohabitent le tour périphrastique (le doel de nostre ami, Alexis, 154) et le cas-régime en fonction de génitif (pur amur Alexis, Alexis, 152). De même le tour prépositionnel, de bonne heure en concurrence avec le qualificatif pour exprimer la matière, la substance (de materia trabes, Vitruve 3, 3, 5), se substitue de plus en plus à lui pour marquer la provenance (cerasium de Ponto, Tert., Nat., 2, 16), l'espèce (pedica de caballo, Lex. sal., 27, 3), la matière (stramentum de papyro, Vitae Patr., 5, 10, 76 ds Vään., p. 168). − Les emplois de l'a. fr. J 2 (de + inf. suj.), J 3 (de + inf. substantivé), J 4 (de + inf. de narration) seraient d'apr. Moignet, op. cit., pp. 196, 200-201, 310, issus de l'emploi de de introduisant un compl. de propos (E 2). STAT. − Fréq. abs. littér. De 1, 2 et 3: 3 940 365. Du : 512 510. Fréq. rel. littér. De 1, 2 et 3: xixes. : a) 5 678 534, b) 5 481 424; xxes. : a) 5 599 561, b) 5 607 822. Du : xixes. : a) 766 008, b) 721 675; xxes. : a) 701 317, b) 717 556. BBG. − Benveniste (É.). Formes nouv. de la compos. nom. B. Soc. Ling. 1966, t. 61, pp. 91-92. − Björklund (G.). À ou de avec un verbe à l'inf. 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