| DANSE, subst. fém. I.− Mouvement rythmique du corps de l'homme. A.− Au sing. Activité ludique d'une personne seule ou de plusieurs partenaires, consistant à exécuter une suite de pas, de mouvements du corps et d'attitudes rythmiques, le plus souvent au son d'une musique instrumentale ou vocale. L'art de la danse; une salle de danse; musique de danse; aimer la danse. La sculpture n'a pas été cultivée avec un grand succès chez les Allemands (...) parce qu'ils n'ont guère le tact ni la grâce des attitudes et des gestes, que la gymnastique ou la danse peuvent seules rendre faciles (Staël, Allemagne,t. 3, 1810, p. 371).La danse est chargée de réunir la plastique à la musique par le miracle du rythme (Faure, Esprit formes,1927, p. 206).Elle était assise, les pieds en espadrilles tendus comme pour faire des pointes... − J'ai étudié la danse, − dit-elle − avant mon mariage. J'ai obtenu des leçons de danse de ma famille (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 157): 1. ... nos membres peuvent exécuter une suite de figures qui s'enchaînent les unes aux autres, et dont la fréquence produit une sorte d'ivresse qui va de la langueur au délire, d'une sorte d'abandon hypnotique à une sorte de fureur. L'état de danse est créé.
Valéry, Degas, danse, dessin,1936, p. 26. SYNT. Accessoires, chaussons, costume de danse; figure, leçon, maître, musique, orchestre de danse; Terpsichore, muse de la danse; étudier la danse, faire de la danse; la danse de Salomé devant Hérode. − P. ext. [En parlant d'animaux dressés] Danse de l'ours. La fascination que la danse du python exerçait sur les habitants de la forêt (David, Cybern.,1965, p. 55). − En partic. 1. Action de danser. Commencer la danse; donner le signal de la danse; la danse languissait, reprit. La sirène d'un navire de guerre emplit la salle. Aussitôt un coup de cymbales furieux s'y mêla, et la danse recommença (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 197). ♦ Avoir l'air, le cœur à la danse, en danse. Avoir envie de, être disposé à danser; au fig. être captivé par une action en cours, une circonstance donnée, ou encore, avoir l'esprit vif, éveillé, être de bonne humeur. Gassien, garçon expéditif, a toujours le cœur en danse (Arnoux, Suite var.,1925, p. 140). ♦ Mener la danse [La danse désigne une farandole] Lord Seymour donnait le branle; d'aimables fous avec lui menaient la danse (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 6, 1863-69, p. 146).P. anal. Des becs de gaz (...) dont certains clignotaient en projetant, sur la chaussée, des tourbillons d'ombres furtives pareilles à des feuilles mortes menant leur danse nocturne et capricieuse, au gré de leur humeur fantasque (Carco, Nost. Paris,1941, p. 42).Au fig. Mener la danse. Diriger une action collective. Santerre irait tranquillement se coucher seul, attendant son heure, menant la danse, en gaillard prudent qui se ménage (Zola, Fécondité,1899, p. 72). 2. Manière générale de danser : 2. Christine (...) plaçait le talon droit dans la concavité du pied gauche − une, deux, trois. − Puis, demi-courbée, et ensuite redressée en un long glissement de danse, elle se retrouvait le talon gauche dans la concavité du pied droit, − quatre, cinq, six.
Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 110. SYNT. Une danse échevelée, élégante, effrénée, expressive, folle, frénétique, gracieuse, lascive, légère, pure, voluptueuse. B.− P. méton. 1. Au sing. et au plur. [En parlant de la technique de la danse] a) Technique qui règle l'exécution de la danse notamment professionnelle, manière typique de danser dans une circonstance particulière ou propre à une personne ou un groupe de personnes. Ici, vous n'apprendrez que des pas qui ne se dansent plus, le menuet, la gavotte (...). Et se rengorgeant : « Je suis professeur de danses mortes » (A. France, Vie littér.,t. 4, 1892, p. 282).Il n'y a pas de danses nationales, il n'y a qu'une danse populaire unique qui ne s'arrête à aucune frontière (Lifar, Danse,1938, p. 267). b) Ensemble de pas, de mouvements déterminés portant souvent un nom spécifique. Exécuter une danse. Je les vis [les négresses] (...) commencer (...) cette danse lascive que les noirs appellent la chica (Hugo, Bug-Jargal,1826, p. 110).Elle finit par se plaire au singulier jeu de se balancer (...) avec le frémissement continu d'une almée dansant la danse du ventre (Zola, Nana,1880, p. 1270): 3. ... la petite exécuta la danse des œufs : on dispose par terre un certain nombre d'œufs en damier, et il faut passer dans les petites allées que les rangées forment, les yeux bandés, sans que le pied heurte aucun des obstacles.
Gautier, Italia,Voyage en Italie, 1852, p. 11. SYNT. Danse amoureuse, bachique, dionysiaque, funèbre, guerrière, gymnique, initiatique, magique, nuptiale, orgiaque, paysanne, populaire, profane, religieuse, rituelle, royale, sacrée, villageoise; danse espagnole, hongroise; danse du feu, des œufs, des poignards, du sabre, du scalp; danse du ventre; être invité à une danse; réserver, promettre une danse à un cavalier; faire des exercices de danse à la barre. ♦ Danse académique ou classique. ,,Ensemble de mouvements de danse codifiés, classés et utilisés dans l'enseignement chorégraphique`` (Reyna 1967). P. oppos. danse moderne. ,,Danse qui s'est dégagée des principes rigides de la danse académique et qui a servi de base au ballet contemporain`` (Lar. encyclop. Suppl. 1968). ♦ Danse de caractère. On se mit à danser des danses dites de caractère (Balzac, Début vie,1842, p. 465). ♦ Danse folklorique. Danse populaire traditionnelle pratiquée en costume et en groupe. Assister, à la Maison de l'Armée rouge, à une imposante séance de chants et de danses folkloriques (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 64). c) HIST. Danse macabre. Représentation plastique en forme d'allégorie de toutes les conditions humaines entraînées dans une ronde par la Mort et des squelettes sarcastiques, en honneur du xiveau xviiiesiècle, et ornant généralement des églises, des chapelles ou des cimetières. Cf. macabre.Le branle universel de la danse macabre Vous entraîne en des lieux qui ne sont pas connus! (Baudel., Fl. du mal,1857-61, p. 170). − P. compar. Demain c'est la macabre danse Des souvenirs aux fronts pâlis (Moréas, Syrthes,1884, p. 48). d) [P. réf. à certains types de danse ou à la techn. normale de la danse] Les têtes baissées se balançaient de droite à gauche, tirant les épaules comme dans une danse sauvage (Malraux, Espoir,1937, p. 659).Je n'avais même pas envie de l'embrasser : Des baisers doivent trouver place tout naturellement dans une suite de gestes, s'imposer dans l'enchaînement des figures de la danse... Mais nous ne dansions pas la belle danse des séductions mutuelles, nous étions figés l'un en face de l'autre... (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 91). 2. [En parlant d'une œuvre musicale] Pièce musicale composée spécialement pour la danse, ou mouvement d'une œuvre musicale. Airs de danse. Jouer toutes sortes de danses (Ac.1932).Le bucolique concerto en fa (...) se termine par une danse légère, coupée de passages fugués (Ghéon, Prom. Mozart,1932, p. 263): 4. ... la Malinconia (du quatuor noVI de Beethoven) après un dernier soupir sur la dominante de si bémol, se dissipe dans l'inspiration subitement vive et enjouée de l'Allegretto quasi Allegro; c'est une danse rustique, sorte de laendler populaire...
J. de Marliave, Les Quatuors de Beethoven,1925, p. 47. 3. Au sing. [En parlant d'un lieu ou d'un groupe de pers.] a) Endroit où l'on danse. Notre arrivée à la danse. Ces jeunes paysannes bien parées que l'on voit aller tous les dimanches à la danse de leur village (Stendhal, Lamiel,1842, p. 106). b) Ensemble de personnes qui dansent, de danseurs. Toute la danse s'est enfuie, Les yeux noirs avec les yeux bleus (Hugo, Art d'être gd-père,1877, p. 174). − Entrer dans la danse. Il faut que tout entre dans la danse, même les vieilles [dans la Kermesse de Rubens], et la ronde tourne à perdre haleine (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 134). ♦ Au fig. Entrer dans la danse, en danse. Se mettre à participer à quelque chose, à une action déjà en cours. Alors le monstre s'avança, et les petites cornes [de la chevrette] entrèrent en danse (A. Daudet, Lettres moulin,1869, p. 39).Il n'y a pas eu de chef d'orchestre dans cette guerre (...) chacun est entré dans la danse longtemps après l'autre (Proust, Temps retr.,1922, p. 794). − Se retirer de la danse (au fig.). Renoncer à l'amour. Une femme devant replier ses rêves les plus brûlants et se retirer de la danse (Colette, Pays. et portr.,1954, p. 95). − Spéc. Foyer de la danse. Salle commune où se réunit le corps de ballet dans un théâtre. Par quel hasard un homme posé, un homme rangé, un homme de principes, comme maître Alfred L'Ambert, se trouvait-il trois fois par semaine au foyer de la danse? (About, Nez notaire,1862, p. 12). II.− P. anal. A.− [Avec un compl. prép. spécificateur] Série de mouvements élégants, harmonieux ou rythmés, réguliers ou rapides, saccadés, qui rappellent une danse. 1. [En parlant de certains animaux] Elles [les mouches] sont prises d'une gaieté folle, elles bourdonnent, elles sautent (...) mais c'est l'heure de mourir, et, paf! au milieu de la danse, elles tombent raides. C'est fini, adieu le bal! (Sand, Corresp.,t. 5, 1812-76, p. 100).Comment rêver d'amour, couchée sur une paillasse, avec la danse des rats et ces ombres sur le plafond rayé noir et blanc (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 23). − En partic. Danse des libellules, des abeilles; danse nuptiale des oiseaux : 5. Lorsque les butineuses reviennent à la ruche au terme de leurs explorations de provende, elles exécutent des mouvements caractéristiques auxquels on a donné le nom de « danses » en raison de leur stéréotypie motrice spécifique.
G. Thinès dsEncyclop. univ.,t. 12, 1972, p. 228. 2. [En parlant de choses] La danse des atomes, des étincelles, des étoiles, des poussières lumineuses. En cas d'allègement brusque, abandonnant le poids entier de l'archet aux seuls pouce et 1erdoigt − ce que font nombre de violoncellistes, − la danse de la baguette, [de l'archet] dans la paume de la main serait inévitable (Alexanian, Violoncelle,1914, p. 204).Alors commence tout doucement la danse des âmes : la vie sociale (Giono, Poids du ciel,1938, p. 16). SYNT. Une danse d'animalcules imperceptibles; une danse de scintillations, d'atomes; la danse d'un bateau sur l'eau, des flots de la mer; la danse des marteaux sur l'enclume. B.− Gén. péj. 1. Va-et-vient désagréable. a) [Le compl. désigne une chose] Va-et-vient, mouvement incessant. La danse des valeurs. Va-et-vient continu de la richesse et de l'intelligence, danse affolée des millions (Zola, Bonheur dames,1883, p. 707). b) [Le compl. désigne une pers.] Va-et-vient, manigances intéressées. Il y a la danse de l'épicier, du tailleur, du commissaire-priseur, par quoi ils s'efforcent de persuader à leur clientèle qu'ils ne sont rien autre qu'un épicier (Sartre, Être,1943, p. 99). 2. Mouvement régulier mais bruyant. Le tapage de leurs semelles [aux deux soldats] frappant simultanément le pavé sonnait la danse précipitée du marteau de forge sur l'enclume (Courteline, Train 8 h 47,1888, II, 8, p. 189). − Locutions ♦ Mettre en danse. Mettre en mouvement rythmé et souvent brutal. Je n'ai pas besoin du charron pour le mettre en danse [le moulin] (Sand, F. le Champi,1850, p. 173).J'avais des éblouissements qui mettaient toutes choses en danse autour de moi (Fabre, J. Savignac,1863, p. 98). ♦ Entrer en danse. Se mettre bruyamment en mouvement, entrer en action. On entendait le gros marteau-pilon entrer en danse (Zola, Travail,t. 1, 1901, p. 217): 6. Un isolé qui s'avancerait sur cette chaussée (...) les moulins à café de là-bas auraient vite fait de lui régler son compte! (...) un seul mouvement parmi les pierres (...) tous leurs sales outils entrent en danse : les mitrailleuses crachent, les fusants miaulent, les grosses marmites dégringolent...
Genevoix, Au seuil des guitounes,1918, p. 204. 3. [Avec une idée d'irrégularité ou de violence] a) MÉD. [En parlant d'un mouvement rythmique du corps, des membres] ♦ Danse des jambes. ,,Mouvements rythmiques des jambes observés quelquefois chez un sujet atteint d'insuffisance aortique alors qu'on lui demande de croiser les jambes; ils correspondent aux pulsations exagérées des grosses artères`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Le clonus du pied, la danse de la rotule (...) furent observés (Camus, Gournay dsNouv. Traité Méd.,fasc. 2, 1928, p. 804).P. ext. Danse des artères. Battements exagérés. ♦ Danse de Saint-Guy ou danse de Saint-Vitus. Maladie nerveuse se manifestant par des convulsions spasmodiques, des mouvements désordonnés auxquels le malade ne peut s'opposer. Synon. chorée (de Sydenham) (Méd. Biol. t. 1 1970).Il se contorsionne, il grimace, une sorte de danse de Saint-Guy disloque tous ses mouvements, il s'exhibe dans des poses grotesques (Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 24). − P. métaph. Elles [les Alpes] sont pour moi l'image d'un grand désordre, un cataclysme figé, ce qui reste d'une convulsion arrêtée en pleine danse (Green, Journal,1955-58, p. 299). b) Fam. Action collective comparée à la danse. Il n'y a pas de musique sauf ce chuintement léger des graines lancées. C'est sourd et léger, mais il y a tant de mains qui lancent que peu à peu au fond de l'air il y a quand même la musique souple pour cette danse de lourdeur et de travail [la semaison] (Giono, Joie,1935, p. 286). − En partic. Engagement militaire, bataille (supra I B 3 b). Cependant, les deux armées s'étaient arrêtées en face l'une de l'autre (...) − Frère, dit-il [Sidoine] (...) la danse ne commencera jamais, si je ne la mets en branle (Zola, Contes Ninon,1864, p. 214).Anglais et Bourguignons recommençaient la danse (A. France, J. d'Arc,t. 2, 1908, p. 93).Le bruit se répandait de plus en plus que la Coloniale allait venir nous relever à la Grenouillère, qu'elle allait attaquer et que nous, nous ne serions pas de la danse (Cendrars, Main coupée,1946, p. 295). c) Arg. et pop. Coups. Donner, allonger, coller, filer, flanquer une danse à qqn. Lui administrer une correction. Évitez des dancings la coûteuse impudence. Si j'étais votre époux, Madame, ah, quelle danse! (Toulet, Vers inéd.,1920, p. 260): 7. Il [Ricard] a encore une faiblesse (...) il pisse au lit. C'est en vain qu'il prie Dieu (...) il retombe désespéré sous le coup de torchon de sa mère, qui a une drôle d'expression pour annoncer que la danse commence. Elle dit (...) en levant le fouet : « Ah! nous allons faire pleurer le lapin! ».
J. Vallès, Jacques Vingtras,L'Enfant, 1879, p. 177. − P. ext. Mauvais traitement, punition. Le drôle [l'adjudant Flick] choisissait ses types (...). Et tout de suite la danse commençait, la manne céleste des nuits de boîte et des basses corvées (Courteline, Train 8 h 47,1888, I, 2, p. 26). Rem. On rencontre ds la docum. l'expr. danse de l'anse du panier (cf. faire danser l'anse du panier sous anse B 1). Cette femme était coupable de ce que la jurisprudence appelle vol domestique et la métaphore banale, danse de l'anse du panier (Hugo, Actes et par., 1, 1875, p. 802). Prononc. et Orth. : [dɑ
̃:s]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. dense. Étymol. et Hist. 1172-75 (Chr. de Troyes, Charrette, 1658 ds T.-L.); ca 1223 fig. (G. de Coincy, éd. F. Kœnig, 1 Mir. 10, 1810 : ... tant seit de la vielle dance). Déverbal de danser*. Fréq. abs. littér. : 2 425. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 705, b) 3 675; xxes. : a) 3 003, b) 4 228. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 100, 288, 374, 375, 458. − Lindfors. − Nordin (E. G.). Danse − dansette − dansiée. Z. fr. Spr. Lit. 1939, t. 63, pp. 65-70. − Sain. Lang. par. 1920, p. 400. − Spitzer (L.). La Danse macabre. Mél. Dauzat (A.). Paris, 1951, pp. 307-321. |