| DÉFAILLIR, verbe intrans. A.− Faire défaut. 1. [Le suj. désigne les manifestations physiques d'un phénomène naturel gén. cyclique] Perdre de son intensité jusqu'à disparaître complètement. La courte lumière du jour défaillait (Schwob, Monelle,1894, p. 54).Les soirs fuyants et fins aux ciels inconsistants Où défaille et s'en va la lumière vaincue,... (Samain, Chariot,1900, p. 89): 1. Des vapeurs erraient dans les vallées, le jour défaillait et le ciel, à l'ouest, était couleur de fleur de pêcher; les horizons baissaient presque à toucher la terre. La lumière manque à cette latitude, et avec la lumière, la vie; tout est éteint, hyémal, blêmissant; ...
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 211. 2. [Le suj. désigne une pers.] Défaillir à qqn.Faire défaut à quelqu'un (cf. défaut I B); ne pas répondre à l'attente de quelqu'un; être absent. Vous êtes mort et le soleil s'est éclipsé. (...) Ami, si vous nous défaillez, que nous reste-t-il encor? (Claudel, Corona,1915, p. 398). B.− [Le suj. désigne une pers.; p. méton., une partie du corps, un trait de caractère, une qualité intellectuelle ou morale, une œuvre humaine] 1. [À propos de la nature physique d'une pers., le suj. désignant un organe, une activité physiologique, etc.] Remplir avec moins d'efficacité ou ne plus remplir du tout ses fonctions, généralement sous l'effet d'une forte émotion. Ses forces défaillent. Avec sa petite voix frêle, pas encore mûre, qui tremblait, qu'on entendait à peine depuis la galerie, et elle défaillait par moment (Ramuz, A. Pache,1911, p. 45).Il leva le bras, mit le canon du browning dans sa bouche. Sa main défaillait. Ses dents mordaient l'acier de l'arme, pour la tenir (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 205). − Spéc., MÉD. a) Absolument ♦ [Le suj. désigne une pers.] Perdre connaissance, par suite du ralentissement du rythme cardiaque et de la diminution de la respiration, sous l'effet d'un choc physique ou émotionnel. Défaillir et mourir; faire, se sentir défaillir. Quasi-synon. tomber en défaillance(v. ce mot II A).S'évanouir. Voilà trois semaines que j'ai souvent des douleurs à défaillir (Flaub., Corresp.,1853, p. 369).Lorsqu'elle défaillait, à bout de force, épuisée par un travail auquel des hommes auraient succombé (Zola, Bonh. dames,1883, p. 504): 2. ... à force d'avoir perdu du sang, je m'étais évanouie... Comment ai-je eu le courage de me tenir debout, de me traîner, de faire mon service? ... (...) Madame me surprit, à un moment où je pensais défaillir. Tout tournait autour de moi, la rampe, les marches et les murs.
Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 76. b) P. ext. et affaiblissement. Éprouver une forte émotion au point de se sentir ou de sembler prêt à perdre connaissance. MmeCaravan la jeune, devenue pâle, défaillait d'angoisse (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, En fam., 1881, p. 363).Fontranges (...) défaillait d'admiration et de bonheur (Giraudoux, Bella,1926, p. 114). ♦ [Le suj. désigne le cœur] Ralentir son rythme (au point de provoquer la perte de connaissance). Mon cœur défaille, je vais mourir (Flaub., Tentation,1856, p. 628): 3. ... elle la vit pâlir, comme si elle aussi eût manqué de souffle. Brusquement, la lampe s'éteignit. Alors, tout roula au fond des ténèbres, une meule tournait dans sa tête, son cœur défaillait, s'arrêtait de battre, engourdi à son tour par la fatigue immense qui endormait ses membres. Elle s'était renversée, elle agonisait dans l'air d'asphyxie, au ras du sol.
Zola, Germinal,1885, p. 1400. 2. [À propos de la vie morale, affective et intellectuelle d'une pers.] a) [Le suj. désigne une notion morale, un sentiment, une faculté intellectuelle] S'affaiblir, perdre de son acuité jusqu'à disparaître. Sentir défaillir son courage. Ce talent eut peine à se faire jour, et défaillit fréquemment (Sainte-Beuve, Poésies,1829, p. 233).L'art ne se développe pas ou languit ou tombe dès que manque ou oscille ou défaille la foi (Faure, Esprit formes,1927, p. 234).L'imagination défaille à être à l'excès surtendue (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1235). b) [Le suj. désigne une pers.] − Perdre ses forces morales (en tout ou en partie); présenter une attitude d'apathie, de défaitisme et de renoncement. Si je défaille, ce sera de même par manque de vigueur et non faute de dons naturels. (...) Les barbares s'imposeront peu à peu à nos âmes à cause des basses nécessités de la vie (Barrès, Homme libre,1889, p. 117): 4. Mais tout était balayé! Le chef du gouvernement voyait autour de lui s'effondrer le régime, s'enfuir le peuple, se retirer les alliés, défaillir les chefs les plus illustres.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 65. − P. méton. de l'obj. supposé Commettre une erreur, une faute sous l'effet d'un relâchement ou d'un abandon des forces morales. Errez, défaillez, péchez, mais soyez des justes (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 21). 5. Il n'est point roi, celui qui défaille en justice,
Afin qu'il plaise au fort et que l'humble pâtisse
Sous l'insolente main chaude du sang versé!
Leconte de Lisle, Poèmes barbares.La Ximena, 1878, p. 293. 3. [Le suj. désigne des productions de l'activité humaine : une machine, un instrument, une institution, un système social, une œuvre littéraire ou artistique, etc.] Perdre son efficacité, son intensité d'expression. Les institutions du conquérant défaillent (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 670).Le moment où [dans l'Allegro du quatuor op. 131 de Beethoven], sous de larges termes harmoniques des voix supérieures, l'élan rythmique défaille (Marliave, Quat. Beethoven,1925, p. 325).MmeArgentina accomplit (...) tandis que ses castagnettes éclatent ou défaillent, la promenade alanguie et mélancolique de cette Danza V de Granados (Levinson, Visages danse,1933, p. 160). Prononc. et Orth. : [defaji:ʀ]. Ds Ac. 1694, s.v. deffaillir; ds Ac. 1718-1932 sous la forme mod. (cf. dé-1). Conjug. assaillir. Étymol. et Hist. 1. Ca 1080 defalt ind. prés. 3epers. « prendre fin » (Roland, éd. J. Bédier, 1735); 2. 1remoitié xiies. « s'affaiblir, décliner (surtout en parlant des forces physiques et morales) » (Psautier Cambridge, 76, 3 ds T.-L. : defailleit mes esperiz [deficiebat spiritus meus)]; 3. 1268 defaillir de « manquer (à une obligation) » (E. Boileau, Métiers, 13 ds T.-L.). Dér. de faillir*; préf. dé-*. Fréq. abs. littér. : 668. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 587, b) 920; xxes. : a) 1 632, b) 863. Bbg. Boulan 1934, p. 30. |