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DÉPRAVÉ, ÉE, part. passé, adj. et subst.
I.− Part. passé de dépraver*.
II.− Emploi adj. Qui, par rapport à la norme attendue, représente un écart dangereux et quasi irrémédiable, dans le sens du mal.
A.−
1. Vx, domaine méd.Dont le rendement, le fonctionnement est amoindri par la maladie. [Dans les toiles du Greco] règnent une énergie dépravée, une puissance maladive, qui trahissent le grand peintre et le fou de génie (Gautier, Tra los montes,1843, p. 172).
P. anal. [En parlant de la nature] Sur les grappes de fleurs pâles et étiolées, qu'une erreur de la saison donne aux arbres dépravés de la ville (Coppée, Franc-parler,1896, p. 322).
2. [En parlant d'une pers.]
a) En partic., dans le domaine de la moralité sexuelle. Qui a perdu le penchant naturel au bien et est porté, quasi instinctivement, au mal. Le monde des femmes dépravées. Anton. moral, vertueux.Supposons que la vieille prête sa maison à des femmes capables d'appeler les gens qui passent dans la rue. On a vu des vieilles assez dépravées pour faire ce métier-là (Mérimée, Dern. nouv.,1870, p. 23):
1. Les beautés qui peuplent la montagne Sainte-Geneviève, et se partagent les amours des écoles, lui inspiraient une sorte de répugnance qui allait jusqu'à l'aversion. Il les regardait comme une espèce à part, dangereuse, ingrate et dépravée, née pour laisser partout le mal et le malheur en échange de quelques plaisirs. Musset, Mimi Pinson,1845, p. 216.
Spéc. Qui a été détourné des dispositions morales considérées comme normales. J'ai vécu jusqu'à vingt-trois ans complètement vierge et dépravé (Gide, Journal,1893, p. 33).
P. méton. ou hypallage. Qui dénote une personne dépravée. Une idée assez dépravée, une idée de vieillard voulant séduire une petite fille avec des gravures ou des gravelures (Balzac, Ptes mis.,1846, p. 95).Des hommes d'une force herculéenne, à la lèvre dépravée, à l'œil injecté de sang (Paillet, Voleurs et volés,1855, p. 8).
PARAD. Dépravé et immoral, cynique, mauvais, cruel, égoïste, grossier; sans religion, sans cœur, sans noblesse.
b) Autres domaines. Qui a perdu tout sens moral, est porté au mal. Les dilettantes dépravés, les fétides amoralistes, ont accompli leur tâche de termites : il fallait démolir la masure branlante, avant de réédifier (Rolland, J. Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1472).
α) Domaine de la moralité privée.Bien loin d'être une personne dépravée, elle était tellement faite pour le mariage, elle était tellement née conjugale que (...) elle n'a jamais eu une liaison qu'elle n'ait prise aussi au sérieux que si c'était une union légitime (Proust, Guermantes,1921, p. 507).Ces questions d'argent le contraignaient, bien malgré lui, à correspondre encore avec une jeune homme dépravé et perfide (Maurois, Ariel,1923, p. 179).
β) Domaine de la moralité publique.Corrompu. Milieu, siècle dépravé; société dépravée. Une race de sophistes plus dépravés que ceux de la Grèce (Lamennais, Religion,1826, p. 256).Trop longtemps un gouvernement dépravé a donné l'exemple d'une corruption byzantine (Sardou, Rabagas,1872, II, 5, p. 66).
Rem. On rencontre, ds la docum., deux attest. de dépravé suivi d'un compl. prép. précisant le domaine de la dépravation. Aveuglé en son esprit et dépravé en son cœur, il [l'homme] a perdu toute intégrité sans en avoir aucun reste (Philos., Relig., 1957, p. 4003). Des Esseintes est assez dépravé dans ses sens et assez mystique pour me séduire (Valéry, Lettres à qq-uns, 1945, p. 11).
B.− [En parlant d'une manifestation ou d'une attitude de l'homme, de la sensibilité ou de l'esprit humains]
1. Domaine moral, plus partic. domaine de la moralité sexuelle.Qui est gravement détourné de ce qui est considéré comme sa fin naturelle et morale.
a) [En parlant d'une faculté, d'une tendance de l'esprit humain] Goût(s) dépravé(s); conduite, tendance dépravée. Synon. déviant, pervers.Les vices de Contenson, ses habitudes dépravées qui l'avaient fait tomber plus bas que ses deux amis (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 144).Ses penchants dépravés (Carco, Vérotchka,1923, p. 229):
2. ... l'homme, faisant servir sa raison, j'entends sa raison dépravée, à sa concupiscence, a inventé, pour se satisfaire, des crimes que la seule concupiscence ne lui aurait jamais inspirés. Mauriac, Journal 1,1934, p. 88.
SYNT. Appétits, esprit, imagination, instinct, sens dépravé(s); mœurs, sensibilité, volonté dépravée(s).
b) [En parlant d'une manifestation de la sensibilité, d'une production de l'esprit humain] Livres dépravés ou suspects, poison des âmes, dont la fin du dernier siècle et le matérialisme ordurier de l'Empire avaient inondé alors les bibliothèques (Lamart., Confid.,1849, p. 113).Des visions dépravées jusqu'au sadisme (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 5).
2. P. anal., domaine de la sensualité non sexuelle.Qui est contre nature, anormal. Elles ont (...) un goût dépravé; on en voit qui mangent avec avidité du plâtre, des charbons et autres choses aussi absurdes et extraordinaires (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 219).
3. Autres domaines
a) Domaine relig.Le christianisme est un système complet d'opposition aux tendances dépravées de l'homme (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 148).Ce mysticisme dépravé et artistement pervers vers lequel il s'acheminait, à certaines heures, ne pouvait même être discuté avec un prêtre qui ne l'eût pas compris ou l'eût aussitôt banni avec horreur (Huysmans, À rebours,1884, p. 287).L'homme irrémédiablement mauvais, coléreux, égoïste, cynique, dépravé et cruel, qu'il [le saint] se désespérait d'être (Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. XCI).
b) Domaine soc. et pol.Triste production de l'ordre social dépravé (Staël, Consid. Révol.,t. 2, 1817, p. 434).Législation assez dépravée (Nodier, J. Sbogar,1818, p. 189).
c) Domaine intellectuel, esthétique.Une curiosité dépravée; un jugement dépravé. Synon. perverti, malsain.Cela extravague de goût et d'ornementation dépravée, les couleurs jouant la « laque » jusqu'à l'illusion (Barb. D'Aurev., 4eMemor.,1858, p. 102).Un goût dépravé des idées pures et des utopies fumeuses est un signe assez fréquent d'impuissance (Mounier, Traité caract.,1946, p. 605):
3. Plus de raffinements chez les gens riches... plus de délicatesse... ni d'estime pour les choses du fin travail, pour les ouvrages tout à la main... plus que des engouements dépravés pour les saloperies mécaniques, les broderies qui s'effilochent, ... Céline, Mort à crédit,1936, p. 333.
III.− Emploi subst. Personne dépravée.
A.− Cf. supra A 2 a.Ce n'était point un débauché ni un dépravé (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Tombales, 1881, p. 1206).Bande de dépravés! Bande de cochons! (Céline, Voyage,1932, p. 609).Rangez-vous les homosexuels parmi les dépravés de l'un des deux genres [le sadique et le masochiste]? (Gide, Journal,1915, p. 521).
B.− Cf. supra A 2 b.J'étais un poseur, un dépravé, un individu compromettant (Léautaud, Pt ami,1903, p. 74).Je vois dans cette maison deux espèces de bonshommes : les vertueux et les dépravés. Je demande que l'on me nomme président de la commission des dépravés (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 220):
4. ... s'il [l'épicier] s'avisait de lire les livres qu'il vend en feuilles dépareillées, s'il allait entendre les symphonies de Berlioz au Conservatoire... s'il feuilletait Cousin, s'il comprenait Ballanche, ce serait un dépravé... Balzac, Œuvres diverses,t. 2, 1850, p. 18.
Fréq. abs. littér. : 216. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 543, b) 238; xxes. : a) 240, b) 182.