| DÉCERNER, verbe trans. A.− Ordonner par un acte juridique. 1. Vieilli. Solon décerne la mort contre le mauvais fils (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 100). 2. DR. [Le suj. désigne certaines juridictions, certains magistrats, etc.] Signer un ordre destiné à être exécuté sur la personne ou sur les biens d'un individu déterminé et le remettre aux agents chargés de son exécution (d'apr. Cap. 1936) : 1. Le procureur du Roi de Paris décerna quarante-quatre mandats d'amener contre les signataires de la protestation des journalistes.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 592. 3. [Le suj. désigne une autorité gouvernementale] :
2. ... la commission de censure, lors de sa précédente séance, n'avait pu décerner le visa de sortie, le « quorum » n'ayant pas été atteint.
Le Figaro,19-20 janv. 1952, p. 6, col. 5. B.− Décerner à qqn 1. [Le compl. d'obj. désigne une distinction honorifique] Attribuer (solennellement) à quelqu'un (parmi d'autres). Les anciens Égyptiens décernèrent un culte à Osiris (Crèvecœur, Voyage,t. 1, 1801, p. 13): 3. ... on devrait bien songer à décerner une médaille ou à donner un bureau de tabac au premier Français qui, chaque année, réglerait ses contributions sans tricher...
Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 112. − LITT. et B.-A. Prix Oscar Thibault, décerné tous les cinq ans (...) au meilleur ouvrage « capable d'aider la lutte contre la prostitution (...) » (Martin du G., Thib.,Mort père, 1929, p. 1328). − Expr. fig. et fam. Décerner la palme à qqn. Déclarer quelqu'un supérieur aux autres (dans un même domaine) : 4. Votre écriture était comparée aux styles d'Anatole France et d'Abel Hermant pour leur néo-classicisme. Et la palme vous était décernée, André Gide, à cause des « idées » originales que vous semez...
Blanche, Mes modèles,1928, p. 205. 2. Par antiphrase. Décerner des épithètes (injurieux) à qqn. Ils se voient décerner les épithètes de serviles, poltrons, ramollis, pourris, vendus (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 270).Décerner une correction : 5. Ces deux derniers mots, et une trentaine de coups de bâton que lui fit décerner, par un de ses domestiques, M. Barnabooth, mûrirent singulièrement l'esprit de ce jeune homme.
Larbaud, A. O. Barnabooth,1913, p. 23. C.− P. ext. Donner à chacun, distribuer. 7 mai. − Correction des dernières épreuves de « Belluaires et porchers ». Je décerne les dédicaces. Chaque chapitre sera donné à un ami (Bloy, Journal,1905, p. 256).Leur serrant successivement la main, tout en leur décernant à chacune un mot aimable (Feydeau, Dame Maxim's,1914, II, 2, p. 32): 6. Un abbé fondait, avec les quelques sous qu'il réussissait à se procurer, une fabrique; il décernait l'emploi qui convenait à chacun de ses moines...
Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 311. Rem. La plupart des dict. gén. enregistrent le subst. masc. décernement. Action de décerner. Dix ans plus tard dans ce court séjour que vous [Psichari] fîtes à Paris je sais (...) combien vous aimez et admirez son œuvre [de Barrès]; et pendant ce court séjour que vous fîtes vous avez éprouvé par un acte, par le décernement d'un acte, combien il aimait votre livre (Péguy, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 835). Prononc. et Orth. : [desε
ʀne], (je) décerne [desε
ʀn̥]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1247 « déclarer, faire savoir » (Huon Le Roi, Regrés Nostre-Dame, 60, 2 ds T.-L.); 2. 1548 « attribuer par décret » (N. du Fail, Baliverneries, t. 1, p. 191 ds IGLF). Du lat. class. decernere « décider, décréter ». Fréq. abs. littér. : 291. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 507, b) 284; xxes. : a) 508, b) 343. |