| * Dans l'article "DÉFRAYER,, verbe trans." DÉFRAYER, verbe trans. A.− Décharger de ses frais. 1. Défrayer qqn de qqc.Payer, rembourser à quelqu'un les frais correspondant à quelque chose. C'est ce portier, d'origine hongroise, qui m'avait défrayé de tout et payé chaque fois ma note d'hôtel en fin de semaine (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 46): 1. ... exposer à Grasset le cas en toute simplicité, savoir s'il pourrait m'obtenir un permis de chemin de fer Paris-Milan avec arrêt Genève-Lausanne, à l'aller ou au retour (ou tout au moins me défrayer du trajet Genève-Milan, aller et retour, car celui de Paris-Genève au retour, la Revue de Genève le remboursera); ...
Du Bos, Journal,1925, p. 270. 2. Défrayer qqn.Lui payer, lui rembourser ses frais. Défrayer les électeurs (Courier, Pamphlets pol.,1824, p. 196).Chacun d'eux fut nourri, logé et défrayé entièrement pendant trois jours (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 548).Le roi les défraya [les ambassadeurs] et les reçut avec une grande magnificence (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 2, 1821-24, p. 140).J'ai une compagnie de cinquante lances, monseigneur, que je défraie et que j'habille (Hugo, L. Borgia,1833, II, p. 108).Les visiteurs dont le pourboire seul défraye la domesticité (Barrès, Cahiers,1908-09, p. 101). 3. Défrayer qqc.Payer les frais correspondant à une dépense. Ses appointements [du duc] défrayaient son hiver, et les vingt-sept mille francs défrayaient l'été dans la Normandie (Balzac, Modeste Mignon,1844, p. 179).Les revenus ecclésiastiques devraient tous être employés à défrayer la toilette de jolies femmes et à pensionner des gens d'esprit (Renan, Drames philos.,Eau jouvence, 1881, III, 1, p. 475).Défrayer les services publics gratuits (Zola, Argent,1891, p. 422). − Par pléonasme. Défrayer des dépenses, des frais. Trois mille francs, y compris ses profusions pour sa fille, défrayaient toutes ses dépenses (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 133).Il [Coleridge] voyagea d'abord en Allemagne, généreusement défrayé de la dépense par le poète Wordsworth (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 173). − P. métaph. Le travail forcé que Lisbeth exigeait de lui ne défrayait pas les besoins de son cœur (Balzac, Cous. Bette,1847, p. 68). − Emplois pronom. ♦ À sens passif. Être défrayé. La vie, qui jadis se défrayait à mille écus, n'est pas aujourd'hui si abondante à dix-huit mille francs (Balzac,
Œuvres div.,t. 3, 1850, p. 609). ♦ Réfl. Payer ses frais, se dédommager de ses frais. La veuve du bienfaisant Tuparle aurait pu s'épargner cette avanie en se défrayant elle-même, quelques jours auparavant, d'un globule d'équité rudimentaire (Bloy, Journal,1900, p. 40). Rem. La distinction entre les emplois A et B est parfois impossible (ambiguïté sém.). Combien de fois, dans des temps déjà bien anciens, n'ai-je pas vu le Journal des Débats, quand il était à sec, se défrayer aux dépens de la Gazette de France (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 1, 1863-69, p. 270). B.− Au fig. Donner à quelqu'un, à quelque chose la matière qui correspond à son activité, à son contenu. 1. [Le suj. est un nom de pers. ou de chose; le compl. est un nom de sens temporel, un nom à contenu psychol.] Quasi-synon. occuper, remplir.Il [Alexandre Hardy] défraya, par ses huit cents pièces, la curiosité publique (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 243).Les idées dont chacune a défrayé la vie entière d'hommes très-forts (Sand, Hist. vie,t. 1, 1855, p. 48): 2. ... toute cette collection de crimes, riche à défrayer deux mille ans de tragédies, a tenu dans ce petit espace.
About, La Grèce contemporaine,1854, p. 28. − En partic. Défrayer une soirée; défrayer les loisirs (cf. Sandeau, Sacs, 1851, p. 10), les récréations (cf. Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 246) de quelqu'un; les imaginations (cf. Villiers De L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 65). 2. Rare. [Le compl. est un nom de pers.] Fournir à (quelqu'un) matière à activité, réflexion... Il y aura encore assez longtemps des obscurités en médecine pour défrayer les médecins anti-scientifiques (Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 113). 3. Spéc. Donner à (un groupe de personnes) matière à conversation, à discussion; alimenter (les propos de quelqu'un, d'un groupe). a) Défrayer la compagnie. Égayer, faire rire (la compagnie), même à ses dépens; lui donner matière à rire. b) Défrayer la conversation ♦ Rare. Avoir la part la plus active à la conversation. ♦ Être le principal sujet de conversation. Le viol de la petite Claire défraie toujours les conversations (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 174). c) Défrayer la chronique (usuel). Faire abondamment parler de soi, constituer le sujet essentiel de (conversation) (v. chronique1B 2). [La] première grande attaque contre l'unité formelle du moi des idéologues a défrayé la chronique mondaine des salons de la fin du XIXesiècle (Mounier, Traité caract.,1946, p. 578). Prononc. et Orth. : [defʀ
εje] ou [defʀeje] par harmonisation vocalique. [ε] ouvert ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Land. 1834, Nod. 1844, Littré, DG, Passy 1914, Pt Lar. 1968; [e] fermé ds Dub., Pt Rob. et Lar. Lang. fr. [ε] ouvert pour le lang. soutenu, [e] fermé pour le lang. cour. ds Warn. 1968. (Je) défraie ou défraye [defʀ
ε], [defʀ
εj]. Cf. balayer. Dupré 1972 souligne qu'au fut. et au cond. ,,les graphies défraîrai, défraîrais ne sont pas admises par l'usage``. Étymol. et Hist. 1. 1373 soy deffroyer « prendre en charge ses propres frais » (Mandement de Charles V, 16 sept., éd. L. Delisle, p. 506); 2. 1663 au fig. « distraire, amuser » (Molière, Critique de l'École des femmes, sc. 2 : défrayer la compagnie de bons mots); 3. 1734 id. « alimenter quelque chose, en fournir la matière » (Marivaux, Cabinet du philosophe ds
Œuvres Complètes, t. IX, 1830, p. 469 ds IGLF : défrayer la conversation). Dér. de frayer « dépenser » (attesté du mil. xiiies. ds T.-L. à 1636, Monet; dér. de frais* subst.); préf. dé-*. Fréq. abs. littér. : 80. DÉR. Défraiement, défraîment, défrayement, subst. masc.Action de défrayer, de payer les frais; résultat de cette action. J'exige mon défraîment et d'être conduit, en voiture, à la gare (Arnoux, Chiffre,1926, p. 49).P. méton. Somme d'argent servant à défrayer. Ravet (...) qui était des nôtres grâce à un petit « défraiement » que je lui avais versé d'avance (Vialar, Carambouille,1949, p. 30).− 1resattest. 1365-66 deffrayement (Compte de la D. d'Anjou, Arch. KK 241, fo10 rods Gdf.) − 1677 défraiement (Miège); repris dep. 1863 défrayement (Littré); de défrayer, suff. -ment1*. BBG. − Rog. 1965, p. 236. |