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DÉSHABILLER, verbe trans.
A.− Sens concr.
1. [Le compl. désigne une pers.]
a) Retirer à quelqu'un tout ou partie de ses vêtements. Synon. dévêtir, dénuder.Il avait couru le monde (...) déshabillé et rhabillé (...) des femmes vêtues suivant toutes les modes de la terre (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Rendez-vous, 1889, p. 1114):
1. Ensuite, elle revint et se mit en demeure de déshabiller Paul. Il grognait mais s'abandonnait. Lorsque son aide devenait indispensable, Elisabeth disait : « Lève ta tête, ou lève ta jambe » et « si tu fais le mort, je ne peux pas tirer cette manche. » Cocteau, Les Enfants terribles,1929, p. 37.
Absolument :
2. La poupée est un des plus impérieux besoins et en même temps un des plus charmants instincts de l'enfance féminine. Soigner, vêtir, parer, habiller, déshabiller, rhabiller, enseigner, un peu gronder, bercer, dorloter, endormir, se figurer que quelque chose est quelqu'un, tout l'avenir de la femme est là. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 488.
Spéc. Retirer à quelqu'un son manteau ou un vêtement habituellement porté au dehors. Quelques-uns devisaient tout seuls pendant que je les déshabillais (Frapié, Maternelle,1904, p. 17).
Loc. proverbiales
Déshabiller du regard. Poser sur quelqu'un (généralement une femme) un regard insistant comme si on voulait la dépouiller de ses vêtements :
3. « Voyez-vous cette fille qui vient à nous?... Voyez-vous comme elle est construite. » Il la déshabille de l'œil avec des mots, la décortique, la présente comme une crevette... Barrès, Mes Cahiers,t. 2, 1898-1902, p. 73.
Déshabiller Saint Pierre pour habiller Saint Paul. S'acquitter d'une dette en en contractant une autre. Grange en était, comme on dit, à déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul (Pourrat, Gaspard,1930, p. 143).
P. plaisant. [Le suj. désigne un vêtement] Que tu me plais dans cette robe Qui te déshabille si bien (Gautier, Émaux,1852, p. 53).
b) Emploi pronom. Retirer tout ou partie de ses vêtements. Synon. se dévêtir :
4. Elle se déshabillait brutalement, arrachant le lacet mince de son corset, qui sifflait autour de ses hanches comme une couleuvre qui glisse. Elle allait sur la pointe de ses pieds nus regarder encore une fois si la porte était fermée, puis elle faisait d'un seul geste tomber ensemble tous ses vêtements... Flaubert, MmeBovary,t. 2, 1857, p. 133.
2. P. anal.
a) BOUCH. [Le compl. désigne un animal] Dépouiller un animal de sa peau. Déshabiller un lièvre. Synon. écorcher.Je l'ai déshabillé [le taureau] tout à l'heure. Je l'ai écorché (Giono, Batailles ds mont.,1937, p. 234).
b) [Le compl. désigne une chose] Retirer le revêtement, la housse d'un objet, d'un meuble. Il déshabille le violoncelle de sa housse (Arnoux, Solde,1958, p. 212).Déshabiller une pièce, un mur. La (le) dépouiller de tout meuble ou de toute décoration.
Emploi poét. Il pleurait un ciel déshabillé de ses oiseaux (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 834).
Emploi pronom. Des bateaux s'en vont, d'autres rentrent et se déshabillent de leurs voiles (Renard, Écorn.,1892, p. 170).
B.− Au fig.
1. [Le compl. désigne une pers. ou l'un de ses attributs]
a) Écarter les aspects superflus d'un individu pour découvrir sa véritable nature. Synon. mettre à nu, démasquer.Les femmes ne déguisent leur personne que pour déshabiller plus hardiment leur âme (Hugo, L. Borgia,1833, p. 64):
5. L'homme [Louis Bonaparte] une fois déshabillé du succès, le piédestal ôté, la poussière tombée, le clinquant et l'oripeau et le grand sabre détachés, le pauvre petit squelette mis à nu et grelottant, peut-on s'imaginer rien de plus chétif et de plus piteux? Hugo, Napoléon le Petit,1852, p. 212.
Emploi pronom. Dévoiler sa propre nature. S'il existe des textes où Gide se déshabille, sans doute son histoire (...) prendra-t-elle un véritable sens humain (Cocteau, Poés. crit.1, 1959, p. 219).
b) Péj. Jeter un discrédit sur quelqu'un en énonçant contre lui toutes sortes d'arguments défavorables :
6. Je le disais à MmePaloque : « Avant de déshabiller les autres, on ferait bien de laver son propre linge sale. » Tant mieux, si elle a pris cela pour elle! Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 964.
2. [Le compl. désigne une chose] Débarrasser quelque chose de ses éléments superflus. Un objet quelconque apparaîtra comme une chose dès qu'on aura pris soin de le déshabiller des significations trop humaines dont on l'a paré d'abord (Sartre, Sit. I,1947, p. 256).
Rem. On rencontre ds la docum. la var. région. pop. (Touraine, Normandie) débiller, verbe trans. Alors il me dit : Débille té. Que j'me débille? Oui, qu'il m'dit (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Vente, 1884, p. 142).
Prononc. et Orth. : [dezabije], (je me) déshabille [dezabij]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. xves. soi desabiller (Ren. de Montaub., Ars. 5072, fo161 rods Gdf. Compl.); 2emoitié xves. desabilliée (Sept Sages, éd. G. Paris, p. 145); 1608 un deshabillé (Joubert, La Bibliothèque et le mobilier d'un lieutenant, p. 39). Dér. de habiller*; préf. dé(s)-*. Fréq. abs. littér. : 702. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 352, b) 1 357; xxes. : a) 1 660, b) 956. Bbg. Quem. 2es. t. 2 1971.