| CUVER, verbe. A.− Domaine des activités physiques 1. Emploi intrans. [En parlant des raisins, du moût] Après écrasage, séjourner en cuve afin d'y fermenter. Faire cuver les raisins, la vendange. − P. méton. (en parlant du vin), emploi part. passé avec valeur adj. Tiré du moût qui a fini de cuver. Laisser couler à flots les vins cuvés (Péguy, Quatrains,1914, p. 532). 2. Emploi trans., au fig. et fam. [Le suj. désigne une pers.] Dissiper son ivresse en se reposant au lit, en dormant. Cuver son vin rouge, son whisky (cf. Camus, Requiem, 1956, p. 867); cuver sa cuite, son ivresse; laisser cuver sa saoulerie à qqn : ... tout d'un coup, il ronfla. Alors, Gervaise eut un soupir de soulagement, heureuse de le savoir enfin en repos, cuvant sa soulographie sur deux bons matelas.
Zola, L'Assommoir,1877, p. 514. B.− P. métaph. et/ou au fig. Cuver qqc. 1. [P. réf. au sens A 1] a) Garder en soi pour en profiter, pour en jouir. Cuver son or, sa richesse. À demi extasié dans l'épanouissement d'une jubilation infinie, il cuvait le paysage (Goncourt, M. Salomon,1867, p. 238).Ah! rester là, ivre et dévêtu sous la lune, à cuver la chaleur du jour (Gide, Journal,1910, p. 318). b) Garder en soi ses sentiments pour les laisser fermenter et mûrir et permettre leur plein effet. Cuver sa vengeance. Dame (...), qui cuvait sa rancune et sa haine en silence (L. Daudet, Mésentente,1911, p. 87). 2. [P. réf. au sens A 2] Garder en soi un ressentiment, etc., de manière à le laisser s'apaiser, à le faire disparaître. Cuver sa colère, son chagrin, sa nostalgie, sa peine. Il faut les laisser à cuver leur fanatisme (Lamart., Corresp.,1831, p. 185).À la mort de Michel, la famille ne lui laissa pas le temps de cuver sa douleur (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 47). Prononc. et Orth. : [kyve], (je) cuve [ky:v]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1433 trans. cuver [le vin] « faire séjourner dans la cuve pendant la fermentation » (Test. de maistre G. de Kennes, A.N. Z, 2epièce, 3264 ds Gdf. Compl.); 1599 intrans. [en parlant du vin] (O. de Serres, III, 10, ibid.); 2. 1611 cuver son vin « dissiper son ivresse » (Cotgr.). Dér. de cuve*; dés. er. Fréq. abs. littér. : 88. |