| DÉSIGNER, verbe trans. A.− 1. Faire connaître quelqu'un ou quelque chose de manière précise en nommant, en expliquant, etc. Et tu ne peux ici rien pour moi, pas même faire venir un confesseur, celui que je te désignerais? (Dumas père, Tour Nesle,1842, III, 1ertabl., 2, p. 55).Le plus pratique est que nous votions. Désignons chacun sur un bout de papier les trois projets qui ont nos préférences (Romains, Copains,1913, p. 160): 1. Le comte de Praxi-Blassans n'aurait qu'à mettre une signature au bas de la minute. Cela sauverait le couple de bien des tracas. Ils les désignèrent par le menu.
Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 318. − Désigner qqn, qqc. + attribut du compl.Le Seigneur lui désigna pour confesseur le saint qu'elle avait spécialement préféré dans son enfance (Montalambert, Ste Élisabeth,1836, p. 163).Tantôt elle désignait Fontenay pour la villegiature de son rêve et tantôt quelque autre endroit (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 300): 2. ... sur une page souillée de sang on vit quelques lettres tracées par une main défaillante, bien lisibles pourtant. Il y avait écrit : Agosti..., et le juge ne douta pas que le colonel n'eût voulu désigner Agostini comme son assassin.
Mérimée, Colomba,1840, p. 49. − [Le suj. est ce qui fait connaître, ce qui indique] Être la marque, l'indice (d'un fait). Ces prénoms Tihern, Gosch, etc., sembleraient désigner une origine germanique (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 615).Cette barbe majestueuse ne pouvait désigner que le notaire (Montherl., Célibataires,1934, p. 794). − P. ell. Désigner un entretien. Indiquer, fixer le moment de cet entretien. Un entretien qu'elle désigna pour la matinée du jour suivant (Staël, Corinne,t. 3, 1807, p. 140). 2. En partic. a) [Le suj. est un trait caractéristique] Signaler, faire remarquer en attirant l'attention. Désigner qqn, qqc. à l'attention, à la curiosité. La place des Fêtes, que les lampions désignaient de loin à la curiosité (Carco, Équipe,1919, p. 242).Rien ne les désignait particulièrement que les nuances de l'uniformité et les détails de l'uniforme (Arnoux, Roi,1956, p. 68): 3. Ses gros souliers ferrés, ses bas chinés, son pantalon de velours à côtes, son gilet de drap rouge, son habit bleu à boutons de métal, lui donnaient l'aspect d'un contre-maître endimanché et le désignaient à l'attention.
Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 47. − Désigner + compl. secondaire indiquant le but ou la conséquence.Il [le Nabab] était trop riche, cela (...) le désignait à des vengeances anonymes (A. Daudet, Nabab,1877, p. 172).Il avait beau s'appliquer à copier les gestes de ses camarades, son air ahuri le désignait à leurs sarcasmes (Green, Moïra,1950, p. 200): 4. C'est une impatience assez respectable qui pousse les gens à déprécier, à interdire, à désigner aux railleries ce qu'ils ne comprennent pas.
Valéry, Variété II,1929, p. 171. ♦ Emploi pronom. réfl. Ils ne veulent pas se désigner personnellement à l'hostilité d'un syndicat aussi formidable (Romains, Hommes b. vol.,1932, p. 147): 5. J'ai, de surcroît, accepté d'être au nombre des jeunes gens (...) qui, durant les cérémonies, joueront en quelque sorte le rôle de garçons d'honneur et porteront un brassard pour se désigner à l'attention des multitudes.
Duhamel, Chronique des Pasquier,Les Maîtres, 1937, p. 219. b) Destiner à, qualifier pour (un emploi, une charge) en vertu d'un élément, d'un fait particulier. Ulysse Xanthis se croit désigné par ses mérites, son ascendance grecque, ses publications, (...) Ulysse, dis-je, se croit désigné pour l'Académie (Arnoux, Rêv. policier amat.,1945, p. 221).Les états de service du colonel de Chevigné le désignent particulièrement pour cette mission (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 496): 6. ... la femme sert, plus souvent que l'homme, d'objet passif aux rites les plus cruels du deuil; parce qu'elle a une moindre valeur sociale, elle est plus directement désignée pour l'office de bouc émissaire.
Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie relig.,1912, p. 573. c) Faire connaître d'avance la personne qu'on choisit pour occuper un emploi, une fonction. Cf. nommer.Le médecin de la Lorraine n'était pas encore désigné (Maupass., Pierre et Jean,1888, p. 429).Il avait reçu du Directoire l'autorisation de quitter l'armée d'Égypte et d'y désigner lui-même son successeur (A. France, Clio,1900, p. 157). − Désigner + attribut du compl. (introd. par pour ou comme) ou du suj. si le verbe est à la forme passive.Je t'ai désigné pour le chef de l'expédition (Dumas père, Chev. Maison-Rouge,1847, III, 6, p. 104).Mon testament est déjà fait et déposé chez un notaire. Ceci est un codicille. Je vous désigne comme mon héritier (Queneau, Pierrot,1942, p. 218). − Désigner + inf.Les nouveaux étaient toujours désignés d'office, pour faire le second balayeur, le jour de leur arrivée (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 151). B.− 1. LING. Représenter par un signe oral, graphique, un objet, une chose de la réalité. Désigner du (par, sous) le nom, le terme de. Cf. appeler, dénommer.La première écriture (...) désignait les choses par une peinture plus ou moins exacte, soit de la chose même, soit d'un objet analogue (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 41).Les photographies animées que des savants viennent de désigner du nom bizarre de cinématographe (Morand, New York,1930, p. 120): 7. − Hé! porc-épic! hé! là-bas, hérisson! hé! l'ortie! aie la complaisance de rentrer tes piquants et viens ici! S'entendant appliquer tous les sobriquets amicaux par lesquels on le désignait jadis (...), l'Ours-du-Nord (...) leva la tête.
Cladel, Ompdrailles,1879, p. 39. ♦ Emploi pronom. réfl. « L'homme du commun » ainsi que Desjardins se désignait sans relâche (Du Bos, Journal,1922, p. 166). ♦ Emploi pronom. passif. Descartes (...) qu'il eût fallu nommer le Hardi, si les philosophes comme les rois se désignaient par un pseudonyme (Mounier, Traité caract.,1946, p. 625). − [Le suj. est le signe ling. qui renvoie à la réalité] Être le signe (de quelque chose), avoir pour référent. Cf. dénoter.Ce nom de père n'a rien de tendre, il ne désigne à cette époque que l'autorité absolue (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 96).Dans le langage ecclésiastique, une dizaine désigne dix grains [de chapelet] (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 110): 8. Ils [les nerfs] aiment les nombres, les nombres abstraits qui ne désignent rien, qui ne provoquent aucune représentation et qui ne sont qu'une enfilade vide...
Arnoux, Visite à Mathusalem,1961, p. 161. 2. P. ext. Indiquer avec précision par un signe autre que linguistique (par un geste, un signal... qui est précisé ou non par un compl.). Désigner qqc., qqn du doigt, de la main. D'un mouvement de tête elle lui désignait un coin de table où il s'installait avec sa nourriture (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 98).Je le revois m'accueillant à ma première visite et me désignant un fauteuil près de son bureau (Billy, Introïbo,1939, p. 63): 9. Kerbelay-Houssein, fidèle à sa sollicitude pour les jeunes Européens, vint lui-même leur désigner un endroit choisi, où il fit élever leur tente.
Gobineau, Nouvelles asiatiques,La Vie de voyage, 1876, p. 313. ♦ Emploi pronom. réciproque. Un carré de soie imprimé où dix mains inquiétantes, dessinées par Jean Cocteau, se désignaient mutuellement avec mollesse (Vercors, Silence mer,1942, p. 64). Rem. 1. On rencontre ds la docum. l'adj. désignateur. Qui désigne (cf. A). « Quelles curieuses petites choses à destination mal définies! » Pour dire cela, M. de Charlus avait placé verticalement sur sa bouche ses mains gantées de blanc, et arrondi prudemment son regard désignateur comme s'il craignait d'être entendu et même vu des maîtres de maison (Proust, Prisonn., 1922, p. 268). 2. La plupart des dict. du xixes. enregistrent le subst. masc. désignateur. Nom de certains fonctionnaires de la Rome antique. a) Employé qui assignait les places au théâtre. b) Ordonnateur des pompes funèbres. 3. On rencontre ds la docum. a) L'adj. désignable. Qu'on peut désigner, nommer, définir. Le charme n'est jamais un caractère intrinsèque dont l'agent serait porteur (comme par exemple d'avoir le nez pointu ou le visage ovale), mais c'est une expérience que fait le patient et dont il rapporte la cause à un autre; de même on ne peut jamais prouver l'existence d'une propriété désignable qui serait le « je-ne-sais-quoi » et qui m'appartiendrait en propre à cette minute même (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 88). b) L'adj. désignatif, ive. Qui désigne (cf. B). Le numéro désignatif du corps [d'armée] (Proust, Guermantes 1, 1920, p. 110). En tant que concept désignatif le signe renvoie à la chose (et c'est la relation que nous apercevons au niveau du système sémantique); en revanche, en tant que « marque » linguistique, il ne saurait renvoyer qu'au système auquel il appartient (Traité sociol., 1968, p. 271). Prononc. et Orth. : [deziɳe], (je) désigne [deziɳ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1377 « déterminer par quelque trait distinctif » (Oresme, Livre du ciel et du monde, éd. Menut et Denomy, p. 192 : Chose ... designee par nombre); av. 1696 en partic. (La Bruy., XI ds Littré : Des traits de satire qui le désignent aux autres); 2. 1539 « être le symbole de, signifier » (Rabelais, Gargantua, chap. 9, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 38); 3. 1690 « choisir, nommer quelqu'un à une fonction, un poste » (Fur.). Empr. au lat. class. designare « marquer d'un signe, signaler à l'attention » et « choisir, nommer pour une fonction, une charge ». Fréq. abs. littér. : 4 041. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 573, b) 4 365; xxes. : a) 6 077, b) 7 286. Bbg. Quem. 2es. t. 4 1972. − Rey-Debove (J.). Les Rel. entre le signe et la chose ds le discours métalinguistique : être, s'appeler, désigner, signifier et se dire. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1969, t. 7, no1, pp. 113-129. |