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DÉCEVOIR, verbe.
A.− Vieilli. Tromper, séduire par une apparence qui promet plus qu'elle ne donne. Synon. abuser, duper, leurrer.Il est contre les habitants de Paris. Il veut nous décevoir et nous trahir comme frère Richard, qui en ce moment chevauche avec nos ennemis (A. France, Contes Tournebroche,1908, p. 80).
Rare. Décevoir à.Je me suis laissé un peu trop décevoir peut-être à sa pure grâce de causeur et d'écrivain (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 257).
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. fém. décevance. Action de tromper. Synon. vieilli de déception* A. D'âpres décevances (Huysmans, Ste Lydwine, 1901, p. 97).
B.− Causer à quelqu'un une déconvenue, un désappointement en ne répondant pas à son attente, à ses espoirs, ou à ses illusions. Décevoir l'attente, le désir de quelqu'un; décevoir un rêve. Cette évidence c'est l'absurde. C'est ce divorce entre l'esprit qui désire et le monde qui déçoit (Camus, Sisyphe,1942, p. 71):
1. Enfin, tout de même, y a un chapitre où il m'a jamais truqué, jamais déçu, jamais bluffé, jamais trahi (...) pourvu que je l'écoutasse, il était constamment heureux, ravi, comblé, satisfait... Céline, Mort à crédit,1936, p. 424.
2. « Moi, Joseph Pasquier, je n'ai confiance en personne. Et, comme ça, je ne suis jamais déçu... » Duhamel, Chronique des Pasquier,La Nuit de la Saint-Jean, 1935, p. 135.
Emploi pronom. Ah! Ah! Monsieur Ouine, il y a des jours où, quoi qu'il arrive, on est sûr de ne pas se décevoir soi-même, il y a des jours visités par les dieux! (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1373).
Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. décevable. Sujet à n'être pas suivi d'effet. Une prognose dissymétrique et toujours décevable (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 217). ,,Peu usité`` ds Ac. 1835, 1878.
Prononc. et Orth. : [des̬vwa:ʀ], [desəvwa:ʀ], (je) déçois [deswa]. L'élision s'accompagne d'une tendance à l'ouverture de la voyelle de 1resyll. Tel est sans doute le sens de la rem. de Littré (rejetée avec indignation ds Dupré 1972 : ,,surprenante remarque de Littré!``) : ,,Dans décevoir et les autres mots de cette famille, la prononciation met plutôt un accent grave qu'un aigu``. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1121-35 « tromper » (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg., 181); 2. ca 1360-1400 part. passé « qui éprouve une déconvenue » (Froissart, Chroniques, éd. S. Luce, I, 30, p. 57). Du lat. vulg. dēcipēre, class. dēcipĕre (v. Vään. § 314) « attraper; tromper; causer une déconvenue (Pline) »; le traitement du -c- comme à l'initiale, par suite de la persistance du sentiment de la composition, en relation avec recipere, concipere. Fréq. abs. littér. : 235. Fréq. abs. littér. : xixes. : a) 44, b) néant; xxes. : a) 282, b) 791. Bbg. Guiraud (P.). Le Ch. morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, p. 101. − Lew. 1960, p. 59, 126, 128 (s.v. décevance).