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CRU2, CRUE, adj., subst. et adv.
I.− Adjectif
A.− Qui n'a pas subi de cuisson.
1. [En parlant d'aliments] Anton. cuit.Oignons crus. Un peu de viande crue hachée (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 898); légumes (...) crus ou bien cuits (Céline, Mort à crédit,1936, p. 344):
1. Nous emportions chacun une tartine de pain noir bien beurré et un grand couteau pour prendre des berniques. Un régal de son enfance qu'il voulait renouveler avec moi, des coquillages tout crus avec du pain et du beurre. Loti, Mon frère Yves,1883, p. 109.
2. P. anal.
a) Eau crue. Eau chargée de sels, généralement calcaire, qui n'est pas adoucie ni tempérée par quelque mélange et est impropre à dissoudre le savon, à cuire les aliments et lourde à digérer. Eaux crues et dures (Cabanis, Rapp. phys. mor. de l'homme,t. 2, 1808, p. 448).Peut-être était-ce la vingtième fois qu'il se chargeait de l'eau crue et lourde (Alain-Fournier, Corresp.[avec J. Rivière], 1909, p. 121).
b) Région. (Nord et Est de la France, Canada). [En parlant de l'air, de l'atmosphère] Qui est humide et froid. Le souffle glacial et cru de la nuit (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 348).
3. Au fig.
(Vouloir) avaler/manger qqn tout cru. Le traiter durement en paroles. [Le vicaire-général :] − (...) Si l'on nous savait nous mêlant d'élections, nous serions mangés tout crus par les puritains de la Gauche qui font pis (Balzac, A. Savarus,1842, p. 116).
Avaler qqc. tout cru. Croire telle quelle une opinion, une nouvelle; l'admettre sans la discuter et sans esprit critique. Cela serait avalé tout cru, et considéré comme parole d'évangile (Larbaud, Journal,1932, p. 271).
B.− [En parlant d'un produit] Qui est à l'état brut; qui n'est pas travaillé; qui n'a pas subi de préparation (pour l'usage qu'on veut en faire), ni de transformation.
1. Domaines techn.
a) CHIM. Métal cru. Tel qu'il est extrait de la mine; non débarrassé des corps étrangers. Amidon cru; antimoine cru (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog.,t. 1, 1821, p. 95).
b) TANN. Cuir cru ou cuir vert. Tel qu'il a été retiré de l'animal sans avoir subi de préparation (cf. Proudhon, Propriété, 1840, p. 270). Pieds nus dans les petits mocassins de daim cru (Colette, Ingénue libert.,1909, p. 294).
c) TEXT. Chanvre cru. Qui n'a pas encore été trempé dans l'eau. Soie crue ou écrue. Qui n'a pas subi de lavage ni de teinture.
En emploi subst. Teindre sur le cru. Mettre la soie à la teinture avant qu'elle ne soit entièrement décreusée. Synon. teindre à demi-bain.
d) TECHNOL. Qui est simplement séché et n'est pas passé à l'action du feu ou du four. Briques crues. [Les] acides (...) ont une action très différente (...) sur l'argile crue et sur l'argile qui a été calcinée (A. Brongniart, Arts céram.,1844, p. 58).Un pot à tabac en argile crue (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 183).
CÉRAM. Faïences à décor sur émail cru (G. Fontaine, Céram. fr.,1965, p. 142).Faïence au grand feu. − Le décor fut d'abord disposé sur l'émail cru, qui, lorsqu'il est sec, se présente sous une forme pulvérulente (G. Fontaine, Céram. fr.,1965p. 5).
2. P. anal., MÉD., vx. Qui n'a pas subi la transformation habituelle nécessaire. Excréments crus, humeurs crues, urines crues. Qui n'ont pas suffisamment de coction.
C.− Au fig.
1. Qui n'est pas atténué; qui n'a pas de nuances. Parfums rouges et crus (Queffélec, Recteur,1944, p. 102):
2. Une cataracte sonore déferlait dans l'abbatiale. Chants rugueux et jeunets d'une rusticité pleine d'enfance, leurs sons crus semblaient la matière première, solide et de bonne qualité, dans laquelle, plus tard, on ferait des voix. Une musique d'enfants de troupe courait partout, mordait partout, prenait son élan et sautait aux clefs de voûte en quatre coups de talon. Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 66.
2. Spécialement
a) Domaines de la vue et de la peint.Dont les contours sont brutalement découpés; dont la couleur est dure, criarde ou discordante. Lumière, clarté crue; vert cru. Tons rouges crus (Du Camp, Nil,1854, p. 94).La lune (...) si claire encore qu'elle projette des ombres crues, par-dessus lesquelles on a envie de sauter (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 127):
3. À Paris, c'est un mauvais éclairage, uniforme et cru, qui empêche de lire. On voit tout sur le même plan. Chardonne, Éva ou le Journal interrompu,1930, p. 78.
4. ...nous restâmes un moment debout devant la ville embrumée. Nous voyions le dôme du Panthéon, la masse indistincte des pierres grises. Pour être désengourdi par ce paysage, il lui eût fallu que celui-ci prît les tons violents et crus qu'il [le peintre] jetait jadis sur ses toiles; ici, rien que des demi-teintes; un Paris voilé de demi-joies, de demi-tristesses; ... Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 140.
b) Domaine du lang.Qui est dit, exprimé sans altération et sans détours; qui exprime les choses telles qu'elles sont, sans fard, ni affectation; qui est franc, naturel. Mots, termes crus. Le poëte s'y affirme comme un réaliste audacieux, qui ne mâche pas les mots crus, et qui appelle les choses laides par leur nom (Zola, Doc. littér.,Les Poëtes contemporains, 1881, p. 147):
5. ...lui qui a affadi avec emphase un style primesautier, cru, direct, ce style qu'ils employaient tous à la grande époque les voyageurs, les marins, les hommes d'armes, les découvreurs, tous aventuriers pas très forts sur la grammaire, chancelant sur l'orthographe d'une langue encore instable, mais qui écrivaient comme ils parlaient, les bougres, parce qu'ils étaient des grands vivants, ne faisaient de rhétorique, mais avaient quelque chose à dire et le monde entier à raconter; ... Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 15.
P. ext. [En parlant de choses ou de sujets peu décents ou libres] Avec des mots qui choquent la bienséance. Les détails crus de l'adultère (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 361):
6. Le ton d'Antoine, son rire, son attitude d'homme fait, certains détails trop crus qui contrastaient avec son habituelle réserve d'aîné, provoquaient chez Jacques un malaise tout nouveau. Martin du Gard, Les Thibault,La Belle saison, 1923, p. 915.
En emploi subst. − Oh!!! (...) vous êtes d'un cru!... vous parlez de ça avec une désinvolture? (Gyp, Ohé! La Grande vie!!!1891, p. 221).
3. Domaine abstr.[En parlant du caractère de la pensée] Qui est à l'état brut, naturel, sans mélanges; qui n'a pas été raffiné, ni altéré; qui n'est pas déguisé. Nous devons à cette maladresse d'apprendre de lui, à l'état cru, quantité de choses que de plus habiles auraient dissimulées ou arrangées à notre usage (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 15, 1851-62, p. 241).Cette lettre (...) c'est l'éloquence du cœur, toute pure et toute crue, et qui n'y va pas par quatre chemins (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 1, 1863-69, p. 334):
7. Il ignore jusqu'aux moindres usages : si nous sommes à une porte, et qu'il soit pressé, il passe le premier; à table, s'il a faim, il prend ce qu'il désire, sans attendre qu'on lui en offre. Il interroge librement sur tout ce qu'il veut savoir, et ses questions seroient même souvent indiscrètes, s'il n'étoit pas clair qu'il ne les fait que parce qu'il ignore qu'on ne doit pas tout dire. Pour moi, j'aime ce caractère neuf qui se montre sans voile et sans détour, cette franchise crue qui le fait manquer de politesse, et jamais de complaisance. ... Cottin, Claire d'Albe,1799, p. 95.
II.− Emploi subst.
A.− Le cru. Ce qui est cru, p. oppos. à cuit :
8. ...des catégories empiriques, telles que celles de cru et de cuit, de frais et de pourri, de mouillé et de brûlé, etc., peuvent... servir d'outils conceptuels pour dégager des notions abstraites et les enchaîner en propositions. Lévi-Strauss, Le cru et le cuit,1964, p. 9.
Rem. Attesté ds Lar. 19e-20eet Quillet 1965.
B.− TECHNOL. Produit simplement séché et non cuit. Le vernis [de poteries communes suisses] est (...) du minium (...) mis par saupoudration sur le cru bien sec (A. Brongniart, Arts céram.,1844, p. 15).L'émail de ses peintures sur cru bouillonnait (Flaub., Éduc. sentim., t. 1, 1869, p. 187).
III.− Adv. et loc. adv.
A.− Adv. De manière crue; sans ménagements. Parler cru. Synon. crûment.
Fam. Tout cru. Tel quel; sans détours, ni arrangement. Voilà plus de six mois que j'aspire au moment De vous dire à tous deux tout cru mon sentiment (Augier, Ciguë,1844, p. 10).Soulevé d'une haine subite, il eut un sourire grinçant et jeta, tout cru : − « Rassurez-vous, Madame : je n'aimais pas mon père » (Martin du G., Thib.,Mort père, 1929, p. 1314).
B.− Loc. adv. À cru. En contact direct avec...; directement sur... Portant à cru le baudrier d'un sabre sur sa poitrine sans chemise (Flaub., Éduc. sentim., t. 2, 1869, p. 127).Assis à cru sur l'herbe (Gide, Thésée,1946, p. 1415).
Spéc. Monter à cru. Monter à cheval sans selle. Ils [les barbares] (...) montoient à cru des étalons sauvages (Chateaubr., Martyrs,t. 1, 1810, p. 281).À onze ans, l'enfant [Gaston] en vint à monter à cru, sans même une sangle à panneau, pour être plus près de son poney (La Varende, Centaure de Dieu,1938, p. 68):
9. ...derrière un pli de sable, (...) la file solennelle des cavaliers de Gauguin chevauchant à cru, à longs gestes nobles, ces chevaux frères de la mer, pommelés et brusques comme elle, ... Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 35.
Rem. On rencontre ds la docum. le néol. crudiste, subst. Adepte d'une doctrine diététique ne tolérant dans l'alimentation que les végétaux crus. Certains végétariens sont même partisans d'une alimentation à base de végétaux crus (doctrine crudiste) (Lalainne, Alim. hum., 1942, p. 107).
Prononc. et Orth. : [kʀy]. Ds Ac. 1694-1740 s.v. crud, au fém. crue. La forme avec d étymol. est donnée encore ds Fér. 1768, et ds Fér. Crit. t. 1 1787 à côté de cru. Ds Ac. 1762-1932 sous la forme mod. Noter cependant que Ac. 1798 réserve à crud une vedette de renvoi à cru. Homon. et homogr. crue; formes de croire et de croître. Étymol. et Hist. A. 1. 1165-70 poires crues (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 4240); 2. 1268 « qui n'a pas subi de préparation (du cuir, de la soie) » cuirien cru (E. Boileau, Livre des métiers, 280 ds T.-L.); 3. 1765 (eau) crue « dure » (J.-J. Rousseau, Confessions, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, VI, 227). B. 1. xives. « (du temps) froid, humide » temps crus et plouvieus (Froissart, Chroniques, éd. S. Luce, V, 202); 2. loc. adv. xives. armé a cru (G. de Roussillon, éd. E.-B. Ham, 5094), à nouv. en 1660 monter à cru (Oudin, Tresor des deux lang. espagnolle et françoise, Paris); 1835 archit. porter à cru (Ac.); 3. a) 1460 fig. a si crue response (G. Chastellain, Chroniques, III, 59, 13 ds Heilemann Chastellain); b) 1819 « libre, peu décent » sens trop cru (Maine de Biran, Journal, p. 260); 4. 1754 fig. (d'une sensation visuelle) (Encyclop. t. 4). Du lat. class. crudus « saignant; cru, non travaillé (du cuir) ». Fréq. abs. littér. : 798. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 946, b) 1 293; xxes. : a) 1 187, b) 1 169. Bbg. Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Oslo, 1972, p. 209, 223.