| DÉLIER, verbe trans. A.− Dégager de ses liens. 1. [L'obj. désigne une pers. ou une partie du corps hum., un animal ou une chose] Délier un bœuf, une gerbe, un fagot. Les valets délièrent la meute (Hugo, Rhin,1842, p. 209).Tous disparurent (...), me laissant libre de délier (...) mon compagnon (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 138). ♦ Emploi pronom. réfl. dir. J'entendis (...) une chute molle de corps liés sur la terre (...). Mais ils [les garçons] se délièrent aussitôt avec une hâte sage (Colette, Sido,1929, p. 159). ♦ Constr. pronom. réfl. indir. fig. Se délier les jambes. Se détendre par un exercice physique. Il danse comme pour se délier les membres (Valéry, Variété III,1936, p. 103). ♦ Au fig. Délier la langue de qqn. Le faire parler. Comme tous les gens dont le vin délie la langue, il avait le verbe haut (Theuriet, Mariage Gérard,1875, p. 144).Emploi pronom. à sens passif. Le capitaine dont la langue se déliait en parlant à une fille des rues (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 285). 2. [L'obj. désigne le lien lui-même] Dénouer. On m'enleva du brancard; on délia les cordes (About, Roi mont.,1857, p. 232).Catherine délia le cordon [de la boîte] et ouvrit (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 19). − Loc. fig. ♦ Sans bourse* délier (par brachylogie); délier les cordons* de sa bourse. ♦ Je ne suis pas digne de délier les cordons* de ses souliers. B.− Au fig. Libérer quelqu'un d'un lien moral ou affectif, en particulier des liens du mariage sacramentel. Ne sommes-nous pas plus que frère et sœur? Ne déliez jamais ce que le ciel a réuni (Balzac, Lys,1836, p. 91). ♦ Emploi pronom. à sens passif. C'est effrayant comme les familles se délient! À ces rendez-vous de la mort (...), on voit un tas de gens qu'on ne connaît pas, qui se trouvent vos cousins (Goncourt, Journal,1863, p. 1322). − P. ext. Libérer quelqu'un d'un engagement, d'une obligation. La reine de Courtelande vous délie du serment prêté (Audiberti, Mal court,1947, III, p. 197). ♦ Emploi pronom. réfl. Naturellement, par nonchalance, il en vint à se délier de toutes les résolutions qu'il s'était faites (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 9). − Spéc., RELIG., absol. : 1. Il [Jésus] confie à l'Église le droit de lier et de délier (c'est-à-dire de rendre certaines choses licites ou illicites) ...
Renan, Hist. des orig. du Christianisme,Vie de Jésus, 1863, p. 308. ♦ En partic., THÉOL. CATH. [Le suj. désigne un membre du clergé ayant pouvoir de confesser] Libérer quelqu'un de ses péchés; absoudre : 2. ... mon fils, voulez-vous que je [le prêtre] sois seul avec vous, afin que je vous délie de vos péchés, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit?
Du Camp, Mémoires d'un suicidé,1853, p. 228. Rem. On rencontre ds la docum. le part. passé empl. comme adj. délié, ée. Qui est dégagé d'un lien. Fagot délié (Hugo, Alpes et Pyr., 1885, p. 121). Fig. et fam. a) Avoir la langue déliée. Avoir la langue bien pendue, la parole facile. Il [Jeuselou] savait cinquante-trois bourrées à chanter et avait la langue si déliée qu'on ne pouvait le suivre (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 199). b) Sans bourse* déliée. Prononc. et Orth. : [delje], (je) délie [deli]. Fér. Crit. t. 1 1787 souligne : ,,Au futur et au conditionnel : je délierai(s), l'e est tellement muet, qu'on ne le fait pas sentir : on prononce [deliʀ
ε] en trois syllabes``. Admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoitié xiies. « délivrer, détacher » (Psautier Oxford, CXLV, 6, éd. Fr. Michel, p. 226); b) 1160-85 « desserrer le cordon de, ouvrir » borse (...) deslier (v. bourse1étymol.); c) xiiies. deslier ma langue (Dit des Planètes ds Jubinal, Nouveau Recueil de Contes, Dits, Fabliaux, I, 378); 2. 1174-76 « absoudre, pardonner (les péchés) » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 5283); 3. 1erquart xiiies. de le loi de Dieu desloiié (Reclus de Molliens, Miserere, 237, 4 ds T.-L.); 1470 plus spéc. « libérer (d'un serment, d'une promesse) » absous et delié de ses foy et promesses (Document ds Bartzsch, p. 18). Dér. de formation anc. (cf. les correspondants romans du mot : REW3, no2672) issu d'un b. lat. disligare (de ligare, v. lier) attesté ds le glossaire de Reichenau (éd. Klein-Labhardt, I, p. 145, 3142 : solvit ... disligavit). Fréq. abs. littér. : 409 (déliant : 26). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 593, b) 571; xxes. : a) 530, b) 608. |