| DÉCIMER, verbe trans. [Le compl. d'obj. est un plur. ou un coll.] A.− HIST. MILIT., vx. Mettre à mort un soldat ou une personne sur dix, tiré au sort, comme punition. Décimer une compagnie, une légion. Strabon (...) fit décimer ses soldats coupables d'avoir massacré des décurions milanais (Mérimée, Essai guerre soc.,1841, p. 136): 1. L'armée qu'il [Appius] commandait se fit battre et se laissa ensuite docilement décimer, contente à ce prix d'avoir déshonoré son chef.
Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 120. − P. anal. ou p. métaph. Retirer, faire disparaître un certain nombre d'éléments d'un ensemble. Ces honnêtes et loyaux compagnons qui décimèrent leur faible pécule afin de me soulager dans ma détresse (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 159). ♦ Rare [Avec compl. prép. de] Priver de quelque chose. Synon. dépouiller.La condamnation de MM. de Malesherbes, de Bailly, de Condorcet, de Lavoisier, décimait la France de sa gloire (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 1, 1817, p. 438). B.− P. ext., usuel. 1. [Le compl. d'obj. désigne des êtres animés] Faire périr en grand nombre. Synon. exterminer, anéantir. a) [Le suj. désigne un être animé] Je vous propose donc de décimer les membres contre-révolutionnaires de la municipalité (Marat, Pamphlets,Ami du Peuple aux Fr. patr., 1792, p. 299).Ces tribus que les puissances esclavagistes décimaient et déportaient (Mauriac, Cah. noir,1943, p. 371). − Emploi pronom. réciproque. Les partis se déciment tour à tour, comme ils s'étaient accordés pour exterminer les cités rivales (Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 47). b) [Le suj. désigne un inanimé] Les hécatombes décimaient la race (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 233).Les Francs, que cette grêle de flèches décimait (Grousset, Croisades,1939, p. 27): 2. La Bible et Hérodote sont d'accord pour signaler l'apparition fulgurante d'une peste qui décima, en une nuit, les 180 000 hommes de l'armée assyrienne, sauvant ainsi l'empire égyptien.
Artaud, Le Théâtre et son double,1938, p. 22. − [Avec suj. métaph.] Achetant aussi pour leur propre compte, dans la rage de jeu dont l'épidémie décimait le personnel de la rue de Londres (Zola, Argent,1891, p. 323). 2. P. anal. ou p. métaph. [Le compl. d'obj. désigne un inanimé] Détruire dans une large mesure. La seule et unique couche de sa fille (...) avait décimé les dents, fait tomber les cils, terni les yeux, gauchi la taille, flétri le teint (Balzac, Paysans,1844, p. 248).Tous les mauvais miasmes qui déciment l'organisme du soldat (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 535).On lui [au poète] décima son vocabulaire (Valéry, Variété IV,1938, p. 47). Prononc. et Orth. : [desime], (je) décime [desim]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1559 « mettre à mort une personne sur dix » (Amyot, Ant. 56 ds Gdf. Compl.); 2. 1830 « faire périr un certain nombre de personnes » (Lamart., Harm., III, 4 ds Littré). Empr. au lat. class. decimare « punir (de mort) un homme sur dix ». Fréq. abs. littér. : 197. |